Le Bienfait de Jésus-Christ crucifié envers les chrétiens

III
Que la rémission des péchés, la justification et tout notre salut ne vient que de Christ.

Dieu nous a donc envoyé ce grand prophète qu’il nous avait promis, son Fils unique, qui est venu pour nous délivrer de la malédiction de la loi et nous réconcilier avec Dieu. C’est lui qui nous rend propres aux bonnes œuvres en affranchissant notre volonté et en nous restituant cette divine image (Colossiens 3.10) que nous avions perdue par le péché de nos premiers parents. Et puisque nous savons qu’il n’y a point d’autre nom sous le ciel donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés, que le nom de Jésus-Christ (Actes 4.12), courons avec l’ardeur d’une vive foi nous jeter dans les bras de Celui qui nous invite en s’écriant : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos ! » (Matthieu 11.28)

Quelle consolation et quelle joie de cette vie pourraient être comparées à celles de l’âme qui, se sentant oppressée par le poids insupportable de ses péchés, entend de si douces et tendres paroles du Fils de Dieu, lui promettant de la soulager et de la délivrer de son pesant fardeau ? Mais il faut avant tout que nous connaissions bien notre misère et nos infirmités, car nul homme n’a recours au remède lorsqu’il ne sent pas le mal. C’est pourquoi Christ dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Jean 7.37), voulant faire entendre que si l’homme ne reconnaît son péché et n’a soif de justice, il ne peut point goûter combien Jésus est bon, ni combien il est doux de penser à Lui, de parler de Lui et d’imiter sa sainte vie.

Si donc par l’efficace de la loi, nous avons appris à connaître notre misère, écoutons ce que dit Jean-Baptiste en nous montrant du doigt le Médecin bienfaisant de nos âmes : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde (Jean 1.29). C’est Lui qui nous délivre du pesant joug de la loi, en ôtant et en anéantissant ses malédictions et ses menaces (Galates 3.13), en guérissant toutes nos infirmités, en rendant libre notre volonté, en nous reconduisant à notre première innocence et en restaurant en nous l’image de Dieu. C’est pourquoi, dit saint Paul, comme tous meurent en Adam, de même aussi dans le Christ tous seront rendus vivants (1 Corinthiens 15.22).

Ne pensons donc pas que le péché d’Adam que nous avons hérité, ait une plus grande efficace que la justice de Christ, laquelle nous avons héritée aussi par la foi. Autrefois l’homme aurait pu se plaindre de ce que, sans sa faute, il fût conçu et né dans le péché et dans l’iniquité de ses premiers parents, par lesquels la mort règne sur tous les hommes. Mais maintenant tout sujet de plainte est ôté, car la justice de Christ est venue à nous pareillement sans notre mérite. Par Christ nous avons la vie éternelle, par Lui la mort a été anéantie.

C’est sur ce sujet que saint Paul fait un magnifique discours que je veux transcrire ici : (Romains 5.12 et suiv.) « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché entra dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort parvint sur tous les hommes, parce que tous péchèrent ; car jusqu’à la loi il y avait du péché dans le monde ; or, il n’y a pas de péché mis en compte s’il n’y a pas de loi ; cependant la mort régna depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui ne péchèrent pas par une transgression semblable à celle d’Adam, lequel est le type de Celui qui devait venir ; mais il n’en est pas du don gratuit comme de l’offense ; car si par l’offense d’un seul un grand nombre sont morts, à bien plus forte raison la grâce de Dieu et le don par la grâce, celle du seul homme Jésus-Christ, ont abondé sur un grand nombre. Et il n’en est pas du don comme de ce qui est arrivé par le moyen d’un seul qui a péché, car le jugement vient bien d’un seul en condamnation, mais le don gratuit vient de beaucoup d’offenses en justification ; car si, par l’offense d’un seul, la mort a régné par ce seul, à bien plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice, régneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ. »

Dans ces paroles de saint Paul nous reconnaissons évidemment ce qui a été dit plus haut, c’est-à-dire que la loi fut donnée pour faire connaître le péché. Nous y voyons aussi que le péché n’est pas plus puissant que la justice de Christ par laquelle nous sommes justifiés auprès de Dieu. De même que Christ est plus puissant qu’Adam, de même la justice de Christ est plus forte que le péché d’Adam. Et si le péché d’Adam fut efficace pour nous constituer pécheurs et enfants de colère sans aucune faute actuelle de notre part, à beaucoup plus forte raison la justice de Christ sera-t-elle efficace pour nous faire devenir justes et enfants de la grâce, sans aucune œuvre de notre part. Car aussi nos œuvres ne peuvent être bonnes tant que nous ne sommes pas nous-mêmes rendus justes et bons par la foi. De tout ceci ressort combien est fondamentale l’erreur de ceux qui, à cause de quelque grand péché, doutent de la miséricorde de Dieu, ne croyant pas qu’il peut couvrir et pardonner tous les péchés, même les plus graves. Or, il le peut, ayant déjà puni dans son Fils unique toutes nos fautes et toute notre iniquité, et, par conséquent, fait un pardon général à tout le genre humain ; pardon auquel participent tous ceux qui croient à l’Évangile, c’est-à-dire à la bienheureuse nouvelle qu’ont publiée dans le monde les Apôtres, en disant : « Nous vous supplions par Christ de vous réconcilier avec Dieu, car Celui qui n’a pas connu le péché, Il l’a fait être péché pour nous, afin que nous devinssions justice en Lui. » (2 Corinthiens 5.20)

C’est cette immense bonté de Dieu que prédisait Ésaïe dans ces divines paroles où il dépeint la passion de Jésus-Christ et ce qui l’a causée, d’une manière si admirable, qu’aucun des Apôtres ne l’a mieux décrite : « Qui a cru à notre prédication et à qui le bras de l’Éternel a-t-il été révélé ? Or, Il est monté comme un rejeton et comme une racine sortant d’une terre sèche. Il n’y a en Lui ni forme, ni éclat quand nous le regardons, il n’y a rien en Lui à le voir qui nous le fasse désirer. Il est le méprisé et le dernier des hommes, un homme de douleur. Il s’est chargé de nos langueurs et Il a porté nos douleurs ; et pour nous, nous avons cru qu’il était frappé, battu de Dieu ; mais Il a été navré pour nos forfaits et frappé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous apporte la paix est sur Lui, et nous avons la guérison par sa meurtrissure. Nous étions tous errants comme des brebis, nous nous sommes détournés pour suivre chacun son propre chemin, et l’Éternel a fait venir sur Lui l’iniquité de nous tous. On le presse et on l’accable, et Il n’a point ouvert sa bouche ; Il a été mené à la tuerie comme un agneau, et comme une brebis muette devant celui qui la tond, même Il n’a point ouvert sa bouche. » (Ésaïe ch. 53)

Oh ! immense ingratitude, oh ! chose abominable ! si, faisant profession d’être chrétien et sachant que le Fils de Dieu a pris sur lui tous nos péchés, qu’Il les a tous effacés par son précieux sang, se laissant punir pour nous sur la croix, nous voulions prétendre nous justifier et gagner la rémission de nos péchés par nos œuvres ! — Comme si les mérites, la justice, le sang de Christ ne suffisaient pas sans que nous y ajoutions nos justices souillées et tachées d’amour-propre, d’intérêt et de mille vanités, et pour lesquelles nous devrions demander à Dieu son pardon bien plutôt qu’une récompense ! Souvenons-nous des menaces de saint Paul aux Galates, qui, trompés par de faux docteurs, ne croyaient plus que la justification par la foi fût suffisante par elle-même, et qui prétendaient se justifier aussi par la loi. C’est à eux que saint Paul dit : « Vous êtes séparés du Christ, vous tous qui vous justifiez en la loi ; vous êtes déchus de la grâce ; car nous, par l’Esprit nous attendons de la foi, l’espérance de la justice (Galates 5.4-5). Et si, chercher la justice et la rémission des péchés dans l’observation de cette loi que Dieu a donnée en Sinaï, au milieu de tant de gloire et d’appareils, si cette prétention, dis-je, c’est perdre Christ et sa grâce, que dirons-nous donc de ceux qui espèrent pouvoir se justifier auprès de Dieu par leurs propres lois et leurs observances ? Qu’ils fassent eux-mêmes la comparaison et qu’ils jugent !

Quoi ! si Dieu ne veut point donner cet honneur et cette gloire à sa propre loi, voudraient-ils qu’il l’accordât à leurs lois et à leurs constitutions ? Cet honneur n’est dû qu’à un seul : son Fils unique. Lui seul, par le sacrifice de sa passion, a fait satisfaction pour tous nos péchés passés, présents et futurs, comme le démontrent saint Paul aux Hébreux dans le septième chapitre de son Épître, et saint Jean dans les chapitres 1 et 2 de la sienne. Dès que nous nous approprions par la foi cette satisfaction de Christ, nous jouissons indubitablement de la rémission des péchés, et par sa justice nous devenons bons et justes devant Dieu. C’est pourquoi saint Paul, après avoir dit que, quant à la justice de la loi, il était sans reproche, ajoute (Phil. ch. 3) : « Mais les choses qui m’étaient un gain, je les ai estimées comme une perte à cause de l’excellence de Christ ; j’estime même que toutes choses sont une perte à cause de l’excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, à cause duquel j’ai fait la perte de toutes choses ; et je les estime comme du fumier afin que je gagne Christ et que je sois trouvé en Lui, ayant, non pas ma justice, celle qui vient de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi, afin de le connaître. »

O paroles admirables, que tout chrétien devrait graver dans son cœur, en priant Dieu de les lui faire goûter parfaitement ! Voilà comment saint Paul montre clairement que quiconque connaît véritablement Christ, juge que les œuvres de la loi sont nuisibles en tout, qu’elles éloignent l’homme de la foi en Christ, sur lequel doit reposer tout son salut, et qu’elles l’amènent à se confier en lui-même. Pressant cette vérité, saint Paul ajoute qu’il estime toutes choses comme du fumier pour gagner Christ et être trouvé vivant en Lui, voulant dire par là que quiconque se confie en ses œuvres et veut se justifier par lui-même, ne peut jamais gagner Christ ni se trouver en communion avec Lui. Or, comme c’est sur cette vérité que repose tout le mystère de la foi, il importe de la faire bien comprendre ; aussi l’apôtre y met une extrême insistance et y revient à plusieurs reprises. Il répète que, rejetant toute justification extérieure, toute justice qui se fonde sur l’observation de la loi, il embrasse la justice que Dieu donne par la foi à celui qui croit en Christ : A celui, dis-je, qui croit que Christ a porté tous nos péchés, et qu’il nous a été fait de la part de Dieu sagesse, justice, sanctification et rédemption ; afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur et non dans ses propres œuvres (1 Corinthiens 1.30).

Il est vrai qu’il y a quelques passages des Saintes-Écritures qui, mal compris, sembleraient contredire cette doctrine de saint Paul et attribuer la justification et la rémission des péchés aux œuvres de la charité. Mais ces passages ont trouvé déjà plusieurs interprètes distingués qui ont démontré clairement qu’on s’est trompé en les entendant dans ce sens. Pour nous, frères bien-aimés, ne suivons pas la folle opinion des Galates insensés, mais tenons ferme la vérité que nous enseigne saint Paul et donnons toute la gloire de notre salut à la miséricorde de Dieu et aux mérites de son Fils qui, par son sang précieux, nous a délivrés de l’empire de la loi et de la tyrannie du péché et de la mort, et nous a acquis le règne de Dieu et une félicité éternelle. Je dis qu’il nous a délivrés de l’empire de la loi, parce qu’il nous a donné son Saint-Esprit qui nous enseigne toute vérité ; et parce qu’ayant satisfait parfaitement à la loi, il a fait participer à cette pleine satisfaction tous ses membres, c’est-à-dire tous les vrais chrétiens. Désormais nous pouvons donc sans crainte comparaître devant le tribunal de Dieu, étant revêtus de la justice de notre Sauveur et rachetés par lui de la malédiction de la loi. (Galates 3.13)

La loi ne peut donc plus nous accuser ou nous condamner (Romains 8.33) ; elle ne peut plus ni irriter nos penchants mauvais et nos convoitises, ni augmenter en nous le péché. « L’acte écrit qui nous était contraire a été effacé par Christ, » dit saint Paul (Colossiens 2.14), Christ l’a annulé, l’ayant cloué à la croix. Oui, il nous a délivrés de l’empire de la loi, et par conséquent de la tyrannie du péché et de la mort. Il a vaincu la mort par sa résurrection, et nous la vaincrons de même, étant les membres du corps de Christ ; de sorte que nous pouvons nous écrier avec saint Paul et le prophète Osée : « La mort a été vaincue et détruite : Où est, ô mort, ton aiguillon, où est, ô sépulcre, ta victoire ! Or, l’aiguillon de la mort c’est le péché, et la puissance du péché c’est la loi. Mais grâces à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ. » (1 Corinthiens 15.56)

Jésus-Christ est donc cette semence bénie qui a écrasé la tête du serpent venimeux, c’est-à-dire du diable (Genèse 3.15), car tous ceux qui croient en Lui et qui mettent toute leur confiance en sa grâce, surmontent avec Christ le péché, la mort, le diable et l’enfer. Oui, c’est là cette semence bénie d’Abraham, dans laquelle Dieu avait promis de bénir tout le genre humain. (Genèse 22.18) Il aurait fallu que chaque individu écrasât pour lui-même cet horrible serpent et se délivrât par là de la malédiction du péché, mais c’eût été une entreprise tellement difficile, que les forces du monde entier réunies n’auraient pas pu l’accomplir. C’est pourquoi notre Dieu, ce Père des miséricordes, ému de compassion par notre misère, nous a donné son Fils unique qui nous a délivrés du venin du serpent ; il nous a été fait bénédiction et justification, pourvu que nous l’embrassions par la foi, en renonçant à tout autre moyen de salut.

Saisissons-la donc, mes très chers frères, cette justice de Christ Notre Seigneur, nous l’appropriant par le moyen de la foi. Tenons ferme notre justice qui vient, non de nos œuvres, mais des mérites de Christ, et vivons dans la joie, certains que la justice de Christ a ôté toutes nos injustices, et qu’elle nous rend bons, justes et saints devant Dieu ; certains aussi que, lorsque Dieu nous voit incorporés en son Fils bien-aimé par la foi, il ne nous regarde plus comme des fils d’Adam, mais comme ses enfants, nous faisant héritiers avec Christ de toutes ses richesses.

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