Ignace et Polycarpe

Aux Romains

Adresse

Ἰγνάτιος, ὁ καὶ Θεοφόρος, τῇ ἠλεημένῃ ἐν μεγαλειότητι πατρὸς ὑψίστου καὶ Ἰησοῦ χριστοῦ τοῦ μόνου υἱοῦ αὐτοῦ ἐκκλησίᾳ ἠγαπημένῃ καὶ πεφωτισμένῃ ἐν θελήματι τοῦ θελήσαντος τὰ πάντα, ἃ ἔστιν, κατὰ ἀγάπην Ἰησοῦ χριστοῦ, τοῦ θεοῦ ἡμῶν, ἥτις καὶ προκάθηται ἐν τόπῳ χωρίου Ῥωμαίων, ἀξιόθεος, ἀξιοπρεπής, ἀξιομακάριστος, ἀξιέπαινος, ἀξιεπίτευκτος, ἀξίαγνος καὶ προκαθημένη τῆς ἀγάπης, χριστώνυμος, πατρώνυμος, ἣν καὶ ἀσπάζομαι ἐν ὀνόματι Ἰησοῦ χριστοῦ, υἱοῦ πατρός · κατὰ σάρκα καὶ πνεῦμα ἡνωμένοις πάσῃ ἐντολῇ αὐτοῦ, πεπληρωμένοις χάριτος θεοῦ ἀδιακρίτως καὶ ἀποδιϋλισμένοις ἀπὸ παντὸς ἀλλοτρίου χρώματος πλεῖστα ἐν Ἰησοῦ Χριστῷ, τῷ θεῷ ἡμῶν, ἀμώμως χαίρειν.

Ignace, appelé aussi Théophore, à l’église, objet de la miséricorde et de la munificence du Père très haut et de Jésus-Christ, son fils unique ; (à cette église) aimée (de Dieu) et illuminée par la volonté de celui qui a voulu tout ce qui existe, en vertu de la charité de Jésus-Christ, notre Dieu ; (à l’église) qui préside dans la capitale des Romains, (église) sainte, vénérable, bienheureuse, digne d’éloges et de succès ; (à l’église) toute pure qui préside à la charité et qui a reçu la loi du Christ et le nom du Père : salut, au nom de Jésus-Christ, fils du Père ; aux (fidèles) attachés de corps et d’âme à tous ses commandements, remplis pour toujours de la grâce de Dieu, et purs de tout élément étranger, je souhaite une pleine et sainte allégresse en Jésus-Christ, notre Dieu.

Notes

ἐν τόπῳ χωρίου Ῥωμαίων, dans le lieu de la région des Romains, expression bizarre qui a reçu des interprétations les plus variées. Voir les différents commentateurs. Lightfoot, Funk, Bunsen, Zahn, etc. Bunsen fait dépendre χωρίου de προκάθηται et donne à ἐν τόπῳ le sens de in dignitate, in officio suo, dans sa dignité à la région des Romains. Zahn adopte la même construction, mais substitue τύπῳ à τόπῳ et traduit ἐν τύπῳ par en exemple, comme un exemple : l’église qui préside, comme un exemple (pour les autres églises), à la région des Romains. — En fait, χωρίου ne dépend pas de προκάθηται mais de ἐν τόπῳ.

προκαθημένη τῆς ἀγάπης, qui préside à la charité, autre expression étrange, susceptible, elle aussi, de plusieurs interprétations : 1° qui s’élève au-dessus des autres églises par sa charité ; 2° qui préside à la société d’amour, c’est-à-dire à l’église.

ἀδιακρίτως : inséparablement, semble signifier ici que la grâce de Dieu ne les abandonnera jamais, qu’ils en sont remplis pour toujours.

χρώματος, matière colorante qui trouble la qualité de l’eau.

Chapitre 1

1.1 Ἐπεὶ εὐξάμενος θεῷ ἐπέτυχον ἰδεῖν ὑμῶν τὰ ἀξιόθεα πρόσωπα, ὡς καὶ πλέον ᾐτούμην λαβεῖν · δεδεμένος γὰρ ἐν Χριστῷ Ἰησοῦ ἐλπίζω ὑμᾶς ἀσπάσασθαι, ἐάνπερ θέλημα ᾖ τοῦ ἀξιωθῆναί με εἰς τέλος εἶναι.

A force de prières, j’ai obtenu de voir vos saints visages ; j’ai même reçu de Dieu plus que je ne demandais ; car c’est en qualité de prisonnier du Christ Jésus que j’espère vous saluer, si toutefois Dieu daigne me faire la grâce d’aller jusqu’au bout.

1.2 ἡ μὲν γὰρ ἀρχὴ εὐοικονόμητός ἐστιν, ἐάνπερ χάριτος ἐπιτύχω εἰς τὸ τὸν κλῆρόν μου ἀνεμποδίστως ἀπολαβεῖν. φοβοῦμαι γὰρ τὴν ὑμῶν ἀγάπην, μὴ αὐτή με ἀδικήσῃ. ὑμῖν γὰρ εὐχερές ἐστιν, ὃ θέλετε, ποιῆσαι · ἐμοὶ δὲ δύσκολόν ἐστιν τοῦ θεοῦ ἐπιτυχεῖν, ἐάνπερ ὑμεῖς μὴ φείσησθέ μου.

L’affaire est bien engagée : puissé-je, avec la grâce (de Dieu), entrer sans obstacle en possession du lot qui m’est échu ! Je crains que votre charité ne me soit dommageable. Car il vous est facile, à vous, de faire ce que vous voulez ; mais il me sera difficile, à moi, d’arriver à Dieu, si vous n’avez pas pitié de moi.

Notes

1.1 ὡς καὶ πλέον ᾐτούμην λαβεῖν, comme je l’ai demandé à Dieu avec instance. Lightfoot propose de rétablir entre πλέον et ᾐτούμην, et alors le sens est celui-ci : de sorte que j’ai obtenu plus même que je ne demandais. Ce dernier sens cadre mieux avec la suite des idées.

1.2 φοβοῦμαι γὰρ τὴν ὑμῶν ἀγάπην : Ignace craint que les chrétiens de Rome, par leurs démarches charitables, ne lui ravissent la couronne du martyre.

Chapitre 2

2.1 Οὐ γὰρ θέλω ὑμᾶς ἀνθρωπαρεσκῆσαι, ἀλλὰ θεῷ ἀρέσαι, ὥσπερ καὶ ἀρέσκετε. οὔτε γὰρ ἐγώ ποτε ἕξω καιρὸν τοιοῦτον θεοῦ ἐπιτυχεῖν, οὔτε ὑμεῖς, ἐὰν σιωπήσητε, κρείττονι ἔργῳ ἔχετε ἐπιγραφῆναι. ἐὰν γὰρ σιωπήσητε ἀπ᾿ ἐμοῦ, ἐγὼ λόγος θεοῦ · ἐὰν δὲ ἐρασθῆτε τῆς σαρκός μου, πάλιν ἔσομαι φωνή.

Ce n’est pas la faveur des hommes que je veux vous voir rechercher, mais celle de Dieu, qui d’ailleurs vous est acquise. Jamais je ne retrouverai pareille occasion d’aller à Dieu, et vous, vous ne sauriez attacher votre nom à une meilleure œuvre qu’en vous tenant tranquilles. Votre silence à mon sujet fera de moi une parole de Dieu ; mais si vous aimez trop ma chair, je ne serai plus qu’une voix ordinaire.

2.2 πλέον μοι μὴ παράσχησθε τοῦ σπονδισθῆναι θεῷ, ὡς ἔτι θυσιαστήριον ἕτοιμόν ἐστιν, ἵνα ἐν ἀγάπῃ χορὸς γενόμενοι ᾄσητε τῷ πατρὶ ἐν Χριστῷ Ἰησοῦ, ὅτι τὸν ἐπίσκοπον Συρίας ὁ θεὸς κατηξίωσεν εὑρεθῆναι εἰς δύσιν ἀπὸ ἀνατολῆς μεταπεμψάμενος. καλὸν τὸ δῦναι ἀπὸ κόσμου πρὸς θεόν, ἵνα εἰς αὐτὸν ἀνατείλω.

Je ne vous demande qu’une chose : c’est de laisser offrir à Dieu la libation de mon sang, tandis que l’autel est encore prêt : alors, réunis tous en chœur par la charité, vous pourrez chanter, dans le Christ Jésus, un hymne à Dieu le Père, pour avoir daigné faire venir l’évêque de Syrie du levant au couchant. Il est bon, en effet, de me coucher du monde en Dieu, pour me lever en lui.

Notes

2.1 λόγος… φωνήλόγος désigne la parole humaine ; φωνή, une voix ou un cri quelconque de l’homme ou des animaux. Le sens est celui-ci : en vous taisant à mon sujet, et en me laissant ainsi aller à Dieu par le martyre, je deviendrai une parole de Dieu, c-à-d un témoin et un porte-parole de Dieu. Mais si vous m’arrachez au martyre, et me privez ainsi de cette dignité de Parole de Dieu, je ne serai plus que ce que je suis naturellement, une voix ordinaire, un simple cri.

2.2 θυσιαστήριον… χορὸς… ᾄσητε : tous ces termes empruntés aux sacrifices païens. L’autel, sur lequel Ignace doit verser son sang, c’est sans doute l’amphithéâtre des Flaviens ; les chrétiens de Rome sont invités à former un chœur pour chanter autour de l’autel l’hymne du sacrifice.

Chapitre 3

3.1 Οὐδέποτε ἐβασκάνατε οὐδενί, ἄλλους ἐδιδάξατε. ἐγὼ δὲ θέλω, ἵνα κἀκεῖνα βέβαια ᾖ ἃ μαθητεύοντες ἐντέλλεσθε.

Vous n’avez jamais porté envie à personne : vous avez donné à d’autres des enseignements : eh bien ! ce que je veux, c’est précisément la mise en pratique de vos leçons et de vos préceptes.

3.2 μόνον μοι δύναμιν αἰτεῖσθε ἔσωθέν τε καὶ ἔξωθεν, ἵνα μὴ μόνον λέγω ἀλλὰ καὶ θέλω, ἵνα μὴ μόνον λέγωμαι Χριστιανὸς ἀλλὰ καὶ εὑρεθῶ. ἐὰν γὰρ εὑρεθῶ, καὶ λέγεσθαι δύναμαι, καὶ τότε πιστὸς εἶναι, ὅταν κόσμῳ μὴ φαίνωμαι.

Contentez-vous de demander pour moi la force intérieure et extérieure, pour que je sois chrétien, non seulement de bouche, mais de cœur ; non seulement de nom, mais de fait. Car si je me montre chrétien de fait, je mériterai aussi ce nom, et c’est quand j’aurai disparu de ce monde que ma foi apparaîtra avec le plus d’éclat.

3.3 οὐδὲν φαινόμενον καλόν · ὁ γὰρ θεὸς ἡμῶν Ἰησοῦς Χριστὸς ἐν πατρὶ ὢν μᾶλλον φαίνεται. οὐ πεισμονῆς τὸ ἔργον, ἀλλὰ μεγέθους ἐστὶν ὁ Χριστιανισμός, ὅταν μισῆται ὑπὸ κόσμου.

Rien de ce qui se voit n’est bon : même notre Dieu, Jésus-Christ, ne s’est jamais mieux manifesté que depuis qu’il est retourné au sein de son Père. Le christianisme, quand il est en butte à la haine du monde, n’est plus objet de persuasion (humaine), mais œuvre de puissance (divine).

Notes

3.1 ἄλλους ἐδιδάξατε, c-à-d : vous n’avez jamais voulu ravir à personne la gloire de mourir pour le Christ ; au contraire, vous avez toujours encouragé les autres au martyre par vos exemples et vos enseignements. Peut-être y a-t-il ici une allusion à l’épître de Clément aux Corinthiens.

3.3 οὐ πεισμονῆς τὸ ἔργον… , c-à-d : en temps de persécution, l’œuvre de l’Évangile ne se fait pas avec des discours et de l’éloquence, mais avec des actes qui manifestent la grandeur et la puissance de Dieu.

Chapitre 4

4.1 Ἐγὼ γράφω πάσαις ταῖς ἐκκλησίαις, καὶ ἐντέλλομαι πᾶσιν, ὅτι ἐγὼ ἑκὼν ὑπὲρ θεοῦ ἀποθνήσκω, ἐάνπερ ὑμεῖς μὴ κωλύσητε. παρακαλῶ ὑμᾶς, μὴ εὔνοια ἄκαιρος γένησθέ μοι. ἄφετέ με θηρίων εἶναι βοράν, δι᾿ ὧν ἔνεστιν θεοῦ ἐπιτυχεῖν. σῖτός εἰμι θεοῦ καὶ δι᾿ ὀδόντων θηρίων ἀλήθομαι, ἵνα καθαρὸς ἄρτος εὑρεθῶ τοῦ χριστοῦ.

J’écris à toutes les églises : je mande à tous que je mourrai de grand cœur pour Dieu, si vous ne m’en empêchez. Je vous en conjure, épargnez-moi une bienveillance intempestive. Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : c’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour devenir le pain immaculé du Christ.

4.2 μᾶλλον κολακεύσατε τὰ θηρία, ἵνα μοι τάφος γένωνται καὶ μηθὲν καταλίπωσι τῶν τοῦ σώματός μου, ἵνα μὴ κοιμηθεὶς βαρύς τινι γένωμαι. τότε ἔσομαι μαθητὴς ἀληθῶς Ἰησοῦ χριστοῦ, ὅτε οὐδὲ τὸ σῶμά μου ὁ κόσμος ὄψεται. λιτανεύσατε τὸν Χριστὸν ὑπὲρ ἐμοῦ, ἵνα διὰ τῶν ὀργάνων τούτων θυσία εὑρεθῶ.

Caressez-les plutôt, afin qu’elles soient mon tombeau, et qu’elles ne laissent rien subsister de mon corps : mes funérailles ne seront ainsi à charge à personne. C’est quand le monde ne verra même plus mon corps, que je serai un véritable disciple de Jésus-Christ. Priez le Christ de daigner faire de moi, par la dent des fauves, une victime pour Dieu.

4.3 οὐχ ὡς Πέτρος καὶ Παῦλος διατάσσομαι ὑμῖν. ἐκεῖνοι ἀπόστολοι, ἐγὼ κατάκριτος · ἐκεῖνοι ἐλεύθεροι, ἐγώ δὲ μέχρι νῦν δοῦλος. ἀλλ᾿ ἐὰν πάθω, ἀπελεύθερος γενήσομαι Ἰησοῦ χριστοῦ καὶ ἀναστήσομαι ἐν αὐτῷ ἐλεύθερος. νῦν μανθάνω δεδεμένος ἐταπεινοφρονεῖτε ἐπιθυμεῖν.

Je ne vous donne pas des ordres, comme Pierre et Paul : ils étaient des Apôtres, et moi je ne suis qu’un condamné ; ils étaient libres, et moi, jusqu’à présent, je suis esclave ; mais la mort fera de moi un affranchi de Jésus-Christ en qui je ressusciterai libre. Pour le moment, j’apprends dans les fers à ne rien désirer.

Notes

4.1 πάσαις ταῖς ἐκκλησίαις — Les circonstances ultérieures ne permirent pas à Ignace de mettre son projet à exécution.

ἀλήθομαιJe suis moulu, pour je serai moulu. Dans son ardeur pour le martyre, Ignace considère la chose comme déjà présente.

Chapitre 5

5.1 Ἀπὸ Συρίας μέχρι Ῥώμης θηριομαχῶ, διὰ γῆς καὶ θαλάσσης, νυκτὸς καὶ ἡμέρας, ἐνδεδεμένος δέκα λεοπάρδοις, ὅ ἐστιν στρατιωτικὸν τάγμα · οἳ καὶ εὐεργετούμενοι χείρους γίνονται. ἐν δὲ τοῖς ἀδικήμασιν αὐτῶν μᾶλλον μαθητεύομαι, ἀλλ᾿ οὐ παρὰ τοῦτο δεδικαίωμαι.

Depuis la Syrie jusqu’à Rome, sur terre et sur mer, de nuit et de jour, je combats déjà contre les bêtes, enchaîné que je suis à dix léopards : je veux parler des soldats qui me gardent, et qui se montrent d’autant plus méchants qu’on leur fait plus de bien. Leurs mauvais traitements sont pour moi une école, à laquelle je me forme tous les jours ; « mais je ne suis pas pour cela justifié. »

5.2 ὀναίμην τῶν θηρίων τῶν ἐμοὶ ἡτοιμασμένων, ἃ καὶ εὔχομαι σύντομά μοι εὑρεθῆναι · ἃ καὶ κολακεύσω, συντόμως με καταφαγεῖν, οὐχ ὥσπερ τινῶν δειλαινόμενα οὐχ ἥψαντο. κἂν αὐτὰ δὲ ἑκόντα μὴ θελήσῃ, ἐγὼ προσβιάσομαι.

Quand donc serai-je en face des bêtes qui m’attendent ! Puissent-elles se jeter aussitôt sur moi ! Au besoin je les flatterai, pour qu’elles me dévorent sur le champ, et qu’elles ne fassent pas comme pour certains qu’elles ont craint de toucher. Que si elles y mettent du mauvais vouloir, je les forcerai.

5.3 συγγνώμην μοι ἔχετε · τί μοι συμφέρει, ἐγὼ γινώσκω, νῦν ἄρχομαι μαθητὴς εἶναι, μηθέν με ζηλώσαι τῶν ὁρατῶν καὶ, ἵνα Ἰησοῦ χριστοῦ ἐπιτύχω. πῦρ καὶ σταυρὸς θηρίων τε συστάσεις, ἀνατομαί, διαιρέσεις, σκορπισμοὶ ὀστέων, συγκοπὴ μελῶν, ἀλεσμοὶ ὅλου τοῦ σώματος, κακαὶ κολάσεις τοῦ διαβόλου ἐπ᾿ ἐμὲ ἐρχέσθωσαν, μόνον ἵνα Ἰησοῦ χριστοῦ ἐπιτύχω.

De grâce, laissez-moi faire : je sais, moi, ce qui m’est préférable. C’est maintenant que je commence à être un vrai disciple. Qu’aucune créature, visible ou invisible, ne cherche à me ravir la possession de Jésus-Christ ! Feu, croix, corps à corps avec les bêtes féroces, lacération, écartèlement, dislocation des os, mutilation des membres, broiement du corps entier : que les plus cruels supplices du diable tombent sur moi, pourvu que je possède enfin Jésus-Christ !

Notes

5.1 λεοπάρδοις : nous avons ici le plus ancien exemple connu de l’emploi de ce mot.

5.3 συγγνώμην μοι ἔχετε — Le sens ordinaire de cette expression, c’est pardonnez-moi. Mais, dans ce passage, elle présente une nuance un peu différente et signifie plutôt laissez-moi faire, ne vous mêlez pas de mes affaires, comme l’indique le contexte : je sais, moi, ce qui m’est préférable. — Il en est de même pour σύγγνωτέ μοι au chapitre suivant.

συστάσειςσυστάδην μάχεσθαι : comminus pugnare ; σύστασις : l’engagement corps à corps avec les bêtes féroces, au moment où elles saisissent leur victime. — Un autre sens possible, et plus simple, est celui de troupes, de meutes de bêtes féroces.

Chapitre 6

6.1 Οὐδέν μοι ὠφελήσει τὰ πέρατα τοῦ κόσμου οὐδὲ αἱ βασιλεῖαι τοῦ αἰῶνος τούτου. καλόν μοι ἀποθανεῖν εἰς Χριστὸν Ἰησοῦν, ἢ βασιλεύειν τῶν περάτων τῆς γῆς. ἐκεῖνον ζητῶ, τὸν ὑπὲρ ἡμῶν ἀποθανόντα · ἐκεῖνον θέλω, τὸν δι᾿ ἡμᾶς ἀναστάντα. ὁ δὲ τοκετός μοι ἐπίκειται.

Que me servirait la possession du monde entier ? Qu’ai-je affaire des royaumes d’ici-bas. Il m’est bien plus glorieux de mourir pour le Christ Jésus, que de régner jusqu’aux extrémités de la terre. C’est lui que je cherche, ce (Jésus) : qui est mort pour nous ! c’est lui que je veux, ce (Jésus) qui est ressuscité à cause de nous ! Voici le moment où je vais être enfanté.

6.2 Σύγγνωτέ μοι, ἀδελφοί · μὴ ἐμποδίσητέ μοι ζῆσαι, μὴ θελήσητέ με ἀποθανεῖν · τὸν τοῦ θεοῦ θέλοντα εἶναι κόσμῳ μὴ χαρίσησθε, μηδὲ ὕλῃ ἐξαπατήσητε · ἄφετέ με καθαρὸν φῶς λαβεῖν · ἐκεῖ παραγενόμενος ἄνθρωπος ἔσομαι.

De grâce, frères, épargnez-moi : ne m’empêchez pas de naître à la vie, ne cherchez pas ma mort. C’est à Dieu que je veux appartenir : ne me livrez pas au monde ni aux séductions de la matière. Laissez-moi arriver à la pure lumière : c’est alors que je serai vraiment homme.

6.3 ἐπιτρέψατέ μοι μιμητὴν εἶναι τοῦ πάθους τοῦ θεοῦ μου. εἴ τις αὐτὸν ἐν ἑαυτῷ ἔχει, νοησάτω ὃ θέλω, καὶ συμπαθείτω μοι εἰδὼς τὰ συνέχοντά με.

Permettez-moi d’imiter la passion de mon Dieu. Si quelqu’un possède ce Dieu dans son cœur, que celui-là comprenne mes désirs, et qu’il compatisse, puisqu’il la connaît, à l’angoisse qui me serre.

Notes

6.1 τοκετός : le moment de l’enfantement peut s’appliquer à la mère ou à l’enfant ; de là deux traductions possibles de ce passage : 1° voici le moment de ma délivrance, les douleurs de l’enfantement me pressent déjà ; 2° voici le moment où je vais être enfanté. En réalité, ces deux sens conviennent à la fois à Ignace : son martyre est l’enfantement douloureux par lequel l’Ignace de la terre va donner naissance à l’Ignace du ciel ; d’autre part, il va être enfanté à une vie nouvelle ; et comme c’est à cette vie nouvelle qu’il fait allusion dans les lignes suivantes, nous avons, dans la traduction, donné à τοκετός son sens passif. Mais, en fait, il a les deux sens à la fois.

Chapitre 7

7.1 Ὁ ἄρχων τοῦ αἰῶνος τούτου διαρπάσαι με βούλεται καὶ τὴν εἰς θεόν μου γνώμην διαφθεῖραι. μηδεὶς οὖν τῶν παρόντων ὑμῶν βοηθείτω αὐτῷ · μᾶλλον ἐμοῦ γίνεσθε, τουτέστιν τοῦ θεοῦ. μὴ λαλεῖτε Ἰησοῦν Χριστόν, κόσμον δὲ ἐπιθυμεῖτε.

Le prince de ce monde veut m’arracher à Dieu et altérer les sentiments que j’ai pour lui. Spectateurs de la lutte, qu’aucun de vous n’aille prêter main-forte au démon ! Prenez plutôt parti pour moi, c’est-à-dire pour Dieu. N’ayez pas Jésus-Christ dans la bouche, et le monde dans le cœur.

7.2 βασκανία ἐν ὑμῖν μὴ κατοικείτω. μηδ᾿ ἄν ἐγὼ παρὼν παρακαλῶ ὑμᾶς, πείσθητέ μοι · τούτοις δὲ μᾶλλον πείσθητε, οἷς γράφω ὑμῖν. ζῶν γὰρ γράφω ὑμῖν, ἐρῶν τοῦ ἀποθανεῖν. ὁ ἐμὸς ἔρως ἐσταύρωται, καὶ οὐκ ἔστιν ἐν ἐμοὶ πῦρ φιλόϋλον · ὕδωρ δὲ ζῶν καὶ λαλοῦν ἐν ἐμοί, ἔσωθέν μοι λέγον · Δεῦρο πρὸς τὸν πατέρα.

Loin de vous l’envie ! Si, quand je serai parmi tous, il m’arrive de vous supplier, ne m’écoutez pas ; faites plutôt ce que je vous écris aujourd’hui : car c’est en pleine vie que je vous exprime mon ardent désir de la mort. Mes passions terrestres ont été crucifiées, et il n’existe plus en moi de feu pour la matière ; il n’y a qu’une « eau vive », qui murmure au-dedans de moi et me dit : « Viens vers le Père ! »

7.3 οὐχ ἥδομαι τροφῇ θέλω, ὅ ἐστιν σὰρξ Ἰησοῦ χριστοῦ, τοῦ ἐκ σπέρματος Δαυείδ, καὶ πόμα θέλω τὸ αἷμα αὐτοῦ, ὅ ἐστιν ἀγάπη ἄφθαρτος.

Je ne prends plus de plaisir à la nourriture corruptible ni aux joies de cette vie : ce que je veux, c’est « le pain de Dieu, » ce pain qui est la chair de Jésus-Christ, « le fils de David » ; et pour breuvage je veux son sang, qui est l’amour incorruptible.

Notes

7.2 ἄν ἐγὼ παρὼν παρακαλῶ ὑμᾶς : si, à mon arrivée à Rome, ayant changé d’avis, je vous priais de faire des démarches pour m’arracher à la mort, ne m’écoutez pas.

ὁ ἐμὸς ἔρωςThéodore Studite, et quantité d’autres écrivains, entendent par mon amour Jésus-Christ lui-même ; il faudrait alors traduire : Mon amour a été crucifié. — Mais le contexte ne permet pas d’adopter cette interprétation ; ici, ἔρως est synonyme de πῦρ φιλόϋλον qui suit et désigne les désirs et les passions terrestres. — Cf. Galates 5.24 : τὴν σάρκα ἐσταύρωσαν σὺν τοῖς παθήμασιν καὶ ταῖς ἐπιθυμίαις.

Chapitre 8

8.1 Οὐκέτι θέλω κατὰ ἀνθρώπους ζῆν. τοῦτο δέ ἔσται, ἐὰν ὑμεῖς θελήσητε. θελήσατε, ἵνα καὶ ὑμεῖς θεληθῆτε.

Je ne veux plus vivre de cette vie terrestre. Or la réalisation de mon vœu dépend de votre bonne volonté : montrez-en donc à mon égard, afin d’en trouver vous-mêmes à votre tour.

8.2 δι᾿ ὀλίγων γραμμάτων αἰτοῦμαι ὑμᾶς · πιστεύσατέ μοι. Ἰησοῦς δὲ Χριστὸς ὑμῖν ταῦτα φανερώσει, ὅτι ἀληθῶς λέγων · τὸ ἀψευδὲς στόμα, ἐν ᾧ ὁ πατὴρ ἐλάλησεν ἀληθῶς.

Ces quelques mots vous transmettront ma prière : croyez à mes paroles. Jésus-Christ fera éclater à vos yeux la sincérité de mon cœur, lui, la bouche infaillible par laquelle le Père a vraiment parlé.

8.3 αἰτήσασθε περὶ ἐμοῦ, ἵνα ἐπιτύχω. οὐ κατὰ σάρκα ὑμῖν ἔγραψα, ἀλλὰ κατὰ γνώμην θεοῦ. ἐὰν πάθω, ἠθελήσατε · ἐὰν ἀποδοκιμασθῶ, ἐμισήσατε.

Priez pour que je réussisse. Ce n’est pas la chair qui m’a dicté cette lettre, c’est l’esprit de Dieu. Mon martyre sera la preuve de votre bienveillance, et le refus de m’y admettre l’effet de votre haine.

Notes

8.1 θελήσητε, sous entendu ὑπό τοῦ Θεοῦ, c-à-d afin que vous soyez regardés par Dieu d’un œil favorable. — Ce passif est rare.

8.3 ἵνα ἐπιτύχω peut signifier : priez, pour que je réussisse ; ou en sous-entendant Θεοῦ : priez pour que j’arrive à Dieu. Le premier sens cadre mieux avec le contexte, et c’est pour cela que nous l’avons adopté ; le second a pour lui de reproduire l’une des expressions favorites d’Ignace.

Chapitre 9

9.1 Μνημονεύετε ἐν τῇ προσευχῇ ὑμῶν τῆς ἐν Συρίᾳ ἐκκλησίας, ἥτις ἀντὶ ἐμοῦ ποιμένι τῷ θεῷ χρῆται. μόνος αὐτὴν Ἰησοῦς Χριστὸς ἐπισκοπήσει καὶ ἡ ὑμῶν ἀγάπη.

Dans vos prières, souvenez-vous de l’église de Syrie, qui, depuis mon départ, n’a plus que Dieu pour pasteur. Elle n’aura d’autre évêque que Jésus-Christ et votre charité.

9.2 ἐγὼ δὲ αἰσχύνομαι ἐξ αὐτῶν λέγεσθαι · οὐδὲ γὰρ ἄξιός εἰμι, ὢν ἔσχατος αὐτῶν καὶ ἔκτρωμα · ἀλλ᾿ ἠλέημαί τις εἶναι, ἐὰν θεοῦ ἐπιτύχω.

Je rougis d’être compté parmi ses membres : je n’en suis pas digne, moi, le dernier d’entre eux, moi, un avorton. Mais, dans sa miséricorde, Dieu m’a fait la grâce d’être quelqu’un, si j’arrive à lui.

9.3 ἀσπάζεται ὑμᾶς τὸ ἐμὸν πνεῦμα καὶ ἡ ἀγάπη τῶν ἐκκλησιῶν τῶν δεξαμένων με εἰς ὄνομα Ἰησοῦ χριστοῦ, οὐχ ὡς παροδεύοντα. καὶ γὰρ αἱ μὴ προσήκουσαί μοι τῇ ὁδῷ τῇ κατὰ σάρκα, κατὰ πόλιν με προῆγον.

Mon esprit s’unit, pour vous saluer, aux charitables églises qui m’ont accueilli au nom de Jésus-Christ, non comme un simple passant ; car celles-mêmes qui ne se trouvaient point sur mon passage, (j’entends) sur le passage de mon corps, allaient m’attendre à la ville la plus proche.

Notes

9.3 τῇ ὁδῷ τῇ κατὰ σάρκα : Ignace veut dire par là que, s’il n’a pas passé réellement et de corps par ces églises, il leur était néanmoins uni d’esprit et de cœur.

προῆγον — ne signifie pas, comme Pearson et d’autres l’ont cru, que les délégués de ces églises escortaient Ignace de ville en ville, mais qu’ils le précédaient dans les villes où il devait passer, et l’y attendaient pour le saluer.

Chapitre 10

10.1 Γράφω δὲ ὑμῖν ταῦτα ἀπὸ Σμύρνης δι᾿ Ἐφεσίων τῶν ἀξιομακαρίστων. ἔστιν δὲ καὶ ἅμα ἐμοὶ σὺν ἄλλοις πολλοῖς καὶ Κρόκος, τὸ ποθητόν μοι ὄνομα.

Je vous écris cette lettre de Smyrne par l’intermédiaire d’Éphésiens, dignes d’être appelés bienheureux. En compagnie de beaucoup d’autres j’ai avec moi Crocus dont la personne m’est bien chère.

10.2 περὶ τῶν προελθόντων με ἀπὸ Συρίας εἰς Ῥώμην εἰς δόξαν τοῦ θεοῦ πιστεύω ὑμᾶς ἐπεγνωκέναι, οἷς καὶ δηλώσατε ἐγγύς με ὄντα. πάντες γάρ εἰσιν ἄξιοι τοῦ θεοῦ καὶ ὑμῶν · οὓς πρέπον ὑμῖν ἐστὶν κατὰ πάντα ἀναπαῦσαι.

Quant à ceux qui m’ont précédé de Syrie à Rome pour la gloire de Dieu, ils vous sont maintenant connus, je pense ; annoncez-leur ma prochaine arrivée. Ils sont tous dignes de Dieu et dignes de vous. Il vous convient de les soulager dans tous leurs besoins.

10.3 ἔγραψα δὲ ὑμῖν ταῦτα τῇ πρὸ ἐννέα καλανδῶν Σεπτεμβρίων. ἔρρωσθε εἰς τέλος ἐν ὑπομονῇ Ἰησοῦ χριστοῦ.

Je vous écris le neuvième jour avant les calendes de septembre (24 août). Adieu, et courage jusqu’au bout à souffrir pour Jésus-Christ.

Notes

10.1 δι᾽ Ἐφεσίων — Ces Ephésiens ont-ils servi de secrétaires à Ignace, ou simplement de porteurs de sa lettre, chargés de la faire parvenir à Rome ? Lightfoot adopte la première interprétation, et Funk la seconde qui paraît plus vraisemblable.

10.3 τῇ πρὸ ἐννέα καλανδῶν : 24 août. C’est la seule date connue de toute l’histoire d’Ignace ; encore ne sait-on pas exactement de quelle année il s’agit.

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