Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE V

CHAPITRE II
Après la mort de leur général, les Israélites, transgressant les lois paternelles, éprouvent de grands malheurs et, dans une guerre civile, la tribu de Benjamin périt, à l’exception de 600 hommes.

Mission donnée aux tribus de Juda et de Siméon.

1. Après la mort de ces derniers, Phinéès annonce prophétiquement selon la volonté de Dieu que, pour détruire la race des Chananéens, c'est la tribu de Juda qui reçoit le commandement ; le peuple avait, en effet, à cœur de savoir ce que Dieu décidait. Elle s'adjoindrait la tribu de Siméon, afin que, une fois exterminés les Chananéens attribués à Juda, ils en fissent autant de ceux qui se trouvaient dans le lot de Siméon.

Victoire de ces tribus sur Adônibézèk ; siège de Jérusalem.

2.[1] Mais les Chananéens, dont la situation était florissante à cette époque-là, les attendaient avec une grande armée à Bézék(a), après avoir confié le commandement au roi des Bézékéniens, Adônibézek(os) — ce nom signifie seigneur des Bézékéniens, car seigneur se dit adôni[2] dans la langue des Hébreux, — et ils espéraient triompher des hébreux, parce que Josué était mort. Ayant engagé le combat avec eux, les Israélites des deux tribus dont je viens de parler luttèrent avec éclat ; ils tuent plus de dix mille ennemis et, ayant mis le reste en déroute, ils les poursuivent et s'emparent d’Adônibézek qui, mutilé des extrémités par eux, s'écrie : « Je ne pouvais indéfiniment échapper à Dieu et je subis le même traitement que je n'ai pas hésité à infliger naguère à soixante-douze rois[3] ». On l'emmène encore vivant à Jérusalem ; mort, on lui donna la sépulture. Puis ils parcoururent le pays, en s'emparant des villes ; quand ils en eurent pris beaucoup, ils assiégèrent Jérusalem. Maîtres avec le temps de la ville basse, ils tuèrent les habitants ; mais la ville haute[4] était malaisée à emporter à cause de la solidité des remparts et de la conformation du terrain.

[1] Juges, I, 4.

[2] Littéralement « mon seigneur » ; Josèphe ne tient pas compte du suffixe.

[3] Soixante-dix, selon l'Écriture.

[4] Cette restriction n'est pas dans la Bible. Josèphe, en l'établissant, a voulu sans doute concilier Juges, I, 8, où il est dit que les enfants de Juda prirent Jérusalem et l'incendièrent, avec le verset 21 du même chapitre, qui porte que les Jébuséens demeurèrent dans Jérusalem, passage confirmé par Juges, XIX, 10-12, et II Samuel, V, 6.

Prise de Hébron ; répartition des territoires conquis.

3.[5] Aussi décampèrent-ils pour aller à Hébron ; cette ville prise, ils massacrent tout. Il s'y était conservé encore la race des géants, qui, par les dimensions de leurs corps et leurs formes sans analogue parmi le reste des hommes, étaient extraordinaires à voir et terribles à entendre. On montre encore leurs ossements, qui ne ressemblent à rien de connu. Cette ville, ils la donnèrent aux Lévites comme un présent de choix avec les deux mille coudées de banlieue ; le reste de la région, ils en firent don, selon les instructions de Moïse, à Chaleb ; c'était un des explorateurs que Moïse avait envoyés en Chananée. On donna aussi aux descendants de Jéthro (Jothor)[6] — parce que c'était le beau-père de Moïse — un territoire pour y demeurer. Car, ayant quitté leur patrie, ils avaient suivi les Hébreux et vécu avec eux dans le désert.

[5] Juges, I, 10.

[6] La Bible l'appelle ici Kéni (Juges, I, 16).

Dernières conquêtes des deux tribus.

4.[7] La tribu de Juda et celle de Siméon prirent donc les villes de la région montagneuse de la Chananée, et parmi celles de la plaine et des bords de la mer, Ascalon et Azôtos. Gaza et Accaron leur échappèrent ; car comme elles étaient en terrain plat et possédaient beaucoup de chars, ils étaient très malmenés quand ils allaient les assaillir[8]. Ces deux tribus, fort enrichies à la guerre, se retirèrent dans leur villes et déposèrent les armes.

[7] Juges, I, 17.

[8] Josèphe est en désaccord avec la Bible, d'après laquelle (Juges, I, 18) Juda s'empara de Gaza, d'Ascalon et d'Ekron, Azôt n’étant pas nommé. Selon les LXX, Juda ne put prendre ni Gaza, ni Ascalon, ni Accaron, ni Azôtos.

Paix avec les Chananéens.

5.[9] Les Benjamites, qui avaient dans leur lot Jérusalem, accordèrent à ses habitants de leur payer tribut et se reposant ainsi, les uns de leurs massacres, les autres de leurs dangers, ils eurent le loisir de cultiver la terre. Les autres tribus[10], imitant celle de Benjamin, firent de même et se contentant des tributs qu'on leur payait, elles permirent aux Chananéens de vivre en état de paix.

[9] Juges, I, 21.

[10] Ibid., 27-34.

Prise de Béthel par la tribu d’Éphraïm.

6.[11] La tribu d'Ephraïm, qui assiégeait Béthel, n'obtint pas un résultat proportionné à la durée et aux fatigues du siège. Mais, bien qu'ennuyés, ils persévérèrent dans le blocus. Par la suite, ayant surpris un des habitants de la ville qui allait chercher des provisions, ils lui donnèrent leur parole que, s'il livrait la ville, ils lui laisseraient la vie sauve à lui et à ses parents ; cet homme jura qu'à ces conditions il mettrait la ville en leur pouvoir. C'est ainsi que, grâce à une trahison, il put se sauver avec les siens, et eux, de leur côté, ayant massacré tous les habitants, occupèrent la ville.

[11] Ibid., 22.

Relâchement général des Israélites.

7.[12] Après ces événements, les Israélites se relâchèrent à l’égard de la guerre et s'occupèrent de la terre et des travaux d'agriculture. Comme ils voyaient croître ainsi leurs richesses, sous l'empire du luxe et de la volupté, ils montrèrent peu de zèle pour leur discipline et cessèrent d'être des observateurs scrupuleux des lois de leur constitution. Très irritée de cette conduite, la divinité déclare d'abord par un oracle qu'ils avaient été à l'encontre de sa volonté en épargnant les Chananéens et ensuite que ceux-ci seraient contre eux d'une terrible cruauté quand ils en saisiraient l'occasion. Les Israélites, à ces avertissements, de Dieu, éprouvèrent du découragement et se sentaient mal disposés à faire la guerre, car ils recevaient beaucoup des Chananéens et, la volupté les avait déjà mis hors d'état de supporter les fatigues. De plus, leur gouvernement aristocratique commençait déjà à se corrompre : on ne nommait plus d'Anciens ni aucune des magistratures imposées naguère par la loi, ils vivaient dans leurs champs, asservis aux plaisirs du lucre[13]. Aussi, en raison de cette parfaite insouciance, des discordes graves les assaillirent à nouveau et ils en arrivèrent même à une guerre civile par la raison suivante.

[12] Ibid., II, 11.

[13] Il n'y a rien de pareil dans la Bible, Josèphe, s'adressant à des lecteurs païens et, de plus, aristocrates, substitue des motifs politiques aux motifs exclusivement religieux de l'Écriture [T. R.]

Le Lévite d’Éphraïm et sa femme ; celle-ci meurt, victime des violences des Gabaéniens.

8.[14] Un Lévite de la plèbe, du territoire[15] d'Éphraïm et habitant ce territoire, épousa une femme de Bethléem : cette localité appartient à la tribu de Juda. Très épris de cette femme et subjugué par sa beauté, il souffrait de n'être pas payé de retour. Comme elle lui témoignait de l'éloignement et que lui-même n'en brûlait que d'une plus vive ardeur, des querelles continuelles naissaient entre eux ; et finalement la femme, fatiguée de ces querelles, quitta son mari et arriva chez ses parents le quatrième mois[16]. Mais son mari, très affligé à cause de son amour, s'en vint chez ses beaux-parents et, ayant dissipé ses griefs, se réconcilia avec elle. Il demeura là pendant quatre jours, traité avec bonté par les parents, mais le cinquième, ayant résolu de s'en retourner chez lui, il part vers le soir ; car les parents ne se séparèrent qu'avec peine de leur fille et les retinrent fort avant dans la journée. Un seul serviteur les suivait ; ils avaient aussi une ânesse sur laquelle voyageait la femme. Quand ils furent arrivés à Jérusalem — ils avaient déjà fait trente stades —, le serviteur leur conseilla de descendre en quelque endroit, pour ne pas s'exposer, en voyageant de nuit, à quelque désagrément, surtout à une aussi faible distance des ennemis, l'occasion rendant souvent dangereux et suspects même les amis. Mais le Lévite n'approuva pas la pensée d'aller demander l'hospitalité à des étrangers, — car la ville était aux Chananéens[17] —, il voulut aller vingt stades plus loin pour s'arrêter dans une ville israélite. Et, ayant fait prévaloir son avis, il parvint à Gabaa[18] de la tribu de Benjamin. Comme il était déjà tard et que personne sur la place publique ne lui offrait l'hospitalité, un vieillard, revenant des champs, qui, bien qu'appartenant à la tribu d'Éphraïm, vivait à Gabaa, le rencontra, lui demanda qui il était et pour quelle raison, la nuit déjà venue, il faisait les préparatifs de son repas. Il répondit qu'il était Lévite et qu'il revenait chez lui, ramenant sa femme de chez ses parents, et lui déclara qu'il avait sa demeure dans le lot d'Éphraïm. Le vieillard, à cause de cette communauté d'origine et de cette circonstance qu'il habitait dans la même tribu, et qu'ils étaient dans la même situation, l'emmena chez lui pour lui donner l'hospitalité. Mais quelques jeunes Gabaéniens, qui avaient vu la femme sur la place et admiré sa beauté, quand ils surent qu'elle était retirée chez le vieillard, au mépris de leur faiblesse et de leur infériorité, vinrent devant les portes. Comme le vieillard les conjurait de s'éloigner et de ne pas employer la violence et l'outrage, ils l'engagèrent à leur livrer l'étrangère pour s’éviter à lui-même des désagréments. Mais le vieillard eut beau dire qu'elle était une parente à lui et une Lévite et qu'ils allaient commettre un grand crime en péchant contre les lois sous l'empire de la volupté, ils se soucièrent peu de la justice, s’en moquèrent, et même menacèrent de tuer le vieillard s'il s'opposait à leurs désirs. Acculé à la nécessité et ne voulant pas laisser faire violence à ses hôtes, il offrit à ces hommes de leur livrer sa propre fille, déclarant qu'il serait encore plus légitime d'assouvir de la sorte leur passion que de violer l'hospitalité et estimant qu'ainsi il ne ferait aucun tort à ceux qu'il avait recueillis. Comme ils ne renonçaient nullement à leurs prétentions sur l'étrangère, et demandaient avec insistance à se saisir d'elle, le vieillard les supplia de ne rien tenter contre les lois ; mais eux enlevèrent la femme et, de plus en plus dominés par la force de la volupté, l'emmenèrent chez eux, puis, après avoir passé toute la nuit à rassasier leur frénésie, ils la congédièrent au point du jour. Consternée de son malheur, elle revient à la maison de son hôte, et moitié douleur de ce qu'elle avait souffert, moitié honte de se présenter devant son mari — car elle pensait que lui surtout éprouverait de son malheur une peine irrémédiable —, elle tombe et rend l'âme. Le mari, croyant simplement sa femme ensevelie dans un profond sommeil, et ne soupçonnant rien de grave, tentait de l'éveiller, avec le dessein de la consoler en lui représentant qu'elle ne s'était pas offerte bénévolement à ces violateurs, mais qu'ils étaient venus l'arracher de la maison de leur hôte. Mais lorsqu'il sut qu'elle était morte, affolé devant l'étendue de son malheur, il charge le cadavre de sa femme sur sa monture, l'emporte chez lui, puis, l'ayant divisé membre par membre en douze parties, il en envoya une dans chaque tribu, en enjoignant aux porteurs de raconter aux tribus les causes de la mort de sa femme et le libertinage de la tribu de Benjamin.

[14] Juges, XIX, 1.

[15] Josèphe a déplacé considérablement cet épisode, qui, dans la Bible, est relégué tout à la fin du livre des Juges. Son motif, comme l'explique Whiston, était peut-être de laisser à la tribu de Benjamin un temps suffisant pour se reconstituer, et prendre l'importance que nous lui voyons sous la royauté.

[16] Josèphe fait ici une confusion. Dans la Bible (Juges, XXX, 2), il est question d'un séjour de quatre mois fait par la femme du Lévite chez son père, auprès duquel elle est revenue.

[17] Cf. supra, chap. II, 2, et note.

[18] Hébreu : Ghibea.

Les Israélites réclament en vain les coupables.

9.[19] Les Israélites, péniblement émus au spectacle et au récit de ces violences, eux qui jamais n'avaient rien éprouvé de semblable, animés d'une violente et juste colère, se réunirent à Silo[20] et, rassemblés devant le tabernacle, ils brûlaient de courir aussitôt aux armes et de traiter les Gabaéniens en ennemis. Mais les Anciens les en dissuadèrent, leur persuadant qu'il ne fallait pas si vite porter la guerre chez leurs frères, avant qu'on eût discuté les griefs, la loi ne permettant pas de mener une armée même contre des étrangers sans avoir envoyé une ambassade et fait d'autres tentatives de ce genre afin de faire revenir à d'autres sentiments ceux qui passent pour avoir commis quelque iniquités[21]. Il convenait donc que, fidèles à la loi, on envoyât des députés aux Gabaéniens pour réclamer les coupables et, s'ils les livraient, qu'on se contentât de châtier ces derniers ; que s'ils méprisaient cette demande, alors on irait les punir les armes à la main. On envoie donc des députés aux Gabaéniens pour accuser les jeunes gens du crime commis contre la femme et demander qu'on livre en vue du châtiment ceux qui avaient commis des actes iniques et mérité à cause de ces actes de périr. Mais les Gabaéniens ne livrèrent pas les jeunes gens et trouvèrent odieux d'obéir par peur de la guerre aux injonctions d'étrangers ; ils prétendaient n’être inférieurs militairement à personne, ni quant au nombre, ni quant à la valeur. Ils se mirent donc à faire de grands préparatifs avec tous ceux de leur tribu qui s'étaient entendus avec eux pour une résistance désespérée afin de repousser les agresseurs.

[19] Juges, XX, 1.

[20] La Bible les fait s'assembler à Miçpa (Juges, XXI, 1).

[21] Cette intervention des Anciens est imaginée par Josèphe, qui veut montrer qu'on s'est conformé à la loi mosaïque (Deutéronome, XX, 10). La Bible parle seulement d'envoyés chargés de réclamer la tête des coupables avant d'engager une guerre (Juges, XX, 12-14).

Guerre civile avec les Benjamites.

10.[22] Lorsqu'on annonça aux Israélites ces intentions des Gabaéniens, ils firent serment que nul d'entre eux ne donnerait sa fille en mariage à un homme de Benjamin et qu'ils marcheraient contre eux ; ils éprouvaient plus de colère à leur égard que nos ancêtres n'en avaient eu, que nous sachions, à l'égard des Chananéens. Et tout de suite ils menèrent contre eux une armée de 400.000 hoplites[23] ; les forces des Benjamites étaient de 25.600 hommes[24] parmi lesquels 500 étaient fort experts à manier la fronde de la main gauche ; de sorte que, un combat s'étant livré près de Gabaa, les Benjamites mirent en fuite les Israélites, et ceux-ci perdirent 22.000 hommes. Il en aurait peut-être même péri davantage si la nuit ne les avait arrêtés et séparé les combattants. Les Benjamites, joyeux, se retirèrent dans la ville, et les Israélites, consternés par leur défaite, dans leur camp. Le lendemain, l'engagement ayant recommencé, les Benjamites sont vainqueurs et il périt 18.000 Israélites. Épouvantés par ce carnage, les Israélites quittèrent leur campement. Parvenus dans la ville de Béthel, située tout près de là, et ayant jeûné le lendemain, ils supplièrent Dieu par l'entremise de Phinéès, le grand-prêtre, d'apaiser sa colère contre eux et, se contentant de leurs deux défaites, de leur donner la victoire et des forces contre leurs ennemis. Dieu leur fait ces promesses et Phinéès les leur annonce.

[22] Juges, XXI, 1.

[23] Ibid., XX, 2.

[24] Hébreu : 26.000 hommes, plus 700 frondeurs ; LXX 23.000 (ou 25.000) plus 700 (Juges, XX, 15).

Défaite finale des Benjamites ; représailles exercées sur eux.

11.[25] Après avoir divisé l'armée en deux parties, ils en embusquent la moitié, la nuit, autour de la ville, les autres en viennent aux mains avec les Benjamites et se replient quand ceux-ci les serrent de près. Puis les Benjamites les poursuivent et, comme les hébreux reculaient peu à peu et à une grande distance, désirant les faire sortir complètement de la ville, ils suivent leur mouvement de retraite, au point que même les vieillards et les jeunes gens, qu'on avait laissés dans la ville à cause de leur débilité, accouraient avec eux au dehors, voulant de toutes leurs forces réunies écraser les ennemis. Lorsqu'ils furent à une grande distance de la ville, les Hébreux cessèrent de fuir ; faisant volte-face, ils se disposent à combattre et, pour avertir ceux qui étaient dans les embuscades, ils lèvent le signal convenu. Ceux-ci, se dressant en poussant des cris, tombèrent sur leurs ennemis. Ces derniers se virent tombés dans un piège et se trouvèrent dans une situation inextricable ; refoulés dans une vallée encaissée, ils furent cernés par les Hébreux, qui les accablèrent de traits, de sorte qu'ils périrent tous, sauf 600. Ceux-ci, se ralliant et serrant les rangs, se firent jour à travers les ennemis, s'enfuirent sur les montagnes voisines, et, les ayant occupées, s'y installèrent. Tous les autres, au nombre d'environ 25.000, périrent. Les Israélites brûlèrent Gabaa et firent périr les femmes et les mêmes non encore adultes ; ils en font autant pour les autres villes des Benjamites. Ils étaient si enflammés de colère que, la ville de Jabisos[26] (Jabès) de la Galaditide ne les ayant pas aidés à combattre les Benjamites[27], ils envoyèrent contre elle 12.000 hommes choisis, avec ordre de la détruire. Cette troupe massacre dans la ville tout ce qui était en état de combattre, avec les enfants et les femmes, sauf 400 jeunes filles. Tels furent les excès où la colère les entraîna parce que, outre le crime commis contre la femme du Lévite, ils étaient encore affectés de la perte de tant de soldats.

[25] Juges, XX, 29.

[26] Hébreu : Yabês-Ghilead.

[27] Juges, XXI, 8.

Réconciliation avec les Benjamites survivants ; moyen employé pour assurer la permanence de leur tribu.

12.[28] Mais ils furent pris de repentir devant le désastre des Benjamites et ils s'imposèrent un jeûne à cause d'eux, bien qu'ils estimassent qu'ils avaient mérité leur châtiment pour avoir péché contre les lois. Et ils appelèrent[29] par des ambassadeurs les 600 réfugiés qui s'étaient établis sur un rocher nommé Rhoa dans le désert. Les envoyés, déplorant un malheur qui ne frappait pas seulement les Benjamites, mais eux-mêmes, puisqu'ils étaient de la même race que ceux qui avaient péri, les exhortèrent à le supporter avec patience, à venir se joindre à eux et à ne pas décréter pour leur part la ruine totale de la tribu de Benjamin : « Nous vous accordons, dirent-ils, le sol de toute cette tribu et autant de butin que vous pourrez on emporter ». Ceux-ci, reconnaissant que leurs malheurs étaient dus à un décret de Dieu et à leur propre iniquité, redescendirent dans la tribu de leurs pères, dociles à ces invitations. Les Israélites leur donnèrent pour femmes les 400 vierges de Jabès. Quant aux 200 non pourvus, ils virent à leur procurer aussi des femmes, afin qu'ils en eussent des enfants. Comme ils avaient fait serment avant la guerre que leurs filles n'épouseraient point de Benjamites, quelques-uns étaient d'avis qu'on devait attacher peu d'importance à ces engagements inspirés par la colère, sans réflexion ni jugement, et qu'on ne ferait rien qui contrariât Dieu, si on pouvait conserver une tribu en danger de périr tout entière ; que les parjures n'étaient point graves ni dangereux quand ils étaient imposés par la nécessité, mais seulement quand on les commettait avec des intentions criminelles. Mais, comme les Anciens s'indignaient au mot de parjure, quelqu'un dit qu'il pouvait indiquer le moyen de leur procurer des femmes tout en tenant les serments. On lui demande quel est cet expédient. « Quand, dit-il, nous nous rendons trois fois l'an à Sélo, nos femmes et nos filles nous accompagnent à la fête. Qu'on permette aux Benjamites d'enlever pour les épouser celles qu’ils pourront prendre, sans que nous ne les encouragions ni ne les empêchions. Et si les parents se fâchent et demandent à les punir, nous leur dirons qu'ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes, parce qu'ils ne se sont pas souciés de veiller sur leurs filles, et qu'ils doivent abandonner tout ressentiment à l'égard des Benjamites, à qui on en a déjà témoigné d'une manière précipitée et excessive ». Se rangeant à cet avis, ils décident de permettre aux Benjamites ce mariage par enlèvement, et, la fête arrivée, les 200, par groupes de deux ou trois, s'embusquèrent devant la ville à épier la venue des vierges parmi les vignes et tous les endroits où ils pourraient demeurer inaperçus ; elles, tout en jouant, sans soupçonner ce qui allait se passer, cheminaient sans surveillance, et, tandis qu'elles allaient dispersées, les Benjamites, se dressant subitement, se saisirent d'elles. Ayant ainsi pris femmes, ils s'appliquèrent aux travaux des champs et firent tous leurs efforts pour revenir à leur prospérité antérieure. Voilà de quelle façon la tribu des Benjamites, en danger de périr totalement, fut sauvée par la sagesse des Israélites ; elle fut aussitôt florissante et fît de rapides progrès tant en nombre qu'en tout le reste.

[28] Ibid., XXI, 6.

[29] Ibid., 13.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant