Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE VIII

CHAPITRE IV
LES MARTYRS DE DIEU DIGNES D'ÊTRE CHANTÉS ; COMMENT ILS ONT REMPLI TOUS PAYS DE LEUR MÉMOIRE APRÈS AVOIR CEINT POUR LA RELIGION TOUTES SORTES DE COURONNES

[1] On pourrait en effet raconter que des milliers de chrétiens firent preuve d'un admirable zèle pour la religion du Dieu de l'univers, non pas seulement à partir du moment où s'éleva la persécution générale, mais bien auparavant, dès le temps où les choses étaient encore à la paix. [2] Car ce fut tout récemment que celui qui en avait reçu la permission, s'éveilla comme d'un profond sommeil ; c'était encore en secret et dans l'ombre, après le temps qui s'écoula entre Dèce et Valérien, qu'il mit la main à son entreprise contre les églises et il ne commença pas la guerre contre nous tout d'un coup, mais il s'essaya seulement tout d'abord contre ceux qui étaient aux armées (car il pensait ainsi perdre facilement les autres aussi, s'il avait auparavant le dessus dans la lutte avec ceux-là) ; on put voir alors un très grand nombre de militaires embrasser très volontiers la vie privée afin de ne pas devenir les renégats de la religion du Dieu de l'univers. [3] Aussitôt que le chef de l'armée, qui était alors, eut commencé les opérations de la persécution contre les troupes, il classa et épura ceux qui servaient dans les armées ; il leur donnait le choix ou bien d'obéir et de continuer à jouir de leur grade, ou bien au contraire d'en être privés s'ils faisaient le contraire de ce qui était ordonné. Un grand nombre de soldats du royaume du Christ sans hésitation préférèrent volontiers la confession de leur foi à l'honneur apprécié et à la situation avantageuse qu'ils avaient. [4] Alors il arrivait rarement qu'un ou deux d'entre eux aient à supporter non seulement la perte de leur dignité mais la mort pour leur religieuse résistance ; celui qui conduisait, en ce moment, l'entreprise, le faisait avec mesure et n'osait aller jusqu'à l'effusion du sang que pour quelques-uns ; il craignait, à ce qu'il semble, la foule des croyants et redoutait de se jeter dans la lutte contre tous à la fois.

[5] Mais quand il se présenta au combat d'une façon plus ouverte, il n'est pas possible à la parole d'exprimer le nombre et l'excellence des martyrs de Dieu qu'il fut donné aux habitants des villes et des campagnes de contempler de leurs yeux.

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