Lucile ou la lecture de la Bible

Quatorzième lettre

M. Mercier à Lucile

Suite de la troisième preuve.La Bible interprétée par le Saint-Esprit.

Ma dernière lettre se terminait par ces mots : Prenez et lisez. Mais on vous dit : Si vous lisez vous-même les Écritures, vous devez craindre de ne pas les comprendre ; un livre obscur par son antiquité, obscur par la profondeur des sujets qu’il traite, obscur enfin par cela même qu’il vient de Dieu.

Soyez tranquille, Madame ; Dieu, qui vous commande de lire la Bible, saura bien pourvoir à ce que vous ne vous perdiez pas en lui obéissant. Mais au moment de vous montrer le moyen par lequel il y a pourvu, je crains, vous l’avouerai-je ? que vous ne le trouviez trop admirable pour y croire. Écoutez ici, je vous en supplie, non vos propres idées, non les maximes d’un monde incrédule, tout chrétien qu’il s’appelle, mais la Parole de Dieu ; et quand Dieu parle, quand Dieu promet, ne doutez point. C’est là la vraie foi, et c’est aussi la vraie humilité.

Il nous faut un guide pour recevoir les Écritures, je l’accorde volontiers ; mais quel est le guide qu’il nous faut ? Pour le savoir, il importe de bien s’entendre sur ce qu’on appelle l’obscurité de la Bible.

Est-ce qu’elle est écrite dans un style obscur, comme M. l’Abbé le donne à penser ? Non, Madame, tout au contraire. Malgré la profondeur des sujets qu’elle traite, l’Écriture est écrite d’un style fort clair ; c’est le plus populaire des livres. Elle a été évidemment composée en vue des petits et des simples, et qui veut apprendre à parler des choses de Dieu en langage intelligible pour tout le monde ne saurait prendre un meilleur modèle. Ce n’est pas qu’elle n’ait des passages difficiles à entendre, même après toutes les savantes explications qu’on en a données ; mais tout ce qui est nécessaire au salut y est traité fort clairement.

Les Pères, que M. l’Abbé cite avec tant de confiance, ont expressément reconnu ce caractère à la Bible1 ; mais ce qui est encore plus décisif, c’est qu’elle se l’attribue elle-même. A l’entendre, « elle est une lampe a pour nos pieds et une lumière pour nos sentiers ; elle donne la sagesse au simple ; elle éclaire les yeux » ; et « si les choses cachées sont pour l’Éternel notre Dieu, les choses révélées sont pour nous et pour nos enfants. » « Que si l’Évangile est voilé, il ne l’est que pour ceux qui périssent, et dont le dieu de ce siècle (le démon) a aveuglé l’entendement. » (Psaumes 19.7, 8 ; 119.105 ; Deutéronome 29.29 ; 2 Corinthiens 4.3-4).

1 – Saint Irénée, disputant contre les hérétiques qui voulaient qu’il y eût un autre Créateur de l’univers que le Père de Jésus-Christ, et qui apportaient des expositions très obscures de certaines paraboles, leur dit que « toutes les Écritures prophétiques et évangéliques peuvent ouvertement et sans ambiguïté être entendues par tous les hommes, et leur faire voir qu’il faut se contenter du témoignage de Dieu, qui est proposé clairement. » Saint Chrysostome, dans sa troisième Homélie sur la seconde aux Thessaloniciens, s’exprime ainsi : « Toutes les choses qui sont dans les divines Écritures sont claires et droites, toutes les choses nécessaires sont claires » ; et dans sa première Homélie sur saint Jean, il dit, « qu’il n’y a aucune obscurité dans cet Evangile, qu’il est plus clair que les rayons du soleil. » Saint Augustin, après avoir fait l’énumération des livres de l’Écriture, dit « qu’entre les choses qui y sont clairement enseignées se trouvent toutes celles qui concernent la foi et les mœurs » (Pictet, Théologie chrétienne, page 119).

D’où vient donc l’obscurité qu’on trouve à la Bible ? Le dernier des passages que je viens de citer nous l’explique. Cette obscurité provient des ténèbres que le péché a répandues dans notre entendement. L’homme est devant la Bible comme un aveugle devant le soleil. Le soleil est la lumière même, et pourtant l’aveugle ne le voit pas ; la Bible est aussi pleine de clarté, « mais l’homme naturel ne comprend pas les choses de l’Esprit de Dieu, ni ne les peut comprendre » (1 Corinthiens 2.14). Il en peut bien avoir sans doute une connaissance purement historique ; mais cette intelligence spirituelle et salutaire qui donne la vie à l’âme, il ne l’a point.

Et comment l’aura-t-il ? Pour que l’aveugle voie, ce n’est pas au soleil qu’il faut toucher ; ce sont les yeux fermés qu’il faut ouvrir. Ce sont aussi les yeux de notre esprit qui ont besoin d’être ouverts, Madame, pour que la Parole de Dieu nous devienne claire, d’obscure qu’elle était. C’est de dessus notre cœur, et non de dessus la Bible, que le voile doit être ôté. Ainsi l’enseigne l’apôtre saint Paul, lorsqu’il dit en parlant des Juifs : « Le voile demeure jusqu’à aujourd’hui sur leur cœur lorsqu’on leur lit Moïse ; mais quand ils se convertiront au Seigneur, le voile sera ôté » (2 Corinthiens 3.15-16). Aussi ne suffit-il pas aux disciples de Jésus-Christ que leur Maître leur explique les Écritures : il faut encore que « leur esprit soit ouvert pour les entendre. » (Luc 24.45) Il ne suffit pas non plus à Lydie d’entendre prêcher saint Paul : il faut « que son cœur soit ouvert pour l’écouter. » (Actes 16.14.) Voilà donc le point de la difficulté, Madame ; et le guide nécessaire pour la lecture de la Bible, c’est celui qui pourra, non seulement nous l’expliquer, mais encore et surtout lui ouvrir notre-cœur.

Ce guide, où le trouverons-nous ? Sera-ce dans le tribunal visible auquel on voudrait vous assujettir ? Admettez que ce tribunal soit tel que le croit M. l’Abbé, et qu’il puisse expliquer les Écritures sans danger d’erreur. C’est un précieux secours, il est vrai, mais ce n’est pourtant pas celui dont vous avez le besoin le plus pressant ; il ne lève que la moindre de vos difficultés, la difficulté capitale subsiste tout entière. Je crois voir un médecin appelé pour guérir un aveugle, et qui, tout occupé d’accroître par quelque appareil l’intensité des rayons solaires, ne sait rien faire contre la véritable cause du mal. En vain la Bible vous est éclaircie, commentée, interprétée : tant que le cœur demeure fermé, le livre l’est aussi pour vous. Or, de vous ouvrir le cœur, le tribunal visible de M. l’Abbé s’en charge-t-il ? L’évêque de Rome, les Pères d’un concile, et d’un concile général, que dis-je ? les anges même du ciel se chargent-ils de vous donner ou de vous ôter un seul sentiment ou une seule pensée ? Non, Madame ; et vous pourriez périr d’ignorance au pied d’un tribunal infaillible, qui, tout infaillible qu’il est, n’est pourtant pas le maître de votre cœur !

Mais voici un autre guide qui s’offre pour vous conduire : c’est Dieu lui-même, c’est le Saint-Esprit. C’est lui qui, après avoir agi sur l’esprit des prophètes et des apôtres pour leur faire composer les Écritures, veut agir aussi sur le vôtre pour vous les faire recevoir. Hâtons-nous de prévenir une confusion trop commune. Par le Saint-Esprit promis à tous les chrétiens, je n’entends pas l’inspiration. Autre chose est l’inspiration, autre chose est le don du Saint-Esprit. L’inspiration, qui a pour objet de faire d’un homme le dépositaire infaillible de la révélation divine, et qui est en général garantie par des pouvoirs miraculeux, n’a été le partage que d’un petit nombre d’hommes que Dieu a choisis pour proclamer les premiers sa Parole et surtout pour l’écrire ; et nous avons lieu de penser qu’elle s’est arrêtée vers le temps où le canon du Nouveau Testament a été clos. Ce n’est donc pas de l’inspiration que je parle ; notez bien ceci, Madame, parce qu’on ne manque guère d’accuser tous ceux qui s’appliquent la promesse du Saint-Esprit de se prétendre inspirés. Nous ne tenons pour inspirés que les prophètes et les apôtres ; mais le don du Saint-Esprit, qui est nécessaire pour recevoir à salut les Écritures inspirées, nous est promis aussi bien qu’à ces hommes de Dieu, et il leur a été nécessaire comme à nous, tout inspirés qu’ils étaient. Le Seigneur leur a même appris à estimer la grâce générale plus encore que la grâce spéciale ; c’est le sens de cette belle Parole : « Ne vous réjouissez point de ce que les esprits vous sont assujettis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (Luc 10.20). Telle est la bonté de Dieu, Madame ; dans la grâce, comme dans la nature, ses dons les plus précieux sont les plus communs.

Mais ce don du Saint-Esprit, comment vous le dépeindre ? Le Saint-Esprit, c’est l’Esprit de Dieu descendant dans le cœur de l’homme. Le Saint-Esprit, c’est Dieu dans l’homme. C’est le couronnement de l’œuvre du salut, et l’on ne saurait rien concevoir au-delà. Un docteur de l’Église l’a remarqué : l’Ancien Testament nous montre déjà Dieu le Père, ou Dieu pour nous ; les Évangiles vont plus loin et nous montrent Dieu le Fils, ou Dieu avec nous ; les Actes et les Épîtres achèvent et nous montrent Dieu le Saint-Esprit, ou Dieu en nous. Quelle gloire, Madame, quelle gloire  !

C’est ici la grande promesse, le privilège distinctif du Nouveau Testament2. Des fidèles de l’Ancien Testament ont été admis à contempler à leur manière le Fils de Dieu, dans ces occasions solennelles où il semble avoir voulu préluder à son incarnation en leur apparaissant sous une forme visible : « Abraham a vu son jour, et en a tressailli de joie. » (Jean 8.56.) Mais le don du Saint-Esprit est réservé tout entier pour « les derniers temps. » Même alors que le Fils de Dieu avait été « manifesté en chair, » le Saint-Esprit, tel qu’il a été donné depuis à l’Église chrétienne, n’était point encore venu. C’est la doctrine de saint Jean dans cet admirable endroit de son Évangile : « Et en la dernière et grande journée de la fête, Jésus se trouva là, criant et disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! Celui qui croit en moi, selon ce que dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive découleront de son ventre. Or, il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui ; car le Saint-Esprit n’était pas encore3, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. » (Jean 7.37-39). Il vient enfin au jour de la Pentecôte, et le royaume des cieux est fondé sur la terre. La Pentecôte est le grand jour de la nouvelle alliance, et le point où se séparent les deux Testaments. Là commence la pleine lumière de la foi ; là, la libre prédication de l’Évangile ; là, la vie nouvelle ; là, l’Église de Jésus-Christ. A dater de ce jour, « le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que Jean-Baptiste, qui est le plus grand de tous les prophètes. » (Matthieu 11.11.) Car l’Esprit qui est donné dans ce jour-là accomplit tout en tous. Comme c’est lui qui inspire les apôtres et leur fait parler plusieurs langues qu’ils n’ont point apprises, c’est lui aussi qui fait pénétrer leur doctrine dans le cœur de ceux qui les entendent ; lui qui éclaire l’âme fidèle, qui la console, qui l’instruit à prier, qui produit en elle toutes les bonnes dispositions ; lui enfin qui la prépare à comprendre et à recevoir les choses de la Bible.

2 – « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, quand il a été fait malédiction pour nous ; afin que la bénédiction d’Abraham parvînt aux Gentils par Jésus-Christ, et que nous reçussions par la foi l’Esprit qui avait été promis. » (Galates 3.13-14)

3 – On lit dans la plupart des versions : « Le Saint-Esprit n’était pas encore donné ; » mais ce dernier mot ne se trouve pas dans l’original. Ce n’est pas que le Saint-Esprit n’ait agi durant le séjour de Jésus-Christ sur la terre, et même sous l’Ancien Testament ; mais il a commencé d’agir d’une manière toute nouvelle au jour de la Pentecôte. Jusque-là il avait opéré dans le monde ; alors il s’est donné à l’Église.

« Qui est-ce qui connaît ce qui est dans l’homme, dit saint Paul, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même aussi personne ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. Or, nous n’avons point reçu l’esprit de ce monde, mais nous avons reçu l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données de Dieu. » (1 Corinthiens 2.11-12) Sentez-vous, Madame, toute la portée de ce raisonnement à la fois si simple et si profond ? Comme l’esprit d’un homme connaît seul ce qui est dans cet homme, ainsi l’Esprit de Dieu connaît seul ce qui est en Dieu. Si vous trouviez quelque obscurité dans cette lettre, à qui pourriez-vous mieux vous adresser pour vous en éclaircir qu’à moi qui l’ai écrite ? Si vous en trouvez dans la Bible, il faut, par une raison toute semblable, vous adresser à l’Esprit de Dieu qui l’a dictée ; auteur de ce livre, il en est aussi le plus sûr interprète.

Qui a cet Esprit, Madame, est enseigné de Dieu même, suivant cette prophétie d’Ésaïe : « Ils seront tous enseignés de Dieu » (Ésaïe 54.13) ; et suivant le témoignage que saint Jean rend à tous les vrais fidèles : « L’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin qu’on vous enseigne. » (1 Jean 2.27.) Qui a cet Esprit n’est pas moins bien partagé que s’il avait le Seigneur Jésus-Christ près de lui sous une forme visible, et qu’il pût l’interroger et l’entendre comme on le pouvait dans la Judée, il y a dix-huit siècles. Que dis-je ? il l’est mieux encore ! Oui, Madame, il l’est mieux encore ; ne craignons pas de le dire quand le Seigneur l’a dit avant nous. Jésus vient d’annoncer à ses disciples qu’il va les quitter ; puis, voyant leur tristesse, il ajoute ces étonnantes paroles : « Parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. Toutefois, je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m’en aille… » Et pourquoi, Madame ? Est-ce parce que l’évêque de Rome va désormais tenir sa place sur la terre ? Est-ce lui, est-ce les conciles, est-ce le tribunal visible dont la présence vaut mieux pour les hommes que celle de Jésus-Christ ? Achevez la pensée du Sauveur : « Il vous vaut mieux que je m’en aille ; car si je ne m’en vais, a le Consolateur, le Saint-Esprit ne viendra point à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. » (Jean 16.7 ; 14.26.)

Ah ! Madame, ce guide dont la présence vous serait plus précieuse que ne l’eût été l’entretien du Sauveur lui-même, cet Esprit de Dieu est-il bien pour vous ? Voilà toute la question. Car si vous ne l’avez pas, rien au monde n’y pourra jamais suppléer. On a beau dire que cet Esprit en instruit d’autres pour vous. Encore une fois, Madame, qu’un autre soit instruit pour vous, instruit infailliblement, il pourra vous exposer la vérité, je le veux ; mais la faire pénétrer dans votre cœur, le pourra-t-il ? S’il est éclairé pour vous, sera-t-il aussi persuadé pour vous ? touché pour vous ? consolé pour vous ? justifié pour vous ? sauvé pour vous ? Laissez-les donc, ces guides aveugles qui osent se mettre entre Dieu et votre âme ! Prenez, prenez le guide véritable que Jésus-Christ annonce et que Dieu vous promet. Oui, Madame, il vous le promet à vous, car il le promet à tous ; et cette grâce si magnifique qu’à peine ose-t-on y croire pour les plus grands saints, elle est assurée au moindre disciple de Jésus-Christ.

Ouvrez, en effet, l’Évangile, au chapitre second du livre des Actes, à l’histoire de la Pentecôte. Le Saint-Esprit vient de descendre sur les apôtres ; la multitude étonnée en a vu des marques éclatantes, et les âmes fidèles se demandent, comme vous le demandez aujourd’hui, si tous les disciples de Jésus peuvent prétendre à quelque part dans une grâce si nouvelle et si prodigieuse. Que durent-elles éprouver, Madame, en entendant sortir ces paroles de la bouche de saint Pierre : « Amendez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est faite à vous, et à vos enfants, et à tous ceux qui sont loin, autant que le Seigneur notre Dieu en appellera à soi. » (Actes 2.38-39.) N’est-ce pas là répondre précisément à la question que vous avez dans le cœur, et y répondre en termes clairs comme le jour ? N’est-ce pas dire expressément que ce don n’est pas seulement pour les apôtres, mais qu’il est pour tous les fidèles : pour chacun de nous, pour nos enfants, pour tous ceux qui sont loin, pour tous ceux que Dieu appellera à soi ? Quels termes plus étendus pourriez-vous demander ? Vous faut-il d’autres preuves après celle-là ? vous les trouverez partout. C’est à tous les fidèles de Corinthe que saint Paul écrit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Corinthiens 3.16.) C’est à tous les chrétiens d’Éphèse qu’il écrit ailleurs : « Ayant cru à l’Évangile, vous avez été scellés du Saint-ce Esprit de la promesse » (Éphésiens 1.13) ; et encore : « Soyez remplis de l’Esprit » (5.18). On ne peut « être et à Christ que si l’on a cet Esprit. » (Romains 8.9.) « Nul ne peut appeler Jésus Seigneur que par le Saint-Esprit. » (1 Corinthiens 12.3)

Oh ! Madame, quelle promesse ! Le jour où vous la recevrez dans votre cœur sera votre Pentecôte à vous, et commencera pour vous une nouvelle vie. C’est alors que vos yeux seront ouverts, et que votre foi deviendra vivante, de morte qu’elle était. C’est alors que vos yeux seront ouverts, votre cœur touché, votre âme « créée de nouveau, » suivant l’expression du Saint-Esprit lui-même. (2 Corinthiens 5.17.) C’est alors qu’ayant le Saint-Esprit pour guide, vous aurez aussi Dieu pour père et Jésus-Christ pour frère ; car il est écrit : « Tous ceux ce qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont les enfants de Dieu, ses héritiers et les cohéritiers de Christ. » (Romains 8.14, 17.) Et que faut-il faire pour obtenir cet Esprit ? il ne faut que le demander. « Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; heurtez, et il vous sera ouvert. Car quiconque demande, reçoit ; et quiconque cherche, trouve ; et il sera ouvert à celui qui heurte. Si l’enfant de quelqu’un d’entre vous demande du pain à son père, lui donnerez-vous une pierre ? ou s’il demande du poisson, lui donnerez-vous au lieu de poisson un serpent ? ou s’il demande un œuf, lui donnerez-vous un scorpion ? Si donc vous, qui êtes méchants, savez bien donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ? » (Luc 11.9-13.)

Le voilà trouvé, le vrai moyen par lequel Dieu a pourvu à l’explication de sa Parole. « Qui m’instruira de Dieu, si ce n’est Dieu lui-même ? » a dit un poète chrétien. Avec la Bible dans les mains et le Saint-Esprit dans le cœur, vous seriez toute seule dans un désert que vous auriez tout ce qui vous est nécessaire pour connaître le Seigneur et pour trouver grâce devant lui. On vous dira que, vous reposer de la sorte sur le Saint-Esprit, ce serait vous croire inspirée ! Non : c’est croire simplement que Dieu daigne éclairer votre esprit et toucher votre âme. On vous dira que ce serait prétendre à l’infaillibilité ! Non : vous n’êtes pas à l’abri de toute erreur, mais vous comptez sur Dieu pour vous donner ce degré de lumière qui vous est indispensable pour vous sauver. On vous dira que ce serait avoir une confiance présomptueuse en vous-même ! Non : à moins qu’un enfant qui ne veut écouter que son père, ne puisse être accusé d’une confiance présomptueuse en lui-même, seulement parce qu’il se sert pour l’écouter de sa propre intelligence et de ses propres oreilles. On vous dira que ce serait mépriser tous les conseils ! Non : vous écouterez les conseils, mais vous les soumettrez à la Parole de Dieu, et « vous ne deviendrez point esclave des hommes (1 Corinthiens 7.24). » On vous dira ce qu’on voudra, Madame ; mais donnez gloire à Dieu. Appuyez-vous humblement, inébranlablement sur sa promesse ; et si vous rencontrez un homme qui prétende vous dépouiller des glorieux privilèges des enfants de Dieu, sous prétexte qu’il est vicaire de Jésus-Christ, répondez avec Tertullien que Jésus-Christ n’a d’autre vicaire que le Saint-Esprit.

De tous les arguments de l’Abbé, le plus spécieux est celui que lui fournit cet Éthiopien disant à Philippe : « Comment pourrais-je comprendre, si quelqu’un ne me guide ? » L’Abbé a tiré parti de ce mot avec esprit ; mais une réflexion fort simple renverse tout son raisonnement, c’est que l’homme qu’il cite ne fait point autorité. Ce n’est point un apôtre infaillible qui parle ici : c’est un disciple humble et pieux sans doute, mais qui n’a qu’un commencement de lumière ; et, ce qu’il faut surtout observer, qui ne connaît pas encore le Saint-Esprit. Parce qu’il est humble, il sent qu’il lui faut un conseiller ; et parce qu’il ne connaît pas le Saint-Esprit, il se figure peut-être qu’il a besoin d’un homme pour le conduire. Mais suivez-le lorsqu’il a été pleinement éclairé sur l’Évangile et baptisé au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. « L’Esprit du Seigneur enlève Philippe, » dont les directions ne sont sans doute plus nécessaires à son disciple ; que fait alors le nouveau converti ? Il vient de perdre ce guide dont il se figurait il y a quelques heures ne pouvoir se passer ; il va se croire abandonné et sans ressources ? Non, Madame, « il continue son chemin tout joyeux. » (Actes 8.30-39.) C’est que ce même Esprit qui lui a enlevé Philippe, mais qui ne lui a pas enlevé sa Bible, la lui explique à la place de Philippe, et mieux encore.

Ah ! que cette histoire, bien comprise, est faite, au contraire, pour vous encourager à lire la Parole de Dieu !

« Voici un homme qui est éclairé en lisant l’Ecriture sainte. Il était dans une grande charge et possédait de grandes richesses, et néanmoins il s’applique à cette lecture, même en voyage ; que ne faisait-il donc point étant en repos dans sa maison ? Mais il y a sujet d’admirer de quelle manière Dieu le convertit. Il n’avait point vu Jésus-Christ ; aucun miracle n’avait été opéré en sa présence ; comment donc s’est fait en lui ce changement soudain ? et d’où vient qu’il se trouve si disposé à croire ce que lui dit Philippe ? C’est que son âme était occupée des choses de Dieu ; c’est qu’il était attentif à l’Écriture et qu’il s’occupait à la lire, tant c’est une chose avantageuse et utile de lire les saintes Écritures ! » Savez-vous qui dit cela ? Saint Chrysostome ; la conséquence qu’il tire de cette histoire vaut bien, ce me semble, la conséquence opposée qu’en tire M. l’abbé Favien.

Ma tâche est accomplie, Madame, et vous connaissez maintenant les raisons qui m’ont déterminé à lire la Bible. Ne vous y détermineront-elles pas aussi ? Qu’attendriez-vous encore ? Usez d’un droit que Dieu vous garantit ; obéissez à un commandement écrit de sa main. C’est par là que votre foi, « fondée sur la puissance de Dieu et non sur la sagesse des hommes, » sera ferme comme le rocher des siècles que vous lui aurez donné pour appui.

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