Vie du Seigneur Jésus

Note ThéoTEX

Si les Vie de Jésus écrites au dix-neuvième siècle étonnent par leur nombre, elles prouvent du moins qu’à cette époque le public religieux s’intéressait assez à la personne de Jésus, c’est à dire à son humanité, par opposition à sa divinité, nécessairement moins compréhensible. En réalité, chercher à connaître l’homme Jésus est un défi adressé à toutes les générations, qui ne cessera qu’avec sa réapparition glorieuse. Aujourd’hui, celui qui veut s’attirer la bienveillance des doctes, doit servilement répéter avec eux qu’il n’y a que le Jésus historique qui vaille. Expression d’une grande malhonnêteté intellectuelle, puisqu’elle sous-entend que le Jésus réel, celui de l’histoire, est distinct du Jésus des Évangiles, tandis que de l’aveu général, les Évangiles sont les seules sources sérieuses qui nous apprennent quoi que ce soit sur Jésus.

Sauf donc à se prévaloir de révélations mystiques particulières, la connaissance de Jésus exige la lecture assidue des quatre récits de son ministère, qui ouvrent le Nouveau Testament. Ces textes n’ayant pas été écrits dans l’intention de donner au lecteur une biographie de Jésus, mais plutôt d’éclairer chacun un aspect essentiel de son œuvre salvatrice, un effort de synthèse est de plus nécessaire pour se figurer quelle a pu être la vie d’un homme unique, à jamais incomparable.

Quelles seront les qualités requises pour tirer de la palette des scènes évangéliques un portrait fidèle de Celui qui les a inspirées ? Répondre qu’il faut être historien est hors sujet, puisque d’une part, les témoignages extra-bibliques sur Jésus se réduisent à quasiment rien, et que d’autre part, une existence aussi extraordinaire que la sienne ne saurait s’expliquer par des considérations mesquines sur le milieu culturel dans lequel il a vécu. C’est le commentateur Frédéric Godet qui a prononcé le mot juste : pour écrire une Vie de Jésus qui participe de la vérité sur sa personne, il faut être psychologue ; sous condition d’entendre la psychologie dans son sens noble, c’est-à-dire non un système théorique prédisant les comportements, mais la capacité d’un être humain à en comprendre un autre. Le Fils de Dieu devenu homme, a eu une âme comme la nôtre (hormis le péché), aimante, souffrante, vibrante de mille émotions. Or comment pourrait-on se constituer biographe d’un personnage qu’on ne comprend absolument pas ? Ceux qui écrivent la vie d’hommes célèbres doivent éprouver quelque empathie avec leur héros, ou bien leur œuvre sonnera faux. Cette loi s’applique d’autant plus quant il s’agit d’une Vie de Jésus. L’écrivain qui lui attribuerait la moindre intention égoïste, basse, vaniteuse, mensongère, ne pourra jamais produire une peinture en harmonie avec les récits évangéliques. C’est pourquoi par exemple, une Vie de Jésus écrite par un Renan, malgré les qualités littéraires qui lui ont valu ses multiples réimpressions, est ressentie d’emblée par tout chrétien authentique comme une perfidie haineuse, qu’il rejette avec dégoût.

Les lecteurs familiers avec les commentaires de Frédéric Godet sur les évangiles de Luc et de Jean, repéreront en lisant Riggenbach tout ce que le fameux exégète de Neuchâtel doit au professeur de théologie de Bâle, bien moins connu que lui. C’est principalement dans la compréhension des motivations de Jésus que Riggenbach convainc avec finesse et simplicité. Ses conférences populaires, qui n’étaient pas originellement prévues pour paraître en volume, ont rapidement été remarquées outre-Rhin. Les échos élogieux rendus par Godet et Louis Bonnet décidèrent de leur traduction en français, par un homme dont il n’est pas inintéressant de rappeler le nom.

Il s’agit de Gustave Steinheil (1818-1906), Alsacien connu dans l’histoire de l’industrie du textile. Humaniste, chrétien fervent, il a consacré de son temps à la traduction de textes de théologiens allemands qu’il jugeaient dignes d’être lus en France, ceux d’Auberlen notamment. Lui-même a écrit un petit commentaire de l’Apocalypse, destiné à contrer le système eschatologiste darbyste, dont il discernait déjà les méfaits. A l’heure où des milliers de pages peuvent être acquises par les moins fortunés, en un clic de souris sur la toile, nul doute que l’ancien industriel philanthrope serait ravi d’apprendre que sa traduction des Leçons Publiques de Riggenbach est ici-bas toujours en bénédiction aux âmes, en leur faisant mieux connaître le Sauveur.

Phoenix, le 10 septembre 2013



Christoph-Johannes Riggenbach
(1818-1890)

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