Échec à la dépression

D’OÙ VIENT LE MAL ?

Les causes de la dépression nerveuse sont multiples et pas toujours faciles à établir, aussi faudrait-il beaucoup de temps pour traiter sérieusement de ce problème. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de le faire. Lorsqu’une personne s’enrhume, sont premier souci est de savoir « où » elle a pu « attraper » ça. Après tout, peu importe. L’essentiel est de liquider au plus tôt ce mal gênant. C’est pour cette raison que nous insisterons davantage, dans la deuxième partie de ce livre, sur le COMMENT GUÉRIR ? Cependant, il n’est pas sans intérêt de chercher à savoir pourquoi telle personne, apparemment équilibrée, a brusquement « craqué », d’abord pour mieux l’aider à sortir du tunnel et aussi, pour prévenir un effondrement nerveux.


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Il est banal de dire que la vie moderne impose à l’homme un rythme fou qui n’est pas sans répercussion fâcheuse sur son organisme. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à évoquer le programme d’une journée d’un banlieusard travaillant à Paris. Il rentre le soir à la maison, fourbu, quasiment sur les genoux, incapable de jouir pleinement de la vie du foyer.

Le bruit est un fléau dont on mésestime l’ampleur. D’aucuns affirment qu’une mobylette traversant Paris la nuit en pétaradant réveille d’un seul coup plus de 100.000 personnes et l’on prétend qu’à certaines heures du jour, il y a plus de vacarme sur la place Saint-Augustin que sous les chutes du Niagara. Certes, on s’habitue au bruit, on le surmonte rapidement jusqu’à ne plus l’entendre. Cependant, il produit une blessure qui fait payer tôt ou tard son écot à celui qui doit le subir constamment. Des spécialistes reconnaissent que plus de 30 % des gens sont atteints de fatigue nerveuse à cause du bruit qui entraîne certains troubles (crise hépatique, amaigrissement, troubles de la vue ). Un organisme est dangereusement éprouvé lorsque le bruit s’approche des 90 à 100 décibels, chiffres souvent atteints dans les carrefours ou sur les boulevards de nos grandes cités.

L’habitat lui aussi doit être incriminé. Les murs de nos immeubles modernes sont sonores et nous obligent à partager la vie des autres bon gré, mal gré. Il faut subir les disputes du voisinage, le chien qui aboie, les cris des bébés aux heures indues, la chasse d’eau, et la T.V. qui dispense les airs détestés. Pas de détente possible.

Que dire du travail ? Il est sans doute moins rude que jadis, mais il s’accomplit dans une atmosphère de fièvre. Qu’on est loin du laboureur qui, derrière sa paire de bœufs, progresse à pas lents dans l’air vif du matin. Dur labeur, mais à un rythme humain. Or la machine impose à l’ouvrier une tâche monotone, dans le bruit et la tension. On « fait des heures » pour gagner sa croûte. Toute la vie. Alors comment peut-on trouver la joie dans une besogne sans couleur ?

A tout cela s’ajoute le climat d’incertitude dans lequel vit l’homme du vingtième siècle. Le technicien qui a dépassé la quarantaine n’est pas sûr de garder son emploi pas plus que le jeune n’est certain d’en trouver un. La T.V., la radio, la presse se sont données le mot pour nous abreuver de mauvaises nouvelles. On les souligne et répète à plaisir. Tout est critiqué, remis en question. Rarement de la joie, du rire. On prétend nous distraire par des drames, de la violence, des crimes, de l’infidélité, des clameurs et des larmes. On voudrait tant sortir de sa grisaille et l’on nous y replonge sans cesse.

Mais ne dramatisons pas. Après tout, ce n’est pas la vie moderne qui provoque les effondrements nerveux. Disons qu’elle y contribue et y prédispose. Ce n’est pas négligeable. Le Dr Carrel avait raison de déclarer : « Quoique édifiée par nous, la civilisation n’est pas faite à notre mesure ».

Il est indéniable que l’abondance et la vie facile d’aujourd’hui favorisent la dépression. Plus l’homme est comblé et protégé, plus il éprouve un sentiment d’insécurité et d’insatisfaction. D’où son désarroi.

Je fus reçu dans un foyer tout récemment fondé. Les époux démarraient dans la vie à deux sur « les chapeaux de roues » : splendide appartement vaste et confortable – meubles de style – instruments ménager de toute espèce – tableaux de maître – voiture de sport … Rien ne manquait ! Hélas ! J’apprenais six mois plus tard qu’ils avaient craqué l’un et l’autre. Est-ce étonnant ? L’abondance facile fera toujours des blasés déçus dont l’existence se traîne sans attrait … puisqu’il n’y a plus rien à espérer.

L’éducation nouvelle doit être également mise en cause. Elle offre du « tout cuit » à l’enfant, lui épargne la lutte et se défend de le heurter en quoi que ce soit … comme si la vie était sans obstacle. Résultats : Les êtres ainsi formés se révèlent fragiles et vulnérables, abattus et démoralisés pour des riens. J’en ai constamment la preuve en écoutant des jeunes me parler de leurs problèmes. En vérité, de « tout petits » problèmes à ne pas « fouetter un chat » mais qui perturbent leur existence.

Le surmenage. De nos jours, l’homme s’est fabriqué – est-ce pour son bonheur ? – d’innombrables besoins. Aussi doit-il multiplier les heures supplémentaires pour joindre les deux bouts, élever son niveau de vie, acheter le piano ou s’accorder deux mois de vacances quelque part en Afrique. Or, il y a pour chacun une limite à ne pas dépasser impunément et ce n’est pas pour rien que Jésus a mentionné « qu’à chaque jour SUFFIT sa peine » (Matthieu 6.34).

J’ai constaté, par exemple, que certains parmi ceux qui édifient leur maison ne tardent pas à faire une « casse » nerveuse. Pour réaliser ce projet au plus juste prix – on a des moyens modestes – ces personnes confient le « gros œuvre » à des spécialistes mais se réservent le soin de faire le reste : électricité, tapisserie, parquets, peintures … Ils mènent de front leur activité professionnelle (il faut de l’argent), la marche de leur foyer, de menues responsabilités dans un parti, la société, même l’église locale et, bien entendu, mille travaux dans la nouvelle construction qui s’érige trop lentement à quelque dix ou quinze kilomètres de là. Bref ! Le repos hebdomadaire est escamoté, les nuits sont écourtées et les vacances renvoyées aux calendes grecques … Si bien que l’on n’a plus le temps de récupérer. Ajoutez à cela les retards du maçon, l’escalade des prix, les imprévus couteux, l’argent qui fond comme neige au soleil, les problèmes familiaux qui en résultent … et vous comprendrez pourquoi le mari, essoufflé, se trouve rapidement à bout de nerfs.

Je rappelais ce fait devant un jeune couple qui accueillait mes explications avec ironie. Les deux se regardaient en souriant comme pour dire : « Pas question que ça nous arrive ! ». Deux ans plus tard, je devais apprendre incidemment que le mari était au bord de la dépression, obligé de garder la chambre dans le pavillon qu’il venait d’achever.

Nous disposons tous d’un certain capital de forces. Cette énergie que nous dépensons dans nos différentes activités doit être récupérée si nous ne voulons pas, à la longue, courir le risque d’une rupture. L’homme est pareil à un chauffeur de camion. Tenir le volant, diriger ainsi le lourd véhicule n’exige nullement une puissante musculature puisque la direction est « assistée ». Mais lorsque le peu d’énergie nécessaire fait défaut, le conducteur n’est plus capable de maîtriser son engin. C’est la route qui le mène. Un caillou, une faible dénivellation le déportent à droite ou à gauche sans que l’homme puisse intervenir. De même, le surmené. Le moindre contre-temps, la moindre critique, la plus petite épreuve prennent une dimension exagérée qui le terrasse. Certes, il reste lucide mais sa volonté est comme paralysée. Satan choisit ce moment pour jeter son voile de tristesse sur cet être affaibli, donc plus vulnérable. Les gens « au bout du rouleau » sont une proie facile pour l’Adversaire. D’où l’impérieux motif de rester fort autant que faire se peut (nous reviendrons sur ce sujet important dans la troisième partie de notre exposé).


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Évidemment, n’accusons pas le surmenage d’être à l’origine de toute débâcle nerveuse. Vous observerez, par exemple, qu’une personne occupant un emploi au-dessus de ses moyens, de ses compétences, ne tarde pas à « lâcher ». De même, un grand choc, une violente émotion, un drame de famille … peuvent conduire à la dépression. C’est le cas de telle épouse qui vient d’apprendre les infidélités de son mari. C’est celui d’une mère qui reçoit la nouvelle de la mort accidentelle de son enfant : c’est aussi le cas d’une personne âgée honteusement trompée et dépouillée de ses biens par de faux amis.

Certaines dépressions sont liées aux diverses phases physiologiques de la vie (adolescence, ménopause, vieillesse …). Il ne faut nullement s’en étonner ni dramatiser certaines crises.

L’hérédité joue aussi dans bien des cas, car on peut avoir reçu de ses parents une nature pessimiste. Et le fait d’avoir baigné toute sa jeunesse dans un climat de tristesse n’arrange pas les choses.

Ceux qui s’occupent de cas sociaux (buveurs, enfants caractériels, hommes ou femmes qui sortent de prison …), vaincus par la lutte et les déceptions sans nombre, sont particulièrement guettés par cette maladie.

Ajoutons, sans pour autant épuiser le sujet, que la peur de l’enfer, la peur de vieillir, un climat débilitant, le dépaysement, un bébé non attendu, le remord de s’être fait avorter, une déception professionnelle ou sentimentale, les problèmes d’argent, l’ennui, les pratiques occultes … peuvent être la cause d’un effondrement nerveux. Faut-il fournir d’autres exemples ? Les motifs ne manquent pas et il nous paraît inutile d’allonger ici la liste. Cependant, quelle que soit l’origine du mal, nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas de situation désespérée. La guérison est possible pour tous.


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Relaxation. Lorsqu'une personne est victime d’un surmenage, le médecin dans la plupart des cas, prescrit avec raison le repos prolongé. Le malade doit retrouver son équilibre et parvenir à la détente physique, psychique et nerveuse. Hors de son cadre, éloigné des bruits et de l’agitation de son milieu familial ou professionnel, dans le confort et une atmosphère sereine, le patient devrait en principe « se refaire » rapidement. Hélas, c’est loin d’être vrai !

Pour combattre l’insomnie qui aggrave son cas, on lui fait subir une cure de sommeil dans un établissement spécialisé. Dix-huit à vingt heures de sommeil par jour en milieu calme, un sommeil artificiel au moyen d’hypnoses. Certains praticiens proposent la relaxation dite scientifique (qui n’a rien à voir avec de longues pauses dans une chaise de relaxation). C’est une technique de repos que l’on prétend efficace. Grâce à des exercices étudiés et dirigés, on cherche à obtenir la décontraction des muscles et du psychisme. Le patient est amené à concentrer sa pensée – à s’autosuggestionner en quelque sorte – afin de prendre conscience du relâchement que produisent ces exercices. Il faut, tout à la fois, mettre au repos les fonctions organiques et mentales. Le sujet doit vivre sa relaxation ainsi que sa respiration. Ici, prudence ! (1).

(1) Le yoga est une pratique que nous ne saurions trop déconseiller. Lire à ce sujet l’excellente brochure de M. Ray : « Non au Yoga », éditée par la Ligue pour la Lecture de la Bible.

Les tranquillisants. On a certainement abusé de ces comprimés qui ne sont en définitive que des médicaments de faux-bonheur. Ils sont destinés à ôter l'anxiété et l’angoisse et à freiner l’action du sympathique. Loin de redonner un équilibre durable au malade, ils n'exercent qu’une action momentanée – donc illusoire – car ils ne suppriment pas la cause du mal. Ces médicaments produisent un calme relatif qui débouche très vite sur une nouvelle tempête. En vérité, il faut plus que de vagues tranquillisants pour remettre de l’ordre dans un système déréglé. Ajoutons que ces médicaments, pris à dose abusive – et qui n’abuse pas de ce qui paraît soulager ? – produisent à la longue un effet négatif certain. D’où modération quant à leur utilisation.

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