Vie du Seigneur Jésus

Chapitre XVI

Le Seigneur à la fête des tabernacles.—Jésus rattache aux cérémonies de cette fête l’invitation qu’il adresse au peuple. — La femme adultère. — Les adversaires du Seigneur veulent le lapider. — L’aveugle-né. — Les méchants bergers ennemis du bon Berger. — La famille de Béthanie. — La résurrection de Lazare. — La prophétie de Caïphe.

Après avoir considéré les miracles du Seigneur et ses principaux discours, nous reprenons le fil de l’histoire, et considérons ce que Jean nous raconte des six mois qui précédèrent la passion du Sauveur. Il nous montre Jésus montant à Jérusalem, non pas publiquement mais comme en cachette, pour assister à la fête des tabernacles qui se célébrait en automne (Jean 7). C’est en décembre que se célébrait la fête de la Dédicace, en commémoration de cette purification du temple ordonnée par Judas Machabée, après que le sanctuaire eut été profané par Antiochus. Jésus se présenta de nouveau dans le temple lors de cette fête ; puis il se rendit en Pérée, c’est-à-dire dans cette contrée située au delà du Jourdain où Jean avait d’abord baptisé (Jean 10.22, 50). De la Pérée il vint à Béthanie pour y ressusciter Lazare. Nous ne parlons pas ici des événements qui appartiennent à cette époque et qui nous sont racontés par les autres évangélistes ; il en a été déjà question. Le caractère général de cette dernière période est d’une part l’inimitié croissante des ennemis de Jésus et d’autre part l’affermissement du petit groupe des disciples, qui malgré cela sont assez peu avancés pour qu’à l’occasion le Seigneur ait dû leur dire : « N’entendez-vous et ne comprenez-vous point encore ? Avez-vous toujours un cœur stupide ? » (Marc 8.17-18) Nous abordons maintenant le récit de Jean.

C’étaient les propres frères du Seigneur qui, mus par une ambition intéressée que Jean qualifie à bon droit d’incrédulité ; le pressaient de manifester sa gloire messianique et de gagner la capitale, au lieu de se cacher en quelque sorte dans la Galilée. Le Seigneur put alors dire avec David : Je suis devenu étranger à mes frères et inconnu aux enfants de ma mère. Il leur dit avec calme : Mon temps n’est pas encore venu, mais le temps est toujours propre pour vous. Vous pouvez toujours vaquer à tout et même courir aux fêtes sans Dieu et sans moi ; mais pour moi, le temps de mon entrée solennelle serait aussi celui où je serai livré à la mort, et cette heure-là n’est pas encore venue. Mais par ce « pas encore, » le Sauveur indique que cette heure viendra. Puis il reprend ses frères de la manière la plus sensible par cette parole à la fois douce et pénétrante : Le monde ne peut pas vous haïr ; il vous laisse en paix, comme vous le laissez en paix. Mais n’y a-t-il ni haine, ni inimitié entre les enfants de ce siècle ? Certes, il y a tout cela, mais quelque intense que soit la haine, elle ne va pas jusqu’au fond. Ceux qui semblaient irréconciliables peuvent se réconcilier et s’unir. Il n’y a qu’une seule haine plus opiniâtre et rebelle à toute réconciliation mondaine ; c’est la haine du monde contre celui qui rend témoignage que ses œuvres sont mauvaises.

Parce que le Seigneur se sait l’objet de cette haine, qu’il ne veut pas encore provoquer, il dit à ses frères : Je ne monterai pas à cette fête. Mais alors pourquoi s’y rend-il ? A-t-il changé de résolution ? Non, il a persisté dans son opposition à leur pensée et à leur volonté, et il a refusé d’y aller comme un roi messianique acclamé par la multitude des pèlerins ; ce n’est qu’après le commencement de la fête qu’il s’y rendit en secret, comme quelqu’un qui veut être caché.

Cette manière d’agir du Seigneur montre quelle tension existait alors entre lui et les Juifs incrédules. Nous voyons la même chose en considérant la foule qui s’est assemblée et qui est agitée en se demandant s’il viendra. Il n’a été que rarement à Jérusalem, et beaucoup d’habitants de la capitale, ne le connaissant pas encore personnellement, demandent : N’est-ce pas là celui qu’ils voulaient mettre à mort ? Mais on lui en veut encore de cette prétendue violation du sabbat, commise lors de sa dernière visite, par la guérison du malade de Béthesda. Aussi, quand une partie du peuple fait timidement son éloge comme d’un homme de bien, les ennemis compriment immédiatement cette opinion en affirmant que Jésus séduit le peuple. Il est vrai que les cœurs droits et accessibles à la vérité sont de plus en plus affermis dans leur foi, par son courage, par la franchise avec laquelle il découvre et met à néant le dessein de ses ennemis, par l’impression générale produite par ses œuvres et par ses discours. Peut-on attendre plus de signes du Messie ? Celui qui parle ainsi n’est-il pas vraiment le prophète ? N’est-ce pas le Christ en personne ? Même les serviteurs envoyés par les sacrificateurs pour prendre Jésus sont moins endurcis que leurs maîtres ; ils ont été frappés en l’entendant parler comme aucun homme n’a jamais parlé. Mais l’incrédulité des adversaires est ingénieuse à trouver des motifs de doute sans cesse nouveaux, même au risque de se contredire elle-même.

C’est leur incurable manie des disputes qui leur suggère ce reproche adressé à Jésus, qu’il n’est le disciple d’aucun rabbin, reproche accompagné de l’aveu qu’il connaît les Ecritures. Le même esprit leur fait dire d’abord que quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est, et l’instant après ils en appellent à l’Ecriture qui dit que le Christ sortira de la race de David et du bourg de Bethléhem. Quand le Seigneur leur dit : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez point, et vous ne pourrez venir où je serai, » ils se moquent de cette parole en demandant si, désespéré de se voir repoussé par les Juifs, il s’en ira faire des prosélytes parmi les Grecs. C’était là une interprétation grossièrement erronée de sa parole, et malgré cela elle se réalisa comme un jugement dont Dieu punit leur incrédulité.

Ce sont les pharisiens orgueilleux et les savants qui résistent le plus ouvertement. Enflés par les prétentions de leur caste, ils répriment chez leurs serviteurs le plus faible commencement de la foi en s’écriant : Y a-t-il quelqu’un, des chefs ou des pharisiens, qui ait cru en lui ? Et cependant il est parmi eux un homme qui les convainc de mensonge ! Cette populace qui n’entend point la loi est exécrable : voilà ce que, transportés de colère, ils disent de ce peuple, qu’ils savent fort bien flatter en d’autres circonstances. Leurs successeurs, les auteurs du Talmud, sont aussi passés maîtres dans cet art ; la multitude leur est une abomination, et dans leur folie ils osent affirmer que les savants seuls ressusciteront. Quelle n’est pas leur colère quand Nicodème, pour sauver son âme, ose les contredire timidement ! Ils veulent l’effrayer en l’insultant du nom de Galiléen ; ils en appellent faussement à l’Ecriture pour établir qu’aucun prophète ne s’est levé en Galilée, quand il est avéré que Jonas, Elie et Nahum étaient de cette contrée. Nous les voyons ici au comble de leur aveuglement passionné, et nous verrons dans la suite qu’ils allèrent jusqu’à prononcer un interdit formel contre quiconque oserait se déclarer pour Christ, interdit devant lequel reculèrent les parents de l’aveugle-né et en vertu duquel celui-ci fut expulsé de la synagogue (Jean 9.22, 34).

Les ennemis sont tels que Jésus les a caractérisés ; ils ne voulaient pas faire la volonté de Dieu, et sous prétexte de faire observer la loi du sabbat, ils violaient dans leurs cœurs le commandement qui défend de tuer ! Ils se targuaient de la loi de Moïse et la foulaient aux pieds en rejetant le prophète annoncé par Moïse. C’est pourquoi eux étaient des séducteurs opposés au véritable maître, qui n’était pas enseigné par les rabbins, mais par Dieu. Toutefois il y avait aussi, au milieu d’eux, des cœurs droits, qui se laissaient attirer par Jésus ; non seulement les serviteurs des sacrificateurs étaient saisis de crainte et d’étonnement, mais aussi Nicodème croissait en silence en portant fidèlement l’opprobre de Christ. Le peuple était divisé à son sujet (Jean 7.43), et ce fut là le succès qu’il obtint.

Au milieu de cette incertitude et de cette agitation des cœurs, le Seigneur se trouva là le dernier et le grand jour de la fête et dit à haute voix : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! » Il est question ici du huitième jour de la fête qui comptait pour un sabbat. Mais pour bien comprendre les paroles du Seigneur, il faut avant tout considérer la signification et les usages de la fête des tabernacles. C’était la fête consacrée à la mémoire de la marche des Israélites dans le désert et en même temps aux actions de grâces pour les récoltes. Ils habitaient durant huit jours des tabernacles construits de branches verdoyantes au milieu des places et des rues de leurs villes. Josèphe racontea qu’ils tenaient dans leurs mains des rameaux de palmiers et de citronniers. En outre, des coutumes avaient surgi, dont parlent les rabbins, et qui faisaient de cette fête la plus grande et la plus joyeuse de toutes.

aAntiquités, XIII, 13, 5.

Pendant sept jours, mais non pas le huitième, on puisait avec de grandes jubilations de l’eau par le moyen d’une cruche d’or dans la fontaine de Siloé, qui coule au bas du temple, et cette eau était versée dans un vase placé à côté de l’autel et muni d’un conduit d’écoulement. On versait du vin dans un vase placé à côté du premier. L’allégresse était tellement bruyante que Plutarque, auteur grec, y croit reconnaître une fête de Bacchus. Il n’y avait pas moins de bruit et d’agitation quand, la nuit étant venue, on allumait une telle quantité de lampes fixées sur deux énormes candélabres placés dans le parvis, que cette illumination rayonnait sur la ville entière. Que signifiaient ces usages ? Il se peut que ces eaux répandues devaient rappeler les sources miraculeuses qui avaient abreuvé le peuple pendant sa marche à travers le désert, et qu’en même temps on remerciait le Seigneur des pluies bienfaisantes en demandant de nouvelles bénédictions pour les semailles. En outre, l’eau était, dans le langage prophétique, le symbole d’un don plus grand. Vous puiserez avec joie de l’eau dans la fontaine du salut, dit Ésaïe 12.3 en parlant de l’Esprit de vie. L’illumination devait probablement rappeler la colonne de feu qui avait guidé le peuple à travers le désert et représenter cette lumière éclatante qui, aux jours du Messie, resplendirait dans Sion. Zacharie (Zacharie 14.7,16) prophétise : « Il y aura un seul jour connu de l’Eternel ; il ne sera ni jour ni nuit, mais sur le soir il y aura de la lumière, et ceux qui seront demeurés de reste des nations monteront chaque année pour se prosterner devant l’Eternel et pour célébrer la fête des tabernacles. »

N’est-ce pas un miracle de la longanimité de Jésus-Christ, d’avoir non seulement fréquenté cette fête, bien qu’elle eût dégénéré au point de ressembler à une fête païenne, et d’avoir rattaché clairement son discours à ces usages ? Sans doute il attend jusqu’à ce que le tumulte soit apaisé. Le dernier jour, alors que l’on cessait de répandre de l’eau, il se présenta comme pour dire : Maintenant ces eaux qui ont dû être portées sur la montagne, se sont écoulées. Maintenant vous tous qui êtes altérés, venez à moi et je vous donnerai de l’eau vive. Celui qui croit en moi, comme dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive découleront de lui.

Où donc l’Ecriture dit-elle cela ? Nous ne trouvons nulle part une prophétie qui s’exprime littéralement dans ces termes, mais il y a une série de passages, qui pour le temps messianique promettent l’Esprit de vie sous l’image d’eaux abondamment répandues : Je mettrai des eaux dans le désert, et des fleuves dans la solitude, pour abreuver mon peuple élu (Ésaïe 43.20). Je répandrai des eaux sur celui qui est altéré, et des rivières sur la terre sèche, je répandrai mon esprit sur la postérité et ma bénédiction sur ceux qui sortiront de toi (Ésaïe 44.3). Tu seras comme un jardin arrosé et comme une source d’eaux dont les eaux ne défaillent point. (Ésaïe 48.11). Joël promet expressément (Joël 3.23) qu’une source sortira de la maison de l’Eternel, et Ezéchiel (ch. 47) la voit jaillir sous le seuil du temple, arroser le pays et vivifier même la mer Morte. Enfin Zacharie, après avoir dit qu’il y aura de la lumière le soir, ajoute : Il arrivera qu’en ce jour-là des eaux vives sortiront de Jérusalem. (Zacharie 14.8). Il est vrai que dans la plupart de ces passages il n’est pas encore dit ce que seront les croyants et ce qui devait découler de chacun d’eux, mais bien de ce qui’ arrivera au temps du Messie et de ce qui sortira du temple. L’évangéliste parle de la même manière. « Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car le Saint-Esprit n’était pas encore venu, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. Le Saint-Esprit devait seulement venir. Sans doute l’Esprit de Dieu était accordé aux prophètes et aux saints de l’ancienne alliance, et David supplie le Seigneur de ne pas lui ôter l’Esprit de sa sainteté. (Psaumes 51.13). Mais tel qu’il était en Christ, comme un esprit de vie émané de Dieu, et tel qu’il se répandit du Sauveur glorifié sur toute chair, habitant désormais dans les croyants comme leur consolateur et la puissance de leur vie nouvelle, il n’était pas encore là pour les hommes avant la Pentecôte. Nous n’avons qu’à considérer les défauts et les infirmités que Dieu tolérait chez les saints de l’ancienne alliance pour nous convaincre quel Esprit d’adoption le Christ crucifié et glorifié acquit à tout le peuple.

Cet appel de Jésus aux promesses de l’Ecriture nous fait penser d’abord à cette eau vive que les croyants doivent chercher auprès de Jésus, et ensuite seulement à cette vie qui découlera d’eux, après qu’ils l’auront reçue de leur Sauveur glorifié. Un seul de ces passages (Ésaïe 58.11) promet à Israël qu’il sera comme une source dont les eaux ne défaillent point, et c’est ainsi qu’on peut dire en effet d’un Pierre ou d’un Paul, que la vie de l’Esprit découle de leur corps, parce qu’elle se répand par les paroles qui sortent de leur bouche et qu’en général elle découle de la vie de leur personnalité humaine. L’interprétation s’adapte encore plus complètement à cette prophétie, si, modifiant un peu la division des mots, nous lisonsb  : Que celui qui a soif vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi. Qu’il vienne avec foi, et qu’il prenne suivant sa foi ; il recevra maintenant les prémices, et après que je serai glorifié il puisera largement. Qu’il puise chez moi, car mon corps est le temple sous le seuil duquel jaillit cette eau, qui est esprit et vie, qui restaure l’âme en même temps qu’elle promet la résurrection au corps.

b – Voyez Stier, les Discours du Seigneur Jésus.

Après que les lampes de la grande illumination furent éteintes et que le tumulte nocturne fut calmé, au moment peut-être où le soleil, cette lumière du monde, se levait radieux, le Seigneur criait au peuple : Venez à moi, à la vraie lumière, plus brillante que les chandeliers allumés cette nuit et que le soleil lui-même. Je suis la lumière venue pour éclairer non seulement Jérusalem, mais aussi les nations, afin que mon salut rayonne jusqu’au bout de la terre (Ésaïe 49.6). En moi s’est levé, suivant la parole de Malachie, le soleil de justice. Celui qui croit en moi peut encore parfois trébucher, mais il ne restera pas dans les ténèbres du péché, car la lumière chasse les œuvres des ténèbres, telles que cet adultère, dont un exemple venait de lui être présenté. Celui qui croit à cette lumière la suivra, comme le peuple d’Israël suivit la colonne de feu dans le désert, et il aura en lui la lumière de la vie, qui brillera aux yeux des hommes. C’est ainsi qu’il interprète cet autre usage de la fête des tabernacles, en même temps qu’il réveille le désir de posséder les biens qu’il apporte. Il flétrit devant tout le peuple les œuvres des ténèbres, dont une vient d’être découverte en ce moment, si toutefois nous sommes autorisés à dire que cette parole fait allusion à l’histoire de la femme adultère.

Il est vrai que cette histoire manque dans un certain nombre de manuscrits les plus anciens ; d’autres l’intercalent ailleurs et quelques-uns la placent après le XXIe chapitre de l’évangile de Luc. D’un autre côté on peut comprendre facilement qu’un manque d’intelligence spirituelle, ait suggéré l’appréhension que l’histoire de la grâce accordée à cette grande pécheresse ne puisse donner lieu à des abus. On s’explique plus aisément qu’on ait supprimé cette histoire à cause de cette crainte, que si l’on avait osé l’intercaler dans l’évangile de Jean, au cas où elle ne serait pas authentique. Nous pouvons nous dispenser de peser d’autres arguments pour ou contre l’authenticité de ce passage, si nous parvenons à le montrer dans sa beauté, comme faisant partie de la véritable tradition apostolique.

Après que le Seigneur se fut retiré au mont des Oliviers, où il évitait les poursuites de ses adversaires en même temps qu’il consacrait d’avance par sa prière le lieu où il devait lutter avec la mort ; après qu’il fut retourné de bon matin au temple, tout le peuple vint à lui. Et maintenant que le bruit de la fête a fait place au silence, la première chose qui se découvre c’est le scandale d’un adultère. L’habitation dans les tabernacles en faisait naître l’occasion, mais en facilitait aussi la découverte. Même quand une fête n’a pas dégénéré en carnaval, comme c’était le cas de celle des tabernacles, la corruption de l’homme naturel se manifeste fréquemment par les œuvres de la chair, auxquelles l’esprit des ténèbres le convie. Mais qu’est-ce qui pousse les pharisiens à se mêler de cette affaire comme ils le font ? Ce n’est pas en qualité de juges, car dans ce cas ils devaient faire ce qui était prescrit aux juges : ce n’est non plus en qualité de témoins, car comme tels ils auraient dû s’adresser aux juges établis. Ils agirent comme accusateurs sans mission, qui, apprenant ce fait scandaleux, eurent la pensée de le soumettre à Jésus pour lui tendre un piège.

Cette femme, disent-ils, a été surprise sur le fait commettant adultère. Or Moïse nous a commandé dans la loi de lapider ces sortes de personnes (Lévitique 20.10 ; Deutéronome 22.24 ; comp. à Ézéchiel 16.38-40) ; toi donc, qu’en dis-tu ? Mais si la loi est si claire, pourquoi demandent-ils l’avis de Jésus ? Ils veulent le tenter ; mais où gît la tentation ? Ils se disent que, ou bien il conseillera un léger châtiment, suivant la coutume qui s’était peu à peu introduite, ou bien il exigera la stricte exécution de cette loi sévère. Dans le premier cas, ils auraient pu l’accuser de mépriser Moïse et l’auraient appelé l’ami des hommes et des femmes adultères ; dans le second cas ils l’auraient discrédité comme étant un juge dur et impitoyable. Au surplus, nous ne devons pas oublier qu’aucune condamnation à mort n’était valide à moins d’avoir été confirmée par les Romains. Par conséquent, au cas où il aurait conseillé la lapidation, ils auraient présenté ce conseil comme un crime politique, comme une excitation à mettre quelqu’un à mort contrairement à la défense des Romains. S’il déconseillait le supplice, ils pouvaient l’accuser de livrer la loi de Moïse aux Romains, et le montrer comme un mauvais Messie trahissant la sainte cause d’Israël. Le piège était finement tendu.

Le Seigneur s’étant baissé, écrit avec le doigt sur la terre. Il semble qu’il ne fasse pas attention à leur question, ou bien qu’il leur dise par son silence : Qui donc m’a établi le juge de ces choses ? Il se tait au lieu que ce serait à eux de se taire ; il se baisse et ce sont eux qui devraient se baisser au lieu de porter la tête haute. Qu’écrit-il ? leurs noms ? leur jugement ? En tout cas ils deviennent inquiets et, n’était la fausse honte, ils n’oseraient probablement pas continuer à l’interroger. Alors, s’étant redressé, il les regarde et leur dit cette tranquille parole, qui les frappe comme la foudre : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Qu’il en soit suivant la sévérité de la loi, s’il en est un parmi vous qui ose jeter cette première pierre, qu’aux termes de la loi de Moïse, le témoin doit jeter (Deutéronome 17.7).

Mais cette parole n’est-elle pas de nature à paralyser le ministère de tout juge humain ? Des hommes sans péché seraient-ils seuls en droit d’exercer ces fonctions ? Ce ne peut être là la pensée du Seigneur. C’est à bon droit qu’on demande des juges intègres ; mais on ne saurait exiger qu’ils soient d’une sainteté immaculée. Aussi ne sont-ils pas appelés à juger au nom de leur propre pureté, mais au nom de l’inviolable justice de Dieu. Le pieux roi Josaphat dit aux juges qu’il venait d’établir : « Regardez ce que vous ferez, car vous n’exercez pas la justice de la part d’un homme, mais de la part de l’Eternel, lequel est au milieu de vous en jugement » (2 Chroniques 19.6). Ici ce n’étaient pas les juges ordonnés, mais des gens qui avaient usurpé ce ministère, et qui le proposaient à Jésus pour le tenter. Ce sont eux qu’atteint sa parole puissante ; il ne parle ni pour ni contre les Romains ; mais il en appelle à la conscience de chacun. C’est une parole divinement audacieuse, car d’où sait-il qu’aucun d’eux n’osera s’avancer ? La pécheresse a dû en être traversée ; mais lui la prononce avec une fermeté tranquille. Que celui de vous, accusateurs perfides, qui est sans péché, libre de tout adultère, de l’impureté des yeux et du cœur, exempt de toute convoitise et de tout autre péché moins apparent peut-être, mais endurcissant davantage le cœur, que celui qui est pur de tout cela se présente comme juge. Et il se baisse de nouveau pour écrire dans la poussière ; il laisse l’aiguillon faire son effet ; il ne les fixe point et ne leur dit rien de plus ; mais son silence leur pose cette formidable question : Voulez-vous que je dise encore autre chose ?

Même le plus effronté d’entre eux n’ose s’avancer. Ils sortent depuis les plus vieux jusqu’aux derniers, se sentant repris par leur conscience. Et la pécheresse ? Loin de profiter de cette occasion pour s’enfuir, elle est debout devant Jésus, et nous pouvons croire à son profond repentir. Alors le Seigneur lui dit : « Femme, où sont tes accusateurs ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? » Elle dit : « Personne, Seigneur, » sans ajouter une excuse ni aucune demande. « Je ne te condamne point non plus, » lui répond-il. Or celui qui parle ainsi est la lumière du monde, et personne ne le convaincra de péché (v. 46). S’il ne la condamne point, c’est qu’il ne juge personne (v. 15). C’est pourquoi, dit-il, va-t’en et ne pèche plus à l’avenir. C’est ainsi qu’il la renvoie, non pas avec la pleine paix du pardon, mais avec un avertissement qui porte l’empreinte de la longanimité du Sauveur et de la sévérité du juge. Cela ne devait-il pas la traverser de part en part d’être ainsi placée devant Jésus, le Saint ? Il n’y a là rien de cette facile douceur du mondain, qui concourt à tuer les consciences. S’il est plein de douceur envers cette pécheresse, c’est parce qu’il est saintement sévère contre tous ; et il n’est sévère que pour pouvoir user de mansuétude. Il veut frapper le péché pour sauver le pécheur. Il est à la fois juge et sauveur ; il n’est le véritable Sauveur que parce qu’il sonde les cœurs et qu’il condamne le mal ; il n’est juge incorruptible que pour pouvoir, en qualité de Rédempteur miséricordieux, sauver son peuple du péché.

Pourquoi les adversaires du Sauveur ne voient-ils pas ce que la lumière du monde leur découvre ? pourquoi ne lui sont-ils pas reconnaissants de ce qu’au lieu de les juger, il les épargne ? Ils doivent sentir qu’il pourrait les condamner ; sa parole atteint les cœurs et le témoignage du Père la confirme. Mais ils ne veulent pas laisser pénétrer dans leurs cœurs ce qu’il dit de la mort qui surprend le pécheur dans son péché. Quand il leur dit qu’il va là où ils ne sauraient le suivre, ils tordent cette parole pour y trouver l’annonce de son suicide. Et si dans la suite de cet entretien la foi germe dans quelques cœurs, elle est aussitôt menacée par la susceptibilité nationale, qui s’offusque quand le Seigneur parle de l’affranchissement dont ils ont besoin. En d’autres circonstances, eux-mêmes auraient élevé leurs plaintes contre leurs tyrans ; mais ils ne veulent pas qu’on vienne leur dire que les enfants d’Abraham sont devenus une nation asservie. Il est vrai que le Seigneur parle d’une autre servitude ; parce que vous êtes esclaves du péché, vous n’êtes tolérés qu’à titre d’esclaves dans la maison de Dieu ; vous n’y avez ni droit ni héritage, et serez finalement chassés comme le fut Ismaël, si le Fils ne vous fait pas arriver à la liberté des enfants.

C’est ainsi qu’il essaye d’attirer ceux qui sont accessibles à la vérité, en même temps qu’il s’explique vigoureusement avec les fils d’Abraham selon la chair, qui osent en appeler à Dieu comme à leur Père, quand en réalité ils sont les enfants du diable. Vous voulez faire selon le désir de votre père, qui par ses mensonges devint le meurtrier du premier homme, et qui excita Caïn à devenir meurtrier à son tour. Et pourquoi le faites-vous ? parce que je vous dis la vérité et que vous ne pouvez pas supporter la vérité. Ces Israélites dégénérés, qui le traitent d’hérétique samaritain possédé du démon, il ne les reprend sévèrement que pour les engager à rentrer en eux-mêmes et pour les sauver. A quiconque veut l’entendre, il crie : « Si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais. » Mais eux contredisent en blasphémant ; et dans leur haine amère, ils continuent à tordre sa parole. Alors le Seigneur soulève le voile du monde invisible, et leur montre qu’Abraham se réjouit de la venue de Christ tout autrement que ne le font ses fils dégénérés. Cette parole aussi, ils la tordent comme si le Seigneur avait dit : J’ai vu Abraham il y a plusieurs siècles. Mais Jésus, loin de leur faire aucune concession, leur dit : « Avant qu’Abraham fût, je suis. » Ils comprennent l’allusion que le Seigneur fait à son éternelle divinité, et dans leur rage ils prennent des pierres pour les jeter contre lui. Mais lui se cache, en sortant du temple, car son heure n’est pas encore venue.

Qui osera l’imiter, quand il prononce d’aussi pénétrantes paroles ? S’il y a une vérité divine, et si parmi les mobiles de l’opposition qu’elle rencontre, je trouve aussi l’inimitié contre tout ce qui est saint, on peut considérer comme un devoir de prononcer des paroles servant à bien marquer la limite entre la lumière et les ténèbres. Cette obligation est particulièrement impérieuse, quand les adversaires, comme dans le cas qui nous occupe, non seulement ne veulent pas croire pour eux-mêmes, mais sont aussi déterminés à étouffer immédiatement l’étincelle de la foi à peine allumée chez les autres. A la tyrannie des paroles à effet, doit s’opposer l’effet de la parole de la vérité. Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! Sans doute une pareille tâche implique une immense responsabilité. Il faut que nous, hommes faibles et pécheurs, nous abandonnions à un autre juge le soin de sonder les cœurs et les reins ; le feu étranger de la passion impure et égoïste ne doit pas brûler sur l’autel, et le jugement spirituel ne dort pas être souillé par le recours au bras séculier. Si le Seigneur lui-même a dû se cacher pour éviter les pierres qu’on se disposait à lui jeter, cette conduite sied encore bien mieux à ses disciples. Ils jugeront avec bien plus de pureté et de spiritualité, en étant menacés par les pierres de leurs adversaires, que s’ils avaient le pouvoir d’en jeter eux-mêmes.

Encore un mot sur cette parole mystérieuse : Avant qu’Abraham fût, je suis. Il est dans l’intérêt non seulement du doute, mais plus encore de la foi vivante, de retenir l’humanité de Jésus, sans laquelle il ne pourrait être ni le modèle ni le Sauveur des hommes. Celui qui était couché dans la crèche comme un petit enfant, n’ayant pas conscience de lui-même, celui qui croissait non seulement en stature mais aussi en sagesse, celui qui était soumis à ses parents et ne cessa d’apprendre jusqu’à Gethsémané et Golgotha, celui-là ne peut pas s’être rappelé les choses de l’éternité par un procédé de mémoire identique à celui au moyen duquel il se souvenait de ce qui lui était arrivé comme homme quelques années auparavant. S’étant dépouillé de la gloire divine, il a dû contempler par un autre moyen les profondeurs de son essence éternelle ; mais quel est ce moyen ? Nous mettons ici la main sur la bouche, car cela fait partie de ce mystère du Fils, que le Père seul connaît. Nous n’en comprendrons quelque chose qu’alors que nous connaîtrons Dieu comme nous-mêmes nous sommes connus de lui.

Après avoir raconté cette tentative de lapidation l’évangéliste continue son récit en ces termes : Comme Jésus passait, il vit un homme aveugle dès sa naissance. Il n’est pas indispensable d’admettre que cela ait eu lieu immédiatement après ce tumulte, toutefois il se peut que l’évangéliste ait voulu nous montrer comment le Seigneur à peine échappé à la lapidation, s’en allait, avec calme et comment, toujours disposé à être secourable, il regarda avec compassion le mendiant aveugle, qu’il rencontra dans le voisinage du temple. Il apaise aussi les cœurs des disciples par sa paix et les porte à s’intéresser à la misère de cet homme. Ils ne peuvent la comprendre. Si c’est la peine d’un péché, comment a-t-il pu pécher dans le sein de sa mère, pour qu’il ait dû naître aveugle ? Et d’un autre côté si c’est le péché des parents qui doit être châtié par l’état misérable de leur fils, quelle terrible punition de la faute d’autrui ne gît pas dans cette privation ! Ils ne veulent pas juger sans charité, mais au contraire interroger le Maître dans un sentiment de compassion. Ni l’un ni l’autre ne nous panait possible, et cependant nous ne comprenons pas qu’il puisse y avoir une autre explication.

Est-ce à tort que les disciples posent cette question ? Notre santé n’est-elle jamais ruinée par notre propre faute ? Contredirons-nous cette parole que le Seigneur châtie dans les enfants l’iniquité de leurs pères ? Quand nous considérons les enfants des ivrognes, ou si nous apprenons qu’an jureur a eu quatre sourds-muets au nombre de ses sept enfants, ne sont-ce pas là des cas graves, autorisant les questions les plus sérieuses ? Mais les disciples font ce qu’ils doivent faire, au lieu d’imputer la faute à ce malheureux ou à ses parents, ils interrogent Jésus ; et Jésus les déclare net sinon de tout péché, au moins de cette faute, en même temps qu’il détourne l’attention des causes secrètes pour la diriger sur le but manifeste de la miséricorde divine. L’intention de cette éternelle miséricorde est que les œuvres de Dieu soient manifestées en cet homme. Dieu veut se glorifier en tous ceux qui souffrent, pourvu qu’ils aient de la foi. Il guérit ou au moins il soulage le mal ; il s’en sert continuellement comme d’un moyen d’éducation, de préservation du mal et d’ineffable bénédiction. Mais ici le Seigneur veut faire quelque chose de particulier. Il voit en esprit que si cet homme est venu au monde aveugle, ce n’est que pour qu’il arrive glorieusement à voir la lumière à la fois extérieurement et intérieurement. D’après le principe inspiré à Jésus par son infatigable charité, de bien utiliser le jour de sa vie avant que ne vienne la nuit de la mort, il opère comme lumière du monde. Si dans la suite cette lumière est sortie avec un redoublement de splendeur de la nuit du sépulcre, ce n’est que parce que Jésus avait mis à profit avec une si grande fidélité son jour terrestre.

Le Seigneur oint les yeux de l’aveugle d’une boue, composée de poussière qu’il humecte de sa salive, et cette boue devient un collyre pour l’aveugle, parce qu’en obéissant au commandement, il se rend au réservoir de Siloé. Siloé signifie envoyé, et dans le langage du prophète, cette source est une image de l’effusion de l’Esprit. Le Sauveur envoyé par le Père envoie cet aveugle à la source qui se nomme l’Envoyée. Ce n’est ni la boue ni l’eau qui opèrent, pas plus que l’eau du Jourdain n’opéra autrefois la guérison de Naaman ; mais par la grâce de Dieu la foi obéissante de cet aveugle reçoit sa récompense, en ce que l’eau lave à la fois la boue et la cécité. Ce cas isolé est en même temps une similitude : pour celui qui se laisse adresser à la source vive de l’Esprit de Dieu, même ce qui répugne le plus peut devenir un remède par le moyen duquel il arrive à la lumière.

Voilà l’œuvre de Dieu dans cet homme. Mais les Juifs se divisent à son sujet. Ce sont d’abord les voisins de cet aveugle qui commencent à se demander si celui qui voit maintenant est le même homme qu’ils ont connu aveugle, ou s’il lui ressemble seulement. Mais ensuite la chose est soumise aux pharisiens, qui déclarent que cette œuvre ne saurait être de Dieu, parce qu’elle constituait une violation du sabbat. Quand ils découvrent que même quelques-uns de leurs partisans ont reçu l’impression qu’il y a là quelque chose de divin, ils s’efforcent de présenter la chose comme s’il n’y avait pas eu de guérison, mais comme si tout n’était qu’une supercherie. Ils soutiennent que ce n’est pas le même homme, ou si c’est lui, c’est qu’il n’a jamais été aveugle. Voilà l’aveu qu’ils veulent extorquer de ses parents et ensuite de lui-même. La manière dont ils s’efforcent de troubler et d’intimider l’homme qui a été guéri constitue un interrogatoire fait de mauvaise foi. Mais son bon sens et son cœur honnête ne se laissent pas détourner de la seule chose qu’il sait si bien, savoir de la réalité du bienfait qu’il a reçu. Aussi quand mettant le comble à leurs exigences, ils lui demandent de donner gloire à Dieu en appelant Jésus un pécheur, et qu’ils ne cessent de le harceler des mêmes questions, alors son indignation dévoilant hardiment leurs pièges, leur jette cette question : Voulez-vous peut-être devenir ses disciples ? C’est une chose étrange que vous ne sachiez pas d’où est celui qui m’a ouvert les yeux, quand cependant nous savons que Dieu n’exauce point les méchants ; mais qu’il n’exauce que ceux qui l’honorent et qui font sa volonté. Alors ils insultent l’aveugle-né, comme les disciples ne l’avaient point injurié : Tu es entièrement, corps et âme, né dans le péché et tu veux nous enseigner ! La parole par laquelle ils l’insultent, prouve qu’au fond ils ne mettaient point en doute sa qualité d’aveugle-né. En même temps ils le chassèrent de la synagogue. Cette inimitié du monde porte l’aveugle-né à se réfugier d’autant plus complètement sous les ailes de la grâce, et le Seigneur ne laisse pas son œuvre inachevée. Jésus revoit dans un lieu tranquille, cet homme qui est déjà croyant, parce qu’il a fait attention à l’œuvre de Dieu. Il ne lui manque que le nom pour croire aussi à la personne, et voilà qu’après lui avoir ouvert les yeux du corps, le Seigneur lui ouvre aussi ceux de l’esprit pour contempler le Fils de Dieu.

Cette entrevue a dû avoir lieu en secret ; mais ensuite, quand les disciples et les pharisiens sont de nouveau rassemblés autour de Jésus, il fait connaître ce qui dans tout cela a remué son cœur. Sans vouloir juger, il voit que par le moyen de son activité, s’accomplit, suivant la volonté du Père, le jugement de la séparation. En sa qualité de lumière du monde, il voudrait rendre tout le monde capable de voir le salut de Dieu, et tous ceux qui conviennent de leur cécité recouvrent en effet la vue. Mais ceux qui prétendent ne pas être aveugles, mais soutiennent au contraire qu’ils sont éclairés, et qui, en effet, pourraient l’être, ceux-là étouffent en eux-mêmes l’étincelle de la vérité. Si vous étiez aveugles, dit-il à ces hommes hautains, si vous n’aviez point de connaissance, vous n’auriez non plus de responsabilité. Mais maintenant vous vous vantez de votre clairvoyance, et ainsi vous êtes inexcusables suivant votre propre aveu, et votre péché, qui est l’incrédulité consciente et irrémédiable, subsiste.

Ici encore, non seulement ils ne veulent pas croire eux-mêmes, mais ils veulent aussi empêcher d’autres hommes d’arriver à la foi. Ils persécutent le Seigneur dans ses disciples ; ce sont des aveugles conduisant d’autres aveugles, ne voulant pas entrer eux-mêmes dans le royaume des cieux, ni permettre à d’autres d’y entrer ; ce ne sont pas des médecins mais au contraire des corrupteurs d’âmes, des enfants des ténèbres s’efforçant d’obscurcir la lumière du monde, de méchants bergers tâchant de barrer le chemin au bon berger. C’est pourquoi celui-ci est obligé de dire : Tous ceux qui sont venus avant moi, non pas les anciens prophètes, mais ceux qui se sont établis eux-mêmes bergers et qui maintenant prétendent conduire le peuple, sont des larrons et des voleurs qui, au lieu de paître le troupeau, ne pensent qu’à eux-mêmes. Ils ne font pas suivant la volonté du portier, lequel au contraire se réjouit quand il voit entrer le véritable berger chez ses brebis. Mais bien que Jésus les attaque ouvertement et vigoureusement, ils n’osent le toucher cette fois, et le peuple est divisé à son sujet. Si les uns l’insultent en disant qu’il est possédé du démon, les autres s’en tiennent à l’impression que leur font ses paroles qui ne sont point celles d’un possédé, et ses œuvres qui ne sont pas des œuvres du diable, car le diable, loin d’ouvrir les yeux aux aveugles, aveugle ceux qui voient.

Deux mois plus tard, à la fête de la dédicace, Jésus revient à cette parabole du berger, preuve que dans l’intervalle il n’a pas été à Jérusalem, en sorte qu’il peut rattacher son discours à la parole prononcée lors de sa dernière visite. Ses adversaires voudraient lui extorquer une parole explicite. Si Jésus était un autre Judas Machabée se levant pour chasser les tyrans étrangers, ils seraient contents de lui. Mais lui connaît qu’ils ne sent pas de ses brebis, qui écoutent sa voix et qui se confient à sa sainte garde. A peine a-t-il affirmé son unité avec le Père, qu’ils prennent de nouveau des pierres pour le lapider. Mais lui les paralyse par cette question : Pour laquelle de mes bonnes œuvres me lapidez-vous ? Si des hommes pécheurs sont appelés dieux, parce qu’en leur qualité de juges ou de rois, ils exercent l’autorité au nom de Dieu, pourquoi me reproche-t-on de blasphémer, moi que mon Père a sanctifié, parce que j’ai dit que je suis le Fils de Dieu ? Mais ils se renferment dans leur incrédulité : Tu n’es qu’un homme et tu te fais Dieu.

La lutte entre la puissance de vie et d’amour du Sauveur et la résistance outrée de l’incrédulité des juifs, atteint son point culminant dans le miracle de Béthanie et ce qui s’en suivit.

Nous connaissons par le récit de Luc (ch. 10), ces deux excellentes sœurs, Marthe active et tournée vers les choses extérieures, et Marie s’asseyant de préférence aux pieds de Jésus pour l’écouter. Marthe aussi aime le Seigneur, mais elle se vante de l’activité qu’elle déploie pour le servir, et dans son zèle pour l’honorer, elle prononce des paroles qui impliquent un manque de respect : cela, Seigneur, ne te fait-il rien que ma sœur m’ait laissée seule ? Voilà le sens de cette parole exactement traduite ; elle indique que Marie avait commencé par aider sa sœur, mais qu’elle ne voulut pas se laisser complètement absorber comme elle par un service extérieur. Mais Marthe se croit en droit de l’accuser, et même elle voudrait prescrire au Seigneur Jésus la manière dont il doit la reprendre. On sent en l’écoutant qu’elle est mécontente d’elle-même, mais qu’au lieu de s’avouer ce mécontentement, elle le fait retomber sur sa sœur. Celle-ci s’attend en silence au Seigneur qui justifie son inactivité apparente, de même que dans la suite, quand Judas lui reproche la perte de l’huile de parfum dont elle a oint Jésus, celui-ci l’approuve d’avoir trop fait en apparence. Marthe, Marthe, tu te mets en peine de beaucoup de choses : or une seule chose est nécessaire. Tu voudrais me prodiguer beaucoup de soins, et tu me réjouirais bien plus par une seule chose ; si tu venais pour recevoir de moi cette seule chose nécessaire qu’il ne t’appartient pas de me donner, tu me restaurerais bien mieux qu’en me rendant n’importe quel service.

Ces deux sœurs nous apparaissent esquissées par Jean en quelques traits caractéristiques en harmonie avec ceux qu’à rapportés Luc. Jean parle aussi de leur frère, dont Luc n’a rien dit. Nous ne savons rien de lui, si ce n’est que ses sœurs peuvent faire dire au Seigneur : Celui que tu aimes comme ton ami est malade. Elles n’entendent pas prescrire à l’ami de leur famille la manière dont il doit leur venir en aide : Son amour sage et tout-puissant saura faire pour le mieux. Le Seigneur lui répond : Cette maladie ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu en soit glorifié. Comment devaient-elles s’expliquer cela, quand le secours du Seigneur ne vint point et que le malade mourut ? Cette maladie ne devait point aller à la mort, et voici que la mort vient d’enlever le malade ?

Notre étonnement augmente quand nous lisons que Jésus demeura encore deux jours au lieu où il avait reçu ce message. Il est vrai que l’évangéliste dit que Jésus aimait Lazare et ses sœurs, et par là il prévient toute fausse interprétation. Ce retard de deux jours semblait inexplicable, et les sœurs de Lazare devaient ne rien comprendre à cette voie mystérieuse, mais il est d’avance certain que sa manière d’agir n’était point en opposition avec son amour. Aujourd’hui nous voyons clairement qu’il voulait déployer un amour plus glorieux allant jusqu’à délivrer Lazare de la mort. Mais pourquoi ce retard ? Etait-ce l’œuvre de son ministère qui devait passer avant la guérison corporelle d’un ami ? Nous entrevoyons un autre motif en apprenant que, lorsque Jésus vint à Béthanie, Lazare était depuis quatre jours dans son sépulcre. Il n’était resté en Pérée que deux jours après avoir reçu le message, et il est peu probable qu’il ait eu à faire un voyage de deux jours ; il faut donc que Lazare soit mort pendant que le messager était en chemin, et que suivant la coutume du pays il ait été enseveli le même jour. Voilà ce que le Seigneur voit en esprit, et il reconnaît qu’il arriverait trop tard, et que même il n’est plus temps pour opérer cette guérison à distance. Il devine l’intention de son Père, de rendre ce miracle doublement glorieux par un retard qui allait faire traverser à ses amis l’épreuve de quelques jours de deuil. Par cette œuvre éclatante et irréfutable, la foi d’un grand nombre allait être fortifiée.

Quand il parle à ses disciples de son retour en Judée, ceux-ci s’effrayent du danger qu’il va courir. Jésus s’efforce de les calmer par cette consolation de la foi : Il faut que je me hâte, avant que la douzième heure de ma tâche ne s’écoule, et d’un autre côté je puis aller sans crainte, tant que dure le jour qui m’a été donné pour faire mon œuvre. Pourvu que je marche dans la lumière de la communion avec mon Père, et que vous marchiez avec moi dans ma lumière, nous ne craignons aucun péril. Quand il mentionne le sommeil de Lazare, les disciples croient qu’il parle d’une crise salutaire, et ne comprennent pas qu’il veuille réveiller le malade. Alors il les surprend par cette parole : « Lazare est mort, » et ce qui attriste ses sœurs, ce qui bouleverse les disciples, c’est là ce dont le Seigneur exprime sa joie. Il voit la délivrance qui mettra fin à cette tribulation, et il se réjouit de l’affermissement de la foi qui en sera le fruit. Si le Seigneur ne répond pas tout de suite aux paroles découragées de Thomas, c’est qu’il se réserve d’y répondre par un acte.

Le Seigneur trouve auprès de la famille en deuil ces consolateurs fâcheux, qui d’après la coutume du pays importunent durant sept jours les affligés de leurs condoléances. Marthe, toujours attentive à se qui se passe au dehors, apprend la première l’arrivée du Seigneur, et court à sa rencontre sans rien dire à sa sœur. Elle dit à Jésus : « Seigneur, si tu eusses été ici mon frère ne serait pas mort. » Est-ce un reproche qu’elle veut lui adresser ? Certainement non, et cela d’autant moins que, selon toute probabilité, Lazare était mort avant que le Sauveur n’eût appris sa maladie. Marie répète ensuite la même parole, d’où nous concluons que c’est cette pensée qui avait surtout occupé les esprits dans cette maison de deuil. Mais cette parole implique aussi la confiance que Jésus aurait pu guérir Lazare ; précisément parce qu’elle ne veut adresser aucun reproche, elle en écarte même l’apparence par cette parole de foi : Tu peux encore remplir ta promesse. Toutefois, quand Jésus lui donne l’assurance que son frère ressuscitera, elle n’ose pas s’approprier cette promesse dans le sens d’un accomplissement immédiat, mais au contraire, en fille croyante d’Israël, elle confesse son espérance d’une résurrection au dernier jour. Mais Jésus, la prenant au mot, rattache cette grande vérité à sa personne : Je suis la résurrection et la vie ; moi en personne, je suis la puissance qui réveille la vie du sein de la mort, et qui fais que pour le croyant la mort n’est point la mort ; crois-tu cela ? Elle l’affirme en confessant sa foi en Christ, le Fils du Dieu vivant, tout en reculant avec un certain embarras, quand il s’agit d’appliquer cette foi à la situation présente. Elle court appeler sa sœur. Un sentiment de délicatesse lui dit de le faire en secret, mais elle ne parvient pas à tenir éloigné le cortège importun des Juifs venus pour consoler les sœurs. Marie répète la parole prononcée par sa sœur, mais sans faire paraître la valeur que peut avoir pour elle cette parole : cette maladie ne va point à la mort ! La grandeur de son affliction obscurcit l’étincelle de sa foi : prosternée devant le Seigneur, elle pleure et les Juifs pleurent aussi. Alors le Seigneur frémit dans son esprit et il est ému. Où l’avez-vous mis ? dit-il. Ils lui répondirent : Seigneur, viens et vois. Et Jésus pleura. Pendant ce temps les Juifs se répandent en paroles inutiles. Les uns disent : Voyez comme il l’aimait ; d’autres demandent avec amertume, si celui qui avait ouvert les yeux de l’aveugle ne pouvait pas guérir cette maladie ? Ils ne contestent plus cette guérison de l’aveugle, ce dernier miracle qui avait fait sensation à Jérusalem, mais ils le mentionnent pour dénigrer le Seigneur. Alors il frémit de nouveau en lui-même, et cette fois toute tentation disparaît d’affaiblir le sens du terme qui exprime son indignation. Mais pourquoi a-t-il frémi la première fois ? Comment ses larmes cadrent-elles avec son indignation ? Pourquoi pleura-t-il, tout en ayant l’intention de ressusciter incontinent ce mort ?

Nous le comprenons en contemplant toute cette scène de désolation. La mort de Lazare avait coûté en peu de jours beaucoup de peines et de larmes, et quand on dit à Jésus : « Viens et vois », c’est la tombe d’un ami qu’on lui montre ainsi. Mais, dans ce cas isolé, se montre à Jésus la mort sous laquelle gémit l’humanité entière, et ce qui est pire que la mort : la puissance terrible de l’incrédulité, qui pèse même sur les meilleurs. Les uns n’ont que des paroles sentimentales et de fades condoléances ; d’autres se permettent des remarques haineuses, et c’est à ces influences que sont exposés les disciples, qui comprennent si peu leur maître, et ces deux sœurs sincères, mais si faibles dans la foi que l’une n’ose saisir ses promesses, et l’autre, encore plus enfoncée dans son deuil, n’a que les larmes de la désolation. Oh ! combien ces jours d’épreuve découvrent le lamentable état des cœurs ! Quel éloignement de la vie divine, quand la petite foi qui méconnaît le Seigneur est encore ce qu’il y a de mieux au milieu de tout cela ! Voilà ce qui le fait frémir dans une sainte et silencieuse indignation. Quand il pense aux misérables qui gémissent sous ce joug, son indignation se change en tristesse ; mais quand il envisage cet ennemi redoutable qui a l’empire de la mort et qui exerce sa puissance dans le cœur des incrédules, alors il frémit de nouveau, mais sans pleurer.

Jésus vient au sépulcre et commande qu’on le découvre ; Marthe veut s’y opposer par une parole d’appréhension, de laquelle toutefois nous ne sommes pas en droit de conclure que la putréfaction se faisait déjà sentir. Il est plutôt à supposer que le Père avait préservé ce cadavre pour le Fils. Mais Marthe recule effrayée devant ce spectacle ; la proximité de la puissance de la mort achève de paralyser sa foi. Mais le Seigneur persiste dans sa volonté, et il prie devant tout le peuple ; il converse librement avec son Père, et cette fois ce n’est pas pour demander (l’ayant déjà fait en secret), mais pour rendre grâces de l’exaucement, dont au surplus il est toujours assuré. Ces actions de grâce, en présence de tout le peuple, n’impliquent pas moins la requête que Dieu veuille bénir pour beaucoup d’âmes cette œuvre de résurrection, afin que beaucoup ne se bornent pas à admirer, mais arrivent réellement à la foi. Puis il appelle Lazare par sa parole puissante, et il commande qu’on le débarrasse de son linge et de ses bandes. Plusieurs des Juifs qui sont venus croient en lui, tandis que d’autres, dont rien ne peut surmonter l’hostilité, rapportent ce miracle aux pharisiens. Cette œuvre devient ainsi aux uns une odeur de vie à la vie, et aux autres une odeur de mort à la mort. L’incrédulité de ceux-ci se consomme à l’égard de cette œuvre, et le même fait qui a ramené un mort à la vie devient l’occasion de faire tomber les vivants dans la mort.

C’est ainsi que le plus éclatant miracle devient, non pas la cause, mais la circonstance décisive qui engage les ennemis du Sauveur à presser l’exécution de leur dessein homicide. Tous les évangélistes nous montrent la haine invétérée et croissante des pharisiens, qui avaient même envoyé en Galilée des hommes chargés d’épier Jésus (Marc 3.22 ; Matthieu 15.4). La cause de cette haine et des pensées de meurtre qu’elle leur suggère gît d’une manière générale dans l’activité du Seigneur Jésus. Son entrée messianique le jour des Rameaux mit le comble à leur fureur. Mais déjà avant ce jour leur décision était prise, et c’est la résurrection de Lazare qui l’avait amenée à maturité. Jean seul, qui connaissait le souverain sacrificateur, nous introduit dans ce conseil tenu en secret. Il est déraisonnable de tirer du silence gardé par les trois premiers évangélistes des conclusions défavorables dans un sens ou dans l’autre.

Le conseil est embarrassé, « car cet homme fait beaucoup de miracles. » Chez les uns, il y a peut-être une réelle appréhension, et chez les autres, une politique mise en avant pour cacher leur haine mortelle, qui leur fait dire : « Si nous laissons faire cet homme, tout le monde croira en lui ; et les Romains viendront, qui détruiront et ce lieu et notre nation. » Ils ne peuvent comprendre l’activité du Sauveur que d’après leur propre esprit de rébellion. Ce n’est pas qu’il leur ait jamais fourni un motif de le juger ainsi, mais ils se disent que le peuple le poussera dans cette voie, qu’il le veuille ou non. Sans doute, une révolte couronnée de succès eût comblé leurs vœux. Par contre, une rébellion avortée, qu’ils auraient eue à expier avec tout le peuple, mais surtout la rébellion fomentée par cet homme, qui les dépouillait de leurs adhérents et dont la parole les tourmentait, voilà ce qu’ils croyaient devoir empêcher à tout prix ! C’est ainsi qu’ils se séduisent eux-mêmes et qu’ils cherchent des prétextes pour couvrir leur mauvaise conscience. S’il en est parmi eux qui ne tiennent pas pour menaçant le danger qu’ils allèguent, ils intimident ceux qui sont indécis.

Caïphe seul ose dire sans détour ce qui est au fond du cœur des autres. Tandis qu’ils hésitent sans trouver d’issue, il leur jette cette parole irritée : « Vous n’y entendez rien, et vous ne considérez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point. »

L’évangéliste ajoute qu’il ne dit pas cela de lui-même, mais qu’il prophétisa, étant souverain sacrificateur cette année-là. Cela ne signifie pas qu’il ne l’ait été que cette année-là, car il occupa cette position auparavant et encore longtemps après. Mais parce qu’il était le souverain sacrificateur en cette année fatale, ce fut lui qui, en vertu d’une dispensation divine, dut prononcer ainsi, sans en avoir conscience, une parole prophétique. Cette parole était odieuse, si nous considérons l’intention de Caïphe ; c’était la haine hypocritement cachée par une politique sans entrailles ; c’était une parole de tyran, qu’aucun des autres n’avait osé proférer. Le despotisme fait peu de cas de la vie humaine, étant prêt à sacrifier même un innocent quand il croit que ce sacrifice est nécessaire ou profitable au salut de l’Etat. Mais le conseil des hommes impies n’est que l’instrument qui accomplit le dessein de Dieu, qui dirige admirablement pour le bien ce que les hommes pensaient en mal, changeant la malédiction en bénédiction, et le mensonge en une vérité d’un ordre supérieur. Caïphe est le Balaam de la nouvelle alliance, prophétisant malgré lui, et cela en vertu de sa sacrificature, d’après une sainte et divine ironie.

Il appartient au souverain sacrificateur de penser au peuple, de le conseiller et d’offrir des sacrifices pour lui ; c’est là ce que fait aussi ce sacrificateur corrompu. Il parle du sacrifice d’un homme pour le peuple ; il parle ainsi dans une intention mauvaise ; le sacrificateur d’Israël parle comme un prêtre de Moloc réclamant un sacrifice humain : et cependant sa parole renferme une vérité tellement glorieuse que cette parole n’est pas de lui-même ; c’est, au contraire, une inspiration de sa dignité, bien que cette dignité se trouvât odieusement profanée ; c’est une véritable parole d’un souverain sacrificateur, de même que l’inscription mise par Pilate sur la croix de Jésus était une vérité royale. Le dernier souverain sacrificateur de l’ancienne alliance, dans l’année ou cette ombre se détruisit elle-même par le forfait de son représentant, ce sacrificateur se dispose à immoler pour le peuple la véritable victime sur l’autel érigé en Golgotha. Mais cette victime est en même temps le vrai souverain sacrificateur, qui offre le sacrifice par l’Esprit éternel (Hébreux 9.14). Ce que le faux sacrificateur de cette année dit dans une intention perverse, le véritable sacrificateur éternel l’accomplit en s’immolant pour le peuple et pour les enfants de Dieu dispersés dans le monde entier. Par là, il n’est pas retranché, ainsi que ses ennemis le voudraient, mais au contraire glorifié. Par contre, les adversaires, au lieu d’éloigner les aigles romaines, finissent par les attirer par leur iniquité.

C’est que le véritable souverain sacrificateur est aussi le roi et le juge du monde entier. Il faut que même les enfants de la malice le servent et qu’un Caïphe prophétise de lui. Il domine au milieu de ses ennemis. Bienheureux sont ceux qui le laissent volontiers régner dans leurs cœurs, et qu’il daigne appeler ses amis !

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