Le comte de Zinzendorf

NOTE 7
Opinions de Zinzendorf sur l’Église et sur la vocation de l’Église des Frères.

Aux passages remarquables que nous avons cités, nous devons joindre les suivants : on y retrouve la même élévation et la même largeur jointes aux idées les plus arrêtées sur la vraie vocation de l’église des Frères.

1739. — Le dieu de ce monde n’a aucun intérêt à ce que les païens changent de dieux : ils pourraient rencontrer le véritable ; mais il a quelque intérêt à ce que la vraie Église soit agitée et criblée comme le grain : il en tombe toujours quelques-uns qui perdent la foi. On pourrait donc retourner la thèse de Bossuet et lui prouver par l’histoire que c’est toujours au siège même de la vérité qu’il y a le plus de variations.

1743. — Que l’église luthérienne, la réformée, ou toute autre, se croie la véritable Église, pour nous, nous n’avons point cette prétention. Nous reconnaissons franchement que nous ne sommes qu’une secte. En effet, tant que l’église de Christ n’est pas encore rassemblée, toute église particulière n’est qu’une secte et ne peut nier qu’elle le soit sans exclure du salut tous ceux qui ne lui appartiennent pas ; car il est certain que hors de l’Église il n’y a point de salut.

1754. — Voici notre principe fondamental et absolu : Si jamais nous perdons de vue ce qui est notre vrai but, notre but unique, si l’eau perd sa salubrité et sa vertu, ce que nous aurons de mieux à faire sera de démonter toute la machine et de la mettre au rebut. Oui, s’il devait arriver à notre Église de ne plus pouvoir maintenir le plan fondamental en vue duquel le Sauveur l’a suscitée, nous ne devrions point, dans le seul but de conserver notre nom, notre forme et notre organisation, laisser entraîner à prendre un autre rôle, pour lequel nous ne a sommes point faits. Mieux vaudrait laisser tomber toute l’affaire, mieux vaudrait ouvrir les écluses et la couler à fond, que de la voir se dénaturer.

1755. — Si l’on ne conserve pas les tropes, si dans les synodes chaque trope n’a pas la faculté de parler pour soi et de veiller à ses intérêts, qu’arrivera-t-il ? Tout périra, tout se fondra en une seule constitution ; nous n’aurons plus qu’une religion morave, une religion des Frères, ce qui ne vaut rien, car de cœur nous sommes tous frères. Tout ira alors facilement, j’en conviens, mais nous serons alors limités, confinés dans certaines bornes, et nous verrons se fermer des portes qui sont maintenant ouvertes. Alors, certes, nous ne pourrons plus dire que nous n’avons pas de barrière et que notre plan est infini… Alors, en un mot, ce ne sera plus Herrnhout !

1755, 12 mai. — Nous nous réjouirions, si toutes les dénominations ecclésiastiques prenaient fin et s’il n’y avait plus qu’un seul temple, ouvert à tout le monde, selon cette parole du Seigneur : Ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples. Par une sage dispensation du Sauveur, cette maison de prière est confiée tantôt à une religion, tantôt à une autre, mais ce n’est que pour un temps. Aussi ne voulons-nous point nous figurer que nous devions durer toujours ; non, le Sauveur peut trouver bon, sans même permettre que nous soyons infidèles ou que nous devenions plus mauvais que nous ne sommes, — le Sauveur, dis-je, peut trouver bon de favoriser une autre église encore plus que la nôtre et de la rendre encore plus universelle, car c’est l’universalité qui est le grand point. Si nous sommes supplantés, ce sera nécessairement par une société ayant encore moins de cérémonies et de formes que nous n’en avons ; ce sera par une société susceptible d’être en bénédiction à un nombre encore plus grand de religions nationales et de contrées diverses que cela n’est aujourd’hui faisable et convenable à la cause du Sauveur.

1756. — J’aimerais mieux regarder comme enfants de Dieu quatre cents personnes qui ne le seraient pas que d’en méconnaître une seule qui le fût. Je ne voudrais pas pour tout au monde être réellement en division avec un enfant de Dieu, qu’il fût catholique, grec, russe, ou n’importe de quelle religion ; où que je le trouvasse, je mendierais sa bienveillance et son amitié.

1759. — Il y a encore autre chose qui rentre dans cette idée…, c’est la religion universelle, la religion de tous les cœurs, sur toute la face de la terre, — une religion qui exclut tout ce qui n’a que la tête et qui inclut tous les cœurs, du moment où quelqu’un peut dire : J’ai un cœur, du moment où le Saint-Esprit fait à quelqu’un une oreille pour entendre et un œil pour voir. La religion des cœurs doit avoir une porte ouverte dans le paganisme, dans le judaïsme, dans le mahométisme, dans la chrétienté, dans toutes les sectes. Il n’y a et il n’y aura jamais d’homme qui puisse l’empêcher.

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