Jean Hus, Gerson et le Concile de Constance

2.4. — Lutte du pape et de l’empereur. — Hus dans sa prison. — Evasion de Jean XXIII.

Déjà les hommes les plus considérables des deux partis avaient ouvertement publié leurs opinions : les Italiens, dans leur mémoire, demandaient qu’il fût pris des mesures pour la réformation de quelques abus, pour le maintien des droits des évêques, pour la répression de la simonie de la cour pontificale. Ils insistaient surtout pour obtenir d’abord la confirmation du concile de Pise ; et, en effet, confirmer ce concile, c’était à leurs yeux confirmer les droits de Jean XXIII comme seul pape légitime.

Leurs adversaires n’avaient garde d’admettre d’abord une demande qui tendait à fortifier l’autorité pontificale. Le cardinal de Saint-Marc, celui de Cambrai et des prélats de l’Église gallicane soutinrent avec force que le concile de Pise et celui de Constance étaient indépendants l’un de l’autre, et qu’il n’était pas nécessaire que le premier fût confirmé par le second ; qu’il fallait avant tout travailler à l’union et à la réformation de l’Église. Le cardinal de Cambrai insista pour obtenir une cession volontaire des deux prétendants Benoît XIII et Grégoire XII, et comme on lui opposait le décret du concile de Pise qui dépossédait ces deux papes comme schismatiques et hérétiques, il répondit que toute considération devait céder devant celle de la paix et de l’union de l’Église ; que plusieurs conciles ayant erré, non seulement dans le fait, mais dans le droit et même dans la foi, celui de Pise, bien qu’il fût légitime, ne pouvait être réputé infaillible.

Plusieurs cardinaux présentèrent un mémoire où une vive censure des habitudes de Jean XXIII se déguisait à peine sous l’apparence d’un grand zèle pour une réforme et pour le retour aux anciennes mœurs.

« Le pape, y est-il dit, étant la règle du concile, doit être lui-même mieux réglé que tous les autres : il doit se lever le premier, se coucher le dernier, observer la bienséance dans son geste et dans ses paroles, ne rien faire enfin qu’après mûre délibération. Il aura des heures régulières pour réciter l’office et entendre la messe : il imitera en cela ses pieux prédécesseurs, dont quelques uns disaient même leur prière en secret le matin et le soir. Ceux qui entreront dans le palais pontifical auront les mains nettes. C’est au pape à donner plutôt qu’à recevoir ; les anciens pontifes secouraient les prélats indigents, et on en a vu qui faisaient porter aux pauvres les mets levés de dessus leur table. »

Ces premières démarches des adversaires de Jean XXIII furent suivies d’attaques plus décisives ; on résolut d’établir d’une manière formelle la supériorité des conciles généraux sur les souverains pontifes et de contraindre le pape à déposer la tiare. Parmi ceux qui se signalèrent le plus dans cette voie on distingua ce même Guillaume Filastre qui, neuf années auparavant, s’était montré dans l’assemblée du clergé de France un si ardent champion du pouvoir papal. Nommé par Jean XXIII cardinal de Saint-Marc, il fit tous ses efforts pour ramener ce pontife à une cession volontaire. « Il est le vrai pasteur, dit-il, et c’est pour cela qu’il doit accepter cette voie pour donner la paix à l’Église, étant même obligé de sacrifier sa vie pour un si grand bien. Et, comme Jean XXIII résistait, Pierre d’Ailly alla plus loin que Guillaume Filastre, et dit que l’Église universelle, représentée par un concile général, était en droit d’ôter le pontificat au pape le plus légitime et même le plus homme de bien, s’il n’était pas possible de donner, par une autre voie, la paix à l’Église.

Le pape toutefois ne cédait point, et il est douteux que tant d’efforts eussent vaincu sa résistance si un coup terrible ne l’eût soudain désarmé.

Dans une congrégation secrète, une longue liste d’accusation fut produite contre lui : cette liste, dit son secrétaire, Thierry de Niem, renfermait tous les péchés mortels et une multitude d’abominations. Instruit presque aussitôt par ses espions, Jean XXIII, éperdu, assemble secrètement ses cardinaux les plus dévoués ; il leur demande conseil, et en même temps il les comble de faveurs et de promesses, comme s’il eût voulu éloigner la vérité après l’avoir appelée ! Il avoue plusieurs faits, il en nie d’autres, et propose d’échapper, devant le concile, par une confession sincère, à l’ignominie d’une enquête publique. Les cardinaux l’invitent à ne rien précipiter. Cependant les membres du concile délibèrent sur la communication qui leur est faite ; plusieurs pensent que l’honneur du pontificat exige qu’elle demeure secrète ; ils craignent même, en la dévoilant, de donner gain de cause à ceux qui défendent les opinions de Wycliffe et de Jean Hus, et que la révélation des crimes de Jean XXIII n’invalide aux yeux d’un grand nombre les actes de son pouvoir spirituel.

Cet avis prévalut, mais on convint d’obtenir, par toutes sortes de voies, le cession désirée. Les nations tombèrent toutes d’accord sur ce point ; leurs députés se rendirent auprès du pape, et lui transmirent le vœu du concile. Le pontife, encore saisi de crainte, promit tout ce qu’on voulut. Deux formules de cession rédigées par lui en termes ambigus furent rejetées par le concile ; et enfin, après de longues hésitations, il accepta une troisième formule ainsi conçue :

Moi, Jean XXIII, pape, pour le repos de tout le peuple chrétien, je déclare, m’engage et promets, je jure et voue à Dieu, à l’Église et à ce sacré concile, de donner librement et de bon gré la paix à l’Église par une cession pure et simple du pontificat, et de l’exécuter effectivement, selon la délibération du concile, lorsque Pierre de Lune et Angelo Corario, appelés l’un Benoît XIII, et l’autre Grégoire XII ; dans leurs obédiences, renonceront pareillement à leur prétendu pontificat, ou, autrement, lorsqu’une cession pourra donner la paix à l’Église et extirper le schisme.

Peu de jours après, dans la seconde session générale du concile, le pape officia lui-même ; il lut ; à haute voix, l’engagement solennel qu’il venait de prendre et jura d’y être fidèle. L’empereur dominé par l’émotion du moment, et cédant imprudemment à une joie prématurée, se leva de son trône, quitta sa couronne, et, se jetant aux genoux du pontife, il lui baisa les pieds et lui rendit de très humbles actions de grâces ; le patriarche de Constantinople se leva ensuite au nom de tout le concile et imita l’empereur.

Par cet acte d’adoration, par cette humilité imprudente et déplacée, Sigismond faillit perdre le fruit de sa fermeté ; et, en s’abaissant ainsi devant Jean XXIII, il rendit du courage à cet homme qui déjà se voyait perdu, et qui ne cherchait plus qu’à échapper aux nouvelles entraves qu’il venait de se forger à lui-même. Ce fut dès lors entre lui et l’empereur une lutte sourde et continue dans laquelle l’un mit en œuvre la corruption contre la force dont l’autre disposait, et où tous les deux eurent également recours à l’adresse et à la ruse. Sommé de nommer des procureurs pour procéder à l’exécution de la cession promise, Jean XXIII refusa ; et, essayant de gagner Sigismond ; il déguisa sa haine profonde sous des témoignages d’honneur : il renouvela pour lui une ancienne coutume des papes, en consacrant la Rose d’ora, qu’il offrit à Sigismond, et qui fut reçue avec des marques de reconnaissance et de respect. Il y eut à cette occasion des festins et des réjouissances, et, au milieu de ces fêtes, les deux grands personnages, le pape et l’empereur, se surveillant du regard, ne songeaient plus qu’à se pénétrer mutuellement et à se tromper l’un l’autre.

a – Voyez la Note H à la fin du Livre 2.

Tandis que le pape cherchait de nouveaux subterfuges, les terribles accusations, tenues cachées d’abord, furent reproduites, et Jean XXIII trembla de nouveau ; il pensa non à vaincre, mais à fuir. Sigismond l’avait pénétré : il déclara que nul ne quitterait le concile sans son congé. Des gardes, répandus dans la campagne, suivaient au dehors tous les pas du pontife, et des espions rendaient compte de ses mouvements les plus secrets.

Jean XXIII essaya de semer la jalousie et la désunion entre les nations, et il tenta enfin de séduire l’empereur lui-même et d’acheter sa liberté au poids de l’or ; mais les nations, un moment divisées, se rapprochèrent de nouveau ; elles marchèrent d’accord au même but, et Sigismond demeura inébranlable.

Ainsi pressé de toutes parts, le pontife s’appuyait encore sur deux hommes puissants : sur l’archevêque de Mayence et sur Frédéric, duc d’Autriche. Ce dernier était arrivé depuis peu de jours seulement au concile ; le bruit se répandit qu’il s’était vendu au pape, et qu’il n’était venu que pour le délivrer et protéger sa fuite. Il s’en défendit avec force, mais il ne fit point taire les soupçons, et ceux-ci se fortifièrent lorsque le pape, dans l’espoir de les affaiblir, se fut dit malade. L’empereur redoubla de surveillance, et, ne se fiant qu’à ses yeux, il le visita lui-même, prétextant un intérêt sérieux pour sa santé ; il le trouva qui reposait sur son lit, « Saint-Père, lui dit-il ; comment vous trouvez-vous ? — Je me sens tout agité, répondit le pape ; l’air de Constance ne m’est pas bon, je ne puis vivre ici. Cependant, reprit l’empereur, l’air de Constance est agréable et pur. » Il lui représenta qu’il y avait dans les environs beaucoup de lieux de plaisance entre lesquels il pourrait choisir après la clôture du concile ; mais s’il avait l’intention de se retirer plutôt, Sigismond l’invitait à ne point le faire en secret, et à l’informer de son dessein. « D’ailleurs, dit-il, je dois veiller à la sûreté de votre personne, et j’irai moi-même avec vous. Un si puissant gardien parut au pape plus redoutable que le plus grand péril ; il rendit grâce à l’empereur et promit de ne point se retirer que le concile ne fût dissous. Mais il opposait lui-même la ruse à la dissimulation ; et cette promesse cachait une équivoque : aux yeux du pape ; en effet, le concile était dissous par le fait même de sa retraite.

L’empereur fut à peine sorti que Jean XXIII, poussé à bout et comme exaspéré par la contrainte qu’il s’était faite, lâcha bride à sa colère. « C’est un fou, dit-il, c’est un ivrogne, un misérable qui se serait vendu si je l’eusse acheté. » Ces paroles furent rapportées à Sigismond ; et il feignit de les ignorer ; dit un ancien auteur, par une magnanimité digne de César.

Cette fermeté que Sigismond déployait contre un grand coupable que couvrait la majesté du rang suprême, il était loin de la montrer à l’égard d’un homme qui n’avait à opposer que ses vertus à la fureur de ses ennemis. Lorsqu’on apprit à Prague l’emprisonnement de Jean Hus ; la ville entière s’émut ; des protestations nombreuses furent signés ; plusieurs barons et puissants seigneurs écrivirent des lettres pressantes à l’empereur, en lui rappelant d’une part les attestations d’orthodoxie données à Jean Hus par les prélats de Prague, et d’autre part le sauf-conduit qu’il tenait de Sigismond lui-même. « Jean Hus, dirent-ils ; est parti plein de confiance dans les lettres de Votre Majesté Impériale ; nous avons appris néanmoins qu’il a été saisi avec elles, et non seulement saisi, mais jeté en prison sans être entendu, sans être convaincu ; et voilà ce dont ici chacun s’étonne, les princes, les barons, les pauvres et les riches… On se demande comment le Saint-Père a pu violer si honteusement la sainteté des lois, la vérité, le sauf-conduit de Votre Majesté, comment enfin il a pu jeter en prison, sans cause, un homine innocent et juste. Que Votre Majesté daigne faire que la liberté soit rendue à Jean Hus ; nous la conjurons, au nom du ciel, qu’il obtienne par Votre Majesté de sortir de prison, de paraître dans une audience publique du concile, de parler librement et de défendre la vérité comme il l’a reçue de Dieu… Ce ne serait pas seulement un grand malheur pour Votre Majesté, c’en serait un pour toute la Bohême, s’il arrivait quelque mal à celui que vos lettres vous obligent de défendre. Le Dieu tout-puissant, qui connaît nos cœurs, sait quelle serait notre douleur, si jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, nous apprenions quelque chose qui pût porter atteinte à votre autorité ou à votre dignitéb. »

bJ. Hus. Hist. et Monum., t. I, p. 96. Cette lettre porte les signatures de neuf barons, et il est dit qu’elle fut signée de beaucoup d’autres.

Les ennemis de Hus n’étaient pas moins actifs pour le perdre que ses défenseurs pour le sauver. Sigismond fut circonvenu par eux, et ils surent habilement profiter de ses préjugés, de sa dévotion aveugle, de son zèle plus ardent que réfléchi pour l’extinction du schisme ; ils lui dirent et lui prouvèrent par de longs discours qu’il était dispensé d’accorder sa foi à un homme accusé d’hérésie ; ils lui persuadèrent qu’il n’avait point eu le droit d’accorder un sauf-conduit à Jean Hus sans l’aveu du concile, et que le concile, étant au-dessus de l’empereur, pouvait le dégager de sa parole. Cependant, malgré les obsessions de tant d’hommes revêtus, aux yeux de Sigismond, d’un caractère sacré, il ne leur abandonna point Jean Hus sans une vive résistance, et deux ans plus tard il écrivait aux barons : « Que n’est-il entré avec moi dans Constance ! Dieu sait, et je ne puis l’exprimer, combien j’ai été affligé de son malheur. On a vu quels mouvements je me suis donnés pour lui, jusqu’à sortir plusieurs fois de l’assemblée en fureur ; j’avais même quitté la ville lorsque les Pères du concile me firent dire que, si j’arrêtais le cours de leur justice, ils n’avaient que faire à Constance ; je pris donc la résolution de m’abstenir ; car si je me fusse intéressé davantage à Jean Hus, le concile eût été dissous. »

Deux décrets de cette assemblée eurent pour but de présenter comme juste et légitime la conduite de Sigismond ; mais il n’y a point de droit contre la conscience, et Sigismond, au fond de son cœur, sentit plus d’une fois faillir cette voix du concile qui le justifiait et qu’il disait infaillible.

Du moment où l’empereur eut abandonné Jean Hus, rien n’arrêta plus ses ennemis. Michel Causis rédigea contre lui un mémoire accusateur en huit articles fondés sur autant de points de sa doctrine. Là ne s’arrêtèrent point ses attaques. « Jean Hus, dit-il, a bouleversé l’Université de Prague, en s’appuyant sur l’autorité séculière pour opprimer les Allemands ; il a défendu les erreurs de Wycliffe ; il a fomenté la discorde entre les ecclésiastiques et les séculiers en faisant espérer aux uns les dépouilles des autres. Pour toutes ces causes, disait-il ; si Jean Hus échappe sain et sauf du concile, il fera plus de mal à l’Église qu’aucun hérétique depuis Constantin. »

Ce mémoire fut accueilli ; et quelques jours s’étaient à peine écoulés depuis l’emprisonnement de Jean Hus lorsque le pape nomma parmi les prélats trois commissaires pour instruire sa cause et l’interroger ; des docteurs furent en outre désignés pour examiner ses livres et en rendre compte.

Les commissaires entendirent plusieurs ecclésiastiques de Prague pour témoigner contre Hus ; puis ils se rendirent au monastère des Frères-Mineurs, où il était alors détenu. Ils le trouvèrent en proie à une fièvre ardente, et là, au milieu de ses souffrances aiguës, il entendit la lecture des témoignages produits contre lui par ses accusateurs. Les commissaires lui présentèrent ensuite une série d’articles que Paletz prétendait avoir extraits de son Traité de l’Église ; mais dont plusieurs avaient été, à dessein falsifiés. Hus, dirent-ils, aurait bientôt à répondre sur tous ces chefs.

Privé de toute communication libre à l’extérieur, accablé à la fois par les maux du corps et par ceux de l’esprit, il demanda qu’un défenseur lui fût accordé ; mais ce secours, que l’on accorde comme un droit aux plus vils criminels, et qu’il sollicitait comme une grâce, lui fut refusé, sous le prétexte que, d’après les canons, c’était un crime de défendre tout homme soupçonné d’hérésie. « Cependant, dit l’ancien auteur de sa vie ; les témoignages qui l’accusaient était si faibles qu’une réfutation sérieuse n’eût point été nécessaire si les mêmes hommes n’eussent été tout ensemble juges et partie. »

« J’ai prié les commissaires, dit Jean Hus, de m’accorder un avocat ; ils me l’ont d’abord accordé, puis ils me l’ont refusé. Je me confie donc en Notre-Seigneur Jésus-Christ : qu’il soit mon avocat et mon juge. »

Tandis que des prêtres se préparaient à venger dans son sang les blessures de leur orgueil, ses gardes eux-mêmes étaient touchés de sa piété fervente, de sa résignation chrétienne, et plusieurs se montraient avides de ses pieuses exhortations. Il composa pour eux, à leur prière, quelques traités. « Tu me demandes, dit-il à l’un d’eux, des instructions sur l’état de mariage où tu vas entrer ; il m’est bien difficile de te satisfaire comme je le voudrais, car il y a fort à dire sur cette matière. Les bornes de mon esprit, les entraves de mon corps, le manque absolu de livres sont pour moi autant d’obstacles ; cependant je ne laisserai point ta demande sans réponse. » Jean Hus écrivit après ces paroles quelques exhortations inspirées par une foi vive et par une morale sévère.

Les principaux traités qu’il écrivit de la sorte sont ceux des Dix Commandements, de l’Oraison dominicale, du Mariage, des Trois Ennemis de l’homme, et enfin celui du Corps et du sang de Jésus-Christ, où il montra que sa croyance sur le sacrement de l’Eucharistie était celle de l’Église romaine. C’est avec émotion qu’on lit, au-dessous de ces divers traités, les simples noms de Robert, de Grégoire, de Jacques, ses gardiens, pour lesquels il les avait écrits. Plus d’une fois, sans doute, ses ennemis et ses juges, en pénétrant dans sa prison, trouvèrent ces hommes durs et incultes attentifs à ses instructions, et le virent lui-même plus occupé des périls de leur âme que de ses propres dangers.

[Hus était pour ses geôliers rempli d’une bonté touchante, et se montrait très attentif à ne point les compromettre. On ne sait de quelle manière il correspondait avec ses amis, et nous lisons quelques détails à ce sujet dans le grand ouvrage de l’Église de Jésus-Christ, par M. Frédéric Rœhringer, qui a consacré près d’un volume aux réformateurs de la Bohême. C’était selon lui, dans les mets qui lui étaient servis et dont il renvoyait une partie qu’étaient habituellement cachées les lettres de ses amis et les réponses qu’il leur adressait.]

Jean Hus nous apprend, par une lettre adressée à ses amis, tout ce qu’il eut à souffrir de la rage de ses adversaires. « Sachez, dit-il, mes bien-aimés, qu’ils ont traduit mes lettres, qu’ils y ont ajouté beaucoup de mensonges ; ils écrivent contre moi tant de faussetés que j’ai assez à faire de leur répondre de ma prison. Leur malice est égale à leur fureur… » Dans cette même lettre il montre une résignation vraiment admirable et toute chrétienne. « Priez Dieu pour moi, dit-il, afin qu’il me soit en aide. Toute mon espérance est en lui et en vos prières. Suppliez-le donc pour qu’il m’accorde l’assistance de son Esprit, afin que je puisse confesser son nom jusqu’à la mort… Si dans ce temps il daigne me recevoir, que sa sainte volonté soit faite ! mais s’il veut que je vive et que je vous sois rendu, que sa volonté soit encore bénie ! J’aurais besoin de son divin secours quand même je serais assuré de n’être point tenté au delà de mes forces, et bien plus encore si je me savais que le péril où je suis est nécessaire à votre sanctification et à la mienne ; car, pour ceux qui demeurent fermes dans la vérité, la tentation opère le salut. »

Hus était en prison depuis trois mois lorsqu’un grand événement répandit le trouble et la terreur dans le concile. Le 20 mars 1415, au milieu d’une fête donnée à dessein par l’archiduc Maximilien d’Autriche, Jean XXIII s’évada sous un vil déguisement, et s’enfuit à Schaffouse ; il s’y mit sous la protection de l’archiduc, qui le rejoignit dans cette ville dont il était le maître. Plusieurs cardinaux et tous les officiers du pape quittèrent aussitôt Constance pour le suivre.

La fuite de Jean XXIII rompait toutes les mesures prises pour l’extinction du schisme ; mais, en voyant leur puissant adversaire leur échapper, les Pères du concile redoublèrent de rigueur envers le prisonnier sans défense. Les officiers du pape, avant de rejoindre leur maître, avaient remis Jean Hus à la garde de l’empereur et des cardinaux ; ceux-ci la commirent à l’évêque de Constance. Deux hommes armés le transférèrent, par l’ordre de ce prélat, au château de Gotleben, sur les bords du Rhin. Il fut enfermé dans une tour, les fers aux pieds, et la nuit une chaîne scellée dans la muraille le retenait captif sur sa couchec.

c – Voyez la Note I.

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