Histoire de la restauration du protestantisme en France

15. Premier Synode national (1726)

16 may 1726.

Ce jourd’hui 16 may 1726, assemblés en Synode national au nombre de trois pasteurs, neuf proposans, et trente-six anciens, après avoir imploré le secours de Dieu, et les lumières du St-Esprit, avons délibéré ce qui suit :

Ayant fait lecture de 29 articles généraux pour le maintien des églises du Languedoc, Vivarais, et Dauphiné, il a été approuvé d’une voix unanime de les coucher à chaque livre des corps Synodaux tels qu’ils sont ci après :

1° Tous les pasteurs, proposants, Anciens, et fidélles recevront la confession de foi dréssée autrefois par les églises réformées de ce Royaume, et présentée à nos rois pour justification de leur croyance évangélique, comme étant un abrégé de la doctrine que l’Écriture renferme, et des erreurs capitales que l’on doit rejetter, et comme nos pères avoient dressé une discipline écclésiastique pour regle de leur conduite, on s’y conformera aussi, autant que les tristes circonstances dans lesquelles nous sommes pourront le permettre.

2° Tous les pasteurs, proposans, anciens, et toutes les personnes réformées soumises à nos réglemens, demeureront inviolablement soumises et obéissantes aux puissances supérieures, dans toutes les choses ou Dieu et la conscience ne sont point intérréssées, savoir : au Roi Louis XV notre Sire, à ses légitimes successeurs, à ses gouverneurs, commandants, magistrats, intendans, et autres personnes établies par lui ; et feront prières tant publiques et particulières pour son Auguste personne, pour les princes, et princesses de la maison Royale et pour tous ceux qui exercent la police, et la justice en son nom ; et surtout ils ne favoriseront aucun traitre, rebélle, ni perturbateur, et si quelqu’un était assez méchant pour refuser de remplir un si important devoir d’institution divine, il sera poursuivi par toutes voyes ecclésiastiques.

3° Les pasteurs et proposans ne prêcheront, et les anciens, et fidélles n’écouteront que l’écriture Ste et les raisonnemens qui s’en tirent par une conséquence nécessaire, comme étant la parole de Dieu, et par conséquent la seule régle de la foy, et ils doivent refuter toutes prétendues révélations et inspirations que plusieurs se sont vantés d’avoir eu en ces temps, et dans lesquelles il n’y a rien qui puisse appuyer notre foy, et, parceque sous ce faux pretexte d’etre inspiré, ou révélé, plusieurs femmes ou filles ont voulu mettre la main à l’encensoir, contre l’exprésse défense de St. Paul qui ne veut point que les femmes enseignent dans l’église, cet exercice divin et public ne doit pas etre souffert, et l’expérience ayant appris qu’il est arrivé de grands scandales et des extravagances au sujet de ces prétendues révélations de l’un et l’autre sexe, les pasteurs, proposans et anciens, ainsi que tous les vrais fidelles, doivent y veiller avec soin.

4° Dans les exercices publics, avant l’exposition de la parole, on lira ou faira lire les dix commandemens de la loi de Dieu contenus au 20 ch. de l’Exode conformément à l’ancienne coutume des églises réformées de France ; et pendant la lecture de la parole de Dieu et pendant tout le temps que durera l’exercice de piété, chacun doit prendre garde de demeurer dans une contenance qui montre que l’on est pénétré de dévotion, et les pasteurs et proposans y porteront leurs soins pour engager les autres à se conformer à ce que prescrit cet article.

5° Pour la conduite des particuliers, et ne pas faire trop d’éclat dans la convocation des assemblées religieuses pendant tout le temps de la captivité, les pasteurs, proposans, et anciens sont exhortés de ne pas faire traverser les paroisses ou mandemens et de choisir pour cet éffet les endroits qui soient à la portée de ceux qui doivent s’y rendre, ou bien s’il y avoit des lieux, trop éloignés, les anciens et les fidelles des dits lieux doivent se choisir des places et requerir les pasteurs et proposans de passer chez eux pour y convoquer des assemblées.

6° Dans les convocations des assemblées religieuses, les particuliers ne marcheront, ni ne feront marcher les autres sans etre avertis par les anciens ou de leur part, et les anciens prendront garde de ne pas faire avertir sans avoir la parole de celui qui doit prêcher et nul ne pourra faire avertir sans le consentement des anciens, et si quelqu’un l’entreprend, il sera censuré, et s’il persiste, suspendu de la Ste cène.

7° Pendant tout le temps et dans tous les lieux où l’on ne pourra pas célébrer le service divin le jour du dimanche, les pasteurs, les proposans, et les anciens, ainsi que les autres fidélles, auront soin de consacrer ce jour là deux ou trois heures à la dévotion de leur famille, ou parmi leur voisins, et après avoir commencé par la confession des péchés ils chanteront des psaumes, si cela se peut, liront quelques chapitres de l’Écriture Ste et quelque sermon et finiront par la prière écclésiastique, ou par quelqu’autre, fils prendront bien garde de ne pas profaner ce saint jour par aucun voyage d’avarice, de ne point faire la débauche, ivrogner, jouer, chasser, danser, et de s’abstenir des choses défendues en tout temps.

8° Les pasteurs, proposans, et anciens reprendront en public et en particulier les pecheurs, et ceux qui ne voudront pas se corriger, après les avoir exhortés, une, deux, ou trois fois selon les régies de l’Écriture Ste, seront suspendus de la Ste cène.

9° Les pasteurs et proposans ne pouvant faire leur résidence chez un troupeau particulier, et se trouvant dans la nécéssité de visiter plusieurs églises à cause du manque de pasteurs, tous les fidelles, et particulièrement les anciens, prendront soin de veiller à leur sureté ; et les avertiront des vices régnans, afin d’y apporter les remedes nécéssaires pour en rompre le cours, comme les censures, les éxhortations conformément à la parole de Dieu et à la discipline.

10° Les pasteurs, proposans et anciens éxhorteront les fidélles de faire bénir leur mariages, et administrer le sacrement du baptéme à leurs enfants par les pasteurs reconnus établis par nous, et de ne plus aller vers les pretres de la Communion romaine, cette communion étant devenue par ses idolatries et superstitions entièrement antichrétienne, et étant impossible d’y faire bénir son mariage et baptiser ses enfants sans commettre apostasie, renier J.-C. et consacrer ses enfants à l’idole ; et ceux qui désormais se porteront à des lachetés pareilles seront censurés publiquement et privés de la communion, et ils ne pourront y être admis derechef qu’après avoir demandé pardon publiquement, et à genoux devant la table sacrée, et avoir promis de ne plus retomber dans ces péchés.

11° Pour la propagation de la foy réformée, les pasteurs, proposans, et autres fidélles doivent s’informer des lieux voisins et éloignez qui n’ont pas été appelés, s’il y a des personnes ou familles en qui on puisse se confier, et ils agiront de vive voix et de tout leur pouvoir, en prenant garde de ne choquer personne, et des qu’il paroitra possible d’y convoquer des assemblées religieuses, les pasteurs les proposans, et s’il est besoin quelques anciens, seront obligés de s’y transporter pour cet effet et d’y faire recevoir les réglemens.

12° Les pasteurs et proposans sont obligés de dire la prière publique deux ou trois fois le jour dans les maisons où ils se rencontreront et de la faire dire aux particuliers de ces familles en leur présence autant que faire se pourra, pour les inviter et leur donner du goût pour ce pieux exercice.

13° Outre le soin que les pasteurs et les proposans doivent prendre d’instruire les particuliers dans les maisons sur le catechisme, ils auront encore soin de catéchiser tout le peuple dans les assemblées publiques, et de donner des éclaircissements sur les endroits qui paroitront obscurs ; ils pourront se servir de toutes sortes de bons catéchismes, selon les lieux et les personnes.

14° Les pasteurs et proposans prendront garde de ne rien dire ni faire qui choque la dignité du chretien, ni la sainteté de leur charge, et les anciens doivent y veiller, en sorte que s’il arrivoit qu’un pasteur ou un proposant tombat en scandale, il doit etre démis jusques à ce qu’il l’aura levé par une vive repentance, et s’il refusait de le faire, il doit être déposé, tout de méme que s’il persistoit dans une vie scandaleuse, sans qu’il lui soit permis de faire aucune fonction pastorale ; et pour prévenir ces facheux événements, si quelques anciens s’apperçoivent que quelque pasteur ou proposant se familliarise indécemment avec quelque femme ou fille, ils seront obligés de leur défendre de loger désormais dans les maisons ou logent ces femmes ou filles, et de leur ordonner d’éviter ces conversations particulières ; que si nonobstant ces défenses ils vouloient persister, les anciens avertiront le Synode qui les poursuivra par toutes voyes écclésiastiques.

15° Nul pasteur et proposant ne sera reçu qu’il ne soit soumis à l’ordre écclésiastique, et l’on ne conférera ces charges de pasteur et proposant qu’après avoir subi un examen grave sur la doctrine et sur les mœurs ; et les proposans peuvent etre reçus dans des Synodes provinciaux, mais les pasteurs ne le seront que dans des Synodes nationaux, jusqu’a ce que l’on reconnoitra qu’il y a suffisant des pasteurs ordonnés dans chaque province pour assister aux éxamens et aux impositions des mains ; et les pasteurs et les prédicateurs prendront garde de regler leur prédications d’environ une heure et quart pour prévenir les dangers et ne pas lasser l’attention des auditeurs.

16° S’il y avoit quelque pasteur ou proposant qui refusat absolument de se ranger à l’ordre écclésiastique ou qui voulut le troubler, ou bien s’il arrivoit que quelque pasteur ou proposant vint à s’y soustraire en tout ou en partie, les pasteurs, proposant, anciens ou fidélles, prendront garde de ne le favoriser en aucune manière dans sa rébéllion, le regarderont comme déchu de l’autorité de sa charge, et en avertiront le Synode, ou colloque du quartier pour tacher de le ramener, ou proceder contre lui comme schismatique.

17° Pour arreter les coureurs, les consistoires de chaque corps synodal prendront garde de ne recevoir personne de ceux qui prêchent, soit que ce soient des étrangers inconnus, ou de ceux qui ont servi les églises d’un autre corps Synodal, sans qu’ils soyent munis de bons témoignages, et si quelqu’un s’étoit rendu refractaire envers un Corps synodal, il ne pourra etre reçu que par ce corps ou avec son consentement.

18° A cause de la grande corruption des mœurs et de l’ignorance du commun des chrétiens sur la religion, les Anciens, les pères et mères auront soin de veiller soigneusement sur la conduite des jeunes gens : et apres s’etre instruits eux memes dans la doctrine du salut, ils instruiront les jeunes gens et ainsi se formeront les uns et les autres dans la crainte de Dieu.

19° Dans ce dernier et facheux temps auquel nous vivons, le paganisme le plus corrompu paroissant s’estre renouvellé par les parties de débauche, de danse, de jeux que l’on voit établis, et surtout celle qu’on appelle fêtes votives, ou reynages ; les pasteurs, proposans, et anciens doivent les reprimer, et tous les chrétiens réformés les éviter avec soin, et surtout celles qui se font le jour du repos, puisque par là ce saint jour est profané, et ceux qui ont accoutumés de se trouver à ces fêtes votives ou reynages doivent être censurés, et s’ils persistent, suspendus de la Sainte cène.

20° Les Anciens auront soins de faire cesser toutes divisions, haines, procès, entre les fidélles, et pour cet effet ils employerent tous les moyens que la prudence leur suggérrera pour porter les parties divisées à un accomodement raisonnable, et ceux qui par opiniatreté, ou par un esprit de chicane, refuseront de se prêter à un accomodement seront suspendus de la Ste céne, et censurés.

21° Les Anciens d’une paroisse, et s’il est possible de tout un corps d’Églises s’assembleront une fois par mois pour s’encourager à l’œuvre du Seigneur, pour examiner si chacun a soin de s’acquitter du devoir de sa charge, et pour aviser aux besoins de leur quartier et de leur église, ainsi que pour prendre les mesures les plus propres pour avancer le salut des ames et extirper le vice ; et si quelqu’un tomboit en faute et qu’il ne voulut pas se corriger des défauts qu’il pourroit avoir, ou s’il entretenoit des divisions ou des vices dans sa famille, il sera démis de sa charge, et suspendu de la Ste céne, et ne pourra y etre admis qu’après avoir témoigné sa répentance.

22° Les fidélles qui pour s’etre conduits avec témérité seront arrêtés en allant ou en revenant des assemblées de piété, seront déclarés indignes d’etre secourus par les églises ; mais ceux qui s’étant conduits prudemment seront arrêtés, seront secourus autant qu’il sera possible ainsi que leur famille, si elles se trouvent dans l’indigence dans cette occasion ; ces mêmes personnes qui auraient le malheur d’etre arrêtées se souviendront que sur les interrogats qui leur seront faits, si ce ne sont pas des magistrats ou autres personnes revêtues de l’autorité que le Roy leur donne, il ne leur sera rien répondu, mais si ce sont des magistrats qui les intérrogent, ils diront naïvement la vérité sur ce qui les concerne personnellement, mais auront soin de ne dire sur ceux que les pérsécuteurs voudraient rechercher, parcequ’un vrai fidélle, en méme temps qu’il doit être vrai et sincère, doit garder un profond silence sur tout ce ou Dieu n’est glorifié, et le fidélle édifié, et qui pourroit attirer des persécutions aux autres fidélles ; et si quelqu’un agissoit d’une autre manière il sera regardé comme lache et apostat envers l’Église, et comme traitre et perturbateur envers l’état, et en cette qualité poursuivi par toutes les voyes écclésiastiques.

23° Les corps synodaux se trouvant unis par des actes solennels tiendront tous les ans un Synode national dans chaque province tour à tour. Ce sera aux pasteurs et proposans de la province qui sera de tour, à écrire dans les autres provinces pour annoncer le temps et le lieu de la tenue du dit Synode national, afin que les députés qui doivent s’y trouver puissent etre nommés, et dans les certificats ou lettres de députation, on exprimera les qualités sous lesquelles les députés doivent etre regardés, savoir des pasteurs, des proposans, et des anciens ; les dits députés seront reçus avec honneur, et on aura soin de les faire conduire et veiller à leur sureté ; après la tenue du Synode on en fera signer les articles à tous les députés, et il sera fait mention dans leur témoignage de la satisfaction qu’on aura eu de leur députation.

24° Les corps synodaux sont obligés de se secourir mutuellement de pasteurs et proposans selon le besoin ; ils fourniront aussi de l’argent pour les besoins préssans, comme pour relever des maisons que la persécution pourroit abattre, pour soulager les prisonniers et les pauvres pour la religion, surtout quand les besoins seroient si grands que les églises d’un corps synodal ne pourraient pas y suppléér ; et pour cet éffet chaque corps synodal aura soin d’établir des fonds par des collectes, et s’il survendit des besoins avant que les fonds fussent faits, les pasteurs et les proposans exhorteront les anciens de proceder de suite à des collectes à ce sujet.

25° Y ayant un député général nommé par tous les corps synodaux, chaque corps synodal sera obligé de contribuer selon ses facultés à l’entretien du dit député tant que la députation continuera.

26° Les pasteurs, proposans et députés des églises de chaque corps synodal, seront obligés de s’assembler en Synode ou en colloque deux ou trois fois l’année, selon la comodité des lieux et du temps, pour s’encourager mutuéllement et pour éxaminer si chacun a soin de visiter les malades, de secourir les pauvres, d’ordonner les collectes et de s’acquitter du devoir de la charge en véritable ministre de J.-C et sans reproche.

27° Pour éviter tout soupçon à l’égard des deniers des pauvres, et collectes, chaque corps consistorial s’établira des boursiers, des secrétaires et autres personnes pour éxaminer à qui cet argent doit être distribué ; et pour empêcher aussi que les églises ne soient pillées par des effronteurs, on doit aussi empêcher de faire des collectes sans un ordre d’un Synode ou d’un colloque, à moins que l’on ne montre des lettres de quelque corps synodal pour un besoin pressant.

28° Les corps consistoriaux se taxeront, et leur députés assemblés en Synode assigneront aux pasteurs et aux proposans une pension pour marque d’une reconnaissance honnorable, et on ne leur donnera cet argent que dans un Synode ou colloque selon qu’il sera arrêté dans chaque corps synodal ; et si quelqu’ancien donnoit autrement cet argent, il en sera responsable.

29° Il sera permis à chaque corps synodal de faire des réglemens particuliers, selon qu’ils se trouveront nécessaires pour le bien et l’édification de leurs églises, pourvu que l’on prenne garde de ne pas s’écarter des statuts généraux.

Et se sont signés en l’original conservé dans les documens des Église du Vivarais savoir : Roger, pasteur-député des Églises du Dauphiné et modérateur ; A. Court, pasteur-député du Languedoc et Cévennes, modérateur-adjt ; Pierre Corteiz, pasteur-député des églises du Languedoc et Cévennes ; Pierre Durand, pasteur ; Rouvière, proposant ; Boyer, proposant des églises du Languedoc, secrétaire.

(Recueil des Synodes du dix-huitième siècle, communiqué par M. le pasteur J.-P. Hugues, d’Anduze.)

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