Histoire des réfugiés protestants de France

3. — Rapports que les intendants des généralités adressèrent au gouvernement en 1698 sur l’émigration des huguenots

On lira peut-être avec intérêt quelques passages des rapports que les intendants des généralités adressèrent au gouvernement en 1698, et dont nous avons tiré parti pour constater le chiffre de l’émigration dans quelques villes, et la perte qui en résulta pour l’industrie et le commerce.

I.
Du nombre des Huguenots sortis ou restés dans la Généralité de Paris.

Avant la révocation de l’édit de Nantes il y avait dans la Généralité de Paris le nombre de 1933 familles huguenottes ; il en est sorti depuis 1202 familles, et il en est resté 731. On en rapporte ici l’état en détail par Élections de ceux qui sont restés et qui se sont convertis ; il y en a quelques-uns qui le sont de bonne foi et qui vivent en bons chrétiens, les autres, qui sont en plus grand nombre, continuent leur manière de vivre et ne font aucun exercice apparent de la religion.

Élections.

Paris. — Dans l’Élection de Paris il y avait un temple à Charenton, où ceux de la R. P. R. de Paris et des environs allaient tous les Dimanches : il fut interdit par ordre du Roi en l’année 1685.

Il y avait un autre temple à Villiers-le-Bel, où ceux de cette religion qui demeuraient dans les paroisses voisines se rendaient : il fut interdit deux années auparavant.

Senlis. — Il y avait 32 familles huguenottes dans l’Élection. Ceux qui avaient du bien se sont retirés en Hollande : il en est sorti 18 familles ; il en reste 14. Savoir : Dans la ville de Senlis 3 familles. A Verneuil 3 familles. A Brenouille 7 familles. Et à Belle Église une famille.

Compiègne. — Il y avait 62 familles dans l’Élection. Il en est sorti 38 familles. Il en est resté 24 familles, qui font le nombre de 98 personnes, tant hommes que femmes et enfants.

Beauvais. — Il y a 10 ans qu’il y avait 48 familles qui faisaient 168 personnes. Il en est sorti 22 familles ; il n’en reste que 26, qui font le nombre de 85 personnes : les autres se sont retirées en Angleterre et en Hollande.

Pontoise. — Il n’y avait que deux familles de Huguenots dans l’Élection, qui sont deux familles nobles qui ont fait abjuration et y sont restées, sçavoir : MM. d’Aiguillon, de Réal, et la dame de Brécourt avec les demoiselles ses filles.

Mantes. — Lors de la révocation de l’édit de Nantes, il y avait dans l’Élection 80 familles de Huguenots dont aucune noble et de considération : dans la ville de Mantes il n’y en avait point. Il en est sorti 74 familles ; il n’en est resté que 6 qui font le nombre de 20 personnes, qui vivent comme auparavant sans aucun exercice de notre religion. Il y avait un temple dans l’Election.

Montfort. — Il y a eu de tout temps très peu de Huguenots dans l’Élection : il n’y en avait que 12 familles. Il en est sorti 6 ; il en est demeuré autant. Il y avait un temple à Houdan où ceux de cette Religion venaient de 4 ou 5 lieues.

Dreux. — Il n’y avait point de Huguenots dans la ville de Dreux : dans les Paroisses de l’Élection il y en avait 104 familles qui faisaient 440 personnes. Il en est sorti 18 familles il en est resté 86, qui font le nombre de 360 personnes,

Etampes.

— Aucuns dans la ville, ni dans l’Élection.

Melun. — Il y avait un temple à Bois-le-Roi dans cette Élection, où allaient les Huguenots des environs : il n’y en avait dans l’Élection que 6 familles qui se sont retirées, en sorte qu’il n’en reste plus.

Nemours. — Il n’y avait que 5 familles de Huguenots dans l’Election, lesquelles se sont converties et font bien leur devoir de chrétiens à la réserve du sieur de Frandieu, sa femme et sa fille et de la dame de Chammoreau qui n’en font aucun exercice.

Meaux. — Il y avait dans l’Élection environ 1500 familles de Huguenots ; il en est sorti 1000 familles ; il en reste 500 qui font 2300 personnes dont la plupart vivent comme ils faisaient auparavant leur conversion.

Rosoy. — Il y avait un temple à Morcerf où allaient ceux de la R. P. R. de cette Élection et des Élections voisines. Il n’y avait que 4 familles de Huguenots dans la paroisse de Lumigny de cette Élection, et autant dans celle de Morcerf où était le temple. Ils se sont tous retirés ; il n’en reste aucuns.

Coulommiers. — L’exercice de la R. P. R. se faisait dans le château de Chalandos appartenant au sieur Lhuillier. Chalandos est un hameau dépendant de la paroisse de St Siméon ; c’était le lieu où s’assemblaient les Huguenots des environs. Le sieur Lhuillier est un gentilhomme de la famille des Lhuillier aux Coquilles dont il y a eu un président à la Chambre des Comptes du roi Henri IV. Il paraît parfaitement converti ; il fait ses devoirs de bon catholique, il a épousé une catholique : sa mère et deux sœurs demeurent dans le même château qui ont réputation d’être bonnes Huguenottes : il y avait un cousin germain nommé Lhuillier du Breuil et la sœur dudit du Breuil qui sont passés en Hollande. Il y a eu aussi deux familles de Coulommiers qui se sont retirées. Il en reste encore, savoir :Dans la Province de Chauffris 2 familles. Dans St-Siméon et dans Maupertuis 5.

Provins. — Il n’y à point eu de Huguenots dans la ville de Provins.

Dans l’Élection il n’y a que la Dame et 2 Demoiselles de Flaix, et la Demoiselle Changuyon, leur cousine, avec deux domestiques. Le sieur de Flaix et son fils sont sortis du royaume depuis 5 ans.

Nogent. — Aucuns dans la ville ni dans l’Élection.

Montereau. — Aucuns dans la ville ni dans l’Élection.

Sens. — Il n’y avait que la seule famille de Brannay dont il n’est resté que 3 filles fort âgées qui ont fait abjuration il y a environ 12 ans.

Joigny. — Il n’y a point de Huguenots dans la ville de Joigny ; dans l’Élection il n’y a qu’une seule famille dans la paroisse de St-Martin d’Ordon qui consiste en 6 personnes : la mère et 2 filles ont fait abjuration.

St-Florentin. — Il n’y avait que 2 familles de Huguenots dans l’Élection qui demeuraient à Boeurs. Elles se sont converties ; les chefs sont morts ; les enfants sont restés qui sont bons catholiques.

Tonnerre. — Il n’y avait dans l’Élection qu’une seule famille huguenotte, nommée Lamas, qui est séparée dans 2 paroisses, à Cuzy et Argenteuil : ils sont tous convertis et ne font aucun exercice de notre religion.

Vezelay. — Il y avait dans l’Élection 53 familles de Huguenots : il en est sorti 8 familles ; il en reste 45 qui font le nombre de 250 personnes des 2 sexes. Ceux qui sont restés ont fait abjuration : ils ne font la plupart aucun exercice de la religion catholique.

II.
Extrait du rapport sur la Généralité de La Rochelle.

Sa Majesté a travaillé avec un zèle et une ardeur inconcevable à la conservation de ses sujets, et n’a rien oublié de ce qui pouvait dépendre de ses soins pour leur instruction, et a tout mis en usage : des missions, des vicaires, des maîtres et maîtresses d’école, des couvents pour retirer les jeunes filles, des pensions aux ministres, aux officiers et autres qui ont fait leur devoir de catholiques, des prisons pour les opiniâtres et les scandaleux, des grâces à ceux dont le bon exemple pouvait produire de très bons effets.

Nous voyons avec chagrin que ceux qui sont restés dans leurs maisons trouvent des difficultés insurmontables auprès des curés lorsqu’ils veulent se marier.

Les Évêques n’ont pu jusqu’à présent apporter de remèdes à ce mal, et il n’y a que l’Autorité Royale qui puisse mettre ces gens là en état d’avoir des successeurs.

Les Évêques sont pleins de zèle pour la conversion de leurs diocésains, mais ils ne sont pas soulagés par lez autres ecclésiastiques, et par les curés dont la plus grande partie sont très ignorants, très intéressés, chicaneurs et peu charitables.

. . . . . . . . . . . . . . .

Ce serait un ouvrage important d’entreprendre de réformer les désordres qui sont dans la religion ; mais il n’y a pas lieu d’espérer qu’il fût sitôt achevé. Au contraire nous voyons avec douleur qu’un grand nombre de gens de tout âge et de tout sexe ont abandonné leur patrie, et se sont retirés chez les étrangers où ils ont apporté leurs meilleurs effets.

III.
Extrait du rapport sur la Généralité de Caen.

Le commerce le plus ordinaire de la Généralité de Caen consiste dans les draps et les toiles qui sont façonnés principalement à Vire, à Falaise, à Argentan. Ce commerce a considérablement diminué depuis l’année 1685, que la plus grande partie des marchands qui étaient religionnaires et les plus riches ont passé dans les pays étrangers, en sorte que ceux qui restent ne sont pas en état de rétablir ce commerce… Il y avait à St-Lo environ 800 religionnaires dont la sortie d’environ la moitié a fait quelque préjudice…

Il y avait peu de religionnaires dans l’Élection d’Avranches. La ville de Pontorson et le bourg de Ducé en ont été infectés par la protection que leur donnaient les comtes de Lorge, de Montgommery et le comte de Ducé de la même famille.

La comtesse de Ducé s’est retirée à Londres.

Madame de Fontenay, par la permission de la cour, et quelques religionnaires en petit nombre se sont retirés en Hollande…

Il y avait dans l’Élection de Mortain environ 300 réformés dont plus de la moitié se sont retirés en Hollande ou en Angleterre.

IV.
Extrait du rapport de Bâville sur le Languedoc.

Les gentilshommes anciens catholiques par chefs de famille sont au nombre de 4046.

Les gentilshommes nouveaux convertis aussi par chefs de famille sont au nombre de 440.

Les habitants anciens catholiques, par tête 1 238 927.

Les habitants nouveaux convertis, 198 483.

Total général 1,441,896.

Entre les 440 familles de gentilshommes nouveaux convertis, compris en cette table ou état, il y en a 109 qui n’ont point d’enfants, ou qui n’ont que des filles ; ce seront autant de familles éteintes dans quelques années.

Il n’y a point de maison plus distinguée par sa naissance que celle de M. le marquis de Malause, dans le diocèse de Castres. Il paraît bien catholique, et a épousé en premières noces et en secondes des femmes anciennes catholiques, Mesdemoiselles de St-Chaumont et de Montmouton.

De tous ces gentilshommes il y en a 15 qui ont depuis cinq jusqu’à douze mille livres de rente. Le reste est au dessous, et la plus grande partie n’en a pas trois.

Il est aisé de voir par ce détail qu’il n’y a personne parmi eux qui fasse une grande figure, et qui puisse être chef de parti.

Il y a un grand nombre de marchands fort riches ; mais ils ne feront jamais rien qui puisse les détourner de leur commerce.

Généralement parlant, tous les nouveaux convertis sont plus à leur aise, plus laborieux et plus industrieux que les anciens catholiques de la Province.

La disposition de ces nouveaux convertis fut, après la conversion générale en l’année 1685, de balancer quelque temps entre leurs biens et leur religion ; l’attachement qu’ils ont à leurs biens l’emporta, et ils prirent le parti de demeurer dans le royaume,

Quelques-uns d’entre eux sortirent, et après une exacte recherche, je n’en ai trouvé que le nombre de 4000 qui ont pris ce parti, dont il y en a eu le nombre de 600 qui sont revenus.

De ceux qui ne sont pas sortis, il y en a peu effectivement qui soient bons catholiques ; ils conservent presque tous dans leur cœur leur première religion.

Ils ont conçu de fausses espérances pendant cette dernière guerre, qui les ont entretenus. Ils se sont persuadés qu’il arriverait des événements qui obligeraient de rétablir leurs temples.

Les ministres français qui se sont retirés dans les pays étrangers, avec qui ils ont eu commerce, n’ont cessé de les maintenir dans cette pensée, et de les détourner de tous les exercices de notre religion, et de leur promettre un changement.

Ils ont donc attendu sans se vouloir tout à fait déterminer pendant la guerre, faisant entre eux des prières secrètes, et s’éloignant par leur inclination naturelle, et par les préjugés de leur naissance, de tout ce qui pouvait les porter à être catholiques.

Ils ont tenté plusieurs fois, soit aux Cévennes, soit au Vivarais, de faire naître des mouvements, par des assemblées, par des prédicants et par des ministres qui ont été envoyés des pays étrangers. Ils ont même assassiné jusqu’à six prêtres dans les Cévennes, et ils ont envoyé en l’année 1689 des fanatiques en Vivarais, dont les fureurs eussent été à craindre, si le feu qu’ils y avaient allumé n’eût été éteint dans ses commencements.

Mais toutes ces assemblées ayant été réprimées et ruinées au même temps qu’elles ont été faites, les auteurs de ces meurtres furent arrêtés et condamnés à mort, et tous ceux qui avaient eu part à ce mauvais dessein furent châtiés.

Tous ces procès étaient capables de faire révolter le pays des montagnes, presque toutes habitées par les nouveaux convertis, mais ils n’ont eu aucune suite, et tous ceux qui ont en un peu de sens parmi eux ont jugé qu’il valait mieux attendre tranquillement les événements de la guerre, que de hasarder leurs biens et leurs fortunes.

On s’est servi de deux principaux moyens pour leur ôter toute espérance de réussir.

La première a été de faire plus de cent chemins de douze pieds de large qui percent tout au travers des Cévennes et de la Province du Vivarais, et qui ont si bien réussi, que toutes sortes de voitures vont maintenant très commodément dans tous ces lieux qui étaient auparavant presque inaccessibles, et il n’y en a point où l’on ne pût faire rouler du canon et des bombes, si cela était nécessaire.

Rien ne rendait ces peuples plus insolents et plus disposés à se révolter que l’opinion où ils étaient que l’on ne pouvait pénétrer.

Le second moyen a été de préparer et de mettre en usage les forces des anciens catholiques, dont le nombre dans tout le Languedoc est plus grand que celui des nouveaux convertis.

On a commencé par lever huit régiments d’infanterie payés par la Province. Le roi les ayant fait servir ailleurs, en a formé 52 régiments d’autres milices qui ne sont point payés, mais cependant toujours prêts à partir au premier ordre.

Les régiments sont composés de 8, de 10 ou de 12 compagnies, suivant la force des lieux où ils sont. Ils ont des colonels, des capitaines, des lieutenants et des sergents. Ils s’assemblent tous les huit jours pour faire la revue et l’exercice.

Ils sont composés de tout ce qu’il y a d’hommes dans la paroisse où ils sont les plus propres pour le service du roi, et l’on a choisi pour officiers ou des gentilshommes, ou des officiers retirés du service, ou des plus riches bourgeois et des plus distingués dans leurs paroisses.

Chaque colonel a eu la quantité de poudre et de plomb pour marcher sans retardement, au cas qu’il fût commandé.

Ces 52 régiments sont répandus dans toute la Province, en sorte que l’on peut en tout temps faire exécuter les mêmes ordres dans toutes ses parties, et y veiller également.

La revue générale que le commandant de la Province a faite tous les ans dans tous ces bataillons, sous les yeux des nouveaux convertis, leur a fait comprendre que tout ce qu’ils pouvaient entreprendre ne servirait qu’à les perdre, et qu’on était en état de les réprimer au même moment.

Et quoique ce ne soient pas de bonnes troupes, étant bien commandées et un peu disciplinées, il est à présumer qu’elles seront toujours meilleures qu’une populace qui s’assemble tumultuairement, sans ordre, sans aucunes munitions, et même sans chef.

forts construits.

Il a plu au roi de bâtir trois forts en l’année 1689, qui ont été très utiles. Savoir : à Nismes, à Saint-Hippolyte et à Alais, qui sont les principales entrées des Cévennes.

On a choisi en plusieurs endroits des châteaux, où l’on a établi des postes pour contenir tout le pays.

Comme ce n’est que par crainte des châtiments que les nouveaux convertis ont été sages, la religion catholique n’a fait aucun progrès dans leurs cœurs : il faut espérer qu’ils changeront de résolution après la paix. Il est impossible qu’ils demeurent sans culte et sans aucun exercice de religion.

Les chefs de familles meurent tous les jours, et ce sont les plus opiniâtres. Il en est de même des principaux ministres qui sont dans les pays étrangers qui les ont soutenus.

Les enfants qui n’ont eu ni temples, ni ministres, seront plus disposés à recevoir les bonnes impressions qu’on leur donnera.

On s’est appliqué jusqu’à cette heure, autant qu’il a été possible, à faire aller les enfants aux écoles qui ont été établies dans tous les lieux un peu considérables : c’est un moyen des plus efficaces, dont il faudra continuer de se servir à l’avenir.

Il n’est pas impossible à pratiquer pourvu qu’on s’y applique avec soin ; les pères ne résisteront pas aux ordres qu’on leur donnera.

Il sera encore très utile de mettre les jeunes garçons dans les collèges, et les filles dans des couvents, lorsque les pères seront assez riches pour les y entretenir.

Le plus grand, le plus solide, et je peux dire l’expédient efficace, est de former de bons prêtres pour être curés et vicaires dans ces paroisses.

Comme elles étaient toutes remplies de gens de la religion prétendue réformée, lors de la conversion générale, il s’est trouvé de fort mauvais sujets pour remplir la plupart des places.

Il faut maintenant penser aux moyens d’y en mettre de bons et qui sachent prêcher : car toute la dévotion des gens de la Religion ne consistant qu’à entendre la parole de Dieu, on ne réussira jamais auprès des nouveaux convertis, si on n’a pas quelque talent pour prêcher.

Ce n’est que dans de bons séminaires que l’on pourra instruire les prêtres et les rendre tels qu’ils doivent être.

Ainsi il n’y a rien de mieux à faire que d’aider les évêques par toutes sortes de voies, afin qu’ils aient les fonds nécessaires pour établir ces séminaires.

Depuis la conversion générale le Roi a suppléé autant qu’il a été possible au défaut des prêtres par des missions ; mais, quoique elles aient été fort utiles, elles ne peuvent faire autant de bien que fera un bon curé, qui sera considéré comme le véritable pasteur, et qui travaillera toute sa vie à la conversion de son troupeau, soit dans l’Église, soit en visitant sans cesse les familles en particulier. Il prendra enfin le même ascendant et la même autorité que les ministres avaient sur les esprits et les cœurs des Religionnaires, dont ils faisaient tout ce qu’ils voulaient.

Lorsqu’il s’est trouvé un bon prêtre dans une paroisse, on a vu qu’elle n’a pu résister à ses soins assidus, et qu’il a enfin déterminé tous les nouveaux convertis à faire leur devoir.

Il ne faut pas croire que ce soit l’ouvrage d’un jour, et que l’on voie immédiatement après la paix les nouveaux convertis courir aux Églises. Il arrivera au contraire qu’ils seront quelque temps dans l’état où l’on est, quand on se trouve hors d’espérance de parvenir à ce que l’on a fort désiré, et qu’il n’y a pas d’apparence de voir réussir toutes les visions dont on s’est flatté : ils seront tristes, abattus et découragés, quelques-uns même seront tentés de sortir du royaume ; mais peu, selon mon sentiment, succomberont à cette tentation, et il en reviendra plus qu’il n’en sortira ; quand tous ces mouvements seront passés, le temps de la moisson arrivera, où l’on verra enfin avec un peu de patience de véritables catholiques. Mais j’ai toujours cru que le plus mauvais de tous les partis serait celui de trop presser pour l’usage des sacrements : les missionnaires qui l’ont fait par excès de zèle s’en sont mal trouvés, et les lieux où on a vu cette conduite dans les commencements sont ceux où l’on a le moins avancé.

Les nouveaux convertis se confesseront et communieront tant que l’on voudra, pour peu qu’ils soient pressés et menacés par la puissance séculière, mais cela ne produira que des sacrilèges ; il faut attaquer les cœurs ; c’est où la religion réside, et on ne peut l’établir solidement sans les gagner.

La liberté d’aller à Orange au prêche, sous prétexte du commerce, pourrait causer beaucoup de désordres, mais le Roi y a remédié en défendant aux nouveaux convertis d’entrer dans cette principauté sans la permission du gouverneur, ou du commandant, ou de l’intendant de la province.

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