L'AVORTON DE DIEU

CHAPITRE IX
Corinthe

Sortir de l'Athènes du XXIe siècle par l'autoroute de Corinthe qui borde la mer est une entreprise redoutable. Il faut se mêler à une file ininterrompue de camions, de véhicules de toutes tailles et allures, escargots roulants qui — pare-chocs contre pare-chocs — se traînent au long de raffineries malodorantes, de citernes que l'on vide pour les remplir aussitôt, d'ateliers de mécanique dont le désordre apparaît si provoquant qu'il semble mis en scène, de cimetières de voitures dont les carcasses empilées au hasard suggèrent une image d'art contemporain mal assimilée ; tout cela aligné à notre droite sur des kilomètres.

A gauche de la double voie, au sein d'une mer trop évidemment polluée, des cargots immobiles — il serait urgent de les repeindre — attendant une cargaison.

A mesure que l'on s'éloigne de la capitale, l'image de désolation s'estompe, la nature prend le dessus. L'odeur des pins se substitue à celle des carburants. Au-dessus de la mer redevenue bleue, une splendeur empourprée — dont Paul, perdu dans l'amertume de son humiliation, n'a pas dû avoir conscience — nimbe au loin un chapelet d'îles d'autant plus oniriques que l'on ne discerne rien de ce qui s'étend à leur surface.

A moins que Paul n'ait préféré gagner Corinthe par la mer — mais il évite la moindre dépense —, il aura mis trois jours par cette route désignée comme la Voie sacrée d'Eleusis. Au terme du voyage l'attend le spectacle de la baie que Joseph Holzner, grand voyageur, vit à cet endroit « un lac entouré de rochers abrupts et parsemé de petites îles ». Au-dessus de cette baie, Corinthe s'élève au fond d'un cycle naturel. A l'arrière plan, les montagnes d'Egine abritent le sanctuaire le plus haut placé de l'Achaïe. Plus loin, ce sont « les parois rocheuses, abruptes, de Mégare » et encore « les montagnes d'Argolide couvertes de bois de pins ». De cette ville et ce qui s'y passe naît, à travers la Grèce, un long murmure de curiosité malsaine, quelque peu analogue à celle qui concerne les émissions pornographiques de la télévision. Sentiment diamétralement opposé à la volonté qui anime Paul : prêcher, à cette masse humaine éloignée de tout idéal, la résurrection du Christ.

Une étape l'attend à Cenchrées, l'un des deux ports de la grande ville, cerné de vertes collines. Cenchrées est séparé de Lechée, le second, par un isthme de six kilomètres de large : si l'on veut se rendre par mer de l'un à l'autre, il faut contourner tout le Péloponèse : perte de temps financièrement lourde. Des édiles ingénieux ont eu l'idée d'aménager sur l'isthme une voie dallée — diolkos — afin de haler les navires de commerce entre les deux golfes, les plus légers étant transportés sur un chariot, les autres posés sur des cylindres. Il faut deux jours, parfois trois, pour que des centaines d'esclaves, l'épaule déchirée par les cordages, parfois sous le fouet, les poussent et les tirent jusqu'à l'autre versant[1].

[1] Néron a nourri le projet de percer l'isthme et même il est venu donner le premier coup de pioche ; cela n'a guère été plus loin. Hérode Atticus a tenté, lui aussi, de faire aboutir l'entreprise mais n'y est pas parvenu. Le canal de Corinthe n'a été réalisé qu'en 1893.

Donc, Cenchrées où « les mâts des bateaux sont aussi serrés que les troncs d'une forêt de pins[2] ». Une maison cubique comme il en est tant, agglutinée à toutes celles qui entourent le port. Un jeune couple y habite et y travaille, deux tisserands arrivés là un an plus tôt. Lui se nomme Aquilas, elle Priscilla. S'ils nous sont connus par les Actes, leur existence est confirmée par les Epîtres de Paul qui les présente sous les noms d'Aquilas et Prisca, Priscilla étant à ses yeux un diminutif. S'adressant plus tard à l'Eglise fondée par lui à Corinthe, Paul écrira : « Aquilas et Prisca vous envoient bien des salutations dans le Seigneur, ainsi que l'Eglise qui se réunit chez eux[3]. » Ce sont des juifs mais des juifs chrétiens. Lorsque l'empereur Claude, en l'an 49, a promulgué un édit qui chassait de Rome tous les juifs, ils ont dû fuir. Selon Suétone, les juifs de Rome ne cessaient « d'entretenir l'agitation, sous l'impulsion d'un certain Chrestos ». Personne ne peut nier la parenté, au moins sonore, entre Chrestos et Christ. La vérité est que ce Chrestos imaginaire est né d'une confusion avec les juifs convertis au Christ — il y en avait donc en 49 à Rome —, considérés comme étant les responsables de cette agitation.

[2] Dieter Hildebrandt.

[3] 1 Corinthiens 16.19.

Pour Aquilas et Priscilla, le port de Cenchrées ne devait être qu'une simple escale vers l'Asie. Surprise : ils y ont découvert l'urgent besoin de tentes affiché par les Corinthiens à la veille des jeux Isthmiques de l'année 51. Ne pouvant résister à une telle aubaine, le couple est resté et a ouvert un atelier. C'est là que surgit un jour un personnage ne payant pas de mine. Avertissant qu'il vient d'Athènes, il se présente : Paul de Tarse, et se dit chrétien. Comment les a-t-ils trouvés ? Aucun texte ne le précise. Un croyant admettra volontiers l'inspiration du Saint Esprit. D'autres se diront que Paul aura demandé au hasard où il pourrait trouver du travail et qu'on l'aura envoyé à la bonne adresse. Quand l'inconnu annonce qu'il est tisseur de tentes, on l'entend sur-le-champ. Très vite, les jeunes gens découvrent qu'il souffre des plaies mal refermées qui lui restent d'une flagellation. Comment ne les verrais-je pas saisis de pitié et d'amour ?

Aquilas et Pricilla ignorent totalement qu'ils viennent de recruter « une tornade ». L'homme ne répugne jamais au travail mais, à ses rares moments perdus, il se met en prière. Aussitôt il se transfigure. Qu'il ait clamé des versets de la Bible lui ressemblerait parfaitement. Que Priscilla et Aquilas en soient restés abasourdis ne nous étonnerait pas davantage.

Paul travaille de ses mains, il prie et médite, mais le jour vient où il prend congé : le but de son voyage n'est pas Cenchrées mais Corinthe. La logique conduit à penser qu'il aura attendu la cicatrisation de ses blessures pour se mettre en route.

Détruite en –146 lors de l'invasion romaine, l'ex-capitale de la Ligue achéenne est restée pendant cent ans à l'état de désert. En l'an 44 av. J.-C. — un siècle seulement avant l'arrivée de l'apôtre —, Jules César a fait reconstruire la ville qu'il a peuplée surtout d'affranchis ; d'où une population particulièrement hétérogène. Renan a vu en elle « un ramassis de ces gens de toute sorte et de toute origine ». Les Grecs ne se sont plus reconnus dans la ville nouvelle. Ils répugnaient aux sanglants jeux de cirque mis à la mode par Rome ; les Corinthiens en raffolaient. D'où « une ville très peuplée, riche, brillante, fréquentée par de nombreux étrangers, centre d'un commerce actif, une de ces villes mêlées, enfin, qui n'étaient plus des patries ».

Quittant Cenchrées pour Corinthe, Paul va emprunter une vallée pentue longue de huit kilomètres. Tout autour de lui s'étendent les vignobles d'où l'on tire, aujourd'hui encore, le succulent raisin de Corinthe. Pour un homme qui a traversé trois fois le Taurus, ces quelques kilomètres sont un jeu d'enfant. Contournant le grand amphithéâtre auquel est adossé le tombeau de Diogène, il pénètre dans le faubourg de Crasée. Avant de franchir l'une des portes de l'enceinte, impossible que son regard n'ait pas été attiré par l'extraordinaire piton rocheux qui, haut de 575 mètres, domine Corinthe : un spectacle si rare qu'il a de tout temps frappé — j'en témoigne — ceux qui l'ont contemplé. Du temps de Paul, le site était appelé Acrocorinthe et il a gardé ce nom aujourd'hui. On peut croire que c'est sans plaisir que Paul a appris que son sommet abritait un temple d'Aphrodite. De cette déesse effrontée, s'est-il imaginé poursuivi ?

Venant d'une Athènes de peu d'étendue, assez comparable à une ville universitaire du Moyen Age, il pénètre dans la cité la plus vaste qu'il ait connue depuis Antioche de Syrie. Par les Propylées, porte monumentale à trois arches, il accède aussitôt à l'agora, large place bordée au nord par des boutiques, au sud par un grand portique. Affirmer que Paul a dû rester bouche bée n'est pas une facilité que se donne le biographe : ces bâtiments recouverts de marbre laissaient chacun muet. Au-delà des boutiques du nord et les dépassant de sa masse, Paul n'a pu ignorer la présence écrasante du temple d'Apollon, élevé primitivement au VIe siècle av. J.-C. Ayant personnellement éprouvé l'émotion, au milieu d'un champ de ruines, de trouver sur place sept de ses colonnes miraculeusement échappées au tremblement de terre de 77, je mesure assez bien ce qu'ont dû ressentir ceux qui l'ont vu intact : quinze énormes colonnes sur les longs côtés, six sur les petits côtés.

Errant parmi les pierres éparses qui surgissent d'une herbe rase, j'imaginais Paul se glissant dans les rues où se bousculait « une foule bigarrée, bourdonnante, toujours pressée, accourue de tous les coins d'Europe et d'Asie ».

Les vétérans, les affranchis et les esclaves de César se sont trouvés encouragés par l'exhumation des richesses enfouies dans les tombes qu'ils violaient avec allégresse. Certaines fortunes sont nées de là. Le poète Crinagoras a crié sa douleur à cette Corinthe qu'il aurait préféré voir

Plus déserte que les sables de la Libye plutôt que
De te voir livrée toute entière à ces vauriens.

Paul ne trouvera là aucune aristocratie de vieille date mais des nouveaux riches ou héritiers des pionniers enrichis. Au nombre des convertis les plus huppés, il énumérera tout au plus Eraste, doté d'une charge municipale ; Caïus, propriétaire d'une grande villa ; Stéphanas dont le nom évoquait, dit-on, un soupçon de vulgarité : « Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l'appel de Dieu : il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. » Situation humiliante qu'il rectifie sur-le-champ par l'exposé des avantages que l'on peut en tirer : « Ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort[4]. » Si quelqu'un s'est inscrit dans le droit fil de Jésus, c'est bien Paul ici.

[4] 1 Corinthiens 1.26-27.

Dans cette colonie romaine, la langue officielle reste le latin mais le grec surgi des origines ne cesse de gagner du terrain. Corinthe mérite de nouveau le nom d'« opulente » dont Homère l'avait jadis gratifiée. Le transit de marchandises par ses ports est à l'origine de sa puissance économique. De ses chantiers sortent un grand nombre de bateaux. Cenchrées et Lechée s'enorgueillissent même d'avoir inventé la galère à trois rangs de rames. Tapis, tissus, étoffes de toute nature sortent de ses ateliers. Ses cuirasses de bronze n'ont guère d'équivalent en Occident. Sur les terres fertiles de la région, des milliers d'esclaves font surgir le blé, les légumes, les fruits en abondance et cultivent les vignes dont on tire un vin très prisé.

Les jeux Isthmiques ressuscités par César et célébrés en l'honneur de Neptune attirent tous les quatre ans à Corinthe une foule heureusement prodigue de ses deniers. Que Paul ait assisté aux jeux d'avril-mai 51 et qu'il ait été frappé par le spectacle des masses humaines assises au coude à coude ; séduit par les poètes qui s'affrontaient en lançant à des auditoires transportés leurs vers comme des dons ; impressionné par les athlètes joutant pour battre les records, on en trouve la trace dans la Première Epître aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que les coureurs, dans le stade, courent tous, mais qu'un seul gagne le prix ? » Le parallèle l'obsède : « Tous les athlètes s'imposent une ascèse rigoureuse ; eux, c'est pour une couronne périssable, nous pour une couronne impérissable. Moi donc, je cours ainsi : je ne vais pas à l'aveuglette ; et je boxe ainsi : je ne frappe pas dans le vide[5]. » A l'intention de Timothée qui y avait assisté avec lui, Paul, approchant de sa fin, évoquera encore les jeux de Corinthe : « Dans la lutte sportive, l'athlète ne reçoit la couronne que s'il a lutté selon les règles[6]. »

[5] 1 Corinthiens 9.25-26.

[6] 2 Timothée 2.5.

La ville d'autrefois s'était placée sous le signe de ce Poséidon qui rappelait sa vocation maritime en brandissant un trident. Aphrodite Pandémos l'a supplanté. Longtemps, en haut de l'Acrocorinthe, mille prêtresses au service de la déesse — les hiérodules — se sont prostituées en des cellules disposées — bizarre ! — derrière des rosiers. Même si leur nombre paraît avoir été en baisse sérieuse au temps de Paul, il en reste assez pour affliger un homme qui prêche l'ascèse et la continence. Ce que Paul découvre, c'est ce que nous désignons aujourd'hui comme le tourisme sexuel.

L'ascension de l'Acrocorinthe tente tous ceux qui disposent d'un peu de souffle et de quelque argent : les avides qui ne sont venus que pour cela, les voyageurs de passage, les négociants qui achètent ou vendent, les matelots des navires qui relâchent aux ports. C'est là que serait née la « maladie corinthienne » qui finira par se propager dans toutes les régions de l'empire. La réputation de Corinthe est telle que, d'une jeune fille qui jette sa virginité aux orties, on dit qu'elle se corinthise. Plus : le mot corinthias désigne les souteneurs. « Tout le monde ne peut aller à Corinthe », dit un proverbe : cela veut dire que les prêtresses sont hors de prix et tout autant les bouges nombreux des ports où les boissons fortes coulent à flots. La corruption des mœurs de Conrinthe, extrême parmi les villes grecques, a inspiré les auteurs dramatiques, Aristophane au premier rang, mais aussi les poètes et les écrivains : Horace, Juvénal ou Cicéron.

A ce climat auquel se sont profondément adaptés les esprits, Paul va devoir s'affronter. D'autres auraient reculé devant la tâche à accomplir. Pas lui. Il va demeurer dix-huit mois à Corinthe alors qu'il n'en avait réservé que douze à son dernier séjour à Antioche. On le voit changer de résidence au moins quatre fois.

La rencontre d'une femme — encore — se révélera lourde de conséquence pour sa mission : il s'agit d'une certaine Phoebé, affairiste pleine d'entregent et, comme telle, grande voyageuse. Convertie au Christ, ayant pignon sur rue, elle va patroner l'activité du Tarsiote, le représenter si nécessaire en justice et surtout témoigner de sa citoyenneté romaine. Autour de Phoebé se constituera, à Cenchrées, le noyau d'une communauté chrétienne. Bien plus tard, Paul la recommandera aux Romains comme « notre sœur, ministre de l'Eglise de Cenchrées ». Il souhaitera qu'on l'accueille « d'une manière digne des saints » et que, dans le cas où elle en aurait besoin, on l'aide « car elle a été une protectrice pour bien des gens et pour moi-même[7] ».

[7] Romains 16.1-2.

Silas et Timothée avaient-ils oublié Paul ? Sans crier gare, ils reparaissent ! Effusions, présentation des anciens fidèles aux nouveaux. Luc affirme que, dès l'arrivée de ses deux compagnons, « Paul se consacra entièrement à la Parole ». Le Tarsiote confirme : « des frères venus de Macédoine » lui ont apporté des subsides.

Après leur arrivée, Paul va pouvoir rédiger cette Epître aux Thessaloniciens qu'il méditait. Sa pensée est si dense, si rapide qu'il lui est impossible — n'étant pas professionnel de l'écriture — de la transcrire à lui seul. Toutes ses Epîtres, à commencer par celle-ci, seront donc dictées et les scripteurs se désigneront par leur nom. Ici : « Paul, Silas et Timothée à l'Eglise des Thessaloniciens... »

Instant unique. Le petit homme à qui l'on était prêt à faire l'aumône est en train de donner corps au christianisme. L'humble ouvrier se métamorphose en prophète bouillant, s'essayant à improviser un texte où il cherche à mettre tout de sa pensée, progressant péniblement, butant sur les mots, les phrases, les idées, se reprenant, rageant contre lui-même et — cela va de soi — contre ceux qui, stylet en main, tentent alternativement de remplir le papyrus. Parfois Paul tombe dans un profond silence. On n'entend plus que les mouches qui bourdonnent. Soudain, une reprise fulgurante se développe d'un seul élan, si bien que les autres ne peuvent plus suivre, d'où des protestations de leur part, des répliques furieuses de la sienne. Bref, des moments dont nous regretterons éternellement de n'avoir pu être les témoins.

Que Paul ait été parfaitement conscient de ce qu'il entreprenait, la première phrase de la lettre le proclame avec une force incroyable. Elle s'adresse « à l'Eglise des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ ». Nul mieux que Dieter Hildebrandt n'a souligné la force de tels mots : « Il n'existe pas de témoignage antérieur où soit employé le terme de Jésus Christ, pas de document plus ancien attestant ce nom du Messie. Et rien non plus auparavant ne laisse transparaître cette foi nouvelle. C'est en toute simplicité que le christianisme adresse son salut à la postérité. »

Autant les futures Epîtres apparaîtront marquées surtout par les questions doctrinales, autant celle-ci exprime sans retenue la force des sentiments que Paul a éprouvés à Thessalonique : « Nous avons été au milieu de vous pleins de douceur, comme une mère réchauffe sur son sein les enfants qu'elle nourrit. Nous avions pour vous une telle affection que nous étions prêts à vous donner non seulement l'Evangile de Dieu, mais même notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers. [...] Et vous le savez : traitant chacun de vous comme un père ses enfants, nous vous avons exhortés, encouragés et adjurés de vous conduire d'une manière digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire[8]. » Ce qui donne sa dimension aux succès de Paul à Thessalonique, c'est la façon dont il les évoque : « De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s'est si bien répandue partout que nous n'avons pas besoin d'en parler. Car chacun raconte, en parlant de nous, quel accueil vous nous avez fait, et comment vous vous êtes tournés vers Dieu en vous détournant des idoles, pour servir le Dieu vivant et véritable et pour attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous arrache à la colère qui vient[9]. »

[8] 1 Thessaloniciens 2.7-12.

[9] 1 Thessaloniciens 1.8-10.

Si certaines lettres de Paul seront empreintes de gravité et souvent d'admonestations, celle-ci est pleine de la satisfaction qu'il doit à une communauté fidèle à son enseignement et qui ne sacrifie plus aux dieux païens. Le message s'attarde sur un point auquel on sent que Paul veut donner une importance particulière. Il a appris que des chrétiens de Thessalonique venaient de décéder — de mort naturelle —, ce qui a plongé la toute récente communauté dans l'affliction mais a surtout soulevé de graves interrogations.

Pour comprendre, il faut retourner à Jérusalem aux débuts du christianisme. Les premiers fidèles, contemporains de la mort et de la résurrection de Jésus, ont voulu retenir de l'annonce de son retour sur terre que celui-ci était imminent. Quelques-uns ont même refusé l'enseignement qui leur était proposé, devenu inutile à leurs yeux puisque tout serait révélé par Jésus lui-même lors de son retour. Il faut sans cesse méditer cette réalité primordiale : la première génération du christianisme a vécu dans la certitude — et surtout l'attente — de la fin du monde qui suivrait le retour de Jésus. Paul lui-même l'a cru et ne cessera de le croire. Dans l'Epître aux Romains, son dernier écrit, il insistera encore : « Vous savez en quel temps nous sommes : voici l'heure de sortir de votre sommeil ; aujourd'hui, en effet, le salut est plus près de nous qu'au moment où nous avons cru. La nuit est avancée. Le jour est tout proche. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière[10]. » Peut-être faut-il chercher dans cette argumentation l'une des principales raisons des succès de Paul. Il faudra attendre sa propre mort pour que les chrétiens renoncent à envisager une époque précise pour le retour de Jésus.

[10] Romains 13.11-12.

Les certitudes de la première génération étaient telles que les convertis de ce temps, persuadés d'être bientôt l'objet de la prédilection de Jésus, ont pensé que la vie leur serait assurée jusqu'à son retour. Les premiers décès parmi les chrétiens de Thessalonique ont apporté, à cette conviction sans nuance, une terrible contradiction. La difficulté pour Paul vient de ce qu'il ne peut être que stupéfait lui-même par ces morts. Cependant, il répond : « Voici ce que nous vous disons, d'après une parole du Seigneur ; nous, les vivants, qui serons restés jusqu'à la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas du tout ceux qui sont morts. Car lui-même, le Seigneur, au signal donné, à la voix de l'archange et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel : alors les morts en Christ ressusciteront d'abord ; ensuite nous, les vivants, qui serons restés, nous serons enlevés avec eux sur les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Réconfortez-vous donc les uns les autres par cet enseignement.

« Quant au temps et au moment, frères, vous n'avez pas besoin qu'on vous en écrive. Vous-mêmes le savez parfaitement : le Jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit[11]. »

[11] 1 Thessaloniciens 4.15-18 ; 5.1-2.

La formule — combien frappante ! — se retrouvera dans l'Evangile de Luc qui la place dans la bouche de Jésus : « Si le maître de maison connaissait l'heure à laquelle le voleur va venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison. Vous aussi tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ignorez que le Fils de l'Homme va venir[12]. » Matthieu prêtera à Jésus des propos quasiment identiques : « Si le maître de maison connaissait l'heure de la nuit à laquelle le voleur va venir, il veillerait et ne laisserait pas percer le mur de sa maison. Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts[13]. » La même allusion se lira dans la Deuxième Epître de Pierre et dans l'Apocalypse de Jean.

[12] Luc 12.39.

[13] Matthieu 24.43-44.

Ne craignons pas de les supposer, ces convertis, tendant l'oreille vers les moindres altérations qui peuvent affecter le silence de la nuit et, chaque fois, déçus parce que n'a pas retenti le son des trompettes dont ils étaient sûrs que s'accompagnerait le retour du Fils de Dieu.

Aucune Epître de Paul n'est a priori un exposé magistral de sa doctrine mais chacune transmet un ou plusieurs aspects de la tradition qu'il entend fixer. L'ensemble renferme in fine l'exposé exhaustif de son enseignement. Dès la Première lettre aux Thessaloniciens, Paul formule — probablement de sa main — une véritable adjuration : « Frères, priez aussi pour nous. Saluez tous les frères d'un saint baiser. Je vous en conjure par le Seigneur : que cette lettre soit lue à tous les frères. Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous. »

N'en doutons pas : les lettres de Paul tendent à fixer une prédication orale qui par essence risque d'être mal comprise, mal retenue, mal transmise. Au fil des années, on verra les Epîtres préciser le statut des nouvelles Eglises et les responsabilités assignées à leur hiérarchie. Ce qui en ressort aussi avec éclat, c'est que, partout et en tout temps, les Epîtres affirment la foi sans limite de Paul.

Dans une Epître aux Corinthiens — la première qu'il leur adressera —, Paul évoque la timidité qui a accompagné ses premières prédications dans la ville : « Quand je suis venu chez vous, frères, ce n'est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant[14]. » Certains ont voulu expliquer cette sorte de « trac » par une recrudescence de « l'aiguillon dans la chair ». Peut-être est-ce négliger la crise psychologique née de son échec à Athènes.

[14] 1 Corinthiens 2.1-3.

L'existence d'une importante communauté juive à Corinthe est affirmée par Philon d'Alexandrie. Dès son arrivée, Paul a donc parlé dans les synagogues. Les premiers moments de surprise passés, les juifs ont opposé à sa prédication une hostilité systématique et grandissante. Il s'est entêté. Bientôt les juifs en sont venus à des injures qu'il n'a pas supportées. Un jour, pendant le sabbat, sa colère a rejoint la « frénésie » de naguère, au point qu'il s'est mis à déchirer ses vêtements en hurlant :

— Que votre sang vous retombe sur la tête ! J'en suis pur, et désormais c'est aux païens que j'irai !

Sortant de la synagogue, il met sa menace à exécution. Il se rend chez un certain Titius Justus, un Romain, « dont la maison était contiguë à la synagogue ».

Que Paul se soit progressivement éloigné de ses rites, tout le démontre. Qu'il ait rompu avec le judaïsme en soi, tout prouve le contraire. Les lettres qu'il ne cessera d'adresser aux différentes communautés chrétiennes ou à des amis tels que Timothée sont remplies de citations ou d'allusions bibliques. Par rapport à la religion juive, l'événement qui marque profondément l'étape de Corinthe n'est pas — comme l'ont répété nombre de juifs contemporains de Paul — la désertion d'un renégat mais l'anéantissement d'un grand espoir : faire comprendre aux juifs que le juif Jésus était le Messie incarné. Souvenons-nous du comportement des premiers chrétiens : aucun ne renonce à prier au Temple. Pierre et Jean le fréquentent presque chaque jour. Pour Paul, le christianisme n'est pas seulement imprégné de judaïsme, il est juif. Dans l'Epître aux Romains rédigée dans la dernière partie de sa vie, il persistera : « Je demande donc : Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Certes non ! » Il va même jusqu'à se déclarer prêt à renoncer à son propre salut pour « ceux de ma race selon la chair, eux qui sont les Israélites, à qui appartiennent l'adoption, la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses et les pères, eux enfin de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement[15] ».

[15] Romains 9.3-5.

L'une des plus surprenantes analyses de la dualité de Paul après sa rupture avec la synagogue a été donnée par Schalom Ben-Chorin, pionnier juif du dialogue judéo-chrétien qui découvre, à côté de l'attachement jamais renié de Paul à la religion d'Abraham, une sorte de « haine de soi juive ». Soulignant cette coexistence, Ben-Chorin décrit « l'épreuve déchirante » à laquelle il voit soumis l'homme de Damas et qui l'amène tantôt à défendre le droit des juifs à se considérer comme enfants de Dieu, tantôt à prétendre qu'« ils ne plaisent pas à Dieu ». Ben-Chorin estime que le rapport de Paul à Israël « est caractéristique d'un juif de la Diaspora. Son identité juive redevient sans cesse, pour lui, un problème ». Ce qui, pense notre auteur, n'a jamais été le cas de Jésus de Nazareth : « Celui-ci était juif, totalement juif, rien que juif. »

Au XXIe siècle, dans les églises catholiques, on lit d'obligation trois textes à chaque messe : le premier est un passage de la Bible hébraïque, donc juif ; le deuxième est un extrait d'une Epître de Paul et, plus rarement, d'un autre apôtre, juif de toute façon ; le troisième, un épisode tiré des Evangiles de Marc, Matthieu, Luc et Jean, tous juifs. Les Psaumes que l'on chante sont ceux de la Bible. Bien des chrétiens se demandent aujourd'hui pourquoi Paul n'a pas été entendu des juifs de son temps. Nul ne refera l'histoire mais on ne peut douter que le divorce entre deux courants juifs s'est trouvé générateur de grands malheurs.

« Beaucoup de Corinthiens, en écoutant Paul, devenaient croyants et recevaient le baptême[16]. » En s'expliquant auprès des Corinthiens eux-mêmes sur le sens de l'enseignement qu'il a donné, il nous éclaire en même temps : « Ma parole et ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l'Esprit, afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Pourtant, c'est bien une sagesse que nous enseignons aux chrétiens adultes, sagesse qui n'est pas de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction. Nous enseignons la sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée, que Dieu, avant les siècles, avait d'avance destinée à notre gloire. Aucun des princes de ce monde ne l'a connue, car s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. [...] En effet, c'est à nous que Dieu l'a révélée [la sagesse de Dieu] par l'Esprit. Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc parmi les hommes connaît ce qui est dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même, ce qui est en Dieu, personne ne le connaît, sinon l'Esprit de Dieu. Pour nous, nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les dons de la grâce de Dieu. Et nous n'en parlons pas dans le langage qu'enseigne la sagesse humaine, mais dans celui qu'enseigne l'Esprit, exprimant ce qui est spirituel en termes spirituels. L'homme laissé à sa seule nature n'accepte pas ce qui vient de l'Esprit de Dieu. C'est une folie pour lui, il ne peut le connaître, car c'est spirituellement qu'on en juge. L'homme spirituel, au contraire, juge de tout et n'est lui-même jugé par personne. Car qui a connu la pensée du Seigneur pour l'instruire ? Or nous, nous avons la pensée du Christ[17]. »

[16] Actes 18.8.

[17] 1 Corinthiens 2.4-6.

Le lecteur non averti vient de rencontrer le langage de Paul. Avec lui on survole de très haut le raisonnement ordinaire, « charnel » comme il dit. Les Epîtres se tiennent constamment à ce niveau, à ce point qu'il faut les lire avec une attention soutenue pour en accueillir toutes les subtilités. Quand on en devient le familier, une pensée traverse constamment l'esprit : si un tel langage a été tenu devant les petites gens de Corinthe, comment l'ont-ils compris ? A la vérité, ces textes ont dû être adressés à des personnalités choisies, au sein des communautés, pour leurs qualités spirituelles et leur capacité à assimiler les développements de l'apôtre. J'aime à penser que ceux-ci ont su traduire la théologie de Paul en une langue plus accessible.

Rien de plus disparate que l'assemblée des convertis de Paul. Grecs et Romains se mêlent aux juifs, les circoncis aux non-circoncis. On se réunit dans des maisons particulières où l'on prend ses repas en commun. Conformément à l'attitude qu'il avait définie à Antioche, Paul n'empêche aucun des nouveaux chrétiens d'assister aux fêtes nombreuses — juives ou païennes — que l'on célèbre dans la ville. A ceux — surtout juifs — qui montrent des réticences, Paul explique qu'il ne faut pas se singulariser. L'assistance aux fêtes permet de nouer des relations utiles pour la diffusion du message divin. Une sentence limpide résume l'essentiel : « Tout est permis, mais tout ne convient pas ; tout est permis, mais tout n'édifie pas. » Donc « tout ce qu'on vend au marché, mangez-le sans poser de questions par motif de conscience ; car la terre et tout ce qu'elle contient sont au Seigneur[18]. Si un non-croyant vous invite et que vous acceptiez d'y aller, mangez de tout ce qui vous est offert, sans poser de questions par motif de conscience. Mais si quelqu'un vous dit : “C'est de la viande sacrifiée”, n'en mangez pas, à cause de celui qui vous a averti et par motif de conscience ; je parle ici, non de votre conscience, mais de la sienne. Car pourquoi ma liberté serait-elle jugée par une autre conscience ? »

[18] Citation de la Bible.

Paul va jusqu'à se donner en exemple : « C'est ainsi que moi-même je m'efforce de plaire à tous, en toute chose, en ne cherchant pas mon avantage personnel, mais celui du plus grand nombre afin qu'ils soient sauvés. » Il conclut par une phrase superbement et orgueilleusement paulinienne : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ[19]. »

[19] 1 Corinthiens 10.23-29, 33 ; 11.1.

A la même époque, Corinthe voit arriver le nouveau proconsul d'Achaïe. Son nom : Lucius Junius Gallio, que les textes du Nouveau Testament appellent Gallion. Une inscription sur une pierre commémorative exhumée à Delphes évoque un conflit dont s'est préoccupé le proconsul et sur lequel s'est prononcé l'empereur Claude.

Certes, elle n'a aucun rapport avec l'histoire de Paul mais sa valeur s'affirme du fait qu'elle jalonne sa biographie d'une date précise. On en déduit que Gallion — gardons-lui son nom traditionnel — a pris son poste à Corinthe à la fin d'avril 51. Il ne s'agit pas d'un personnage de second plan. Son frère, l'illustre Sénèque, est pour lors précepteur du jeune Néron. Gallion devrait rester une année entière à Corinthe — durée de son mandat — mais il ne l'achèvera pas, ayant, selon son frère, pris Corinthe en aversion.

Siégeant à dates régulières sous le portique pour rendre la justice, grand a dû être son étonnement quand il a vu paraître un groupe de juifs conduit par un certain Sosthène, chef de synagogue, et qui amenait devant lui — de force ? — un inconnu du nom de Paul. Ces juifs juraient que « cet individu » prêchait un « culte illégal de Dieu » auquel il voulait « amener les gens ».

Gallion a dû tomber des nues. La religion juive étant reconnue par la loi romaine avec tous les avantages qu'elle comporte, quel peut être le culte « illégal » dont les juifs accusent le petit homme traduit devant lui ? Il est improbable que le proconsul ait pensé aux chrétiens car, même si nous savons qu'il en existe à Rome, ils sont si peu nombreux qu'il n'en a probablement pas entendu parler. Gallion voit ces juifs si sûrs d'eux qu'il les laisse développer l'accusation. Après quoi, en homme intègre, il donne la parole à Paul. Puis il fait connaître son verdict : il convient qu'annoncer une nouvelle religion serait en effet illégal mais, s'il s'agit d'une opinion nouvelle prêchée au sein du judaïsme, c'est tout autre chose. Gallion n'ignore pas les disparités qui existent entre sadducéens et pharisiens. Si une autre surgit maintenant, que peut-il y faire ? Rien de plus clair que sa réponse :

— S'il s'agissait d'un délit ou de quelque méfait éhonté, je recevrais votre plainte, ô juifs, comme de raison ; mais, puisque vos querelles concernent une doctrine, des noms et la Loi qui vous est propre, cela vous regarde ! Je ne veux pas, moi, être juge en pareille matière[20].

[20] Actes 18.14-15.

En conséquence, Paul est renvoyé du tribunal. Libre. S'il faut en croire les Actes, les juifs courroucés se sont alors retournés contre ce Sosthène qui leur avait fait perdre la face. Sous les yeux du proconsul, ils l'ont roué de coups, « mais Gallion, ajoute Luc avec une désinvolture remarquable, ne s'en souciait absolument pas ».

Le jour viendra où Paul estimera qu'il n'a plus rien à attendre de Corinthe. Il y a semé et peut être fier de la moisson. Même si l'Eglise qu'il y a implantée ne compte, y compris les esclaves, que quelques centaines de fidèles, le résultat dépasse de fort loin celui récolté lors de ses prédications précédentes. Dans la Première Epître aux Corinthiens, Paul reviendra sur le bonheur qu'il a, « au nom du Christ », reçu des Corinthiens et sur le souvenir précieux qu'il a conservé de son séjour parmi eux :

« Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus. Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance. C'est que le témoignage rendu au Christ s'est affermi en vous, si bien qu'il ne vous manque aucun don de la grâce, à vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui aussi qui vous affermira jusqu'à la fin, pour que vous soyez irréprochables au Jour de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son fils Jésus Christ, notre Seigneur[21]

[21] 1 Corinthiens 1.4-9.

S'est-il embarqué à Cenchrées à l'automne 51, avant que l'interdit de voyager en mer fût prononcé ? On penche plutôt pour le printemps 52. Auparavant, nous savons qu'il s'est fait tondre la tête pour obéir à un vœu. La lecture du Livre des Nombres nous éclaire sur le caractère d'un tel geste : celui qui s'y détermine doit s'abstenir de vin ainsi que de boissons fermentées et se laisser pousser les cheveux pendant au moins trente jours. Après quoi, dans une salle du Temple de Jérusalem, on lui tondra la tête et l'on brûlera ses cheveux en signe d'offrande. En faisant tondre à Cenchrées ce qu'il lui reste de chevelure, Paul marque une nouvelle fois sa dualité : lui qui vient de bâtir les fondements d'une église chrétienne, il observe étroitement le rite de la Loi juive.

Il s'embarque en compagnie de Priscilla et Aquilas : de sa part, fidélité en amitié ; de la leur, confirmation d'une foi ardente. Timothée les accompagne.

Destination : Antioche.

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