Jean Hus, Gerson et le Concile de Constance

4.2. — Décrets sur les réformes et sur l’élection du pape. — Conclave. — Élection et couronnement de Martin V.

L’empereur n’assista point à la quarantième session générale. Le concile y décida qu’une réforme serait faite, d’après le plan du collège réformatoire, sur dix-huit chefs principaux dont il arrêta la liste, et, sous un zèle apparent pour la réformation, il laissa voir cet ennui, cette extrême lassitude dont il était accablé et qui contribua peut être plus que toute autre cause à précipiter l’élection du pape. Il rendit un premier décret ainsi conçu :

« Le concile ordonne que le pape futur, de concert avec lui ou avec les députés qui seront nommés à cet effet par les nations, réformera l’Église dans son chef et dans la cour de Rome, selon l’équité et le bon gouvernement de l’Église, avant que le sacré concile ne soit dissous, et cette réformation se fera sur les articles arrêtés par les nations dans le collège réformatoire. Ces députés étant élus, qu’il soit permis aux autres membres du concile de se retirer, avec l’autorisation du pape. »

[Les objets désignés sur cette liste étaient : 1° le nombre, la qualité et les nations des cardinaux ; 2° les réservations du Saint-Siège ; 3° les annates ; 4° la collation des bénéfices et les grâces expectatives ; 5° la confirmation des élections ; 6° les causes qui doivent être traitées en cour de Rome ; 7° les appels à cette cour ; 8° les offices de la chancellerie et de la pénitencerie ; 9° les exemptions données et les incorporations faites durant le schisme ; 10° les commendes ; 11° les intermédiats, ou revenus disponibles durant la vacance des bénéfices ; 12° l’aliénation des biens ecclésiastiques ; 13° les causes pour lesquelles un pape doit être déposé ; 14° la simonie ; 15° les dispenses ; 16° les provisions pour le pape et les cardinaux ; 17° les indulgences ; 18° les décimes. Cette liste, arrêtée par le concile, embrassait moins d’objets que le vaste plan du collège réformatoire, comme on le verra dans le chapitre suivant.]

Ainsi le concile édifiait d’une main pour renverser de l’autre : il déclarait que la réforme précéderait sa dissolution, et, en même temps, il exprimait l’intention de se dissoudre de fait avant de la commencer : il confiait le soin de l’accomplir au futur pontife, à l’homme le plus intéressé à ce qu’elle n’eût pas lieu, et il allait se retirer devant lui. Enfin, lorsqu’une cour ambitieuse était à peine contenue par l’assemblée entière, que fallait-il attendre contre elle de quelques députés qu’elle pouvait gagner en les attirant dans son sein ?

Le concile ordonne ensuite qu’il soit procédé dans dix jours à l’élection du pape ; il décide que, pour cette fois seulement, il sera adjoint aux vingt-trois cardinaux, comme électeurs, six prélats ou ecclésiastiques distingués de chaque nation, et que l’élection se fera aux deux tiers des suffrages. La quarante et unième session générale fut consacrée presque tout entière à régler dans ses derniers détails la conduite des électeurs dans le conclave, le nombre de leurs serviteurs, la qualité, la quantité des mets qui leur seraient servis, à prendre enfin toutes les mesures nécessaires pour assurer leur isolement : on réglementa leurs actes durant le jour et leur repos pendant la nuit.

Le sermon fut prononcé par l’évêque de Lodi, qui, en énumérant toutes les qualités dont le futur pape devait être revêtu, montra autant de fertilité d’imagination qu’il en avait fait voir, peu de mois auparavant, dans son fameux discours contre Jérôme de Prague.

Il prit pour texte ce verset du livre des Rois : Choisissez le meilleur (2Rois.10.3), et à cet effet il exhorta les électeurs à rejeter loin d’eux, comme le venin des vipères, la cupidité, l’ambition et tous les attachements illégitimes. « Scrutez donc avec soin vos âmes pour en bannir les mauvaises pratiques, les pactes honteux, les brigues et les cabales… Plusieurs sont ici venus à un marché plutôt qu’à un concile, et, au lieu de songer au bien général, ils ne s’occupent avec ardeur que de leur intérêt propre. Ce n’est pas ainsi que vous devez être : soyez purs, soyez sincères, soyez dévoués ; songez que vous tenez dans vos mains le salut ou la ruine du monde : le monde entier a les yeux sur vous ! Considérez donc que, selon vos votes, vous rendrez compte à Dieu et aux hommes. Moïse, en choisissant son successeur, non parmi ses enfants, mais dans une autre tribu, a montré que l’autorité du Seigneur ne doit être déférée qu’à la seule vertu. Choisissez donc le meilleur, choisissez un homme qui réunisse ces trois grandes perfections, la sainteté, la sagesse et la science… Quel abus plus grand que d’être obligé d’appeler très-saint un homme perdu de mœurs, un infâme, un scélérat ! Donnez-vous donc bien garde de choisir, pour occuper la place de saint Pierre, un Giesi, un Judas, un Simon, à moins que vous n’ayez résolu de vendre Jésus-Christ une seconde fois et de le crucifier de nouveau à Rome. Dans un navire comme le nôtre, dont la poupe est endommagée, la voile déchirée, l’ancre perdue et le mât brisé, nous avons un besoin extrême d’un habile pilote ; dans la contagion qui nous tue, c’est un grand médecin qui peut seul nous guérir. Brebis errantes loin des pâturages, lorsque les bergers se sont égarés avec nous et nous à leur suite, il nous faut le plus excellent des pasteurs. Le clergé gémit, la religion souffre, toute l’Église est en larmes : choisissez donc un homme sincère, généreux, droit, vigilant, ferme, invincible, de bonnes mœurs, patient, sévère, fidèle, qui soit pour les rois un Jean-Baptiste, pour les Égyptiens un Moïse, pour les fornicateurs un Phinée, pour les idolâtres un Élie, pour les avares un Élisée, pour les menteurs un Pierre, pour les blasphémateurs un Paul, et pour les simoniaques un autre Jésus-Christ. » C’était encore trop peu de tant de rares qualités ; l’orateur énuméra quarante-six autres perfections, et les souhaita toutes au pape futur, de telle sorte que celui-ci devait être exempt de toutes les faiblesses humaines et réunir toutes les vertus en sa personne. Un savant et consciencieux historien fait, à ce sujet une réflexion naïve : Le portrait est beau, dit-il ; c’est grand dommage que ce ne soit qu’un rêvec.

c – Lenfant, Hist. du Concile de Const., liv. V.

On lut à haute voix dans cette même session les noms des cinquante-trois électeurs, dont vingt-trois cardinaux et trente députés des nations ; puis le concile pourvut par quelques décrets à la liberté et à la validité de l’élection nouvelle, en prononçant des peines terribles contre quiconque oserait la troubler par la violence. Il défendit en outre de piller la maison de celui qui serait élud : et suspendit toute affaire durant l’élection. Ce même jour les électeurs entrèrent au conclave.

d – Cet acte sauvage se répétait à chaque élection nouvelle d’un souverain pontife, sous le prétexte que l’élu, possédant désormais toute chose, n’avait plus besoin de rien.

Ils s’y rendirent en grande pompe. Arrivés devant la cathédrale ils fléchirent le genou ; le patriarche d’Antioche sortit de l’église en habits pontificaux à la tête de tout son clergé, s’avança vers eux et les bénit. Ils se levèrent alors et se dirigèrent vers le lieu du conclave.

La Bourse ou maison publique des marchands avait été disposée pour cet objet ; on y avait pratiqué cinquante-trois chambres où la lumière n’arrivait pas de l’extérieur ; toutes les fenêtres, hors une seule, étaient murées ; les électeurs y pénétrèrent à la lueur des flambeaux. L’empereur se tenait à l’entrée, donnant la main à chacun pour l’introduire et le conjurant d’élire le plus digne. Il les fit jurer tous qu’ils choisiraient un pape pieux, de bonnes mœurs, capable de réformer l’Église et qui la réformât. Il sortit ensuite et le conclave fut fermé à clef.

Aucune précaution ne fut oubliée pour laisser les électeurs à eux-mêmese. Le comte de Papenheim, maréchal de l’empire, accompagné du consul de Constance, parcourut la ville à la tête de quatre hérauts d’armes, publiant un édit de l’empereur qui défendait à tous l’approche du conclave. Deux princes avec le grand-maître de Rhodes gardaient les portes nuit et jour, tenant les clefs suspendues à leur cou ; des soldats veillaient sur les degrés dans le plus profond silence. On avait dressé devant la maison une table autour de laquelle étaient assis les évêques et les docteurs chargés de l’examen des mets portés au conclave, afin qu’une lettre ou un avis quelconque n’y pût arriver par cette voie. Le grand-maître de Rhodes portait lui-même les plats et les coupes à la seule fenêtre par laquelle ceux du conclave pouvaient communiquer avec l’extérieur, et il les recevaient ensuite de leurs serviteurs. Le but de tant de précautions était d’écarter des électeurs toute influence étrangère à celle du Saint-Esprit. Mais avaient-ils dépouillé leurs passions sur le seuil du conclave ? avaient-ils laissé dehors les préjugés, l’orgueil, l’ambition et les mille faiblesses presque inséparables de la nature humaine ? S’ils le pensaient, ils étaient dans l’erreur, et on le reconnut d’abord, malgré la noble exhortation que leur fit le cardinal de Viviers, les conjurant tous de n’avoir égard qu’au bien public. A peine réunis, les disputes commencèrent ; elles durèrent dix jours, pendant lesquels chacun se montra beaucoup plus préoccupé des intérêts de sa nation que de ceux de la chrétienté.

e – Chacun d’eux n’avait avec lui qu’un seul domestique.

Enfin l’exemple de l’abnégation et du sacrifice fut donné par ceux de la nation allemande, qui renoncèrent à leur candidat pour se réunir aux Italiens ; ils entraînèrent les Anglais, les Espagnols, puis les Français, et dans la matinée du onzième jour, tandis que l’empereur, les princes et les prêtres chantaient encore le Veni Creator à la porte du conclave, les électeurs allemands s’écrièrent : Voici le Saint-Esprit qui opère en nous ! Ils s’accordèrent tous en faveur d’Othon de Colonne, cardinal, diacre de Saint-Georges, au voile d’or. Othon fut proclamé pape et voulut être appelé Martin en l’honneur du saint dont la fête était célébrée ce même jourf : il fut le cinquième pontife de ce nom.

f – 11 novembre, fête de saint Martin.

Il était alors âgé d’environ cinquante ans ; il descendait de ces fameux Colonne, illustrés par leurs luttes avec les papes et les empereurs et excommuniés par Boniface VIII jusqu’à la quatrième génération. Plusieurs historiens s’accordent à le louer ; ils vantent sa science, sa douceur, sa justice, son habileté à manier les hommes et les affaires : l’un d’eux ajoute, et ce n’est pas une faible louange, qu’il devint plus affable et plus intègre encore, après sa promotion au cardinalat, qu’il ne l’était auparavant. Quelques autres lui sont moins favorables : Léonard Arétin donne à entendre qu’il n’eut de la bonté que les dehors, et Windek, conseiller de Sigismond, nous apprend qu’Othon de Colonne était le plus pauvre et le plus modeste des cardinaux, mais que Martin V devint le pape le plus riche et le plus cupide. A peine fut-il élu qu’un des officiers du conclave fit ouvrir une brèche dans la muraille, et cria de manière à être entendu au loin : Nous avons un pape : c’est Othon de Colonne !

De longues acclamations répondirent à cette parole que le monde attendait depuis quarante ans et qui annonçait la fin du schisme, l’union de l’Église. Quatre-vingt mille personnes accoururent, dit un témoin oculaire, et l’immense multitude cria tout d’une voix : Longue vie au pape Martin V !

Le peuple, convié à se retirer, inonda de ses flots la vaste cathédrale, où il rendit grâces à Dieu, tandis que les cloches sonnaient à pleine volée et que l’empereur, suivi des princes et des grands, entrait au conclave pour y saluer le nouveau pape.

Là Sigismond, dans la première effusion de sa joie, adressa des remerciements à tous les électeurs pour le choix excellent qu’ils avaient fait ; et, sans égard pour sa propre dignité, il se prosterna devant le pontife et lui baisa les pieds avec toutes les marques de l’humilité la plus profonde. Le pape l’embrassa comme un frère et lui adressa de vives actions de grâces, pour avoir, par tant de soins et d’efforts, rendu la paix à l’Église de Dieu.

Cette conduite de l’empereur fit évanouir la dernière espérance d’une réformation sérieuse. Sigismond dès ce jour ne fut plus lui-même ; soit qu’il crût voir dans l’accord unanime des nations pour élire un pape avant de réformer l’Église un motif de découragement ou un décret de la Providence, soit qu’il reconnût dans le choix du nouveau pontife l’œuvre certaine et immédiate de l’Esprit-Saint, on ne vit plus en lui cet empereur qui, bien que subjugué souvent par ses préjugés et par l’irrésistible ascendant du puissant concile, savait néanmoins donner à cette assemblée une vigoureuse impulsion ; et le roi des Romains, le fier successeur des Hohenstauffen s’effaça tout entier pour ne plus laisser voir que le fils soumis, le premier soldat du premier des prêtres.

Le pape était élu, il s’agissait de l’introniser. Le concile y procéda avec la pompe la plus solennelle et des honneurs excessifs autant qu’imprudents. Il se rendit en corps à la cathédrale, accompagné du clergé, des grands et des princes. Tout le monde était à pied, hormis le pontife, qui marchait entre le clergé et le corps séculier, monté sur un cheval blanc couvert de riches caparaçons de couleur écarlate, du haut duquel il jetait au loin ses bénédictions à la foule. Les rênes étaient tenues à droite par l’empereur, à gauche par l’électeur palatin, qui menèrent ainsi le pontife jusqu’à l’église, où il fut élevé sur le grand autel, pour y être adoré, selon l’usage, au bruit des instruments et des acclamations universelles.

Puis se succédèrent dans leur ordre et avec la même pompe les cérémonies de l’ordination, de l’hommage rendu par tous, et de la consécration. Celle-ci eut lieu le 21 novembre, et se fit à minuit dans l’église, au son des cloches et en la présence de tout le clergé, des grands, des princes et de l’empereur. La messe fut célébrée par le cardinal de Viviers et le sermon prononcé par Philippe Malla, docteur aragonais, qui prit pour texte ces paroles, auxquelles il donna une signification symbolique : Celui qui sera vainqueur, je le ferai devenir une colonne du temple de Dieu, et cet autre verset : Il apparut un grand signe dans le ciel ; une femme était vêtue du soleil, ayant sur la tête douze étoiles, et la lune sous ses pieds. L’orateur interprétait ainsi les paroles de son texte : la colonne signifiait Othon de Colonne, choisi pour être le soutien de l’Église de Dieu ; la lune était Benoît  XIII, Pierre de Lune, qui venait d’être déposé ; enfin les douze étoiles n’étaient autres que les douze rois qui assistaient au concile en personne ou par leurs ambassadeurs.

[Le roi des Romains Sigismond, qui était aussi roi de Hongrie, les rois de France, d’Aragon, de Castille, de Navarre, de Portugal, de Pologne, de Bohême, d’Angleterre, de Danemark, de Suède, et de Naples.]

L’Église déploya de nouveau toutes ses pompes. Puis Martin V étant consacré, voulut être couronné, et Sigismond oublia le premier la condition qu’il avait mise lui-même à la réunion du conclave, il oublia que le couronnement du pape devait être précédé de la réformation de l’Église.

Cette cérémonie surpassa les autres en splendeur. Un trône élevé surmonté d’un dais d’or avait été préparé pour le pape dans la cour du palais pontifical ; des sièges inférieurs étaient réservés aux princes et aux prélats. Martin V parut au milieu du plus imposant cortège ; il s’assit sur le trône au bruit d’un concert d’instruments. La foule des princes et des grands prit place à ses côtés, tandis qu’à ses pieds le patriarche d’Antioche et trois cardinaux fléchissaient le genou. Trois autres cardinaux, aidés du grand-maître de Rhodes, prirent la tiare et la mirent sur la tête du pape ; puis le clergé entonna le Te Deum. Martin V monta ensuite à cheval, et fut mené en procession par la ville, précédé du clergé suivi des princes, escorté du peuple entier, l’empereur et l’électeur de Brandebourg tenant les rênes et marchant à pied dans la boue.

Cependant, au milieu de toute cette pompe mondaine, une leçon qu’un antique usage autorisait de donner au pape ne fut pas oubliée. L’un des cardinaux qui s’étaient tenus à genoux devant lui avant le couronnement lui présenta au bout d’une baguette de l’étoupe enflammée qui fut consumée en un moment. « Saint-Père, dit-il, ainsi passe la gloire de ce monde. » Mais que servait-il de montrer au pontife toute cette gloire sous un fugitif emblème, lorsque chacun s’empressait à l’envi de lui en faire savourer les enivrantes délices ? De quel avantage pouvait être pour lui une pareille exhortation à l’humilité, lorsque tous les fronts, celui de César comme celui du dernier des laïcs, s’abaissaient à ses pieds ?

Non seulement Sigismond négligea cette occasion unique de recouvrer l’ancien privilège qu’avaient eu ses prédécesseurs de confirmer l’élection des papes ; il voulut que le pape confirmât la sienne, Martin V, peu après son couronnement, reconnut Sigismond pour légitime roi des Romains, et daigna déclarer qu’il suppléerait par son autorité pontificale à tous les défauts dont l’élection de ce prince pouvait être entachée.

Dans l’excès de sa dévotion inconsidérée, Sigismond croyait sans doute ne pouvoir trop faire pour rendre Martin V l’objet de la vénération universelle. Il méconnaissait tout ce qu’il y a de corrupteur dans l’extrême adulation, et, uniquement préoccupé de gagner au nouveau pontife les respects de la terre, il prenait un moyen assuré de l’en rendre bientôt moins digne.

On ne tarda point à le reconnaître ; Martin V jura la profession de foi de Boniface VIII et l’observation des articles ajoutés par le collège réformatoire. Ce serment impliquait la suppression des abus les plus criants de la cour de Rome, et celui qui promettait de les abolir remit presque aussitôt en vigueur le trop célèbre règlement qui les consacrait tous ; il fit dresser le tableau des règles de la chancellerie romaine, source impure de la simonie et des usurpations des papes, objet de la juste animadversion des prélats, des princes et des peuples. Là fut confirmé ce qui était relatif aux réservations des papes, aux grâces expectatives, aux vacances, aux dispenses, aux annates, aux dîmes, aux indulgences, à toutes ces choses qui avaient failli perdre l’Église et auxquelles on avait cru que le concile de Constance apporterait un remède. Ces règles de la chancellerie, dont Martin V fit d’abord dresser l’état, ne furent cependant publiées qu’au commencement de l’année suivante, et, dans le temps même où ses efforts cachés disposaient tout contre une réformation de l’Église, il feignit d’y donner les mains. Peu de jours après son élection, les cinq nations lui demandèrent la réforme qu’il avait promis de faire d’après le plan tracé par le collège réformatoire. N’osant repousser cette demande, il feignit de l’accueillir avec faveur. Il prescrivit aux nations de nommer des députés pour travailler à cette grande affaire de concert avec six cardinaux qu’il désignerait lui-même ; ceux-ci eurent soin de la traîner en longueur, soit par leur propre lenteur, soit par les débats adroitement suscités entre les députés des nations diverses. On verra bientôt à quoi se réduisit cette grande entreprise, et comment le concile répondit sur ce fait capital à l’attente de toute la chrétienté.

Fatigués de tant de retards, irrités de la mauvaise volonté du pontife, les Français, dans les premiers jours de l’année 1418, députèrent vers l’empereur pour s’en plaindre, et pour le prier de hâter l’œuvre si désirée de la réformation. Il leur répondit avec beaucoup de sens : « Quand je vous ai pressés de faire réformer l’Église avant qu’un pape ne fût élu, vous n’y avez pas consenti. Vous vouliez un pape avant la réformation ; vous l’avez maintenant : allez donc le trouver vous-mêmes, et obtenez de lui ce que vous désirez. » C’était leur dire que leurs espérances étaient vaines.

Ainsi, depuis plus de trois ans que le concile était réuni, l’union de l’Église sous un seul pape était le résultat important, mais unique, de tous ses travaux, et cette assemblée souveraine paraissait ne s’être mise en possession de tous les pouvoirs que pour les déposer aux pieds d’un maître.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant