Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE XIV

DU MÊME

L’obscurité dont voulait s’envelopper le Christ en ses miracles.

« Jacob est mon serviteur ; je prendrai sa défense ; Israël est celui que j’ai choisi, il est l’objet de mes complaisances ; il portera la justice aux nations ; il ne criera pas ; il ne sera pas, faible ; sa voix ne sera pas entendue au dehors ; il ne brisera pas le roseau froissé et il n’éteindra pas la mèche qui fume encore, mais il jugera dans la vérité. Il brillera, mais sans être brisé, jusqu’à ce qu’il ait établi la justice sur la terre, et les nations espèreront en son nom. » Telle est la parole du Seigneur Dieu, de celui qui a créé et développé le ciel, qui a affermi la terre et ce qu’elle contient, qui donne l’esprit au peuple qui l’habite, et la vie aux animaux qui la foulent. « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé dans ma justice ; je prendrai ta main et je te défendrai ; je t’ai donné pour signe d’alliance à mon peuple, pour être la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, faire tomber les chaînes des captifs, et tirer de la servitude ceux qui étaient assis dans les ténèbres. » L’évangéliste cite ce passage quand il raconte que les pharisiens s’étant retirés tinrent conseil contre notre Sauveur, afin de trouver un moyen de le perdre, parce qu’il guérissait les malades le jour du sabbat. Alors, dit-il, Jésus connaissant les projets qu’ils formaient contre lui, se retira et fut suivi par une grande multitude. Il les guérit tous, et il leur recommanda de ne pas le faire connaître » (Matth., XII, 14). Et, continue-t-il, tout ce cela, c’est-à-dire sa retraite, sa fuite des persécuteurs, son désir de rester caché au milieu des prodiges qu’il faisait, l’ordre de ne pas le faire connaître donné à ceux qu’il avait guéris, tout cela arriva afin que cette parole du prophète fût accomplie : « Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé qui est l’objet de mes complaisances ; je répandrai mon esprit sur lui ; il portera la justice aux nations ; il ne disputera pas et ne criera pas ; sa voix ne sera pas entendue sur les places ; il ne brisera pas le roseau froissé, et n’éteindra pas la mèche qui fume encore, jusqu’à ce qu’il assure la victoire à la justice, et les nations espèreront en lui. » Que l’on remarque ici que Matthieu, en disant : « Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé qui est l’objet de mes complaisances » ne nomme ni Jacob, ni Israël ; car il ne dit ni Jacob, mon serviteur, ni Israël que j’ai choisi, mais d’une manière fort générale : « Voici mon serviteur et mon bien-aimé. » Aussi, comme les noms de Jacob et d’Israël ne se trouvent pas dans l’hébreu, les Septante les ont marqués d’une obèle, et les autres interprètes les ont omis comme n’étant pas dans le texte. Aussi ces signes sont passés par l’évangéliste qui était hébreu et qui cita la prophétie suivant le texte hébreu. La prédiction même dans le sens spirituel ne peut donc se rapporter au peuple circoncis, mais au Christ de Dieu seul à qui la clarté et la suite des événements rendent témoignage ; car lui seul annonça aux Gentils le jugement à venir lorsqu’il se fut manifesté avec paix parmi les hommes, et qu’il eut établi la justice sur la terre : et, non seulement il ne brisa pas le roseau froissé, mais, pour ainsi dire, il le lia, redressant et fortifiant les faibles, et ceux dont le cœur est brisé. Comme il ne méprisait ni les faibles ni les infirmes, ni ceux qui avaient besoin de ses soins, et ne brisait pas dans sa justice ceux qui se repentaient, de même il n’éteignait pas ceux qui demeuraient dans leurs iniquités ou qui étaient aveuglés par leurs passions, en les empêchant d’agir à leur gré : il n’en punit jamais un seul hors du temps, remettant au jugement universel le châtiment qui leur était réservé. Aussi, est-il dit : « Et il n’éteindra pas la mèche qui fume encore. » Il est clair que cette parole s’est accomplie aussi : « Et les nations espèreront en son nom. » En effet c’est dans le nom seul de notre Sauveur Jésus-Christ qu’ont espéré les nations chrétiennes, qui ont adopté son nom comme celui d’un père à cause de la religion qu’elles avaient reçue ; car il est annoncé comme la lumière aux nations seules, et par lui, d’après la prophétie, furent ouverts les yeux de ceux dont l’intelligence était autrefois obscurcie, et non de ceux-là seuls, mais aussi ceux des aveugles de corps ; et les hommes qui d’abord étaient retenus par les liens et les chaînes du péché dans les ténèbres et l’ignorance de leur vraie religion, délivrés par lui de leurs iniquités, reçurent de Dieu la lumière de la connaissance et la liberté.

Si vous examinez dans vos loisirs ce passage avec la même méthode que ce qui vient d’être exposé, vous trouverez vous-même que chacun des traits qu’il contient a été exactement accompli en notre Seigneur et Sauveur.

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