Je me suis trompé ! | Fernand Legrand |
À propos de l’auteur
Évangéliste itinérant (décédé le 17 décembre 2010 à l’âge de 83 ans), prédicateur apprécié dans toute la francophonie, Fernand Legrand est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages bibliques où il aborde avec bonheur des sujets controversés tels que le parler en langues et le divorce. Il a enregistré au format audio un ensemble de ses sermons. Je me suis trompé ! est l’une de ses interventions les plus remarquables sur le parler en langues. Nous avons le plaisir de reproduire ici l’intégralité de son discours sur le sujet.
Nous avons ce soir notre frère Fernand Legrand avec nous. Nous lui souhaitons la bienvenue et je lui laisse directement la parole.
Je remercie les organisateurs de cette rencontre de ce soir et je suis très sensible mes frères et sœurs à l’honneur qui s’y attache.
Pour ne pas perdre de temps je vais entrer tout de suite dans le vif du sujet. Vous savez que le titre qui a été donné c’est : Je me suis trompé ! Je ne m’étendrai pas ce soir sur ma conversion à Jésus-Christ. Je l’ai fait dans une brochure qui a été éditée une bonne dizaine de fois à des milliers d’exemplaires.
Selon la tradition catholique j’ai été baptisé du baptême non biblique des nourrissons. J’ai suivi le catéchisme, mais très tôt je me suis détaché de tout ce qui était religieux. Et c’est à l’âge de vingt ans que, prenant conscience ou plutôt connaissance de la Bible, je me suis repenti de ma vie passée, j’ai cru en Jésus comme sauveur personnel et je suis né de nouveau par le Saint-Esprit. Ma vie en a été radicalement transformée. Je me suis mis à faire le tour des églises sans oublier celles de mes origines : messe de minuit, prêche des frères franciscains, et dialogue avec le curé et le vicaire de la paroisse, mais aussi découverte des milieux charismatiques appelés alors pentecôtistes.
Ma première rencontre avez eux m’a laissé des sentiments mitigés. Au milieu du culte, une femme s’est emballée dans une louange interminable, répétitive, sur un mode véhément, jusqu’à ce qu’une voix vienne se superposer à la sienne. Ouvrant les yeux, j’ai vu le pasteur qui, visiblement contrarié, faisait tous ses efforts à ramener cette adoratrice à plus de modération et lui demandant même de s’arrêter. L’instant d’après, un homme encore jeune rendait grâce à Dieu avec des termes mesurés, une remarquable maîtrise de soi, une élévation spirituelle qui m’a fait du bien et dont je me souviens encore aujourd’hui.
En fait, ce que j’avais observé dans ces premiers jours de ma conversion, c’était l’échantillon de tout ce que j’allais rencontrer à tous les niveaux de ma recherche charismatique : le pire et le meilleur, l’erreur et la vérité, imbriquées l’une dans l’autre.
Un pasteur, collègue de celui dont je viens de parler, est venu me voir, et il me parla des dons de l’Esprit, des miracles dans son église, à commencer par la résurrection de sa femme qui était morte et que le Seigneur avait ramené à la vie. Tout cela m’impressionnait favorablement car, dans ma foi toute neuve, je n’avais aucune peine à croire à la puissance de Dieu. Il ne me serait d’ailleurs pas venu à l’esprit de mettre en doute le témoignage de ce serviteur de Dieu si pondéré d’apparence.
Il me parla de son baptême ou plutôt de son expérience de baptême de l’Esprit et du renouveau de son ministère. Cela m’enthousiasmait, moi qui voulait servir le bon maître qui m’avait tant aimé et donné sa vie pour me sauver. Il poursuivit en me disant que, certains qui avaient tant de peine à donner un message à l’église, après leur baptême du Saint-Esprit, voyaient des phrases imprimées défiler devant leurs yeux. Ils n’avaient alors plus qu’à lire le texte à haute voix. Là j’avoue que, malgré toute mon estime pour lui et toute la confiance qu’il m’inspirait, j’ai quelque peu toussoté intérieurement. Ne poussait-il pas le bouchon un peu loin ?
Sur ces entrefaites, j’avais amené à la réunion un homme, jeune, dont la mère était devenue partiellement paralysée en le mettant au monde. L’ayant encouragé à lire les évangiles, il avait remarqué les nombreux miracles que faisait le Seigneur. Puisqu’il était au début d’une naissance spirituelle, le Seigneur, pensait-il, pouvait défaire le handicap qu’avait causé à sa mère sa naissance physique.
N’ayant personnellement aucune expérience dans ce domaine, j’en ai parlé au pasteur, qui n’a fait aucune difficulté pour venir exercer son don spirituel de guérison envers cette femme. Un rendez-vous fut pris, et il redit à cette femme et à son mari qui était présent, ce qu’il m’avait dit quelques semaines plus tôt.
Je voyais naître la foi sur le visage de ces gens. On pouvait voir qu’ils croyaient. Oui, ils croyaient ! Ils croyaient en ce message de puissance, de délivrance, de guérison et de salut. Le pasteur, le fils de la maison et moi, nous nous sommes alors mis à genoux pour prier intensément. Puis, il imposa les mains en priant au nom de Jésus pour la guérison de cette femme. Et, quand il dit amen, le bras de cette femme resta inerte, complètement inerte.
Comme si de rien n’était, il continua à parler et dirigea l’entretien sur la cigarette, c’est-à-dire sur ce qui tenait encore ce jeune homme en recherche de salut. Et il lui en attribua l’échec. Ce jeune saisit alors son paquet de cigarettes, d’un geste violent il s’en sépara en le jetant dans la poubelle. Il tomba à genoux et demanda pardon à Dieu à haute voix.
L’obstacle qui empêchait le don de s’exercer étant écarté, nous nous mîmes à nouveau à genoux pour prier. Au nom de Jésus il imposa de nouveau les mains avec force parole d’autorité. Son deuxième amen, comme le premier, telle la prière des prophètes de Baal en 2 Rois chapitre 18 verset 29, sa prière ne fut suivie d’aucune réponse ni signe d’attention.
Et moi qui l’avait recommandé à ces gens, quelle confusion était la mienne, moi qui n’avait jamais constaté le moindre échec de guérison dans la vie et le ministère des serviteurs de Dieu de la Bible, je voyais cet homme, qui se disait leur successeur et qui avait su gagner ma confiance, je le voyais m’embarquer dans le plus cuisant des échecs au nom d’un Seigneur victorieux qui reste le même hier aujourd’hui éternellement. Mais le pire était encore à venir.
Voyant notre immense déception à tous, il s’adressa à la femme. Et il lui dit ceci : madame, madame, quand je vous imposais les mains, n’avez vous rien ressenti. Non ! Non ! Madame, réfléchissez bien, tandis que je priais pour vous, n’avez-vous pas vraiment ressenti quelque chose dans votre bras ? Hum ! hum ! Non ! Non ! Mais encore une fois, pas la moindre petite sensation ? Oh, si ! Suggestionnée à ce point, sollicitée à donner une réponse tant soit peu positive, elle ne pouvait que dire un si, qui en fait n’était qu’un non. Mais voilà, voilà, vous l’avez ressenti, le Seigneur a commencé son œuvre de guérison en vous, continuez à croire en lui et vous serez guérie.
À mes amis, je ne peux pas vous décrire dans quel état de déconfiture j’ai quitté ces gens, qui d’ailleurs ne m’ont plus jamais ouvert leur porte. Lors du retour dans la voiture, le pasteur, le plus naturellement du monde m’a révélé que, sur la cheminée du salon, il avait aperçu… un jeu de cartes. De la sorte il inventait un nouvel interdit pour se sortir de ce lamentable échec. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que cet honorable ministre de l’évangile employait en fait des arguments de charlatan.
Dans ces jours-là, il me convainquit de l’accompagner jusqu’à Reims où, m’assurait-il, il y avait un réveil, des guérisons et des manifestations extraordinaires de l’Esprit. J’y suis allé avec lui, mais je n’ai rien vu de tout cela, rien de rien je vous l’assure. Et pourtant ce n’était pas le désir de voir qui me manquait.
Le dernier soir devait se terminer en apothéose par une réunion spéciale de guérison pour les malades. Il y avait là ce soir là le cas dramatique d’une jeune personne confinée dans un fauteuil roulant. Elle fut portée sur l’estrade. Un silence total tomba sur l’assemblée tandis que des mains se levaient vers le ciel, et que d’autres mains, celles d’éminents serviteurs de Dieu, tous revêtus du don de guérison, se posaient sur la tête de la malheureuse jeune fille. Des prières fusèrent de toute part, ardentes, allant crescendo, pathétiques, toutes au nom de Jésus et augmentées de commandement au Saint-Esprit, pour qu’éclate sa puissance, en ce jour comme autrefois. Hélas, mille fois hélas, pas plus dans cet épisode que dans le précédent, il n’y a eu ni voix ni réponse ni signe d’attention.
Moi je me sentais honteux comme un renard qu’une poule aurait pris. J’aurais voulu rentrer sous terre. Le seul côté positif c’est que de ces rencontres est né chez moi une réflexion en profondeur. J’ai commencé à me poser des questions et a en poser, à en poser à ces amis dont les prétentions spirituelles commençaient à m’apparaître comme très prétentieuses.
Le temps passant je me suis enhardi à leur faire part de mes questions, de mes découvertes, et de mes doutes quant à leurs méthodes et à certains points de leur doctrine. Nos relations restaient très cordiales et même très fraternelles. Après tout, j’épousais assez de leurs idées pour qu’ils m’invitent à prêcher dans leurs églises. Ils appréciaient beaucoup semble-t-il les messages du jeune prédicateur en herbe que j’étais. Par contre, ils appréciaient moins mes interrogations.
Je m’apercevais que les sujets dont ils parlaient le plus, étaient ceux qu’ils ne connaissaient que par ouï-dire, et que leur référence à l’Écriture allait parfois à contre-sens de ce qu’on pouvait trouver dans l’Écriture. Souvent même, j’avais l’impression que le flou était cultivé à dessein. En voici un exemple. J’avais découvert en étudiant ma Bible que le baptême du Saint-Esprit auquel on faisait tant référence, n’était pas du tout présenté dans la Bible comme dans l’assemblée.
M’entretenant un jour avec le pasteur dont je viens de parler, je lui ai fait remarquer que le seul texte de la Bible, le seul texte de la Bible où le Saint-Esprit nous explique son baptême, je dis bien explique, donc le seul texte de la Bible qui nous explique son baptême, c’est 1 Corinthiens chapitre 12 verset 13 ; et je voudrais que vous tous mes auditeurs vous n’oubliez jamais cette référence. Alors c’est 1 Corinthiens 12 verset 13, je répète 1 Corinthiens 12 verset 13, 1 Corinthiens 12 verset 13. C’est la seule explication que nous ayons, et il nous y est dit que tous, oui tous sans exception, tous nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour… pour… pour quoi ? Pour former un seul corps, le corps de Christ, donc pour être incorporés dans l’Église. La seule réponse, la seule explication que nous ayons dans toute la Bible sur le baptême du Saint-Esprit, c’est celle-là.
Cher frère lui ai-je dit, ce n’est pas du tout ce que vous m’en avez dit ! Il a alors tenté de me dire qu’il fallait faire une différence entre le baptême de l’Esprit et le baptême dans l’Esprit. Et quand je lui ai demandé des explications, il s’est montré incapable de m’expliquer son explication. Forcément parce qu’il n’y en avait aucune autre possible, celle de 1 Corinthiens 12 13 : c’est pour former un seul corps que nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit.
Ce que je viens de raconter et qui appartient à un passé déjà lointain, vient de se renouveler voici quelques mois. Je suis rentré en correspondance avec le plus connu des charismatiques de France, obligé de reconnaître la clarté de l’exposé que je venais de faire sur le texte de 1 Corinthiens 12 13 qui est, je le répète, la seule explication que le Saint-Esprit nous donne de son baptême, à savoir l’expérience première du croyant de la Nouvelle Alliance, c’est-à-dire être mis dans le corps de Christ. Il m’a textuellement écrit ceci, écoutez-bien : mais bien sûr que nous sommes dès notre conversion immergés dans le Saint-Esprit pour former le corps de Christ, y être ajouté. Mais bien sûr que nous sommes dès notre conversion immergés. Hors vous savez que baptisé veut dire immergé. Donc il admettait que c’était la première expérience de tous ceux qui se convertissent. Ils sont immergés dans le Saint-Esprit.
Il m’a écrit cette phrase et, sans le savoir, il venait de mordre à l’hameçon. Quand je lui est dit que je publierai sa réponse dans un prochain livre, il voulu rattraper l’irrattrapable et me répondit par retour du courrier que je n’avais pas compris sa réponse. Il me fournit alors dix lignes d’explication tellement emberlificotée que je mets n’importe qui au défit de comprendre. Ses explications brouillonnes ne respiraient pas du tout la transparence ou l’honnêteté intellectuelle.
J’en reviens donc à mes premières années, à mes premières découvertes. Le pasteur dont j’ai fréquenté l’assemblée, sentant sans doute que le terrain de son baptême du Saint-Esprit devenait mouvant, ne m’en a plus jamais reparlé. C’est plutôt le parler en langues qui nous a occupés. Il était le spécialiste, moi le novice. C’est lui qui m’a initié au secret de cet étonnant don de l’Esprit. Ce qu’il m’a révélé était passionnant.
Quand, selon lui, quand dans la communion intime avec Dieu, on ne parvient plus à suivre ses émotions avec la langue maternelle, l’Esprit s’empare de notre langue pour nous élever d’un ou de plusieurs degrés, jusqu’à parler miraculeusement dans des langues non apprises qui pouvaient être la langue des anges. C’est à ce point précis que mon enthousiasme s’est dégonflé. Car je dus lui demander pourquoi ces langues que l’on entendait n’avaient rien d’angélique, mais vraiment rien au point que dans mon for intérieur je pensais, vous me pardonnerez n’est-ce pas, que si les anges ne parlaient pas mieux que çà, moi je parlais mieux qu’eux.
Un peu surpris par la réplique, il passa sans transition des anges aux sauvages, en disant que cela pouvait être aussi des langues des indigènes de Bornéo, du Mato Grosso en Amazonie ou de l’Afrique centrale. Moi je peux paraître irrévérencieux, mais je me suis demandé vers quel hémisphère le Saint-Esprit nous embarquait. Je ne me suis jamais accommodé de cette réponse. Comment des langues, dix fois plus rudimentaires, pouvaient elles exprimer ce que le Français, l’une des langues les plus complètes et les plus riches du monde, ne pouvait pas faire. Cela m’a paru comme un non-sens de taille et une réponse pas très honnête à une remarque pertinente. Mais je vous assure que le capital confiance était dès lors sérieusement entamé.
Une fois encore, il m’a entraîné dans une courtoise confrontation qu’il avait organisée sur le thème du baptême du Saint-Esprit entre pasteurs de son bord et des pasteurs du bord opposé. Hélas ! ses amis ne firent vraiment pas le poids. Leur doctrine n’avait pas de corps, pas de consistance, et elle se désagrégeait à mesure que se déroulait le débat pour dériver dans la théologie dite de l’expérience. Après tant d’années, je me souviens encore de cette phrase qui leur fut adressée : rien ne sert de mettre une locomotive sous pression si les rails ne tiennent pas.
Une dernière fois je parlerai de ce frère pasteur qui eu une autre confrontation sur le même sujet avec un serviteur de Dieu des assemblées dites darbystes. Cet homme semblait avoir avalé une bible tant il la connaissait bien. L’ami fut balayé sur son terrain de prédilection. Tout terrible que soit la conclusion, je vous la livre. Il poussa la Bible de côté et dit : sur le plan biblique vous avez raison, mais je ne peux pas renier une expérience. Tout était là, dans le geste et dans la parole, la Bible refermée, mise de côté, et l’expérience mise en avant.
Il y a quelques mois, c’est moi qui ai refait la même expérience. J’ai posé à mon interlocuteur cette question : quand dans votre assemblée un parler en langues est interprété, de quoi s’agit-il ? Je ne posais pas la question parce que je ne connaissais pas la réponse, mais pour avoir de sa propre bouche une réponse nette qui ne laissât aucune place à l’ambiguïté. C’était selon lui, dans l’interprétation, une parole d’encouragement, ou de connaissance, une prophétie, une exhortation, une révélation, une évangélisation, etc. En bref, c’était une parole adressée aux hommes présents. Je lui ai alors cité de mémoire 1 Corinthiens 14 verset 2… il faut retenir aussi cela ! Celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes mais à Dieu. Hors il venait de me dire que c’était aux hommes que la parole en langues s’adressait, dans son interprétation. Mais j’avais beau lui citer ce texte capital, il restait imperméable à la Parole de Dieu ; alors j’ai fait un pas de plus, j’ai ouvert la Bible et je lui ai fait lire le texte plusieurs fois. Il semblait ne pas comprendre, puis tout à coup, le déclic s’est fait. Il a compris que ce qui se faisait dans son église, sous le couvert du miraculeux, n’était pas conforme à la Parole de Dieu. C’est-à-dire que chez lui, chez eux, par le moyen des langues, on parlait aux hommes, puisque l’interprétation était un message aux hommes, il venait de me dire une évangélisation, un encouragement, alors que le Saint-Esprit, selon le Saint-Esprit plutôt, celui qui parlait en langues ne parlait pas aux hommes. Acculé dans cette impasse, il ne lui restait plus que le sable mouvant de ses expériences. Je lui ai demandé : que choisissez-vous, la Bible ou les expériences ? Sa réponse fut celle que vous devinez. Il choisit les expériences contre la Parole de Dieu.
Il y a quelques années de cela, un pasteur charismatique m’invita à faire une campagne d’évangélisation dans son église. Un jour il me dit qu’une sœur de l’église avait en aparté parlé en langues en sa présence. Il ajouta qu’il y avait discerné comme un message pour lui-même. L’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Je lui dit : comment peux-tu réconcilier une parole en langues qui t’aurait été adressée avec la Bible qui dit en 1 Corinthiens 14 2, celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes mais à Dieu. Tu n’es pas Dieu ! C’est comme si je lui avais asséné un coup de massue sur la tête. Il ne put rien répondre et il n’essaya même pas de le faire. Il venait de découvrir une vérité qu’il n’avait jamais vue et qui le contredisait.
Savez-vous que même Donald Gee, le maître à penser du pentecôtisme, dit clairement que, à la pentecôte, les merveilles de Dieu qu’on entendit ce jour-là n’étaient pas adressées à la foule mais à Dieu. Et en Actes 10 au verset 46, on les entendait encore et il est dit d’eux : ils glorifiaient Dieu ; ils ne parlaient pas aux hommes. En 1 Corinthiens 14 versets 15 et 16, rien d’autre dans le parler en langues n’apparaît que la louange et la prière. Au verset 2 du même chapitre, la clarification totale est faite : celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes.
Quand j’ai dit ces choses à un pasteur charismatique, il m’a répondu d’un air abattu : quand ces paroles de Paul ont commencé à circuler dans nos assemblées, çà a fait l’effet d’une bombe, mais l’idée n’a pas été retenue, car il aurait fallu admettre que tout ce qui s’était fait jusqu’ici était faux. Terrible aveu ! Mais pourquoi ne pas rectifier plutôt que de demeurer dans l’erreur. Oui mais alors, il faudrait tout repenser, et surtout confesser que ce miraculeux parler en langues et son interprétation n’étaient que de la fabrication humaine. Je connais deux communautés qui ont eu le courage de le faire. Pourquoi pas la vôtre ou même si ce message arrive jusqu’à vous, s’il vous parvient.
Avant d’aller plus loin, il faut que je vous raconte une petite anecdote de l’époque de ma jeunesse où mes connaissances bibliques ont été mises à l’épreuve. J’étais en compagnie de frères consacrés et avancés dans la foi. Chacun connaissait bien sa Bible et nos entretiens s’y rapportaient toujours. Le plus âgé posa la question : quand a-t-on parlé en langues pour la première fois ? Les réponses fusèrent spontanément et toutes pareilles : à la pentecôte. Nous en étions si sûrs. Eh bien non ! c’est à la tour de Babel ! J’étais un brin vexé, comment n’y avais-je pas pensé. Cette fois mon oreille était accrochée pour de bon et je n’oublierai jamais l’explication qui suivie. La diversité des langues à la tour de Babel était un jugement, oui un jugement ! Et il y a dans la Bible la loi ou la règle de la première mention. Cela veut dire qu’une vérité qui est mentionnée une première fois gardera sa signification initiale jusqu’au bout. En chemin elles pourra se charger de sens, se développer, s’enrichir, mais sa valeur de départ ne s’annulera pas.
Est-ce donc possible que le parler en langues portait en soi une idée de jugement ? Vite je suis allé voir le texte qui s’y rapporte. À mon grand étonnement j’ai vu que le texte de base repris par Paul se trouve en Esaïe 28 verset 11. Texte que Paul, porté par l’Esprit, reprend librement en 1 Corinthiens 14 21 : c’est par des lèvres d’étrangers que je parlerai à ce peuple. Et la citation d’Esaïe continue par une précision qui confirme que le jugement est bien contenu dans le parler en langues : afin qu’en marchant ils tombent et se brisent, afin qu’ils soient enlacés et pris. Çà mes amis charismatiques ne me l’avaient jamais dit ! Peut-être ne le savaient-ils pas eux-mêmes !
Tout à coup je me suis souvenu qu’au jour de la pentecôte les langues qui sont descendues séparément sur chacun étaient de feu. Hors le feu est un symbole du jugement. C’est ce que dit Esaïe 66 versets 15 et 16 : voici l’Éternel arrive dans un feu, il convertit sa colère en brasier et ses menaces en flamme de feu, c’est par le feu qu’il exerce ses jugements. Et même si certains de ces effets sont purificateurs, le sens du jugement se retrouve partout dans le feu. Quand je suis allé ouvrir ma vieille concordance Strong, j’ai trouvé que dans le Nouveau Testament le feu, dans son sens figuré, se trouve 63 fois, et, sans exception, dans le sens du jugement.
Me sont alors revenues à l’esprit ces paroles bien connues de Jean-Baptiste : lui, Jésus, vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. Je me suis souvenu que cet ami qui nous avait mis sur les traces des langues de feu avait aussi expliqué que, dans la même situation, Marc, Jean et Actes 1 parlent du baptême du Saint-Esprit, mais omettent de parler du baptême de feu, et que seuls Matthieu et Luc le font. Mais pourquoi ? Parce que dans ces deux récits, Matthieu et Luc, les Pharisiens, les opposants sont là, présents, cités dans le contexte, et c’est à leur adresse que le baptême de feu est mentionné. Les ennemis du Seigneur étant absents du contexte de Marc, Jean et Actes 1, le baptême de feu et le jugement sont aussi absents. Et c’est Jean-Baptiste lui-même qui en donne l’interprétation : il amassera son blé dans le grenier, – c’est le baptême du Saint-Esprit, – et il brûlera la paille dans le feu, c’est le baptême de feu. Et pour éviter toute spéculation, il parle trois fois de ce feu dans le texte qui s’y rapporte, donc Matthieu 3 versets 7 à 12, et il désigne le feu comme étant le feu qui ne s’éteint point et non pas comme un quelconque enthousiasme ou revêtement de puissance.
Je me suis aussi rappelé que la bonne nouvelle porte en elle-même cette notion de jugement et c’est 2 Corinthiens 2 verset 16 qui le dit : l’évangile est pour les uns une odeur de vie et pour les autres une odeur de mort donnant la mort. Et comme le parler en langues ici était aussi confronté à deux catégories de personnes, il produisait aussi ces deux résultats opposés.
Chaque fois que j’ai demandé des explications à mes amis charismatiques, j’étais perçu par eux comme une mouche d’orage qui les agaçait. Plus mes questions se faisaient pointues et précises, moins ils avaient de réponses. Je sentais qu’on commençait à me craindre et à m’éviter. Et pourtant je ne sollicitais encore que des explications, comme par exemple : quand vous parlez en langues tout seul chez vous en privé, où est la notion du jugement ? et à qui font-ils signe puisqu’il n’y a personne d’autre que vous sur place ?
De mon côté il y a eu des réactions en chaîne car une découverte me conduisait à une autre. Je me suis aperçu que j’avais surtout cru par ouï-dire, par des témoignages saupoudrés de quelques versets isolés tirés de leur contexte et surtout, surtout, de citations incomplètes ; j’ai donc décidé de prendre la Bible à bras le corps, c’est-à-dire à la lire avec soin, à aller glaner hors du champ charismatique et à écouter ce que d’autres avaient à dire sur le sujet. J’ai donc été à l’une ou à l’autre de leurs retraites ou conventions avec l’espoir d’y trouver une réponse solide à ma recherche du vrai but, le but du parler en langues et des raisons de leur non parler en langues. Mes questions là aussi restaient sans réponses satisfaisantes. Je les trouvais d’une navrante ignorance sur le sujet. C’était le vide biblique aussi grand chez eux que chez les tenants de la doctrine. Les uns parlaient en langues sans trop savoir pourquoi et les autres ne savaient pas pourquoi ils ne parlaient pas en langues. Personne ne semblait pouvoir m’aider à avancer dans ma recherche. Il y avait bien de part et d’autre des réponses à l’emporte-pièce, mais c’était d’une rare indigence, et les quelques livres que j’ai pu consulter à l’époque étaient plus emprunts de parti pris que de connaissances bibliques.
Je dois maintenant dire qu’arrivé à ce stade l’inquiétude commençait à me gagner justement à cause des hésitations, des tergiversations, des atermoiements de mes amis charismatiques qui en étaient réduits à se cacher derrière une muraille de non-réponses. Il ne fallait plus poser de questions. Poser des questions devenait un péché. C’était douter du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit parlait chez eux, chez eux beaucoup plus qu’ailleurs en tout cas, ce qu’ils prétendaient. Et tant de gens prophétisaient par l’Esprit que les questions sur ce qu’ils disaient me reléguaient dans l’indésirable minorité des questionneurs du Saint-Esprit. Mais n’était-ce pas là une copie de l’Église catholique où le magistère infaillible augmenté de l’interprétation pseudo-unanime des Pères de l’Église, interdit au petit peuple des fidèles d’oser poser une question sur les enseignements les plus anti-scripturaires de cette Église.
Mais voilà, à mesure que je lisais les Écritures, de nouvelles questions sur ce qu’on m’avait dit surgissaient d’elles-mêmes, et en voici une autre. Beaucoup se reconnaîtront peut-être dans ce qui suit. Dans ma jeune vie chrétienne on m’avait dit que le parler en langues était pour le croyant que j’étais devenu, le signe indiscutable de l’entrée dans cette deuxième expérience qu’est le baptême du Saint-Esprit. Quelle ne fut pas ma surprise de lire en 1 Corinthiens 14 22, retenez cela aussi, 1 Corinthiens 14 22 : les langues sont un signe, non pour les croyants, mais pour les non-croyants, ou selon les incrédules selon certaines versions. Là je suis tombé des nues. Je n’en croyais pas mes yeux car on ne m’avait jamais dit çà. Toujours, l’accent avait été mis sur le parler en langues comme si pour le croyant, de son édification personnelle et de celle des autres croyants, de sa deuxième expérience, de sa communion avec Dieu, de son accès aux autres dons de l’Esprit, etc. J’étais comme le Titanic au moment où l’iceberg lui est entré dans le flanc, tout ce qu’on m’avait dit sur le sujet allait couler.
Comment encore prier en langues tout seul chez soi, puisque les incrédules, les non-croyants, à qui le signe est destiné, ne sont pas là. Ce serait comme jouer au tennis sans balle, ou bien tout seul dans sa chambre faire mine d’imposer les mains à des malades qui ne seraient pas là, sous prétexte qu’on aurait un don de guérison. J’ai tout à coup compris pourquoi, dans ce chapitre 14, le Saint-Esprit fait dire à Paul que dans l’Église, où en général il n’y a que des croyants, il est préférable de dire que cinq paroles compréhensibles plutôt que dix mille en langues. Mathématiquement cela veut dire qu’il vaut deux mille fois mieux ne pas y parler en langues que d’y parler. C’est vrai que si quelqu’un dit qu’il préfère cinq chats à dix mille chiens, c’est qu’il ne veut pas de chien.
Mes questions devenaient de plus en plus embarrassantes pour mes amis. Il devaient se dire : mais où va-t-il les chercher ? C’était là dans les versets dont ils se réclamaient le plus, mais ils ne semblaient pas les voir encore. Ce qui m’inquiétait au plus haut point, c’est qu’ils n’avaient aucun argument biblique à me proposer. Ce que j’attendais de leur part c’était une réponse solide qui me vienne en aide, et surtout qui tienne la route. Tout ce qu’on trouvait à me répondre c’est que Paul avait dit : je désire que vous parliez tous en langues. Mais quand on m’a dit cela, je venais de lire que Paul avait dit aux mêmes Corinthiens, chapitre 7 et verset 7, à propos du célibat : je voudrais que vous soyez tous comme moi, c’est-à-dire célibataire. Cela gênait ceux à qui je proposais cette énigme, car çà veut dire que tous ceux qui veulent le parler en langues devraient aussi vouloir le célibat. C’est en disant ces choses qu’hélas on peut perdre des amis, et j’en ai perdu quelques-uns de cette façon.
Entre-temps je connaissais mieux ma Bible et certains voulaient me montrer que contrairement au célibat, tous devraient parler en langues. J’ai donc ouvert ma Bible en 1 Corinthiens 12, les versets 29 et 30, et à cet ami je lui ai demandé de lire avec moi : tous sont-ils apôtres ? Non bien sûr qu’il m’a répondu ! Tous sont-ils prophètes ? Non ! Tous sont-ils docteurs ? Non ! Arrivé-là, il a refusé d’aller plus loin. Il venait de voir où le texte allait le conduire, à lire : tous parlent-ils en langues ? Et la réponse ne pouvait être que non ! Trois fois j’ai essayé de reprendre le texte et trois fois il a refusé d’aller plus loin. Il est parti fâché. Il refusait la vérité qui était que tout bonnement que comme tous n’étaient pas appelés au célibat, tous non plus ne parlaient pas en langues.
Mais pourquoi refuser de voir ces choses ? Et si même on s’est trompé, est-ce une honte de l’avouer ? Avec ma voiture, dans mes nombreux déplacements, il m’est arrivé plusieurs fois de faire marche-arrière. En Roumanie où j’ai été pour prêcher l’évangile plusieurs fois, et où sur les routes les panneaux sont rares, j’ai fait une fois plus de vingt kilomètres avant de me rendre compte que je m’étais trompé, j’ai rebroussé chemin. La pire chose qui pouvait m’arriver, c’était de persister sur une fausse voie. Avec la doctrine biblique c’est la même chose. J’ai plusieurs fois dû rectifier mon point de vue. Il n’y a aucune honte à désapprendre une chose si elle a été mal apprise ou si elle a été mal enseignée.
Ce qui m’a éclairé sur le sujet, c’est quand j’ai compris quel était le but, je dis bien le but du parler en langues. J’en ai fait par à beaucoup, à beaucoup d’amis qui tâtonnaient comme moi. Il est clairement dit que le parler en langues était un signe pour… les incrédules. Mais qui étaient ces incroyants ? Je me demande encore aujourd’hui comment je n’ai pas vu la réponse plus tôt. C’était là écrit noir sur blanc dans le contexte immédiat. Dans le verset qui précède : c’est par, je le lis, c’est par une autre langue, des lèvres d’étrangers, donc parler en langues, que je parlerai à… ce peuple. Et quel est ce peuple à qui le Saint-Esprit fait ici référence ? Il n’y a qu’une réponse, le peuple juif. Dans le Nouveau Testament l’expression “ce peuple” se rencontre douze fois. Et sans exception ces douze citations font référence aux Juifs et aux Juifs seuls.
Tout s’est éclairé en moi. Je tenais là la réponse capitale à toutes mes questions. Le don du parler en langues était le signe pour les Juifs qu’à partir de la pentecôte, l’Église allait être composée de gens de toutes langues, tous peuples, toutes nations, toutes tribus. Et c’est exactement ce que Pierre a dit en Actes 2. Quand à la suite du parler en langues on lui a demandé ce que cela voulait dire, le Saint-Esprit lui a mis dans la bouche ces paroles-ci : c’est ici l’accomplissement de la parole du prophète Joël : je répandrai mon Esprit sur… sur qui ? sur Israël seulement ? non, je répandrai mon Esprit sur… sur toute chair, sur tout peuple, ce qui revient à dire je répandrai mon Esprit sur toutes les langues, tous les peuples, toutes les nations, toutes les tribus du monde. Et le parler en langues étrangères en est le grand signe.
Et c’est justement sur ce point-ci qu’Israël était incrédule. Toute l’incrédulité d’Israël, depuis Jonas en particulier, jusqu’aux Juifs des temps apostoliques et aux apôtres mêmes, est résumée par ce texte de 1 Thessaloniciens 2 versets 14 à 16, qui dévoile en même temps la nature de cette incroyance. Écoutez 1 Thessaloniciens 2 verset 16 : ces Juifs qui sont ennemis de tous les hommes, qui nous empêchent de parler aux païens pour qu’ils soient sauvés, qui mettent le comble à leurs péchés, mais la colère a fini par les atteindre. Le grand moyen que le Saint-Esprit a employé pour les convaincre que le corps de Christ était désormais composé de Juifs et de non-Juifs, c’était non seulement la nappe pleine d’animaux impurs que Pierre a vu descendre du ciel, mais aussi et surtout le grand signe du parler en langues qui voulait dire la même chose : que tous les païens désormais, à commencer par Corneille, le capitaine italien, tous les gens du monde avec une langue étrangère à la langue des Juifs, pouvaient avec leur langue ou leur dialecte particulier, comme à la pentecôte, non-seulement publier les merveilles du Dieu d’Israël, mais encore et surtout faire partie du corps de Christ qui est l’Église. Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu s’écrira l’apôtre Paul. Et il ajoute en Ephésiens 3 verset 8 : à moi qui suis le moindre des saints, cette grâce m’a été accordée d’annoncer aux païens les richesses incompréhensibles de Christ.
C’était tout simplement çà le but du parler en langues. Et quand on l’a compris toute la vérité sur le sujet s’harmonise. Je pose une question : où sont les Juifs aujourd’hui, ceux à qui le signe composé de langues étrangères faisait signe ? Où sont ceux qui devaient être convaincus de l’universalité de l’offre du salut ? Et s’ils ne sont plus là, à quoi peut bien rimer un signe qui ne fait plus signe à personne ? Car personne aujourd’hui dans quelque pays du monde ou il vit ne conteste plus que le salut de Dieu a débordé Israël et s’est étendu jusqu’aux confins de la terre habitée. N’est-ce pas là la raison qui va conduire Paul à nous dire par le Saint-Esprit en 1 Corinthiens 13 que les langues cesseront ou ne continueront plus. C’est un autre sujet, mais déjà la question est posée.
Les étoiles comme chacun sait sont des signes dans le ciel qui ne sont visibles et utiles que la nuit. Elles disparaissent avec le lever du soleil. De même le parler en langues était un signe qui n’était utile qu’à l’obscurantisme et l’incrédulité d’Israël par rapport à la vocation des païens. Une fois la lumière entièrement faite sur la chose, à quoi bon perpétuer un signe que tout le monde a saisi ? Le Saint-Esprit n’a pas continué à donner à Pierre la vision de la nappe pleine d’animaux impurs. Et Pierre n’a plus recherché cette vision. Une fois la chose bien comprise, la nappe a été retirée dans le ciel et n’a plus jamais réapparu. Elle n’était plus nécessaire et il en est de même avec le parler en langues.
J’ai essayé de partager avec mes frères charismatiques une autre question qui troublait plusieurs d’entre nous. Alors qu’à la pentecôte on comprenait tout ce qui se disait en langues, dans nos églises aujourd’hui, on ne comprend plus. Là plus d’hésitation, j’ai reçu une réponse sur-le-champ. Il y aurait paraît-il deux sortes de parler en langues, celui de la pentecôte que tout le monde a compris et celui qui s’exerçait ensuite comme à Corinthe, où comme le dit Paul au chapitre 14 au verset 3, où personne ne comprend. Cette réponse m’a satisfait tout un temps. Mais j’avais tellement été échaudé sur les points dont je viens de vous parler que je commençais à mettre en doute la crédibilité même de ceux à qui je m’étais adressé pour avoir des réponses bibliques à mes questions.
En relisant le livre des Actes, je n’y ai pas trouvé une glossolalie différente de celle de Corinthe. Luc, l’auteur du livre des Actes, se sert des mêmes mots que Paul dans son épître aux Corinthiens. Et comme le livre de Luc a été écrit après celui de Paul, Luc était donc parfaitement au courant de ce que disait Paul. Et ce d’autant plus que le médecin bien-aimé, comme il est appelé, était un membre de son équipe missionnaire. Si donc il y avait une différence entre les deux parlers en langues, Luc n’aurait pas manqué de le signaler pour éviter la confusion, mais il ne le fait pas. Il en parle comme Paul en parle et il emploie les mêmes mots pour parler de la même chose. C’est le “glossa”, dans un cas comme dans l’autre. De plus, en relisant avec soin ce qu’en dit Paul aux Corinthiens au chapitre 14 et verset 10, on trouve qu’il a en vue lui aussi des langues aussi connues que celles dont Luc parle, puisqu’il dit ceci, suivez bien : aussi nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues. Il s’agit donc bien dans la pensée de Paul, de langues humaines et qui sont dans le monde, comme le dit Luc, et non pas d’un langage extatique et incompréhensible. Et alors, d’où vient qu’on avait compris celles de la pentecôte et qu’on ne comprenait plus celles des Corinthiens ? En y réfléchissant, et cela m’a pris du temps, tout à coup la lumière s’est faite. C’était tellement simple ! Tellement évident que je me suis dit à moi-même : mon pauvre ami ce que tu peux être bête ! Bête à lier, de ne pas avoir compris cela plus vite.
En Actes 2, quinze pays et peuples, dont quinze langues ou dialectes sont cités. Et comme tous ces Juifs qui étaient montés à leur fête annuelle venaient de ces pays-là, ils ont tous compris. Ce n’est pas sorcier, me suis-je dit ! Puisque les quinze peuples avec leurs quinze langues avaient aussi quinze oreilles différentes pour les comprendre, c’est facile, c’est compréhensible. L’émission était surnaturelle mais la réception était naturelle. Supposons, je dis bien supposons, qu’il y ait eu là à la pentecôte quinze Corinthiens munis de quinze enregistreurs portatifs, et que tous les quinze aient enregistré séparément ces quinze parlers en langues, que l’on comprenait si bien à Jérusalem, et que rentrés dans leur église à Corinthe, ils y aient fait entendre ces quinze cassettes aux Corinthiens de l’endroit qui ne parlaient guère que le grec. L’inévitable conclusion aurait été celle de Paul : nul ne comprend. Et pourtant c’eut été le même parler en langues que l’on comprenait quelques jours plus tôt. Mais forcément qu’on aurait pas pu les comprendre puisqu’à Corinthe il n’y avait plus personne pour comprendre quatorze de ces quinze langues. Allons encore plus loin ! Si ces cassettes traversant les siècles, étaient entendues de nos jours, dans des églises à Paris, Londres, Madrid, Brazzaville, Yaoundé, Lomé, Bruxelles, Dakar, New York ou Pékin, le résultat serait le même, ces quinze langues qui furent comprises à Jérusalem, personne aujourd’hui, pas plus qu’à Corinthe, personne ne les comprendrait.
Inversement, imaginons que l’on ait transporté en Boeing 747 toute l’église de Corinthe à Jérusalem. De tout ce qui s’est dit ce jour-là en langues, tous, tous ces Corinthiens, auraient compris les paroles dites miraculeusement dans leur langue, le grec. Mais ils n’auraient rien compris des quatorze autres langues, forcément. Et si le grec n’avait pas été au programme du Saint-Esprit ce jour-là, ils n’auraient rien compris du tout. C’est précisément ce qui se passait dans leur église à Corinthe. C’était dans d’autres langues que le grec qu’on y parlait en langues. Personne n’y comprenait rien, non pas parce que c’était un langage extatique, un autre type de parler en langues ou la langue des anges, mais tout simplement parce que c’était pas du grec. Ce qui s’y disait leur était aussi inaccessible que de téléphoner en lingala ou en chinois à quelqu’un qui ne comprend que le français. Le parler en langues étaient bien des langues réelles et existantes. Ainsi le “nul ne comprend” manipulé de la sorte devient un camouflage bien commode qui enlève jusqu’au désir de vérification. Baragouiner un n’importe quoi incompréhensible, c’est être spirituel ; essayer de comprendre le côté caché des cartes serait un manque de spiritualité, certains allant jusqu’à dire que c’est pécher contre le Saint-Esprit.
Avec ma manie de tout ramener à l’Écriture, j’ai trouvé que le Saint-Esprit nous avait donné au contraire un merveilleux moyen de vérification pour savoir de façon infaillible si ces étranges parlers en langues qu’on voulait me faire passer pour bibliques, étaient authentiques. Quelques années avaient passé. Je connaissais ma Bible beaucoup plus en profondeur. Si certains de mes amis charismatiques prenaient ombrage de mes questions et se distançaient de moi, je gardais néanmoins de bons contacts avec d’autres. J’étais devenu évangéliste itinérant et ils m’invitaient pour des conférences dans leurs églises. En privé je leur demandais, – et je le fais encore, – je leur demandais des explications sur le don d’interprétation qui devait rendre compréhensible ce qui n’avait pas été compris dans le parler en langues. Ils étaient assez confus quand je leur demandais pourquoi, dans la majorité des cas, le don de parler en langues n’était pas suivi de l’interprétation exigée au verset 28 du chapitre 14. Une des excuses était qu’il n’y avait pas d’interprète ce jour-là. Ils restaient sans voix quand je leur faisais remarquer ce qu’enseignait le Saint-Esprit. S’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise ! Il fallait donc s’assurer, avant de parler en langues et non pas après, s’il y avait interprète ou non. Et dans le cas où il n’y avait pas d’interprète, de ne pas permettre le parler en langues. Ils connaissaient tous ce texte, mais ils étaient comme étonnés que j’ose le leur rappeler. Il me donnaient l’impression de ne pas vouloir obéir à cette Bible dont ils se disaient les plus ardents défenseurs.
Il arrivait parfois même que tout le monde parlait en langues, tous ensemble, ce qui est aussi contraire à la Bible. Récemment encore j’ai demandé à un frère responsable pourquoi il avait violé ouvertement le commandement du Seigneur, car selon le verset 27 du chapitre 14 la première aux Corinthiens, c’est un commandement, un commandement qui dit au verset 27 : en est-ils qui parlent en langues, que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour, et que quelqu’un interprète. Il ne trouva rien à me répondre. Mais je sais qu’il n’a pas modifié sa façon de faire, montrant par là la petite estime dans laquelle il tient la Parole de Dieu. Il en a plein la bouche, çà oui, mais en réalité elle lui tient très peu à cœur.
J’en viens maintenant à ce qui m’a valu toutes les inimités, les ruptures, et jusqu’à des haines terribles. J’ai fait savoir à ces amis que je détenais les preuves que l’exercice de leur don de l’Esprit n’était que fabrication humaine. La vérification du parler en langue se fait par l’autre don, non moins miraculeux, qui lui est associé, celui de l’interprétation. C’est ici que la tricherie est dévoilée. Je ne peux pas vous raconter toutes mes expériences dans ce domaine, cela me prendrait trop de temps. Mais en voici quelques-unes. Comment un court chant en langues, est-il devenu un message fleuve dans l’interprétation ? Comment les paroles interprétées sont-elles des messages aux hommes alors que l’Esprit dit que celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes mais à Dieu ? Comment m’a raconté ce colonel de l’armée du salut en congés en France, comment ma louange dite en lingala, celle de mon champ de mission, a été prise pour un parler en langues et a donné lieu à une interprétation qui n’avait rien à voir, ni de près ni de loin, avec ce que je venais de dire ? De quelle oreille, personnellement, quelle oreille attentive n’ai-je pas écouté ce parler en langues heurté, saccadé, incompréhensible, au cours duquel ont surgi trois fois en italien un “spiriti sancti, spiriti santi, spiriti santi” qui n’a pas réapparu dans l’interprétation. Le Saint-Esprit qui était censé l’avoir inspiré dans le parler en langue l’aurait-il oublié dans l’interprétation ? Et surtout, surtout, quelle horreur de découvrir que “spiriti sancti” est la mise au pluriel de l’unique personne du Saint-Esprit, c’est-à-dire la paganisation de sa divine personne. N’est-ce pas là le blasphème contre le Saint-Esprit ?
Ma chère amie espagnole, dans une assemblée de France, a prié le Notre-Père dans sa langue maternelle. Il en est sorti une interprétation qui était tout sauf le Notre-Père. Tout ceci était plus que suffisant pour m’éclairer sur la nature frauduleuse de ces deux charismes. Mais j’ai poussé la vérification plus loin. J’ai demandé à un frère écossais, ayant l’accent typique de son pays, de me mettre deux fois de suite et en anglais le Notre-Père sur enregistreur. J’avais aussi deux autres parlers en langues interprétés qui avaient été pris sur le vif dans l’assemblée. Je suis allé chez des frères charismatiques très modérés pour qui la fraude et les excès n’existent que chez les autres charismatiques, pas chez eux. Personne dans l’église ne met en doute leurs convictions, leur sincérité, et surtout pas leur don d’interprétation. Après avoir prié avec eux, je leur ai demandé d’écouter l’enregistrement et de me l’interpréter. Cela fut fait sans objection ni réticence. Hélas, mille fois hélas, rien ne ressemblait à l’original. Le Notre-Père en anglais s’est transformé en un message d’encouragement en français. Il y a quelques années j’ai été personnellement la cible de deux exhortations en langues ayant trait à une même situation. Selon les sentiments cultivés, ces paroles dites divines, étaient toute consolation dans un cas et toute condamnation dans l’autre. Est-ce sérieux ?
Récemment j’ai proposé ceci à chacun des deux hommes les mieux en vue dans les cercles charismatiques de Suisse et de France, c’est tout récent. Voici ce que je leur ai écrit : nous prendrons chacun deux témoins, et nous nous rendrons ensemble au culte dans une église charismatique où l’on exige l’interprétation à tout parler en langues, et où on ne nous connaît pas ni vous ni moi. Puisque vous croyez à l’authenticité et à l’actualité de votre don des langues, vous êtes tenu de croire à l’égale authenticité du don d’interprétation. Dans le culte, vous parlerez mon baragouin et moi je parlerai votre charabia. Et vous constaterez que de ces deux “rien du tout” sortiront deux pseudo-interprétations cent pour cent évangéliques au niveau des paroles, mais aussi fausses quant à leur origine que les extraordinaires paroles de la pythonisse d’Actes 16 qui pouvait aussi dire : ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut et ils vous annoncent la voie du salut. Ayant constaté la fraude, nous rédigerons ensemble un rapport que nous signerons avec nos témoins respectifs. Et nous enverrons à toutes les églises du monde francophone cette lettre de constatation.
Il ne faut pas être devin pour deviner la suite, c’est qu’il y a pas eu de suite. Aucun de ces deux poids lourds du monde charismatique n’a osé se risquer à la plus simple et la plus loyale des vérifications. Peut-on encore se parer du beau nom de chrétien quand on n’a même pas le courage des prophètes de Baal qui eux ont accepté le défi du prophète Elie ? Vous comprenez pourquoi ces amis me fuient, non parce que sur le sujet j’ai une opinion qui n’est pas tout à fait la leur, mais parce que je leur fournis le moyen de se prouver à eux-mêmes qu’ils sont dans l’erreur. C’est ce qu’ils ne me pardonnent pas ! Cette parole du Seigneur Jésus est hélas toujours vraie : ils ont préféré les ténèbres à la lumière.
Puisque je viens d’évoquer le Seigneur Jésus, parlons de lui. Ce qui me turlupinait depuis longtemps déjà c’était la découverte que notre bien-aimé Maître n’avait jamais parlé en langues. Quel coup de tonnerre dans mon ciel bleu ! Car ceux en qui j’avais confiance savaient ces choses, mais ils évitaient d’en parler. En fait ils me cachaient cette vérité. Quand j’ai posé la question, le plus honnête a admis la chose. Et il a dit sur un ton défaitiste mais sincère : c’est vrai, Jésus n’a jamais parlé en langues ! Aujourd’hui encore, au moment où je vous parle ce soir, je lui sais gré de son honnêteté. Mais comme il semblait triste d’admettre la chose. Et çà se comprend, car cela l’obligeait moralement à en tirer des conséquences qui allaient à contre-courant de ce qu’il pratiquait. L’énorme déception fut immense et où ces amis charismatiques ont définitivement perdu ma confiance, c’est quand, pour couvrir cette incontournable évidence, ils m’ont donné deux réponses qui se contredisaient et qui m’ont prouvé leur mauvaise foi. Le premier a osé me dire que si Jésus n’avait jamais parlé en langues, – il l’admettait donc, – si Jésus n’avait jamais parlé en langues, c’est parce qu’il était parfait et qu’il n’avait donc pas besoin de s’édifier. Triste échappatoire en vérité ! Pourquoi donc Jésus a-t-il exigé que Jean-Baptiste lui administre le baptême de repentance, puisqu’il n’avait pas besoin de repentance ? C’était comme il le dit pour accomplir ce qui était juste et utile que nous sachions. Si donc notre divin modèle n’a jamais parlé en langues, c’est parce que, contrairement à la repentance, la quasi totalité de son Église n’en aurait jamais besoin. Et l’histoire le confirme puisque le mouvement des langues ne date que depuis le début de ce siècle.
La deuxième dérobade est pire que la première. Faisant fi du silence de l’Écriture, certains m’ont dit, à l’inverse de l’autre : on ne peut pas imaginer un seul instant que Jésus n’ait pas parlé en langues. Certainement qu’il l’a fait, car tout ce que Jésus a dit n’est pas dans la Bible. Étions nous là pour l’entendre parler en langues quand il priait tout seul la nuit entière sur la montagne ? Étions nous là quand en agonie il priait à Gethsémané ? Étions nous là quand il présentait avec de grands cris, avec des larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver ? Inouï, inouï, pauvres amis ! Réduire, justifier leurs erreurs par de nouvelles erreurs et à dépasser la Bible. Il suffirait de poursuivre. Étions nous là quand il enseigna à ses disciples la co-rédemption de Marie ? Étions nous là quand il leur expliquait le purgatoire ? Étions nous là quand il leur recommandait l’usage des indulgences ? Dangereuses réflexions que celles-là !
En 1 Corinthiens 12, on trouve la liste des neuf dons de l’Esprit que voici : sagesse, connaissance, foi, guérison, opération de miracles, prophétie, discernement des esprits, diversité de langues et interprétation. Jésus les avait tous, et il les a tous exercés, sauf le don des langues, et cela va de soi, son associé naturel, l’interprétation. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il n’y avait pas lieu de le faire, mais pourquoi ? Parce que jusqu’ici son évangile ne s’étendait qu’aux brebis perdues de la nation d’Israël. Souvenez-vous, il avait même défendu à ses disciples d’aller vers les païens, c’est-à-dire vers les langues étrangères. L’aspect multi-linguistique de son œuvre rédemptrice restait secret. Il n’était pas encore question de peuples, de tribus, de nations et de langues. Rien ou presque rien dans ses paroles ne laissait voir la dimension internationale de son salut. Jusque là rien ne pouvait hérisser les Juifs et les rendre jaloux des grâces accordées aux païens puisqu’il n’était pas encore question d’eux ni de langues étrangères dont ils étaient porteurs. Le don des langues, signe de leur intégration dans le plan de Dieu, n’avait pas encore sa raison d’être.
Jésus ne dévoilera le parler en langues encore à venir qu’une seule fois : tout à la fin de son ministère envers Israël. Il est donc maintenant hautement significatif de voir quand il en parle, dans la foulée de la phrase qui précède : allez par tout le monde. Ce qui déclenche le parler en langues c’est le fameux : à toute créature, c’est-à-dire à toutes langues, nations, peuples. Les étroites limites d’un nationalisme juif borné vont voler en éclat. Mais Jésus sait que ce peuple, ce peuple juif, ne va pas comprendre et qu’il va mettre tout en œuvre pour que l’évangile ne soit pas annoncé aux gens d’autres langues. Jésus va donc donner à ses disciples et pour ce peuple juif, le signe le mieux approprié : le parler en langues étrangères, le seul que d’entre tous les autres signes il n’avait pas eu à exercer. Ce silence dans la vie de Jésus nous instruit mieux que beaucoup de paroles. Il confirme que le but du don des langues est conforme à ce qu’en disent Paul et Pierre, à savoir que c’était le signe pour le peuple juif incrédule face à la vocation des païens. Que Dieu, selon Joël 2 verset 28, Dieu répandait désormais son Esprit non pas sur Israël seulement mais sur toute chair, sur quiconque, en un mot sur les peuples, les nations, les tribus aux langues étrangères.
Saint Augustin, l’un des Pères de l’Église avait bien bien saisi le but du parler en langues. Voici ce qu’il en dit : c’étaient des signes appropriés à cette époque, ils étaient destinés à annoncer la venue du Saint-Esprit chez les humains de toutes langues, pour démontrer que l’évangile devait être annoncé à toutes les langues de la terre, cette chose arriva pour annoncer quelque chose, puis disparut aussi. Puis disparut, c’est aussi ce que le Saint-Esprit confirme en 1 Corinthiens 13 8 : les langues ne continueront pas. Forcément, le but étant atteint, et personne ne contestant plus depuis des siècles que l’Église est composée de gens de toutes langues, le signe en langues étrangères ne fait plus signe à personne. C’est aussi terminé que l’inspiration des Écritures, car ce don aussi a cessé.
Maintenant si vous lisez avec soin 1 Corinthiens 13, et là je vous demande votre attention, vous verrez que Paul ne parle pas comme certains le croient que de trois choses, non, il parle de six choses : connaissance, langues, prophétie, foi, espérance, amour. De ces six, l’Esprit dit que les seuls qui ne cesseront pas sont les trois dernières : foi, espérance, amour. La foi, l’espérance, l’amour, ces trois là vont continuer jusqu’au retour de Christ. Si donc, de ces six, seules les trois dernières demeurent, cela veut dire que ce sont les trois premières qui ne demeurent pas. Forcément, et parmi elles les langues. Il est impossible d’être plus clair. Persister à nier la disparition précoce de ces trois là, c’est faire dire au Saint-Esprit : six choses demeurent jusqu’à la venue de Jésus. Le Saint-Esprit à dit trois ! Il faut choisir ! J’ai dû choisir entre ce que disait le charismatisme et ce que disait le Saint-Esprit. Et ce choix, personnellement, je l’ai fait.
Le serpent d’airain fabriqué par Moïse l’avait été sur l’ordre de Dieu, n’oublions pas, il avait servi à des milliers de personnes. C’était un don divin que le Seigneur allait évoquer dans son mémorable entretien avec Nicodème, dans l’évangile de Jean chapitre 3. Ce serpent de cuivre, les Israélites l’avaient pieusement conservé pendant des siècles. Savez vous ce qu’en fit le bon roi Ézéchias ? Écoutez, je lis : il mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car les enfants d’Israël avaient jusqu’alors brûlé des parfums devant lui. C’était pourtant le même serpent qu’autrefois. Ce n’était pas une copie truquée, une imitation du vrai. Contrairement au parler en langues actuel, c’était le vrai, le bon, l’original. L’usage initial, qui consistait à le regarder, c’était même étoffé et enrichi avec le temps. Sous le couvert de l’attachement à Dieu, il avait fini par prendre la place de Dieu et était devenu une idole comme les autres. On peut être sûr que celui qui a dénoncé l’usage falsifié, périmé du serpent, n’a pas fait l’unanimité autour de lui. Les partisans du serpent pouvaient, à l’appui de leur foi, invoquer des données bibliques, historiques, et à n’en pas douter expérimentales. Ils pouvaient arguer que le Dieu qui l’avait donné ne change pas parce qu’il reste le même hier, aujourd’hui, éternellement. Que ce qui s’était passé au désert pouvait encore se passer de leurs jours. Que la puissance de Dieu n’avait pas changé, et que surtout, surtout, pas un seul mot n’était dit concernant la fin de son action, de son usage et de son utilité. En fait, les exercices spirituels qui gravitaient autour de cette relique, étaient devenus une abomination.
Pour beaucoup de mes ex-amis charismatiques, les langues sont aussi une relique qu’ils portent dans leur cœur, dont ils parlent sans cesse, et à laquelle ils vouent une dévotion sans bornes. Ils essaient de la défendre en disant que c’est le Dieu qui ne change pas qui l’a donné. Mais Dieu avait aussi donné le serpent d’airain pour une occasion précise, pour un temps limité. Au delà de ce temps, il devenait périmé comme des médicaments qui ont dépassé la date limite d’utilisation et qui en deviennent dangereux. C’est ce qui s’est passé avec le serpent. Leur vie spirituelle en a été infectée et Ézéchias a dû couper dans le vif. Lorsque le serpent d’airain leur a été retiré, beaucoup ont vu leur ardeur spirituelle décliner car ils n’avaient plus rien de tangible à quoi se raccrocher. J’ai aussi compris pourquoi certains se cramponnaient au parler en langues avec une sorte de frénésie. Leur vie spirituelle était si pauvre, si peu fondée sur la Bible, que s’ils perdaient çà, il ne leur restait plus rien.
Il est temps de finir. J’espère ne pas avoir été trop long. Oui, ah çà fait mal de s’apercevoir que ce qu’on a cru, ce pourquoi on a combattu et à quoi on s’est accroché est en train de couler et de vous entraîner au fond. Mais ce qu’il y a de plus dur, c’est de reconnaître que les autres avaient raison. Au fond, c’était mon moi, mon orgueil qui en prenait un sacré coup. Quand on croit qu’on a reçu plus que les autres, cela vous donne un agréable petit sentiment de supériorité. S’apercevoir ensuite que ceux qu’on a regardés de haut en savent plus que vous et sont sur un terrain plus solide que le vôtre, je vous assure que çà fait mal. C’est ce qui s’appelle se faire étriller. J’ai compris pourquoi les chevaux chatouilleux n’aiment pas qu’on les étrillent et qu’il leur arrive de ruer des quatre fers. Je croyais moi aussi avoir quelques ruades en réserve. Malheureusement, j’avais une sorte de Lucky Luke spirituel sur le dos, et au lieu de lui faire vider les étriers, c’est lui qui m’a dompté. C’était un rodéo dont je n’avais aucune chance de sortir vainqueur. Les textes de la Bible qu’on m’avait cachés ou sur lesquels j’avais glissé si légèrement m’entraient maintenant dans les flancs comme des éperons. Mais ce qui n’a rien arrangé, c’est que ceux que j’appelais à l’aide, n’avaient aucune base théologique sérieuse à me présenter. Tout tournait autour de sentiments, d’émotions, de visions, d’extases, de révélations et d’expériences. Tout en ayant bien soin de passer sous silence d’innombrables expériences négatives, dont certaines confinaient au blasphème et à l’imposture. J’ai donc moi aussi brûlé mon serpent d’airain. Je n’ai rien perdu au change, au contraire, parce que la vérité n’aliène pas, elle libère. Et c’est cette liberté qui vient de la vérité que je souhaite à tous ceux, vous tous qui êtes présents, vous tous qui m’écoutez à cet instant, et je vous rappellerai cette extraordinaire promesse : nous avons tout, tout pleinement en Christ. Ne disons pas comme un des disciples : Seigneur, fais-nous voir le Père et cela nous suffit. Çà sous-entend : Seigneur tu ne nous suffis pas, il faut aller au-delà de toi, aller dans le Père des expériences dans le Saint-Esprit. Mais non, nous avons tout pleinement en Christ. Mes chers amis, que Dieu vous bénisse ! Amen.
Fernand Legrand