Le Sadhou Sundar Singh

7. Ministère au loin.

Je n'ai pas honte de l'Évangile, c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit. Saint Paul.

Dans les vastes solitudes de l'Himalaya, le Sadhou passa des mois dans le silence et la communion avec Dieu. Il parcourut seul des régions rarement visitées par les hommes, et contempla dans la nature les oeuvres puissantes du Créateur. C'est là que Dieu scella sa vocation divine en lui faisant réaliser de magnifiques expériences de sa puissance, et qu'il lui accorda, dans des moments d'extase, des visions spirituelles sur le monde invisible, qui illuminèrent sa vie.

Il reçut une puissance en vue du ministère qui allait être le sien dans l'empire des Indes et dans ses voyages missionnaires à travers le monde. Son nom devint bientôt célèbre, et toutes les portes s'ouvrirent devant ce serviteur du Christ dont on parlait avec tant d'étonnement et d'admiration. Mais rien ne le détournera de sa vocation de Sadhou, et il manifestera la même humilité, la même douceur, la même simplicité dans sa vie de renoncement. Son âme, toujours éprise de silence et d'union avec Dieu, souffrira de l'adulation des hommes et aspirera constamment à retrouver la solitude des montagnes.

En 1918, Sundar se rendit à Madras, et de là plus au sud, pour travailler momentanément parmi les communautés privées par la guerre, des missionnaires allemands. C'est alors qu'il rencontra le Dr et Mme Pierre de Benoit, venus aux Indes pour secourir les missionnaires suisses restés sans abri à la suite de l'expulsion, par le gouvernement anglais, des missionnaires allemands. Partout le Sadhou exhortait les chrétiens hindous à poursuivre le travail des missionnaires européens et à ne pas laisser se perdre la tâche entreprise. Il illustrait ses exhortations par la parabole suivante : – Un homme avait un magnifique jardin ; les plantes et les arbres en étaient très bien soignés et chacun les admirait. Cet homme devant partir pour un temps prolongé, se dit en lui-même : – Mon fils est ici ; il gardera tout en bon ordre jusqu'à mon retour. – Mais le fils ne se soucia pas du jardin, et nul n'en prit soin : la porte en resta ouverte, les vaches du voisin y entrèrent et broutèrent les fleurs et la verdure. Personne n'arrosait les plantes, et bientôt tout se flétrit et se dessécha. Les passants s'étonnaient devant la négligence de ce fils indolent et paresseux. – Oh ! répondit-il, mon père s'en est allé sans me dire ce que je devais faire ! – Vous, chrétiens hindous, vous êtes exactement comme ce fils : vos missionnaires ont dû partir ; ils seront loin longtemps et vous ne faites rien pour continuer leur travail. Si vous voulez être de vrais fils, vous devez faire votre devoir sans attendre un ordre spécial de votre père.

Soir et matin le Sadhou prêchait devant de nombreuses assemblées ; jamais personne n'avait à ce point attiré l'attention et la sympathie des églises de l'Inde. On venait à lui de toutes parts. Les conseils qu'il donnait étaient toujours empreints de sagesse, de bon sens et de pondération. L'exemple de sa pieuse mère et l'éducation qu'elle lui avait donnée, revenaient constamment dans ses entretiens avec les femmes. – Si une mère païenne a pu faire tant pour son fils, combien plus vous, mères chrétiennes, le pouvez-vous pour vos enfants.

Bien souvent les Hindous sont allés le voir, comme Nicodème, pendant les heures silencieuses de la nuit, pour chercher la vérité. On le suppliait de visiter les malades, de bénir les enfants ; le nombre de ceux qui réclamaient ses prières était légion, et beaucoup ont trouvé le soulagement attendu. Le bruit de ses guérisons prit une telle extension qu'il refusa de répondre à bien des appels. Les Hindous prêtent volontiers un pouvoir magique à un « saint homme ».

A Ceylan, un chrétien de bonne famille avait un fils qui se mourait. Les médecins l'avaient condamné, et si mère me supplia de venir lui imposer les mains et de prier pour lui. Je lui dis : – Ces mains n'ont aucun pouvoir, seules les mains percées du Christ peuvent guérir. A la fin, pourtant, je consentis à aller voir le jeune homme à l'hôpital ; je priai pour lui et posai mes mains sur sa tête. Trois jours plus tard je l'aperçus, assis à côté de sa mère, au fond d'une salle où je prêchais. Malgré tous mes efforts, je ne pouvais convaincre les gens que la guérison n'était pas obtenue par un pouvoir surnaturel, mais qu'elle était accordée par Christ seul, en réponse à la prière. On persistait à me regarder comme un faiseur de miracles, et je compris qu'il était préférable de ne pas encourager une superstition qui détournait l'attention de l'Évangile.

Le Sadhou participa à une grande convention de l'Eglise syrienne, où 20000 chrétiens étaient présents. Cette communauté chrétienne se réclame de l'apôtre Thomas, venu, dit-on, prêcher l'Évangile aux Indes. Que cette tradition soit vraie ou non, il est établi que cette Eglise remonte au troisième siècle de l'ère chrétienne. Sundar se rendit à un autre des congrès de la branche Mar Thomas, dans le Travancor. Chaque année, à la saison sèche, on élève un vaste hangar sur une île de sable formée par le lit sec d'une immense rivière. Là, durant une semaine, se tiennent des réunions d'évangélisation. Chaque matin, avant l'aurore, un homme parcourt le campement en criant : « Loué soit Dieu ! Loué soit le Fils de Dieu ! » et de partout s'élèvent des prières chantées sur d'antiques mélodies syriennes. Ainsi monte vers le ciel, dans un constant crescendo, l'invocation qui doit faire descendre la bénédiction sur les réunions de la journée.

Grâce à la présence du Sadhou, il y eut cette année-là plus de monde que jamais. Non moins de 32000 auditeurs étaient assis sur le sable, tandis que sur une plate-forme élevée, deux évêques de l'Eglise syrienne, en robes de satin rouge aux ceintures d'or, coiffés de turbans étranges, présidaient les séances. D'autres prédicateurs et le Sadhou étaient assis sur l'estrade à la façon indienne. Lorsque l'évêque indiquait un sujet de prière, un murmure s'élevait et allait croissant jusqu'à devenir semblable au fracas de l'océan.

A ces vastes auditoires, Sundar parlait avec franchise, disant qu'un grand privilège leur avait été accordé par la connaissance qu'ils avaient de l'Évangile, depuis tant de siècles. Il les priait de considérer sérieusement pourquoi la bonne nouvelle de Christ était restée confinée si longtemps dans cette petite partie de l'Inde. A cause de leur négligence, Dieu avait dû envoyer des messagers étrangers d'Europe et d'Amérique, pour faire le travail qui leur avait été confié à eux. Le Sadhou les pressait instamment de répondre enfin à l'appel divin et d'apporter la lumière aux millions d'Hindous qui meurent dans les ténèbres.*

Le Sadhou n'a jamais attaqué violemment la religion dans laquelle il a été élevé. Il accueillait tous ceux qui avaient des principes religieux et ne cherchait pas à engager des controverses ; il voulait construire et non pas démolir. Par sa douceur, son humilité, son acceptation paisible des humiliations et des injures, par le témoignage silencieux de sa vie plus encore que par ses paroles, il gagnait des coeurs qui voyaient en lui l'amour même de Christ.

– Tout l'avenir de la foi chrétienne aux Indes, écrit C. F. Andrew dans son livre sur Sundar Singh, est centré sur l'idéal que le Sadhou a placé devant les chrétiens. Christ sera trouvé par les Hindous seulement si ceux qui se disent chrétiens n'obscurcissent pas sa présence. – Si tous ceux qui travaillent à étendre le royaume de Dieu sur la terre appartenaient sans partage au Christ vivant, dit Sundar, le monde entier serait devenu chrétien depuis longtemps ; car les non-chrétiens qui cherchent la vérité sont prêts à souffrir pour la trouver, mais je dois confesser que l'Eglise chrétienne, elle, a grandement manqué.

Sundar passa six semaines à Ceylan, où son séjour avait été préparé par des missionnaires et des laïques de toutes dénominations. Mahométans, hindous, bouddhistes, catholiques, protestants, tous venus de loin, se pressaient aux abords des salles dès longtemps avant l'heure fixée. Aucune enceinte n'était assez vaste ; à Colombo, des centaines de gens ne purent même pas arriver jusqu'aux portes du local où il parlait. Son nom était sur toutes les bouches.

En le voyant si calme et paisible, au milieu de ces multitudes qui le poursuivaient jusque dans ses moments de repos, personne ne se doutait de la souffrance que lui causait cette popularité et combien cette activité débordante était loin du genre de vie qu'il affectionnait.

Il parla sévèrement aux chrétiens de ce qu'il considérait comme un des plus grands obstacles à la diffusion de l'Évangile : le danger des richesses et du luxe, et la lèpre de l'esprit de caste qui se retrouvait même parmi les chrétiens. Jamais encore, dans les temps modernes, les populations de l'Inde n'ont été secouées de leur torpeur comme elles le furent par le simple message du Christ crucifié et ressuscité.

Le Sadhou était alors au faîte de sa popularité, et ici se place l'expérience suivante :

Un jour qu'il s'en était allé dans la jungle pour prier, un personnage plein de dévotion s'approcha de lui : – Pardonnez-moi de troubler votre solitude et d'interrompre vos prières, mais n'est-ce pas un devoir de chercher le bien des autres ? Votre vie pure et votre renoncement m'ont profondément impressionné ainsi que beaucoup de ceux qui cherchent Dieu. Bien que vous soyez consacré corps et âme au bien des autres, vous n'avez pas été suffisamment récompensé. Je veux dire ceci : en devenant chrétien, votre influence s'est étendue à des centaines de gens, mais elle reste limitée. Ne serait-ce pas mieux pour vous de devenir un « leader » du peuple hindou ou musulman ? Si vous y consentiez, vous verriez bientôt des millions vous suivre et vous adorer comme leur Gourou. – Quand le Sadhou entendit ces paroles, il répliqua aussitôt : – « Arrière de moi, Satan », je sais que tu es un loup habillé en mouton ; tu désires que je renonce a suivre l'étroit chemin de la vie, qui est celui de la Croix, pour prendre la route large qui mène à la mort. Ma récompense est le Seigneur lui-même qui a donné sa vie pour moi, et c'est mon bonheur et mon devoir que de me livrer à lui avec tout ce que je possède. Retire-toi de moi, je n'ai rien à faire avec toi !

Sundar pleura beaucoup et pria. Sa prière terminée, il vit debout devant lui un être glorieux ; les larmes troublaient la vision du Sadhou, mais un fleuve d'amour envahit son âme. Il repoussa la tentation de devenir un Gourou hindou – tel que Nânak – honoré de tous et unissant le christianisme et toutes les religions de l'Inde en un système qui ferait de Jésus l'égal de Mahomet ou de Bouddha. – Non. Pour le Sadhou il y avait un seul Sauveur, Jésus-Christ, un seul Evangile, la bonne nouvelle de la grâce de Dieu qui est Christ, « le même hier, aujourd'hui et éternellement ».

Partout la remarquable personnalité du Sadhou suscitait un intérêt extraordinaire et donnait une grande puissance à ses paroles. Il se dégageait de lui comme une émanation d'énergie spirituelle, qui le faisait aussitôt reconnaître pour un envoyé du Christ, chargé d'un message spécial. Il a provoqué dans toutes les populations, un réveil dont il est impossible d'évaluer l'importance. Il n'y a pas de doute que sa prédication porte des fruits abondants et qu'il a fait naître un sentiment plus vif et plus profond de ce que doit être la vie chrétienne.

De Ceylan, Sundar se rendit à Calicut et à Bombay il y prit la grippe qui sévissait alors aux Indes. – Dieu me donna par là un temps de repos que je n'avais pu avoir dans le sud, dit-il.

Puis ce fut le départ pour son premier voyage missionnaire hors des Indes. Il fut appelé à aller en Birmanie, à Rangoon, à Mandalay, à Singapour. Il avait commencé l'étude de l'anglais afin d'éviter l'inconvénient des traductions. Il ne prit avec lui aucun argent, restant fidèle à la parole de Jésus : « Ne soyez pas en souci pour votre vie, de ce que vous mangerez... et de quoi vous serez vêtu... Votre Père céleste sait de quoi vous avez besoin. »

A Penang, un Sikh l'invita à parler dans le temple sikh et le gouverneur donna un après-midi de congé aux fonctionnaires de la police afin qu'ils puissent l'entendre. Quel contraste avec l'hostilité qu'il avait rencontrée chez son peuple et dans son village natal !

De Singapour il accepta d'aller en Chine et au japon. On vit des trains s'arrêter dans des stations intermédiaires, et des bateaux retarder leur départ pour le prendre à bord.

Partout un accueil enthousiaste l'attendait, et son message apportait lumière et vie. Il prêcha dans la cathédrale de Pékin, où un pasteur méthodiste lui servit d'interprète ; à Hankow, ce fut le fils d'Hudson Taylor qui le traduisit en chinois. Au japon, il fut douloureusement impressionné par le matérialisme, l'amour des richesses, l'immoralité et l'indifférence religieuse. En Chine, il fut frappé de voir combien l'absence de castes rendait l'accès de l'Eglise chrétienne plus facile aux nouveaux convertis que cela n'était le cas aux Indes.

En été 1919, le Sadhou retourna à Sabathou, et de là dans son pays d'élection ; son coeur était toujours attaché au Tibet, et une fois de plus il entreprit le dangereux voyage dans les régions neigeuses de l'Himalaya.

A son retour en octobre, après avoir traversé le Punjab, il se rendit à son village natal de Rampour. Son père, qui ne l'avait pas revu depuis 14 ans, l'accueillit avec bonté et lui demanda de lui montrer le chemin qui mène à Christ. Grandes furent l'émotion et la reconnaissance de Sundar en voyant ses persévérantes prières exaucées. Il recommanda à son père de lire la Bible et de prier. Celui-ci obéit et, peu après, dit à Sundar : – j'ai trouvé ton Sauveur ; il est devenu mon Sauveur. Mes yeux spirituel ont été ouverts par toi, c'est pourquoi je désire recevoir le baptême par tes mains. – Mais le Sadhou, qui avait refusé de baptiser des milliers de personnes, ne put accéder à cette émouvante prière. – Ce n'est pas pour baptiser que Christ m'a envoyé, c'est pour annoncer l'Évangile, comme le grand apôtre. C'est à d'autres à le faire ; je ne suis qu'un témoin de la grâce de Dieu et de la paix qui est en Jésus-Christ.

Depuis bien des années Sundar avait le grand désir de visiter la Palestine, le pays où Christ a vécu, souffert et donné sa vie ; mais il ne put obtenir le passeport nécessaire et dut y renoncer.

– Une nuit, dit-il, tandis que je priais, je reçus un appel de Dieu pour l'Angleterre ; dans la méditation, sa volonté devint claire pour moi ; je compris que je devais visiter les contrées appelées chrétiennes et que là aussi j'aurais à rendre mon témoignage. – Ce fut son père qui paya les dépenses de ce premier voyage en Europe.

En février 1920 Sundar arriva à Liverpool, visita Manchester, Birmingham, Oxford où il prêcha dans plusieurs collèges. A Londres, de grandes foules de diverses dénominations vinrent l'entendre ; dans l'abbaye de Westminster il s'adressa à 700 clergymen anglicans, parmi lesquels l'archevéque de Canterbury et d'autres évêques. Il parla aussi à Cambridge et dans diverses réunions missionnaires.

Invité par la Société des Missions de Paris, il fit un court séjour dans cette ville, puis de retour en Grande-Bretagne, visita l'Irlande et l'Ecosse.

En mai il s'embarqua pour l'Amérique, où il rendit son témoignage à New York, Brooklyn, Baltimore, Philadelphie, Chicago et San Francisco.

Il combattit l'influence de certains Hindous bouddhistes qui gagnaient de nombreux adeptes à la religion des Indes.

L'activité incessante, bruyante et trépidante des grandes cités américaines contrastait avec la nature calme, orientale et contemplative de ce grand ami de la solitude. Lorsque les Américains, fiers de leur civilisation, pensaient provoquer par leurs splendides inventions modernes l'admiration du Sadhou, il leur fit comprendre, sans dissimuler ses impressions, que l'oeuvre de Dieu l'intéressait davantage que l'oeuvre des hommes. Déçus, ils déclarèrent qu'étant seulement de passage au milieu d'eux, il ne pouvait en quelques jours apprendre à connaître et à apprécier le génie américain. A quoi le Sadhou répondit, dans son langage imagé : – Il faut beaucoup de temps, en botanique, pour étudier la structure d'une fleur et ses divers organes, mais il ne faut qu'un instant pour en sentir l'odeur. – Il ne parlait pas pour plaire aux hommes, mais selon la vérité et dans l'amour. Il disait : – Le Christ aurait dit ici : « Venez à moi, vous tous qui êtes chargés d'or, et je vous soulagerai. » Il avait pensé que la connaissance du Christ aurait transformé les nations de l'Occident, mais en voyant partout l'amour de l'argent le luxe, le confort, la recherche du plaisir et de toutes les choses que le monde peut donner, il était profondément déçu. Même chez ceux qui se disaient chrétiens, il trouva beaucoup d'activité, de bruit et d'agitation, mais peu de temps donné à Dieu dans la méditation. Les hommes de l'Occident étaient si occupés qu'ils avaient laissé la prière de côté dans leur vie journalière. Il trouva, comme on le lui avait dit avant son départ, que les pays soi-disant chrétiens s'étaient corrompus et n'étaient plus chrétiens dans leur ensemble. Il rencontra cependant bien des serviteurs fidèles de Christ et, à son retour, il dit à ses amis hindous que s'il avait décelé en Occident beaucoup de matérialisme, l'Inde avait encore besoin de missionnaires venus d'Europe et d'Amérique. L'intérêt que suscitent les missions est la force et la vie des Eglises chrétiennes de l'Occident, disait-il.

En juillet, il s'embarqua pour l'Australie. Un orage, pendant la traversée, lui suggéra l'image suivante : – Chaque matin nous recevions des nouvelles. Un jour, arrêt soudain, silence complet ! Je demandai pourquoi : – C'est à cause de la tempête ; des perturbations atmosphériques empêchent la T.S.F. d'envoyer les messages. – Ainsi quelquefois, à cause du péché, l'atmosphère spirituelle est troublée et notre contact avec Dieu est interrompu. Cette tempête doit cesser, mais Jésus seul peut la calmer. Il peut parler avec autorité au vent et à la mer pour les apaiser. Quand tout est calme intérieurement, nous entendons sa voix, et nous avons la joie de sa présence dans nos coeurs.

Sydney, Melbourne, Perth, Adélaïde, Freemant, le reçurent la visite du Sadhou. Partout et toujours son influence bienfaisante unissait entre elles les diverses communautés chrétiennes. – A quelle Eglise appartenez-vous ? lui demandait-on souvent. – A aucune, j'appartiens à Christ, cela me suffit, et dans un sens, je suis de toutes les Eglises où se trouvent de vrais chrétiens. Je ne crois pas aux unions obtenues par des moyens humains ; l'union extérieure n'est d'aucune utilité. Ceux-là seuls qui sont unis en Christ, qui sont un en lui, seront unis dans le ciel. Comment les chrétiens qui ne peuvent vivre en bonne harmonie durant les courtes années de leur vie terrestre, pourraient-ils passer toute l'éternité ensemble dans le ciel ?

Après des mois d'une activité incessante, Sundar se retrouva avec joie à Sabathou, et passa quelques mois dans la tranquillité avant de reprendre, au printemps 1920, son travail au Tibet. Il avait rendu témoignage dans de nombreux pays, proclamant l'Évangile dans des églises bondées, entouré d'une foule enthousiaste. Maintenant il allait reprendre ses voyages dans des contrées solitaires et proclamer ce même Evangile dans des villes et des villages hostiles à son message.

En 1922, il accepta les nombreuses invitations venues d'Europe et put enfin réaliser son désir passionné de visiter la Palestine. Là, il vécut dans la présence même de Jésus ; il le sentait avec lui partout, son âme débordait de joie et de reconnaissance en parcourant ces contrées où son Sauveur avait travaillé et souffert.

En visitant le pays sacré, la Bible fut pour lui comme illuminée et lui devint plus chère que jamais. Ce qui choque un esprit sensible : la foule des touristes, les affiches, le bruit des autos, la rivalité des sectes religieuses, tout le trafic et le vulgaire de la vie humaine, ne semble pas avoir produit sur lui une impression pénible. Et cela, sans doute, parce qu'il vivait en esprit si entièrement en communion avec Christ qu'il était conscient de sa présence.

Dans le temple de Jérusalem, il lui semblait percevoir les paroles du Christ : « je suis venu afin que vous ayez la vie et que vous l'ayez en abondance ». Il croyait l'entendre lui dire comme à ses disciples d'autrefois : « La paix soit avec vous ; comme mon Père m'a envoyé, Moi aussi je vous envoie ». Il savait qu'à son tour il avait été envoyé pour servir de témoin dans le monde.

Bethléem, Emmaüs, Béthanie, le mont des Oliviers, le Saint-Sépulcre, le chemin du Calvaire, Nazareth, Capernaüm, le lac de Galilée, tout était pour lui un commentaire vivant des évangiles, tout lui parlait de la vie du Sauveur, du grand drame de la Croix et de la résurrection.

Le puits de Jacob, auprès duquel il s'était arrêté, lui suggère la pensée suivante : – « Ceux qui boiront de cette eau auront encore soif, a dit le Christ, mais celui qui boira de l'eau vive que je lui donnerai n'aura jamais soif. » C'est vrai. J'ai bu l'eau de ce puits fameux, pourtant le soir ma soif n'était pas étanchée ; mais voilà plus de seize ans que Christ m'a donné son eau vive, et je puis dire en toute humilité et reconnaissance que mon àme a été désaltérée à jamais. Il est en vérité la source de la vie.

– Sur les rives du Jourdain, dit-il encore, je contemplai l'eau fraîche et douce qui se déverse continuellement dans la mer Morte qui, elle, reste morte parce qu'elle garde cette eau vive sans la répandre au loin. De même il y a des églises mourantes, des chrétiens morts, parce qu'ils gardent pour eux l'eau vive que donne Jésus. Ne soyez pas semblables à la mer Morte. Faites part aux autres des bénédictions que vous avez reçues ; employez au service de Christ vos dons, votre instruction, votre argent, alors vous recevrez des bénédictions toujours plus grandes. J'ai fait l'expérience que si nous faisons quelque chose pour Christ, nous recevons mille fois plus. Soyez toujours prêts à travailler pour votre Sauveur et à aider votre prochain.

De la Palestine, le Sadhou alla au Caire où il prêcha dans l'église copte. Une semaine après il débarquait à Marseille et, de là, partait directement pour la Suisse. Le lundi 27 février 1922, le Sadhou arrivait à Lausanne.


* Citation du livre de Mrs Parker.

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