Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE I

CHAPITRE XI
TÉMOIGNAGES CONCERNANT JEAN-BAPTISTE ET LE CHRIST

[1] Le livre divin des Évangiles raconte que peu après, Jean-Baptiste fut décapité par Hérode le jeune. Josèphe le rapporte aussi lorsque, mentionnant le nom d'Hérodiade, il nous dit qu'Hérode l'épousa quoiqu'elle fût la femme de son frère ; que ce roi avait dans ce but, répudié son épouse légitime, fille d'Arétas, roi de la Pétrée et séparé Hérodiade de son époux encore vivant ; qu'à cause d'elle, il fit mettre à mort Jean-Baptiste et déclara la guerre à Arétas dont il avait outragé la fille ; [2] que dans cette guerre en une bataille, il perdit toute son armée, désastre qui fut le châtiment de sa cruauté envers Jean. [3] Le même Josèphe atteste que Jean-Baptiste était un homme remarquablement juste et son témoignage s'accorde avec ce qui est écrit de lui au livre des Évangiles. Il raconte qu'Hérode perdit son trône, par la faute de cette même Hérodiade avec laquelle il fut relégué en exil et condamné à habiter à Vienne, ville de la Gaule. [4] Tout cela est exposé au dix-huitième livre des Antiquités où l'auteur écrit ceci de Jean en propres termes :

« A plusieurs Juifs, il a paru que la perte de l'armée d'Hérode était due à Dieu, qui vengeait très justement la mort de Jean appelé le baptiste. [5] Car Hérode le fit mourir, lui, cet homme excellent qui exhortait les Juifs à s'exercer à la vertu, à pratiquer la justice les uns à l'égard des autres, et la piété envers Dieu, et à venir au baptême. L'immersion lui paraissait ainsi une chose bonne, sinon pour y chercher la délivrance de certaines fautes, du moins pour la purification du corps, l'âme étant auparavant débarrassée de ses souillures par la justice. [6] Tout le peuple s'attroupait autour de lui, et ils étaient suspendus à ses lèvres. Hérode craignit qu'il n'usât de son ascendant sur les hommes pour les porter à quelque révolution ; car ils lui paraissaient disposés à tout faire sur son conseil. Aussi jugea-t-il bien préférable, avant que rien ne fût tenté pur lui, de prendre les devants et de faire périr le baptiste, plutôt que d'avoir à se repentir, si un changement se produisait, d'être tombé dans l'embarras. C'est sur ce soupçon que Jean fut envoyé comme prisonnier à Machéronte, château fort mentionné plus haut, où il fut mis à mort. »

[7] Voilà ce que Josèphe raconte de Jean-Baptiste. Dans le cours du même ouvrage il parle ainsi de notre Sauveur :

« A la même époque fut Jésus, homme sage, s'il faut toutefois l'appeler un homme. Il était en effet l'auteur d'œuvres merveilleuses et le maître d'hommes qui recevaient avec joie la vérité ; un grand nombre de Juifs et d'Hellènes le suivaient. [8] C'était le Christ. Les principaux de notre nation le dénoncèrent et il fut condamné au supplice de la croix par Pilate. Ceux qui l'avaient aimé lui demeurèrent fidèles et ils leur apparut le troisième jour de nouveau vivant. Les prophètes divins avaient du reste prédit ce prodige et beaucoup d'autres merveilles qui le concernaient. La race des chrétiens qui lui doit son nom, existe encore aujourd'hui. »

[9] Quand un écrivain parmi les Juifs eux-mêmes transmet dès ce temps-là dans l'un de ses écrits de pareilles choses concernant Jean-Baptiste et notre Sauveur, quelle chance reste-t-il aux faussaires qui ont fabriqué les Mémoires qui les concernent, d'échapper au reproche d'impudence ? Mais il suffit.

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