Étude sur Jean-Baptiste

Un prédicateur

Matthieu 3.1-12 ; Luc 3.1-18

Cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé ; faites droit à l’orphelin, défendez la veuve.

(Ésaïe 1.16-17)

Quinze années probablement se sont écoulées. Le fils de Zacharie est devenu un homme. On ne le connaît encore que fort peu parmi ses compatriotes. Tout au plus quelques voyageurs l’ont-ils rencontré. S’ils ont parlé de lui, ce n’a pu être qu’en termes bien incomplets. Une légende, probablement, allait se former sur son compte. On se racontait l’impression profonde que faisait, même sur un passant, cette étrange figure de prophète : son vêtement de poil de chameau, serré autour de ses reins par une ceinture de cuir ; sa nourriture extraordinairement frugale, composée seulement de sauterelles et de miel sauvage…p Un jour vint où l’ascète se montra au milieu de ses frères. Soudainement, sans rien qui l’eût annoncé. « Un homme parut, dit le quatrième Évangile. Il était envoyé de Dieu. Il vint pour un témoignage, pour rendre témoignage à la lumièreq. »

p – Comparez sur ce dernier aliment, 1 Samuel 14.25-30 ; Psaumes 81.17.

qJean 1.6-7.

Jean n’avait point cédé à une enfantine lubie en se rendant au désert. Il n’en sortit point par caprice ni par lassitude. Il obéit, purement et simplement. « La parole de Dieu vint sur lui, » lisons-nous dans le récit de Luc. Quinze années de méditations et de prières lui avaient appris à discerner cette parole entre toutes les autres. Il avait patiemment attendu l’ordre qu’elle devait lui donner. Maintenant qu’il a retenti, il obéit. Là est tout le secret, toute la vertu de son ministère. S’il a pris goût à la vie solitaire, s’il a trouvé du charme à cette indépendance où il ne devait rien à personne, il n’essaye pas de la prolonger d’un instant, dès que le signal du départ lui a été donné.

Comment l’a-t-il reconnu ? A-t-il vu, comme autrefois Moïse au pied du mont Horeb, un buisson tout à coup s’enflammer ; et, du sein de cette flamme, une voix lui a-t-elle crié : Va maintenant vers mon peuple ? Ou, comme Élie, son ancêtre spirituel, a-t-il assisté à une succession imprévue de phénomènes naturels : d’abord les craquements sinistres de l’ouragan, ensuite le son doux et pénétrant qui contraignit le prophète à se voiler le visage, parce que l’Éternel passait ? A-t-il reçu dans sa retraite une visite de cet ange Gabriel, qui, trente ans plus tôt, avait annoncé sa naissance ? Nous ne savons. Les suppositions sont possibles ; elles ne nous avanceront pas à grand’chose.

Ce que nous savons très bien, c’est que l’époque était solennelle. Il suffirait, pour nous en rendre compte, de noter les soins presque minutieux avec lesquels Luc a fixé la date de cet événement. Il en marque l’heure à trois cadrans, si nous osons nous exprimer ainsi : le cadran de l’empire ; le cadran de la Judée politique ; celui enfin de l’Israël religieux. C’est qu’il est arrivé, ce moment déjà prédit par Jacob, où « le sceptre va s’éloigner de Juda et le bâton souverain d’entre ses piedsr. »

rGenèse 49.10.

C’était, nous dit l’historien, la quinzième année de l’empereur Tibère. Auguste étant mort en août 767 (de Rome), cette quinzième année correspondait à l’an 782. Mais si, comme il est fort possible, nous devons compter l’hégémonie de Tibère à partir du moment où son prédécesseur l’associa au trône, c’est-à-dire deux ans plus tôt, partant de 765, nous arrivons seulement à 780, soit à la trentième année de l’ère chrétienne. C’est le calcul qui paraît le plus probable.

En ce même temps, la Palestine était gouvernée par Pilate, son sixième procurateur romain. Il y resta en charge de 779 à 789. Véritable maître de la Terre-Sainte, il supportait cependant au-dessous de lui trois petits princes qui avaient conservé quelques lambeaux du pouvoir : Hérode-Antipas, tétrarques de la Galilée depuis la mort de son père, de 750 à 792 ; son frère Philippe, tétrarque de l’Iturée et de la Trachonite, de 750 à 786 ; Lysanias enfin, trétarque d’Abilène, et probablement descendant d’un roi de cette contrée, dont Josèphe place l’administration environ soixante ans plus tôt.

s – Tétrarque, littéralement « chef du quart. » Nom donné aux gouverneurs respectifs des provinces d’un royaume qui avait été partagé en quatre portions. Ces divers détails sont précisés avec grand soin dans M. Godet, Comm. sur Luc, I, p. 148-154.

Au point de vue religieux, enfin, Anne et Caïphe partagaient le sacerdoce supérieur. Il est vrai que le premier avait été déposé au bout de sept ans par Vitellius, qui avait mis à sa place son gendre Caïphe. Mais Anne n’en avait pas moins conservé l’influence et l’autorité. Nous en voyons la preuve lors du procès de Jésus-Christ. Aussi pourrait-on presque donner à cette dernière indication chronologique de Luc la forme bizarre mais juste de : Sous le pontificat Anne-Caïphe.

Tous ces noms, au reste, toutes ces dates, concourent à montrer l’abaissement profond dans lequel la Judée était tombée. Il n’y avait presque plus rien de vraiment grand chez elle. Moralement autant que politiquement, elle s’effaçait chaque année un peu plus dans l’absorbant organisme de l’empire romain. Ce n’était pas que Rome fût elle-même à un niveau plus élevé. La débauche et le crime étaient sur le trône en la personne de Tibère. L’éclat du siècle d’Auguste n’avait relevé ni la religion ni la philosophie. Sous le sceptre de fer qui retenait encore dans la soumission des sujets impatients, beaucoup de souffrances s’amassaient, et le vague besoin, sinon d’un Sauveur, au moins d’une délivrance, faisait battre des milliers et des milliers de cœurs. Combien dut être opportune, en de telles conjectures, l’apparition du Précurseur, et comme le Seigneur lui avait préparé les voies en l’appelant à préparer celles du Messie !

Le voici ! Il est jeune encore. Sa santé n’a point été altérée ni compromise par les excès. La pureté est imprimée sur son front. Si l’on découvre dans ses traits les marques de luttes douloureuses, on y surprend surtout celles de la victoire. Une sorte d’auréole l’entoure. Les longs cheveux du naziréen tressent autour de sa tête une couronne qui inspire le respect. Bientôt, on se redit de bouche en bouche qu’il a quitté sa retraite. Il s’est établi sur les bords du Jourdain ; il ne disparaîtra point après une rapide apparition ; décidément il reste, il se montre. Il y a quelque chose de nouveau qui commence.

Deux caractères essentiels signalent ce ministère : la prédication et le baptême. « Il vint, dit le texte, prêchant le baptême de la repentance. » Il est naturel, néanmoins, que la prédication ait précédé le baptême ; c’est elle qui devait le déterminer. Occupons-nous-en tout d’abord.

Luc, entre tous les Évangiles, nous en donne le résumé le plus complet. C’est Luc aussi qui reproduit plus au long et le plus exactement la prophétie d’Ésaïet, dont Jean-Baptiste est l’accomplissement. Le sacerdoce de la nouvelle alliance ne pouvait s’ouvrir, qu’en se rattachant de la façon la plus étroite à celui le l’ancienne. Et Jean n’a pas ambitionné d’autre gloire que d’être la voix jadis ouïe par le prophète. Si les accents en ont été presque étouffés durant les longues plaintes de l’exil, puis à travers quatre siècles d’épreuves, pourtant il n’ont pas cessé de retentir à certains intervalles. Ils ont vibré, ils vibrent encore dans les âmes d’élite de quelques croyants. Dans peu de mois, quand le fils de Marie viendra à son tour au bord du Jourdain, ils se feront entendre avec tout l’éclat du triomphe.

tÉsaïe 40.3-5, d’après le texte des Septante.

Un appel et une promesse ouvrent la prédication de Jean. « Repentez-vous ! » voilà l’appel. « Le royaume des cieux est proche ; » telle est la promesseu. Nous ne comprendrons bien le sens de celle-ci, qu’après nous être rendu compte de ce que Jean entendait par « royaume des cieux. » L’envisageait-il encore sous les couleurs essentiellement terrestres et politiques dont ses contemporains le revêtaient ? Avait-il appris au contraire à le connaître au sens spirituel ? Nous devrons essayer de l’expliquer plus tard. Pour le moment, écoutons l’appel : Repentez-vous !

uMatthieu 3.2.

Certes, ce n’était pas la première fois que les Juifs l’entendaient. L’Ancien Testament le reproduit à chaque page. Il dut avoir cependant, dans la bouche du jeune prédicateur, une énergie et une saveur singulièrement nouvelles. C’est qu’il ne ménageait pas beaucoup ses termes, l’ancien habitant du désert. Parlant à des pécheurs, il prétendait leur faire connaître leur péché et les amener à le détester. Aussi ne l’habille-t-il point des ornements de la vertu. Pour en mieux signaler la nature dangereuse et haïssable, les formes rusées et cauteleuses, les effets empoisonnés, il ose crier : Race de vipères !…

Comment ! vipères ! Mais c’est à s’en aller tout de suite. C’est à ne revenir jamais. Nous, des serpents ! Ah ! pour un manque de tact, en voilà un. Ce prophète est un malappris ; un grossier personnage. Ce n’était pas la peine d’accourir au bord du Jourdain, pour s’entendre traiter de la sorte !…

Sans partager cette indignation, peut-être plus factice que réelle, nous avons bien le droit de nous demander si l’expression était exacte et ne dépassait pas la mesure. N’y avait-il vraiment, dans cette foule qui entourait Jean-Baptiste, que des âmes fausses et des esprits tortueux ; des serpents, une race de vipères ?

Un mot de Matthieu nous aide à répondre. Il nous apprend que, dans son auditoire, le jeune prophète avait un grand nombre de pharisiens et de sadducéensv. Leur visite ne dura peut-être pas longtemps, et peut ne s’être pas renouvelée. En tout cas, ils furent nombreux au début. Or, que faisaient les pharisiens, avec leur prétention de piété raffinée et de pratiques sans défaillances ? Ils tuaient la loi, sous le poids de leurs traditions : Jésus le leur a dit assez clairement pour que nous le sachions. Qu’est-ce donc que ces procédés, accompagnés du plus superbe dédain pour « le reste des hommes, » sinon la morsure lâche et le venin mortel du serpent ? – Qu’enseignaient les sadducéens ? Matérialistes, amis du plaisir, ils ne croyaient ni aux anges ni aux esprits, et prêchaient, comme on prêche encore aujourd’hui, que lorsqu’on est mort tout est mort. Avec cela railleurs, légers, superficiels, aimant les questions oiseuses, ne prenant pas la vie au sérieux. Autre façon d’instiller dans les âmes le poison de la vipère. Ces deux sectes se partageaient entre elles la grande majorité des Juifs. Leurs disciples se comptaient par centaines, et les suivaient sans regimber dans les sentiers de l’hypocrisie. Au besoin, ils savaient se couvrir des dehors du repentir ; mais c’était pour mieux échapper à ses exigences. Et s’ils voulaient bien du baptême, c’était afin de s’en parer comme d’un mérite devant Dieu… Race de vipères !

vMatthieu 3.7.

Les exceptions, il y en avait sans doute. Jean les connaissait mieux que nous. Mais, dans sa longue solitude, il avait appris à aimer, à estimer les âmes assez pour leur dire la vérité. Il sait que les flatter c’est les conduire à la mort ; et il a l’ambition de les amener à la vie. Il sait que le serpent ancien – celui dont Jésus dira un jour qu’il est homicide et menteur dès le commencementw – a laissé après lui une immense postérité. Eh bien, cette postérité ne peut être désignée que par un nom : Race de vipères. Le mot est rude, mais il est vrai. Pareil à l’instrument acéré que le chirurgien fait entrer au fond de la plaie pour en arracher les chairs mortes, il pénètre jusqu’aux dernières cachettes de la conscience pour y porter la vérité, condition du pardon. Jésus l’emploiera, ce terme, quand s’adressera aux scribes et aux pharisiens hypocrites : « Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au châtiment de la géhenne ?x » Saint Paul n’hésitera point à apostropher le magicien Élymas comme un « enfant du diabley ; » et il avertira les Corinthiens qu’il n’est pas toujours facile de discerner cette famille du tentateur, car lui-même, parfois, se déguise en ange de lumièrez. »

wJean 8.44.

xMatthieu 23.33, comparez 12.34.

yActes 13.10.

z2 Corinthiens 11.14.

Il me souvient d’un cher paroissien, homme de beaucoup d’esprit et de beaucoup de piété, qui avait conservé une impression toute particulière de cette prédication du Baptiste. Il en faisait volontiers le critère, à l’aide duquel il jugeait les prédicateurs d’aujourd’hui. – « Un bon sermon ! observait-il un jour, assez bon, du moins. Il aurait dû être meilleur. Le pasteur ne nous a pas dit : Race de vipères ! » – Sous cette forme originale, mon paroissien avait raison. Autant il faut se garder d’une sévérité de commande, qui accumule comme à plaisir les expressions les plus fortes et ne tarde guère à émousser son glaive, autant il est permis de condamner ces homélies mielleuses qui délaient l’Évangile dans une fade eau bénite, et distribuent à chacun tant de compliments, que les pécheurs se croient des saints et pèchent en souriant. A l’école de Jean-Baptiste, on apprenait au moins quelque chose de cette « tristesse selon Dieu qui produit une repentance à salut, et qu’on ne regrette jamaisa. »

a2 Corinthiens 7.10.

Le courage déployé par le Précurseur est d’autant plus remarquable, que beaucoup de ses visiteurs semblaient poussés par le désir de renoncer au mal et de se tourner vers Dieu, « Qui vous a appris, leur demande-t-il, à fuir la colère à venir ? » Donc ils la fuyaient. N’est-ce pas un très grand bien, et ne fallait-il pas les encourager dans cette voie ? Nous l’aurions pensé. Jean n’est pas si vite rassuré. Il a mieux discerné les motifs qui poussent ces fuyards, et il veut les contraindre à s’en rendre compte. Qui vous a appris ?… Car enfin, il se peut que vous preniez un fort mauvais chemin ; qu’en croyant fuir vous vous précipitiez au contraire, tête baissée, au-devant du châtiment ; que vous obéissiez, dans cette fuite apparente, aux conseils mêmes de celui qui s’est juré de faire de vous les victimes de la colère. Qui vous l’a appris ?… Est-ce Moïse ou Satan ? Est-ce la loi de Dieu, ou la peur momentanée d’un malheur, ou certains retours de la mode, ou quelque formalisme qui aveugle, ne vous laissant ouvrir les yeux que lorsqu’il sera trop tard ? Qui vous a appris !…

La réponse que Jean fait à cette question, c’est : l’orgueil. Seulement, il veut amener ses auditeurs à la faire aussi. Il a vite entrevu, sous les dehors de leur repentir, ces tenaces prétentions nationales qui les menaient à se croire au premier rang des enfants de Dieu. Descendants d’Abraham ! Voilà l’inviolable talisman. Voilà le titre qui ne peut être jamais ni renié ni périmé. Viennent les catastrophes les plus terribles, les jugements les plus sévères. Le monde en sera détruit, peut-être ; les Gentils seront réduits poussière. Mais nous échapperons. Nous avons Abraham pour père !

Ne dites pas cela, crie impitoyablement le prophète. Ce ne seraient que des mots, rien de plus. Eh quoi ? Vous avez renié la foi d’Abraham, vous vous détournez de ses œuvres, et vous seriez encore ses enfants ? Perdez cette illusion. Le patriarche a tout donné à Dieu, jusqu’à son propre fils. Vous, vous refusez tout au Seigneur, à commencer par votre cœur. Vous ne lui accordez que des pratiques dont il est las, des sacrifices dont il n’a que faire, des jeûnes qui le fatiguent et des prières qu’il ne veut pas entendre. Non, non, vous n’êtes pas des enfants d’Abraham. L’Éternel en susciterait plutôt des pierres du désert, que de vous accorder ce titre, à vous qui ne le méritez plus. Les promesses faites jadis au père des croyants sont immuables, comme toutes les promesses de Dieu. Mais en dehors de sa foi, elles deviennent sans effet, ou se transforment en menaces.

Ah ! vous vous croyez encore les branches vigoureuses d’un arbre qui ne peut périr. Quelle erreur ! Regardez bien, pharisiens. Regardez, sadducéens. Laissez une bonne fois tomber ces triples voiles qui couvrent vos yeux. Ne voyez-vous pas le tranchant de la cognée qui, déjà, brille sur les racines de cet arbre antique ? N’entendez-vous pas les coups sourds et répétés qui le dépouillent ? Les branches sèches disparaissent les unes après les autres. Les feuilles jonchent le sol ; bientôt le vent les emportera. Un moyen, un seul, vous resterait pour retenir le bras du bûcheron vengeur. Ce serait de porter des fruits. Faites donc des fruits dignes de la repentance.

Qu’en pensez-vous, mes amis ? Ce jeune homme s’était-il, oui ou non, fortifié en esprit pendant le temps qu’il avait passé au désert ? Cette prédication n’est pas ordinaire, n’est-ce pas ? On ne l’accusera de manquer de nerf ou de passer par-dessus la tête des gens. Il me semble surprendre le frisson qui agitait la foule, à mesure que les appels du prophète pénétraient dans ses rangs pressés, comme les charges d’une cavalerie indomptable à travers les plus épais bataillons. Dieu veuille nous faire céder nous-mêmes à ces assauts ! Enfants de Genève, ne vous contentez plus de dire : Nous avons pour père Berthelier. Enfants de la Réforme, qu’il ne vous suffise point de penser : Nous avons pour père Calvin, ou Luther, ou Zwingli ! Ces hommes ne sauraient vous sauver. Leur héroïsme ne pourrait suppléer à votre paresse. Faites des fruits dignes de la repentance.

Oui, des fruits, des œuvres. Après Jean-Baptiste, c’est ce que saint Paul a prêché, tant aux Juifs qu’aux Grecs. C’est ainsi, par exemple, qu’il résume tout son ministère, quand il le raconte au roi Agrippa : « Je leur prêchai de se convertir à Dieu, en faisant des œuvres dignes de la repentanceb. » Après saint Paul, c’est ce qu’ont enseigné tous ceux qui ont essayé d’exercer quelque influence sur la génération de leurs contemporains.

bActes 26.20.

Un homme qui ne combat pas directement sous notre drapeau, mais dont la voix généreuse est goûtée de la jeunesse, M. Paul Desjardins, semblait, l’autre jour, proclamer cette devise : Des fruits, des œuvres !

« La sainteté, écrivait-il à un ami dans une correspondance qui a fait quelque bruit, la sainteté paraît de plus en plus inaccessible à mesure qu’on en approche. Néanmoins, ce même écart, nous le sentons tous, ou presque tous… Et si l’on me demandait d’évaluer cette distance entre nos idées morales et nous, je répondrais que, ce qui la mesure exactement, c’est l’étendue de notre douleur : entendez le mécontentement de nous-mêmes poussé jusqu’au désespoir. Or une telle douleur est aujourd’hui profonde et universelle ; là où le vice abonde, surabonde encore la tristesse… Jamais, je crois, on n’a été plus généralement triste qu’en ces derniers temps ; et c’est ce qui nous sauve… Celui-là seul est perdu qui se sent à l’aise et comme en santé dans le mal ; les consciences sans inquiétude sont seules désespérées… »

« Des idées morales, ce sont avant tout des choses à faire, c’est le programme d’une tâche. Et pour recevoir accomplissement, il faut qu’elles aient prise sur l’émotion et la volonté : elles doivent être objet d’amour…
Les idées morales sont avant tout des forces, ou plutôt elles sont une seule force, la force organique de l’âmec. »

cJournal des Débats, 8 décembre 1891 : « Nos idées morales. » Comparez : Le devoir présent, p. 16-21, où le même auteur développe plus encore sa pensée.

J’ignore si l’aimable professeur se doutait qu’il produisait en partie, et sous une forme toute moderne, des discours qui se prêchaient il y a plus de dix-huit siècles au bord d’un fleuve de Palestine. Sa lettre, en une certaine mesure, en renferme bien l’écho. Tous ceux qui se préoccupent avec quelque sérieux du relèvement de notre époque et de l’avenir de nos fils sentent, plus ou moins confusément, que des croyances n’y suffisent pas ; il n’y faut pas moins que l’activité de la foi, et la foi consiste avant tout dans une œuvre. Ce que nous réclamons à tout prix, c’est moins des idées que « des choses à faire, le programme d’une tâche. » Mais quelle tâche ? Quelles choses ? Voilà ce que l’écrivain de Paris ne nous a pas dit. L’a-t-il oublié ? Ne le savait-il pas ? Il ne nous appartient pas de décider. Nous constatons seulement que, sur ce point, de toute première importance, ses leçons demeurent fort au-dessous des prédications de Jean-Baptiste.

Car il avait son programme très arrêté, le Précurseur du Messie. Il imposait une tâche, non point vague, mais précise. Il croyait au devoir. Avant Kant, il avait entendu au fond de sa conscience les ordres de l’impératif catégorique ; ce « tu dois, » devant lequel il n’est pas permis de fuir, et qui affranchit à force d’enseigner l’obéissance. Là est la supériorité manifeste du Baptiste. Là le bienfait constant de l’œuvre qu’il a accomplie et qu’il accomplit encore. Sans jamais songer à sa réputation, sans se préoccuper de fonder un parti, il ne s’est efforcé que d’arracher les âmes au sommeil du péché, de les faire trembler en présence du jugement, et de les amener ainsi, avides de délivrance, à Celui qui pouvait et qui peut seul sauver. Voilà pourquoi après avoir crié : Faites des fruits ! il s’est hâté d’expliquer de quels fruits il entendait parler. C’est cette seconde partie de sa prédication que nous avons encore à examiner.

On pouvait craindre que sa franchise, disons, si vous voulez, sa rudesse, n’eût promptement repoussé les foules. Il n’en fut rien. Et le prédicateur put considérer comme un grand encouragement le fait que ses auditeurs, si vertement repris, ne l’abandonnèrent point pour cela. Si quelques-uns s’en allèrent, d’autres accoururent en plus grand nombre. Toutes les classes de la population s’empressaient autour de lui. On restait ; on conversait ; « on interrogeait. » Ce dernier verbe, écrit à l’imparfait dans l’original, montre bien qu’on ne se contentait point (comme chez nous) d’écouter un éloquent sermon, et de partir aussitôt après pour penser à tout autre chose. Non ! On s’arrêtait, on questionnait. Il y avait tant questions à poser ! Le commandement promulgué n’était pas tombé dans un terrain pierreux. Faites ! avait dit Jean. Que ferons-nous ? répondent les uns après les autres ses visiteurs. Rien de plus naturel qu’une parole semblable ; et nous pouvons ajouter : Rien de plus réjouissant. Car c’est la marque d’une inquiétude salutaire, qui, bien dirigée, peut aboutir à la conversion. Des conseils qui vont être donnés dépendra l’avènement de ce royaume de Dieu, dont Jean affirmait tout à l’heure qu’il était proche.

Il ne faut pas, en effet, se le dissimuler. Il y a beaucoup d’œuvres inutiles et, dès lors, plus ou moins nuisibles. Il y a des actions qui ne réalisent nul progrès, qui ne procurent aucun bien. Celles-là nous ramènent en arrière, bien plus qu’elles ne nous conduisent en avant. On peut – ce n’est point un paradoxe – agir beaucoup et ne rien faire ; se démener jusqu’à l’épuisement et ne produire à peu près rien, si ce n’est de la fatigue pour soi-même et pour les autres. On peut s’être livré avec emportement à une gymnastique, spirituelle ou physique, très bruyante, très échauffante, désordonnée même, et avec cela ne laisser derrière soi aucune œuvre durable. – Un des châtiments les plus durs que les lois de certains pays infligent à des condamnés, c’est de les obliger à faire tourner une roue à vide. Ils appliquent toutes leurs forces à mettre en mouvement la lourde machine. Elle tourne, elle tourne ; mais c’est tout. Elle n’actionne rien. – Il y a, mes amis, certaine morale, absolument pétrie de bonnes intentions, qui n’aboutit non plus qu’à faire tourner des roues à vide. On y dépense beaucoup d’énergie. On n’y obtient guère d’autres résultats que beaucoup de lassitude et de dégoût.

La question capitale reste donc bien toujours : Que ferons-nous ? Nous l’entendons se poser ici, pour la première fois à l’entrée des temps évangéliques. Après cela, elle se formulera souvent encore. Lorsque le Sauveur sera remonté dans le ciel, elle sortira de bouches bien différentes, mais également anxieuses d’une réponse. C’est d’abord, au jour de la première Pentecôte chrétienne, une foule émue, ébranlée, qui demande aux apôtres : « Hommes frères ! que ferons-nousd ? » C’est ensuite, quatre ans plus tard, sur la route de Damas, le persécuteur Saul de Tarse renversé, aveuglé, et qui s’écrie dans son angoisse : « Que ferai-jee ? » C’est enfin, dans une prison de la Macédoine, un geôlier qui tremble devant deux missionnaires et qui leur demande, avec autant de détresse que Paul en ressentait autrefois : « Que faut-il que je fasse pour être sauvéf ? » Cette dernière question est bien la plus complète des trois. Car elle ne poursuit pas seulement une œuvre quelconque à faire : elle en cherche une en vue du salut.

dActes 2.37.

eActes 22.10.

fActes 16.30.

Les réponses ne sont pas moins variées. Avez-vous remarqué que la plus simple, en tout cas la plus facile à comprendre, est celle de Jésus à Saul : « Lève-toi ; entre à Damas ; là on te dira ce que tu dois faire. » D’où il suit que l’attente, le silence, acceptés pendant un certain temps, constituent parfois pour nous l’œuvre agréable au Seigneur. La plus fiévreuse activité, non seulement ne ferait pas autant de bien, mais n’agirait pas autant. Au geôlier de Philippe, Paul a répondu : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta famille. » Et Pierre aux foules de la Pentecôte : « Repentez-vous ! Soyez baptisés au nom de Jésus-Christ, et vous recevrez le don de l’Esprit Saint. » Aucune de ces deux réponses n’eût été possible dans la bouche de Jean-Baptiste. Il ne connaissait pas encore Jésus-Christ, et il n’était pas tout à fait au clair sur les conditions à remplir pour recevoir les dons de l’Esprit. C’est bien, toutefois, la parole de Pierre qui se rapproche le plus de la sienne. « Repentez-vous ! » Il n’ordonnait pas autre chose. « Soyez baptisés ! » Il baptisait lui-même. Mais qu’exigeait-il de ses néophytes avant de les plonger dans l’eau lustrale ? Par quelle voie faisait-il pénétrer en eux la repentance ? Que répondait-il enfin à leur anxieux : « Que ferons-nous ? » Qu’il n’abuse point de son influence pour leur prêcher quelque agitation politique, un soulèvement contre le pouvoir abhorré des Romains, cela ne nous étonnera guère. Il nous semble le connaître assez, pour nous être assurés qu’il n’y a point en lui l’étoffe d’un agitateur. Nous admirerons plutôt sa réserve à l’égard des pratiques religieuses et des observances légales. Le fait est qu’il n’en recommande pas une seule. Il ne parle ni de jeûnes ni de macérations. Et pourtant il avait jeûné, lui. Il avait traité durement son corps, il s’était imposé une discipline sévère. Sans doute ; mais le maître qui l’instruisait, le Saint-Esprit, lui avait enseigné à connaître les hommes. Il avait compris qu’il n’est point sage de leur imposer à tous le fardeau ; que des règles, excellentes pour l’un, peuvent être fâcheuses pour un autre ; que, si le but est le même, les moyens de l’atteindre doivent différer ; que les renoncements, en particulier, s’ils sont imposés du dehors et pratiqués sans conviction, deviennent un vêtement d’emprunt qui ne tarde pas se changer en déguisement. D’ailleurs, les obligations de la loi cérémonielle n’étaient pas étrangères à ses pénitents ; la plupart d’entre eux s’en acquittaient journellement. Les replacer devant cette loi, n’était pas répondre à leur question, ni leur montrer la voie du salut.

En face de la loi morale, c’était bien autre chose. Même réduite à ses termes les plus communs, au second commandement du sommaire, par exemple, quelle puissance de réveil n’allait-elle pas déployer ! Non ; pas tant de grandes œuvres abordées avec enthousiasme et lâchées ensuite de la façon la plus triste, pour ne pas dire la plus scandaleuse. Pas tant d’entreprises brillantes ou de sacrifices retentissants, qui sont des couronnes offertes à l’orgueil et à l’ambition, et qui laissent tranquillement le cœur à son égoïsme, Non ! Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Pour lui prouver ton amour, tu lui feras ce que tu voudrais qu’il te fît. Tu auras soin des plus petits devoirs de la charité la plus ordinaire. Tu réaliseras les principes, vieux comme le monde et toujours oubliés, d’une solidarité qui n’a pas le droit de dire : Suis-je le gardien de mon frère ? Et, pour préciser, si tu as deux tuniques tu partageras avec celui qui n’en a point. Si tu as de quoi manger, tu feras de même avec ton frère qui meurt de faim.

Comment, rien que cela ? Parfaitement ; mais tout cela. Essayez. Vous verrez comme c’est facile et commode, quand ces devoirs reviennent tous les jours. Car vous l’avez compris, je suppose. Cet exercice de l’amour fraternel, Jean-Baptiste n’entend pas le borner à quelques circonstances exceptionnelles. Ce n’est pas seulement aux grandes fêtes de l’année, à Pâque, au Nouvel-an, qu’il faut couvrir le malheureux qui frissonne et partager son repas avec l’affamé. C’est demain comme aujourd’hui, et après-demain encore. Même quand ce pauvre est très indiscret, très importun, tranchons le mot : très ennuyeux. Même quand c’est un ennemi qui nous a fait beaucoup de tort, et auquel nous aurions eu le droit de montrer, dans sa misère actuelle, la peine méritée de son injustice… Ah ! vous dites : Ce n’est que cela ! Vous trouvez que c’est si simple. Essayez donc. Persévérez. Vous ne tarderez pas à faire l’expérience que les foules ont faite au bord du Jourdain : c’est que l’amour du prochain n’est pas naturel au cœur de l’homme, et que, pour pratiquer cet amour, il faut que ce cœur soit changé ? Les moralistes modernes n’ont rien trouvé, jusqu’à maintenant, qui dépassât cette vérité.

Le Précurseur inculque la même leçon, sous des formes un peu changées, à deux classes particulières de consultants qui s’adressent encore à lui. Les péagers d’abord. Ils ont surmonté, c’est déjà une victoire, cette répulsion qu’ils inspiraient plus ou moins à tous, et qu’ils rendaient en haine et en mépris aux habitants de la Palestine. Ils ont osé se mêler à la foule. Ils s’approchent du jeune prophète. Ils ont une demande à exprimer : « Et nous, maître, que ferons-nous ? » Ces serviteurs des Romains osent appeler « maître » cet inconnu. Leur conscience les harcèle, ils sont persuadés qu’ils ont quelque chose à faire. Quoi ? Changer de métier, peut-être ?… Non ; mais changer de conduite. Sauf exception, ce n’est pas la position qui perd ; c’est la façon de s’y tenir et de s’y comporter. Non, mes amis. Péagers vous êtes, péagers vous pouvez rester. Mais il vous faut l’être tout autrement. Devenez des publicains honnêtes. Ce sera difficile ; pourtant pas impossible, N’exigez rien au delà ce qui est ordonné. Ne faussez pas les taxes. N’élevez pas frauduleusement les tarifs, malgré la connivence plus ou moins avouée de vos chefs. Vous avez votre traitement. Ne cherchez point à l’augmenter aux dépens, tout ensemble, et du fisc et de vos concitoyens. J’ai recommandé aux foules la charité. Je vous l’ordonne aussi, et j’y associe la justice. L’une ne saurait aller sans l’autre. Or, comme un cœur naturellement égoïste ne peut apprendre à aimer aussi longtemps qu’il n’est pas changé, de même une vie d’extorsions ne peut devenir juste tant qu’elle n’est pas convertie. Pour la seconde fois, et tout en paraissant ne toucher qu’à la surface, le prédicateur est descendu jusqu’au fond même de la vie morale.

Les soldats viennent ensuite. Toujours la même question : Que ferons-nous ? L’impulsion qui les amène vers Jean est si puissante, qu’elle domine pour un moment l’indifférence ou les fanfaronnades de la vie militaire.

Dire exactement qui étaient ces soldats n’est pas très aisé. Il ne semble pas probable que ce fussent des Romains, en garnison dans la Palestine. C’étaient plutôt, suivant quelques auteurs, des hommes de la police, des gendarmes envoyés par les autorités pour veiller, et au besoin pour contenir, le grand mouvement populaire dont le Baptiste était le centre.

C’est fort possible. Un passage intéressant de Joseph nous mettrait cependant sur une autre voie. A l’époque où nous place notre récit, Hérode Antipas était en train de faire campagne contre son beau-père Arétas, roi d’Arabie, dont il venait de renvoyer la fille. Les troupes qu’il avait assemblées devaient précisément alors se réunir au midi de la Judée, et marcher de là contre l’ennemi. Quelques-uns de ces guerriers, se trouvant dans le voisinage du prédicateur, en auraient profité pour venir le consultera.

a – Cette opinion pourrait bien être confirmée par le terme que Luc emploie, strateuomenoi, moins des soldats en général que des hommes en campagne. Cp. Jos. Antiq. XVIII, 5, 1. D’autre part, le terme traduit par : N’usez pas de violences, ou : de chicanes, et qui signifie littéralement : « Ne faites pas les sycophantes, les délateurs, » s’appliquerait bien à des employés de la police.

Qu’ils aient été, du reste, ce qu’on voudra, ces soldats reçoivent de Jean, comme leurs prédécesseurs auprès de lui, les ordres les plus pratiques et les plus simples. Rien absolument qui touche à la dogmatique. Pas un mot sur la doctrine ni sur la foi. – Point d’extorsions ; point de fraudes ; contentez-vous de votre solde. C’est tout ce j’ai à vous prescrire de la part de mon Maître. Au lieu de profiter de vos armes pour épouvanter les pauvres gens, soyez charitables, soyez justes, comme tous ceux à qui j’ai déjà parlé ; et de plus soyez humbles. Laissez le parler bruyant et rogue du soudard. N’ajoutez pas aux réquisitions ordonnées par vos généraux les dures exigences de votre fantaisie… Contentez-vous… Se faire aimer est plus sûr que se faire craindre.

Quelle que soit donc la classe particulière de consultants qui s’adresse à lui, Jean n’a pour eux tous qu’un même but : leur conversion. Et il y parvient par un moyen qui ne varie guère : provoquer en eux le sentiment du péché. Ses préceptes sont ceux d’une morale que vous appelleriez volontiers terre à terre. Il ne nous semble pas, cependant, qu’il pût agir en éducateur plus consommé. Sa méthode trahit une connaissance approfondie du cœur humain. Elle nous étonne d’autant plus qu’il avait eu moins de rapports avec les hommes. Elle nous contraint à admirer les leçons qu’il avait reçues du Saint-Esprit. Rien ne peut être changé efficacement dans la vie, si les sources mêmes de la vie ne sont pas changées, et c’est dans le cœur seul qu’il les faut chercher. En d’autres termes, et pour parler avec Celui que Jean-Baptiste annonçait, il faut commencer par rendre l’arbre bon, afin qu’il soit mis en état de porter de bons fruits. Les œuvres de la charité ne jailliront pas l’égoïsme ; l’avarice ne saurait faire naître des actes de désintéressement. Quand les racines et le tronc seront changés, alors les fruits le seront aussi. Alors les vallées seront comblées ; les collines seront [baissées ; ce qui est tortueux sera redressé ; les chemins raboteux seront aplanis. Alors le Seigneur pourra venir ; il trouvera pour l’accueillir un peuple bien disposéb.

b – On remarquera l’analogie profonde entre la prédication de Jean et celle d’un contemporain d’Ésaïe, le prophète Michée. « Qu’est-ce que l’Éternel demande de toi ? » dit-il au peuple assemblé dans le plus solennel des procès ? Et il répond : « Pratiquer la justice, aimer la miséricorde, marcher humblement avec Dieu. » Michée 6.8.

Jeunes gens, mes amis, ne voulez-vous pas vous approcher à votre tour du Précurseur et lui dire : Que ferons-nous ? N’avez-vous pas besoin d’agir, mais en sachant quelle action vous pouvez faire ; de travailler, mais en connaissant le travail qui vous est imposé ? La réponse de Jean ne sera pas moins claire que celles qu’il adressa jadis aux péagers et aux soldats. Il ne vous dira point, j’ose vous l’affirmer : Quittez votre famille. Abandonnez votre carrière. Hâtez-vous d’en choisir une autre. Laissez là les petits devoirs. Visez à l’extraordinaire, au nouveau. – Vraiment non. Mais il vous dira : Quittez le péché. Renoncez aux plaisirs frivoles et séparez-vous de la vanité. Abandonnez ces conversations équivoques, remplies par des histoires scabreuses et des récits à double entente. Encore une fois, ce n’est pas le devoir présent qu’il faut quitter : c’est le péché, qui vous empêche de le remplir ou vous engage à le laisser. Attachez-vous aux préceptes les plus ordinaires de la morale. Voyez, reconnaissez, confessez les obstacles qu’ils rencontrent dans votre volonté timide ou rebelle… Faites des fruits dignes de la repentance.

Après cela, si les fruits portés sont de telle nature qu’il en résulte une vocation nouvelle, un appel à laisser pour un temps votre foyer, à vous avancer dans une carrière qu’autrefois vous n’aviez pas même prévue…
allez ! Le Seigneur est avec vous, puisque c’est Lui qui vous envoie. Beaucoup de disciples de Jean-Baptiste l’ont quitté ; mais pour suivre Jésus-Christ. Lui-même, un jour, a dit adieu aux campagnes de la Judée et aux rives du Jourdain. L’homme austère est entré dans un palais. Il y a trouvé le marbre. Mais, pas un instant il n’avait failli au devoir. Ce qu’il avait si vaillamment prêché aux autres, il se l’était prêché à soi-même, et il avait obéi.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant