Préparation évangélique

LIVRE VIII

CHAPITRE XIV
DU MÊME, SUR CE QUE LE MONDE EST GOUVERNÉ PAR LA PROVIDENCE DIVINE

« Comment dites-vous qu’il y a une Providence au milieu d’une telle perturbation et d’une telle confusion de choses ? Qui a pu ainsi arranger la société humaine ? Où ne voit-on pas déborder le désordre et la corruption ? Êtes-vous seul à ignorer que les biens sans mesure se pressent en foule, sur les traces des hommes les plus méchants et les plus dépravés, savoir, la richesse, la considération, les honneurs au sein de la multitude, ensuite l’autorité, la santé, une grande finesse de perception des sens, la beauté, la force, la jouissance pans obstacle des plaisirs que des prévisions multipliées leur procurent et que l’heureuse constitution de leur tempérament leur permet de savourer à loisir. Ceux au contraire qui sont épris d’ardeur pour la sagesse, et qui pratiquent toutes les vertus, sont à peu près tous dans la pauvreté, l’obscurité, la déconsidération et abreuvés d’humiliations, »

A ces objections et à dix mille autres encore qui tendent à infirmer l’existence de la Providence, Philon répond subséquemment ainsi que nous allons l’entendre parler.

« Non, Dieu n’est pas un tyran qui n’aime que la cruauté et la violence, et qui ne se dispose à agir que pour faire sentir la dureté de son commandement ; au contraire, c’est un roi qui unit l’autorité à la douceur et à l’équité, qui préside avec justice au ciel et à tout l’univers. Pour un tel roi il n’y a pas de dénomination mieux assortie que celle de père : ce que tait un père pour ses enfants dans sa famille, ce que fait le roi pour l’état, Dieu le fait pour l’univers, ayant enchaîné, par une union indissoluble dans les lois immuables de la nature, deux choses excellentes, l’action gouvernementale et la protection conservatrice. Or, de même que des parents ne dépouillent pas toute leur affection pour des fils débauchés, mais prenant pitié de leur infortune, les entourent de surveillance et de soins, pensant que c’est le propre d’ennemis irréconciliables de s’acharner après des actions coupables, tandis qu’il appartient à des amis et à des parents d’atténuer les fautes. On les voit même souvent faire des dépenses extraordinaires pour ces enfants, plus que pour ceux qui ont une conduite régulière, sachant bien que pour ceux-ci la tempérance est une source abondante de bien-être, tandis que les autres n’ont d’espoir que dans leurs parents, pour ne pas manquer du nécessaire. Ainsi Dieu, comme père de toute intelligence, et de toute raison prend un soin particulier des êtres doués d’intelligence, sa Providence s’exerce envers ceux qui vivent d’une manière répréhensible, en leur donnant le temps de la résipiscence, puis en se renfermant dans les bornes de sa nature miséricordieuse, dont la bonté et l’amour pour l’humanité, comme des serviteurs fidèles, sont dignes de parcourir sa demeure céleste.

« Voici, ô mon âme, un raisonnement que vous devez conserver soigneusement comme un dépôt que Dieu vous confie : auquel j’ajouterai ceci tout à fait en harmonie avec ce qui précède :

« Ne vous laissez pas abuser contre toute vérité en croyant qu’il y ait parmi les hommes vicieux un seul être heureux, fut-il plus riche que Crésus, plus clairvoyant que Lyncée, plus robuste que Milon, le Crotoniate, plus beau que Ganymède, que les dieux enlevèrent, à cause de sa beauté, pour être échanson de Jupiter.

Sous combien de maîtres divers ne montrez-vous pas que votre génie (je veux parler de votre âme) est asservi ; sous l’amour, le désir, la volupté, la crainte, la douleur, la déraison, la licence, la timidité, l’injustice ? est-il possible d’être heureux ainsi, encore que le vulgaire, dont le jugement est erroné, dont le cœur est corrompu, par la double séduction du faste et de la vaine gloire, croie que l’on doit abandonner son âme comme un vaisseau sans but, aux agitations de cette mer où la presque totalité de la race humaine vient faire naufrage. Si vous tendiez fixement les regards de l’âme à la considération de la providence de Dieu, autant qu’il est donné à la faculté intellectuelle de l’homme de le faire, prenant une notion plus pure du bien véritable, vous ne sentiriez que du mépris pour les choses d’ici-bas que jusqu’alors vous n’avez cessé d’admirer. C’est toujours en l’absence des meilleures choses que les inférieures, usurpant leur place, se font estimer ; qui, si les premières reparaissent, se retirent en elles-mêmes et se contentent d’un ordre inférieur. Frappé d’étonnement à la vue de cette perfection divine, vous serez pleinement convaincu qu’aucune des choses que nous venons d’énumérer, soit dans la science de Dieu, soit considérée en elle-même, ne mérite qu’on la classe parmi les biens.

« Ainsi, les mines d’argent et d’or sont la portion la plus vile des divisions terrestres, le cédant en tout point à celle qui amène les fruits à la maturité. Il n’en est pas de ces richesses, en quelque abondance qu’on les possède, comme des substances alimentaires, sans lesquelles on ne saurait vivre ; une seule épreuve va mettre cette vérité dans tout son jour, celle de la famine qui fait apprécier à leur juste valeur l’indispensable et l’utile. Qui dans ses exigences n’échangerait pas de gaîté de cœur tous les trésors du monde pour une très petite quantité d’aliments ? Mais lorsque la source de ces biens indispensables coule à plein bord, et, par un cours non interrompu, répand l’aisance dans les villes, alors les hommes, dédaignant les biens naturels, ne donnent plus d’attention qu’à ceux-là, laissant une pléthore insolente, arbitre de nos destinées. Nous dévouant corps et âme à acquérir de l’argent et de l’or, nous préparant à combattre pour tout ce qui nous donne l’espérance d’un lucre à faire ; semblables à des aveugles dont l’intelligence est obscurcie par l’avarice, notre entendement ne voit plus que ce sont des massée de terre en faveur desquelles nous échangeons la paix contre des combats perpétuels qui n’ont pas de trêve. Nos vêtements ne sont, comme l’ont dit les poètes, que la fleur des troupeaux (ἄνθος) qui, par l’art ingénieux de ceux qui la mettent en œuvre, devient l’honneur des tisserands.

« Si c’est de la gloire qu’on fait son idole, n’est-il pas vrai que celui qui reçoit avec plaisir les hommages des êtres les plus vils, s’avilit lui-même ; suivant le proverbe, qu’on se plaît avec ses semblables ? Qu’il fasse un vœu expiatoire pour que, par des purifications appropriées, ses oreilles soient guéries, car c’est par elles que notre âme contracte les maladies les plus dangereuses.

« Que ceux qui tirent vanité de leur forte complexion apprennent à ne pas s’enorgueillir en jetant les regards sur ces troupeaux innombrables d’animaux apprivoisés et sauvages qui ont reçu en partage une force et une vigueur innées ; car peut-il être rien de plus absurde que de se glorifier des qualités qui appartiennent aux brutes ; et cela lorsque l’homme est surpassé par eux tout à fait à son désavantage ?

« Quel être doué de sens tirerait vanité de la beauté corporelle qui s’évanouit dans un temps si court, qui, avant même que d’avoir atteint tout son développement, a vu souvent se faner sa décevante fleur, et cela lorsque cette beauté trouve une autre beauté rivale dans les substances inanimées : je veux parler des chefs-d’œuvre des peintres, des sculpteurs et des autres artistes, en peintures, en statues, en broderies de tissus, tant en Grèce que dans les pays barbares, suivant l’industrie propre à chaque ville. Aucune de ces choses n’est admise par Dieu au rang des bonnes choses. Et devons-nous être étonnés que Dieu les repousse, quand les hommes chéris de Dieu, qui ont reçu de la nature un esprit noble et né pour connaître la vérité, qui, ornant par la méditation et l’étude les dons naturels, ont fait d’une philosophie sincère leur unique occupation, n’apprécient les choses qu’autant qu’elles sont réellement belles et bonnes. Les disciples de cette école d’erreurs n’imitent pas les médecins qui ne soignent que le corps, esclave de l’âme, eux qui se disent appelés à guérir la souveraine. Les médecins, en effet, lorsqu’un homme puissant est atteint de maladie, serait-ce même le grand roi, dépassant les portiques, les habitations d’hommes et de femmes, les peintures qui ornent les murs, les vases précieux d’or et d’argent, la magnificence des tentures et toute la richesse des ameublements royaux, n’accordant aucune attention aux troupes d’esclaves, de serviteurs, d’amis et de parents réunis près du malade, non plus qu’aux gardes qui l’entourent, les médecins, dis-je, viennent jusqu’au lieu où il repose, ils ne regardent rien de ce qui enveloppe le corps, ni les lits enrichis de pierres précieuses et fabriquée d’or massif, ni les couchers dont les tissus rivalisent pour la finesse avec les fils d’Arachné, ou qui sont parsemés de pierres de couleur, ni les couvertures de toute espèce qui enveloppent le malade ; mais écartant les premiers vêtements qui le recèlent, ils lui saisissent les mains, ils pressent ses artères, calculent ses pulsations pour juger si elles sont régulières ; quelquefois même, les dépouillant des dernières tuniques, ils examinent si l’estomac n’est pas surchargé, si la poitrine n’est pas enflammée, si le cœur n’a pas de mouvements irréguliers, puis ils y appliquent les remèdes appropriés à la nature du mal. Pareillement les philosophes qui prétendent être les médecins de la maîtresse du corps, de l’âme, doivent mépriser tout ce que des opinions erronées supposent aveuglément, et, pénétrant dans l’intérieur de la pensée, en saisir tous les mouvements, voir si les battements du pouls ne doivent pas leur irrégularité aux excitations de la colère qui en trouble la nature, mettre la main sur la langue pour juger si elle n’est pas mordante et médisante, impure et sans retenue, sur l’abdomen pour connaître s’il n’est pas gonflé par un développement immodéré de désirs, et enfin découvrir si l’âme entière n’est pas agitée par le désordre des passions et des maladies mentales, afin d’y apporter, sans faute, les remèdes qui doivent la rappeler à l’état normal. Maintenant éblouis par l’éclat des choses extérieures, au point de ne plus apercevoir la lumière intellectuelle, ils errent pendant la vie entière sans pouvoir pénétrer jusqu’à l’entendement ; parvenant difficilement aux abords de son temple, ils admirent et adorent la richesse, la gloire et la santé, et les choses du même genre qu’ils trouvent en avant des portes de la vertu.

« De même que l’excès de la folie est de faire juger des couleurs par des aveugles, de faire décider des sons harmoniques par les sourds ; ainsi c’est une démence d’attribuer à des hommes corrompus et vils la science des véritables biens. Ils sont privés du sens par excellence, celui du jugement, que leur déraison ensevelit dans de profondes ténèbres. Nous sommes étonnés maintenant que Socrate et tel ou tel parmi les hommes vertueux aient vécu dans la pauvreté sans jamais apporter leurs soins à ce qui pouvait les enrichir, sans même daigner recevoir de leurs amis opulents ou des rois qui les leur offraient, de magnifiques présents, lorsqu’ils le pouvaient ; et cela parce qu’ils considéraient comme le seul bien véritable la possession de la vertu, à l’acquisition de laquelle se dévouant sans réserve, ils dédaignaient tous les autres biens. Mais qui ne négligerait pas des biens supposés dans l’attente des véritables ? Si pourvus de corps périssables, soumis à tous les hasards de l’humanité, vivant au sein d’une multitude de pervers dont il n’est pas aisé de fixer le nombre, ils ont été victimes de leurs complots, quelle raison avons-nous d’en accuser la nature, lorsque nous devons en reporter tout le tort sur la cruauté de leurs persécuteurs ? S’ils eussent vécu dans un air pestilentiel, ils en auraient nécessairement subi l’influence morbide. Eh bien, la malice des cœurs est plus destructive ou au moins autant, que la constitution atmosphérique la plus contagieuse.

Lorsque la pluie inonde la terre, le sage qui se trouve loin des abris en est nécessairement pénétré. Lorsque le vont glacial du nord souffle, il en éprouve la douloureuse sensation. Si l’été au contraire allume ses feux, il est accablé de chaleur ; parce que la loi de la nature veut que nos corps subissent les variations des saisons. Pareillement il est nécessaire que celui qui arrive dans des lieux où habitent le meurtre, la famine et toutes les causes de mort, ressente les atteintes de ces fléaux.

Après avoir secondé Polycrate dans tous ses crimes et ses impiétés, sa mauvaise fortune se montra aussi acharnée à le poursuivre. Ajoutez à cela que lorsqu’il reçut du grand roi le châtiment de ses forfaits, étant cloué à une croix, il ne fit qu’accomplir la prédiction qui lui avait été faite. Je sais, dit-il, d’après une vision que j’ai eue, que je serai lavé par Jupiter et essuyé par le soleil. Car ces sentences énigmatiques qui s’expriment en symboles incompréhensibles d’abord, acquièrent un droit incontestable à être crues, par l’événement. D’ailleurs ce n’est pas au terme de sa vie seulement, mais pendant la durée de son existence encore, et avant que son corps lût crucifié, que l’âme de Polycrate, à son insu, fut attachée à l’instrument de son supplice, lorsque saisi d’une terreur continuelle, tremblant devant la multitude de ceux qui voulaient attenter à ses jours, il vivait dans la stupeur, d’après le témoignage qu’il se rendait indubitablement, qu’aucun des Samiens n’était animé de sentiments de bienveillance à son égard, et qu’au contraire ses scélératesses lui en avaient fait, sans exception, mitant d’ennemis irréconciliables. Les historiens de Sicile nous donnent la mesure de cette anxiété sans terme et sans remède, lorsqu’ils nous apprennent que Denys, suspectait l’épouse qui lui était la plus chère, à ce point qu’il avait fait couvrir de planches l’entrée de la chambre par laquelle elle devait accéder jusqu’à lui, afin qu’elle ne pût pas se glisser dans son appartement sans être entendue, et que son arrivée lui fût annoncée par le bruit et le craquement de ses pas. Il voulait, de plus, qu’elle fût dépouillée non seulement de son manteau, mais encore des derniers vêtements, au point de mettre à nu ces parties du corps que la pudeur ne permet pas aux hommes de voir.

« Par-dessus toutes ces précautions, il avait fait couper la communication du sol de son palais avec la voie publique par un fossé de la largeur et de la profondeur en usage pour les clôtures rurales, dans la crainte des embûches secrètes qu’on pouvait lui tendre, et pensant que le tyrannicide quelconque se trahirait par les sauts ou les grandes enjambées qu’il devrait faire. De quels soucis n’était pas bourrelé celui qui descendait à des précautions et à des artifices pareils envers une épouse à qui il devait accorder plus de confiance qu’à qui que ce soit. Il ressemblait à ces observateurs des astres qui, pour les voir plus distinctement, grimpent sur les sommets les plus escarpée des montagnes, et s’avancent jusqu’au pic le plus élevé ; ils ne peuvent pas le gravir ; accablés par la fatigue, ils désespèrent d’atteindre la hauteur qui reste à parcourir, et cependant ils n’osent redescendre de peur que la vue des précipices ne leur cause des vertiges.

« Ainsi Denys, épris des charmes de la tyrannie qu’il égalait à la divinité, qu’il jugeait digne de tous les sacrifices, pensait cependant qu’il n’était sûr pour lui ni de la conserver ni de la fuir. S’il la conservait, il était en proie à des chagrins cuisants qui l’assaillaient de toutes parts. Voulait-il y échapper, un autre danger menaçait son existence de la part de tous ceux qu’il avait armés contre lui, non pas matériellement, mais par la pensée ? Il en donna la preuve par la manière dont il en usa envers un de ses flatteurs qui célébrait le bonheur de la vie des tyrans : l’ayant invité à un brillant festin apprêté à grands frais, il ordonna qu’au-dessus de sa tête on suspendit une hache retenue par un fil très mince. Dès que cet homme, couché sur le lit du triclinium, l’aperçut, n’osant pas se lever à cause du tyran, et ne pouvant savourer les délicieux mets qu’on lui présentait, par l’effet de la crainte, il n’accordait aucune attention aux magnificences et aux voluptés qui l’entouraient, maie tendant sans cesse le cou et dirigeant ses regards au plafond, il se voyait prêt à mourir. Denys pénétrant les sentiments qui l’agitaient : Eh bien, comprenez-vous, lui dit-il jusqu’à quel point notre vie est auguste et digne d’envie ? elle est pareille à votre situation, si l’on ne cherche pas à se faire illusion, elle abonde en richesses dont elle interdit la jouissance, par les terreurs successives qui nous assaillissent et les dangers sans remède qui la corrompent. C’est une maladie qui sévit avec plus de sûreté que le chancre et le marasme, et qui mène toujours à une perte inévitable. Cependant la plupart de ceux qui voient sans examen ce luxe et cette magnificence, en sont séduits ; ils éprouvent le sort d’hommes captivés par des courtisanes difformes et sans beauté, qui cachent leur laideur sous des vêtements brodés d’or et sous les couleurs dont elles se peignent le visage : en l’absence d’une beauté réelle, elles s’en créent une d’emprunt pour tendre des pièges à ceux qui les regardent.

« Les hommes qui passent pour heureux par excellence sont remplis d’une égale infortune dont ils jugent parfaitement toute la gravité, ne pouvant se faire illusion à eux-mêmes sur la réalité de leur sort ; mais semblables à ceux que la nécessité force à dévouer leurs infirmités, ils laissent échapper des cris sincères arrachés par la douleur, vivant au milieu des tourments présents et dans l’attente de ceux à venir. Ils ressemblent aux victimes qu’on engraisse pour les sacrifices ; car elles ne doivent les soins multipliés qu’on prend d’elles, qu’à l’espoir qu’après avoir été égorgées, leurs chairs succulentes feront les délices du banquet.

« On a vu des spoliations sacrilèges vengées sur leurs auteurs, non par une justice lente et inaperçue, mais d’une manière ostensible. Les énumérer ici complètement serait un travail excessif ; un seul fait suffira comme exemple pour les autres.

Les historiens qui ont écrit la guerre sacrée de Phocide, rapportent qu’une loi établie condamnait les sacrilèges à être précipités d’un lieu élevé, ou jetés à la mer, ou consumés. Or, les trois spoliateurs du temple de Delphes, Phiiomèle, Onomarque, et Phayllos se sont partagés ces supplices. Lorsque l’un d’eux gravissait une roche escarpée, elle se fendit sous ses pas, le précipita et l’écrasa. Le second ayant été emporté jusqu’au bord de la mer par un cheval qui avait rompu sa rêne, l’animal s’élança dans un abîme sans fond et se noya avec lui. Phayllos succomba à une maladie de consomption. Une seconde relation sur son compte porte qu’il fut enveloppé dans l’incendie du temple d’Abas. Attribuer a la fortune une semblable coïncidence, serait vouloir par trop chicaner sur les événements. En effet, si ces coupables avaient été atteints de châtiments différents, ou à des époques différentes, on pourrait avec quelque vraisemblance mettre en avant l’inconstance de la fortune. Mais quand on les voit frappés simultanément dans une circonstance commune, par des châtiments qui ne sont que ceux que la loi prescrit, n’est-on pas fondé à dire qu’ils ont péri sous le poids de la justice divine ? Si parmi les hommes violents qui se sont mis en hostilité contre la société, qui ont asservi non seulement des nations étrangères, mais leur propre patrie, on en a vu de respectés par elle, qui ont terminé leur carrière sans être punis ; on ne doit pas s’en étonner. Premièrement Dieu ne juge pas comme l’homme. Nous ne pouvons scruter que ce qui est apparent, au lieu que Dieu pénétrant sans bruit jusque dans les replis de l’âme, éclaire la pensée et la fait briller comme par un rayon du soleil ; il détache tous les ornements qui la dissimulent, il considère dans leur nudité les mouvements de la volonté, et discerne sans délai ce qui est faux ou de bon a loi. Gardons-nous donc bien de placer notre propre critérium avant celui de la divinité, en assurant qu’il est plus infaillible et de meilleur conseil ; ce serait une impiété. Dans l’homme les causes d’erreur sont innombrables, les sens nous trompent, les passions nous égarent, les vices nous entourent comme d’une épaisse muraille. Dans Dieu, au contraire, rien qui puisse le tromper ; la justice et la vérité qui règlent tous ses jugements, ne peuvent que le diriger dans la rectitude, de manière à mériter toutes nos louanges.

« Ensuite, n’allez pas croire, ô mon ami ! qu’une tyrannie passagère soit sans utilité. C’est ainsi que le châtiment n’est pas une chose stérile, et la menace des punitions, si elle n’est plus utile, ne le cède au moins en rien à la promesse des récompenses pour tous les hommes vertueux. Par cette raison, dans toutes les lois écrites avec sagesse, on fait intervenir la peine, et ceux qui les ont ainsi rédigées sont généralement approuvés. Eh bien, ce qu’est la peine dans la loi, le tyran l’est dans le peuple. Lorsque l’absence ou la disette presque absolue des vertus se remarque dans les cités, et qu’au contraire, l’extravagance s’y répand à pleins bords, alors Dieu voulant faire rentrer dans les canaux ce torrent de vices débordés, afin d’en purifier la race humaine, donne la prépondérance et le pouvoir à ces natures impérieuses qui subjuguent les peuples. Sans la cruauté de l’âme, il n’y a pas de répression du vice. Et de même que les républiques entretiennent des bourreaux pour les homicides, les traîtres et les sacrilèges, sans honorer cependant le caractère de ces hommes, mais en considérant l’utilité des services qu’elles en tirent, de même le régulateur de la grande cité du monde impose les tyrans aux états, comme les bourreaux de la société, lorsqu’il reconnaît que la violence, l’injustice, l’impiété et tous les maux y grossissent, pour les faire cesser un jour. Enfin il juge qu’il est temps de châtier ces êtres coupables, comme quelques grands criminels qui ont suivi les impulsions d’une âme féroce et incorrigible ; et de la même manière que l’énergie du feu, après avoir consumé toutes les substances qui l’alimentent, finit par se dévorer elle-même, ainsi les usurpateurs du pouvoir populaire, dans les sociétés politiques, après avoir dépeuplé les villes qu’ils livrent au pillage, se détruisent à leur tour. Et pourquoi sommes-nous surpris que Dieu se serve des tyrans, pour exterminer du sein des villes, des provinces, des nations entières, le vice qui s’y est répandu ; quand souvent lui-même, sans recourir à d’autres exécuteurs de ses volontés, exerce par la seule vertu de sa providence, ses propres jugements, en suscitant les famines, les contagions, les tremblements de terre et les autres instruments de la colère divine, au moyen desquels de grands centres de population sont dévorés journellement, et des parties considérables de la terre habitée sont converties en déserts ?

« Je crois avoir assez complètement traité pour le moment la question de l’impossibilité qu’il y a pour les méchants d’être heureux : question qui, plus que tout autre, établit la certitude de la Providence ; si cependant vous n’êtes pas pleinement convaincu, dites hardiment quel doute subsiste encore dans votre âme, afin qu’animés l’un et l’autre du désir de découvrir la vérité, nous finissions par la savoir. »

Après plusieurs autres raisonnements, Philon dit encore :

« Dieu n’a pas créé l’impétuosité des vents, ni les déluges de pluie pour la perte des navigateurs ou la ruine des agriculteurs comme vous le pensez ; mais pour le bien être de toute notre race. Par les eaux, il purifie la terre, par les vents, il déterge toute cette portion de l’atmosphère qui est située au-dessous de la lune ; l’un et l’autre concourent à la formation, au développement, au complément organique des animaux ou des plantes. S’ils sont parfois dommageables aux navigateurs ou aux laboureurs, placés dans des circonstances défavorables, on ne doit pas s’en étonner : ceux-ci ne sont qu’une portion très minime de l’ensemble ; or, c’est à l’universalité de l’espèce humaine que Dieu consacre ses soins. C’est ainsi que, dans le gymnase, on a institué des onctions pour le plus grand bien des athlètes. Cependant il arrive souvent que le gymnasiarque, par des motifs d’intérêt politique, varie les heures auxquelles ce secours a coutume d’être administré et que ceux qui arrivent trop tard en sont privés. De même, Dieu veillant au maintien de l’univers comme à celui d’une grande cité, intervertit l’ordre des saisons pour l’utilité générale, faisant arriver les rigueurs de l’hiver dans l’été, et les douceurs du printemps pendant l’hiver ; quand bien même quelques patrons de navires, ou quelques colons devraient être victimes de ces anomalies dans les saisons. Mais quant à la conversion régulière des constellations du zodiaque base fondamentale de toute l’agrégation et de la cohésion du système du monde, Dieu qui en connaît l’indispensable nécessité, se garde bien d’y apporter le moindre trouble. Les frimas et les neiges et tous les phénomènes qui dépendent du refroidissement de l’atmosphère, comme ceux qui naissent de la collision et du frottement des nuées, savoir : les éclairs et les tonnerres, ne doivent peut-être pas être attribués à la Providence, mais seulement les pluies et les vents, causes de la vie, de l’alimentation et de l’accroissement de tout ce qui est et végète sur la terre, dont les autres phénomènes ne sont que les accessoires. On peut comparer à ces choses, ce qui a lieu dans les gymnases, lorsque le gymnasiarque poussé par ambition à des dépenses exagérées, remplace l’eau par l’huile dans les lotions. Si quelques athlètes grossiers et sans usage en font tomber des gouttes à terre, cette huile combinée avec la poussière du sol, le rend extrêmement glissant, et cependant nul homme de bon sens ne dira que cette boue glissante soit due à la prévoyance du gymnasiarque. C’est la conséquence de la largesse avec laquelle il pourvoit aux dépenses de son établissement. L’iris et l’halo, aussi bien que les météores pareils, ne sont que l’effet du jeu des rayons qui se mêlent dans les nuages, ce ne sont pas des œuvres à priori de la nature, mais seulement les accidents des mouvements célestes : et cependant les hommes doués de sagacité, savent en tirer des secours nécessaires : car en observant les signes de ces jeux de la nature, ils prédisent le calme ou le vent, le beau temps ou la tempête. Ne voyez-vous pas les portiques dans les villes ? la plupart d’entre eux sont tournés à l’exposition du midi, dans l’intention de réchauffer ceux qui s’y promènent en hiver, et de les rafraîchir par le vent, pendant l’été. On en tire néanmoins une autre utilité à laquelle n’avait sûrement pas pensé celui qui a conçu la première idée de leur construction. Quelle est-elle ? c’est de contracter l’habitude de marquer la division des heures par l’ombre portée à nos pieds.

« Le feu est sûrement la production la plus importante de la nature ; il a un accessoire qui est la fumée : eh bien, cet accessoire a encore quelque avantage dans certaines circonstances. Dans les signaux par le feu qui ont lieu le jour, lorsque le feu est éclipsé par l’éclat des rayons solaires, l’approche des ennemis n’est indiquée que par la fumée.

« Le raisonnement dont nous avons fait usage pour l’arc-en-ciel, peut s’étendre aux éclipses : les éclipsés sont les suites naturelles des substances divines du soleil et de la lune ; elles servent encore de pronostics de la mort des rois, de la destruction des villes, suivant l’indication de Pindare à l’occasion d’une éclipse survenue de son tempe. D’après ce qui a été dit plus haut, le cercle dit Galaxie ou voie lactée partage la substance des autres astres, malgré la difficulté qu’on éprouve à en découvrir la cause. Que ceux donc qui consacrent leur » veillée à la recherche des lois de la nature, ne se livrent pas au découragement : les découvertes en ce genre sont de la plus grande utilité, comme la recherche qu’on en fait, répand un charme inexprimable sur la vie des hommes studieux. Comme le soleil et la lune, tout ce qui remplit l’immensité des cieux est dû à la Providence, encore que, par l’impossibilité où nous sommes réduits d’en tracer les natures et les propriétés distinctives, nous devions souvent garder le silence ; les tremblements, les pestes, les dégâts de la foudre, et tout ce qui est du même genre, passent pour être envoyés de Dieu : dans la vérité, il n’en est rien, Dieu n’est la cause d’aucun mal quel qu’il puisse être. Ce sont les conversions des corps célestes qui amènent ces désordres, non par un acte immédiat et à priori de la nature, mais par l’enchaînement nécessaire des effets aux causes qui les produisent. Si quelques hommes vertueux atteinte de ces fléaux en éprouvent des dommages, on ne doit pas s’en prendre à la Providence. Premièrement ce n’est pas une raison suffisante, parce que certains hommes jouissent d’une réputation de vertu, pour croire qu’ils sont véritablement tels, attendu que les jugements de Dieu sont bien plus infaillibles que tous les jugements humains : secondement cette prévoyance en Dieu aime à considérer les parties essentielles de l’univers. C’est ainsi que dans le gouvernement des empires, et dans le commandement des armées, toute l’attention est fixée sur les villes et les corps d’armées, et ne va pas se porter sur quelques êtres négligés et obscurs. Ne dit-on pas que lorsqu’on fait périr des tyrans, il est légal d’envelopper dans leur condamnation tous ceux qui leur tiennent par les liens du sang, afin de refréner le penchant à l’usurpation, par la grandeur du supplice ? De même, dans les maladies contagieuses, beaucoup de victimes innocentes ne succombent que pour servir d’exemples en rappelant les autres à la résipiscence. Sans compter qu’il y a nécessité que la contagion atteigne tous ceux qui sont sous l’influence d’un air empesté ; A la manière dont la tempête expose à un égal danger tous ceux qui naviguent sur le même vaisseau, »

« Cependant il existe des bêtes redoutables par leur force ; (car on ne doit rien laisser sans réponse, encore que, dans la pensée de faire briller votre talent oratoire, vous ayez d’avance prévu et combattu notre réponse). Eh bien, oui, c’est pour nous entretenir dans l’exercice des combats où la guerre appelle les citoyens, que ces animaux ont reçu l’existence. Les exercices du gymnase et les chasses habituelles donnent aux corps une souplesse et une vigueur salutaires, et, avant les corps, les âmes y contractent l’habitude de cette énergie persévérante, qui fait échouer les attaques subites des ennemis. D’ailleurs, pour les hommes pacifiques, non seulement les murailles les préservent des incursions des animaux sauvages, mais même les tribus nomades trouvent à vivre en paix dans leurs tentes, au milieu des troupeaux apprivoisés qui font leur richesse, sans craindre les surprises ; par la raison que les sangliers, les lions et toutes les espèces semblables, par un instinct naturel s’éloignent le plus qu’ils peuvent des villes : heureux et satisfaits quand ils échappent aux pièges que leur tendent les hommes. Si quelques voyageurs négligents, sans armes et sans les précautions nécessaires, se présentent audacieusement dans les repaires de ces bêtes, ils auraient tort d’accuser la nature de leur infortune, dont eux seuls sont cause par leur imprévoyance, lorsqu’ils pouvaient se prémunir contre ce danger. N’a-t-on pas déjà vu, dans les hippodromes, des hommes poussés par la déraison, s’élancer au milieu de l’arène, lorsqu’ils pouvaient, restant assis à leur place, voir tranquillement le spectacle ; au lieu de quoi, se précipitant au milieu des combattants et renversés par l’entraînement rapide des chars, ils ont été foulés aux pieds des chevaux et écrasés sous les roues, ils ont reçu le prix de leur démence. En voilà assez de dit sur ce sujet.

« Les reptiles venimeux ne sont point une création de la Providence, ce ne sont que des productions subséquentes, comme nous l’avons déjà dit. Ils se procréent lorsque l’humidité, répandue sur le sol, se convertit en sécheresse ; il en est qui sont engendrés par la putréfaction ; d’autres, comme les vers lombricaux, par les digestions ; comme les poux, par la transpiration de la peau. On ne doit attribuer proprement à la Providence que ce qui est doué d’une nature distincte et qui tire son origine de germes préexistants. Il y a encore, à l’égard de ces reptiles, deux explications qui m’ont été suggérées et que je ne passerai pas sous silence ; lesquelles tendent à prouver que les reptiles existent pour l’avantage des humains. Voici comment la première est donnée. Un grand nombre de préparations pharmaceutiques, dit-on, ne pourraient se faire sans le concours des reptiles ; ceux qui font profession de cet art et qui savent habilement en faire usage, leur sont redevables d’alexipharmaques puissants, qui, dans les cas désespérés, procurent des guérisons inattendues ; et même jusqu’à ce jour on voit les médecins zélés et soigneux, faire un emploi habituel de ces médicaments, dans la composition de leurs ordonnances. La seconde explication n’est pas empruntée à la médecine, elle est purement philosophique, comme on va le voir ; elle tend à déclarer que ces animaux ont été créés par Dieu pour le châtiment des pécheurs, comme les fouets et le fer servent aux généraux d’armée et aux magistrats. Paisibles dans le reste du temps, ils s’irritent contre les coupables pour les combattre lorsque la nature, dans son tribunal incorruptible, a prononcé leur sentence de mort. Quant à soutenir qu’ils adoptent par préférence nos demeures pour leurs repères, c’est une fausseté ; c’est hors des villes, dans les champs et dans les lieux inhabités qu’on les découvre, fuyant l’homme comme un maître. Néanmoins, si cela était vrai, on en trouverait encore une cause. C’est dans les coins qu’on balaie les ordures et toute espèce d’immondices ; or, ces reptiles aiment à s’y rouler, indépendamment de ce que la fumée a une vertu qui les attire.

« Si l’on dit que les hirondelles habitent au milieu de nous, cela n’a rien d’étonnant ; c’est parce que nous nous abstenons de les chasser. Le désir de se conserver est imprimé dans toutes les âmes, non seulement celles qui sont raisonnables, mais même les irraisonnables.

Aucun des animaux dont nous usons comme aliments, ne s’associe à nous à cause des pièges que nous leur tendons, excepté chez les peuples dont la loi leur en interdit l’usage.

« Il y a sur le bord de la mer, une ville de Syrie, nommée Ascalon, que j’ai traversée dans le temps où je me rendais au temple national, pour y offrir à Dieu mes prières et mon sacrifice : j’y vis une quantité innombrable de tourterelles qui remplissaient les carrefours et même les maisons particulières, je m’enquis de la cause de cette circonstance : on me répondit qu’il n’était pas permis de les prendre ; car l’usage, comme nourriture, en est interdit aux habitants, depuis un temps immémorial. Cela a apprivoisé cet animal, à un point tel, que non seulement il pénètre dans l’intérieur des maisons, mais se place à la table du banquet et pousse jusqu’à l’effronterie l’abus de cette trêve.

« On peut voir en Égypte une chose plus merveilleuse encore. Le crocodile anthropophage est plus cruel qu’aucune bête qui se procrée et se nourrit dans l’onde sacrée du Nil ; bien qu’il soit presque toujours au fond de l’eau, il a cependant le sentiment des services qu’on lui rend. Dans le pays où il jouit des honneurs divins, il multiplie à l’excès, dans ceux où on lui fait la guerre, c’est à peine si on le voit paraître. En sorte que, dans une portion du fleuve, les nageurs les plus hardis n’osent pas même tremper l’extrémité du doigt dans le fleuve, tant on les y voit les suivre en bandes : dans les autres, au contraire, les nageurs les plus timides se font un jeu de les affronter. Dans le pays des Cyclopes, (qui ne sont qu’une fiction mythologique,) la terre ne produit pas les fruits nutritifs sans la semaille et la culture des hommes, par la raison que rien ne vient de rien ; mais la couche de terre fertile y est beaucoup plus profonde que celle de la Grèce, qui ne présente qu’un sol maigre et stérile. Mais si la terre barbare l’emporte par la beauté des récoltes et l’abondance des troupeaux qui s’y engraissent, elle est dans un rang bien inférieur, sous le rapport des hommes qui y sont nourris par des produits si admirables. La Grèce est le seul pays qui élève des hommes véritables, plante céleste, fleur divine, soignée par Dieu, chez qui la raison a pris naissance, et où la science a établi sa demeure. En voici la cause. L’intelligence est aiguisée par la légèreté de l’air ; ce qui a fait dire, non sans vérité, à Héraclite, qu’où la terre est aride, l’âme est plus sage et meilleure. On peut en donner un signe irrécusable, par les hommes qui pratiquent une vie d’abstinence et ont peu de besoins ; ils possèdent un esprit beaucoup plus pénétrant, tandis que les hommes gorgés de boissons et de nourriture ne sont nullement spirituels. C’est que leur intelligence est noyée dans cet excès de comestibles. Voilà ce qui fait que nous voyons dans les régions barbares, des plantes et des arbres remarquables par leur grandeur et leur grosseur ; les animaux dépourvus de raison y sont aussi de la plus belle nature, mais de l’esprit, on n’en trouve chez aucun de ses habitants, ou chez un ou deux, parce qu’il s’élève, de la terre et des eaux, des vapeurs qui réagissent les unes sur les autres, et se coagulant pèsent sur les indigènes.

« On ne peut certes pas accuser la nature de la variété infinie de poissons, d’oiseaux et de quadrupèdes qu’elle a réunis pour flatter notre palais ; mais c’est un vaste sujet de reproches à faire à notre intempérance. Cette multitude était nécessaire pour le complément de la création et pour que le monde fut parfait dans toutes ses parties, pour qu’il y eût des espèces de tous les animaux. Mais il n’était pas nécessaire que l’être le plus prochainement allié à la sagesse, l’homme se changeât, quant à sa voracité, en une bête sauvage, pour se livrer à la poursuite de tous ces animaux, afin de s’en repaître. Aussi ceux qui jusqu’à ce jour font un cas véritable de la tempérance, s’abstiennent sans exception de la chair de tous les animaux ; ne connaissant pas d’autres raffinements à leur frugale nourriture que les herbages terrestres et les fruits des arbres. Quant à ceux qui se permettent de surcharger leurs tables de toutes les viandes que nous avons dites, on a dû leur constituer dans les villes, des docteurs, des censeurs, des législateurs qui ont le devoir de modérer leurs désirs sans bornes, en ne permettant pas à tous un usage immodéré de toutes choses.

Si la rose, le safran et la variété infinie des fleurs a été créée, c’est pour notre santé et non pas pour notre volupté. C’est parce que leurs propriétés sont en grand nombre : par leur seule odeur elles nous soulagent, remplissent l’air de leurs parfums ; mais elles sont bien plus utiles encore par les compositions pharmaceutiques. Il en est qui, par l’effet seul de leur mélange, doublent l’efficacité de leurs vertus. C’est ainsi que, dans la génération des animaux, l’union du mâle et de la femelle les met en état de produire ce que chacun d’eux pris isolément n’aurait pu effectuer,

« Telles sont les réponses que j’ai considérées comme nécessaires à opposer aux différents doutes mis par vous en avant ; je crois qu’elles suffisent pour opérer une foi véritable dans les hommes qui n’ont pas un esprit de chicane, de manière à les convaincre que Dieu prend soin des affaires humaines. »

J’ai pris cet extrait de l’auteur que j’ai cité pour montrer quels ont été les enfants des Hébreux, même vers ces derniers temps, et en même temps pour donner une idée de leurs sentiments de piété envers Dieu et de l’accord de leur doctrine avec celle de leurs ancêtres.

Il est temps maintenant de passer à l’exposition des témoignages pris en dehors de leur nation.

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