Le siège de Paris

Note supplémentaire


Le commentaire historique qui accompagne ces discours resterait incomplet, si nous ne faisions pas mention des derniers événements qui ont marqué la fin du siège de Paris.

L’armée Prussienne aurait dû respecter le deuil de la grande cite qu’elle avait cernée, assiégée et bombardée depuis cinq mois sans pouvoir la réduire, et dont la famine seule lui ouvrait les portes. Les vainqueurs ne surent pas renoncer à une gloriole, qui fut pour leur amour-propre beaucoup plus une blessure qu’une satisfaction. Le premier mars, trente mille hommes dont le choix dut faire bien des jaloux, vinrent occuper les quartiers compris entre la rive droite de la Seine et le faubourg St-Honoré, de la porte d’Auteuil et des Ternes à la place de la Concorde. Cantonnés et parqués dans ce large espace dont les limites étaient strictement maintenues par un cordon de gardes nationaux, les Prussiens avaient l’air d’être des captifs embarrassés et non des triomphateurs. Paris était frémissant de colère, mais calme et digne. Tous les magasins, tous les établissements publics étaient fermés, la vie de la grande cité était comme suspendue ; sur la place de la Concorde toutes les statues étaient voilées de deuil. On a dit que M. de Bismarck, en uniforme des cuirassiers blancs, s’était avancé jusqu’à l’Arc-de-Triomphe de l’Étoile, mais qu’en homme d’esprit, il avait tourné bride. On a dit aussi, que si l’Assemblée de Bordeaux eût été plus lente dans ses opérations, les troupes prussiennes devaient se succéder à tour de rôle dans la zone occupée, et que le roi lui-même devait entrer à Paris. Mais la Chambre se hâta de nous affranchir : dès le 2 mars, la ratification des préliminaires de paix parvenait à Versailles, et le lendemain matin les Prussiens évacuaient Paris. Ainsi finit cette occupation sans gloire.

Que dirons-nous maintenant de la paix si onéreuse, si douloureuse surtout que la France a subie ? Louis XV disait un jour qu’il voulait traiter en roi, et non en marchand. Le nouvel empereur d’Allemagne ne s’est pas montré aussi chevaleresque et la guerre a été pour lui une excellente opération financière. Pour la France, les cinq milliards qui l’épuisent ne sont rien en comparaison du déchirement qu’elle éprouve en voyant deux de ses plus belles et plus chères provinces passer sous le joug d’un vainqueur aussi imprudent qu’inexorable !…

Après les humiliations d’une paix cruelle, les événements du 18 mars, réservaient à la France de nouvelles amertumes. Nous n’avons pas à raconter ces faits lamentables. Il nous suffira de dire qu’ils ne donnent que trop raison à bien des pensées exprimées dans notre dernier discours et qu’ils nous font douloureusement sentir la vérité profonde de cette parole de Jésus-Christ : « Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres ! »


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