Irréprochables devant sa gloire

3. LE SALUT ET LES ŒUVRES

Où les situer ?

Lorsqu’on parle d’un salut gratuit, on nous rétorque généralement, indigné ou moqueur : “Personnellement, je ne puis admettre l’idée d’un salut gratuit accordé à tous les hommes, les truands y compris, sans qu’il leur soit exigé quoi que ce soit. La Bible, si je ne m’abuse, demande avec insistance aux croyants de tous les temps de pratiquer de bonnes œuvres, de rechercher sans relâche la pureté et l’humilité, de lutter sans désemparer contre le mal. Ne parle-t-elle pas de récompenses distribuées dans l’au-delà à tous ceux qui se seront donnés corps et âme au Seigneur et à ses créatures ? Or, les récompenses, ça se mérite. Gratuité et salaire ne vont pas de pair. Réellement, je ne comprends pas”.

Quoique ce raisonnement soit étayé de textes bibliques et paraisse juste, il n’en est pas moins erroné car il est possible de concilier gratuité du salut et pratique de bonnes œuvres ainsi que vie de sainteté. L’exemple suivant devrait éclairer ceux qui s’étonnent.

Voici un chômeur, sans qualification particulière, lassé d’être inactif, qui désire ardemment trouver un emploi pour nourrir dignement sa famille. Jusqu’à ce jour, il n’a pas réussi à être embauché. Pas de travail, c’est désespérant. Or le journal, dans les petites annonces, lui apprend qu’on recherche un magasinier dans un garage, non loin de chez lui.

Si réellement, notre homme tient à travailler et s’il ne doute pas du sérieux de cette offre, il quittera sans tarder son domicile et se rendra à l’adresse indiquée pour y proposer ses services. Là s’arrêtera sa démarche. Quand il aurait arboré une belle cravate, vanté ses mérites, cela ne suffirait pas. En vérité, il ne sera engagé que si le patron, qui ne le connaît pas, accepte et décide d’utiliser ses services. Son accord est indispensable et son “Je vous embauche dès aujourd’hui” sera une faveur de sa part. Pour accorder la place convoitée, le patron n’attend rien de plus, surtout pas que celui qu’il a devant lui, accomplisse quelque action d’éclat pour mériter son admission dans l’entreprise. Si le nom du postulant est retenu parmi d’autres, ce sera, répétons-le, une faveur qui dépendra du bon vouloir de l’employeur. Quant au demandeur, il a fait la seule chose indispensable qu’il était en mesure de faire : il a pris au sérieux l’annonce insérée dans le journal ; sans tergiverser, il s’est présenté devant le patron pour le mettre à sa position, pour le servir, et c’est alors qu’il a pu entrer dans l’affaire.

Naturellement, une fois engagé, mais pas avant, il se rendra tous les jours, aux heures indiquées, au garage pour y travailler : là, on lui précisera en quoi consistera sa tâche, on lui confiera des outils et il fera de son mieux pour ne pas décevoir celui qui lui a fait confiance. Alors un salaire lui sera versé ; ce sera la juste rétribution de son travail. Il va de soi que s’il se montre paresseux, inefficace, “contestataire”, malhonnête, le directeur se lassera de lui et songera à le congédier, ce qui ne sera pas le cas puisqu’il s’est présenté avec la ferme intention de travailler.

Soulignons-le : c’est par faveur que l’ouvrier est embauché, sans le moindre mérite de sa part. Et il est évident qu’il ne peut travailler dans le garage aussi longtemps qu’il n’a pas été engagé. De même, prétendre servir Dieu et lui plaire avant d’avoir fait la paix avec lui, avant d’avoir été introduit dans son royaume est inconcevable. Dieu exige d’abord la réconciliation pour accorder pardon et vie nouvelle ; il tient à distribuer la tâche et à nous qualifier pour que nous soyons aptes à le servir. Et c’est le service et non le salut qui recevra la récompense.

Mais l’analogie s’arrête là. L’exemple ci-dessus n’éclaire qu’une face de la question posée, car l’employeur n’a pas payé de sa personne jusqu’à donner sa vie pour admettre tel ouvrier qui lui aurait causé de graves préjudices ; à part une éventuelle estime réciproque, ni le patron, ni l’ouvrier une fois engagé, ne se soucieront d’entretenir des relations d’amitié suivies alors qu’il s’établit entre Dieu et le pécheur pardonné une relation d’amour de tous les instants, une communion appelée à s’approfondir de jour en jour. Aussi le chrétien sert-il son Dieu dans un esprit tout autre. Non pour gagner “Sa faveur” – il la possède déjà – mais par reconnaissance, parce qu’elle lui a été accordée gratuitement, quoique payée à un grand prix par le Christ sur la Croix. Le chrétien sert par amour, pour plaire à son Seigneur. Dès lors, un lien profond les unit l’un à l’autre.

Le croyant est sauvé sans les œuvres… pour accomplir de bonnes oeuvres, les oeuvres de l’amour reconnaissant. Ceux qui “meurent dans le Seigneur”, entrent dans l’éternité suivis de leurs œuvres (Apocalypse 14.13). Ces oeuvres ne sont pas devant, c’est-à-dire présentées avec une idée de mérite, dans l’espoir qu’elles ouvriront le ciel, mais derrière (elles suivent), parce que le ciel a été ouvert à ceux qui lui appartiennent.

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