Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE V

CHAPITRE III
Comment, après ce revers, Dieu les asservit aux Assyriens à cause de leur impiété. Ils sont délivrés par Kenez, fils d’Athniel, qui gouverna quarante ans et est appelé juge chez les Grecs et les Phéniciens.

Établissement de la tribu de Dan.

1.[1] C'est ainsi que se termina cette guerre ; mais il advint que la tribu de Dan eut à souffrir d'épreuves analogues ; voici ce qui la mit dans cette situation. Comme les Israélites avaient déjà abandonné l'exercice de la guerre et s'étaient adonnés aux travaux agricoles, les Chananéens, les considérant avec mépris, rassemblèrent leurs forces, non qu'ils redoutassent aucun mal pour eux-mêmes, mais, ayant acquis le ferme espoir de causer du dommage aux Hébreux, ils comptaient désormais habiter leurs villes en sécurité. Aussi se mirent-ils à équiper des chars et à enrôler des troupes ; leurs villes s'accordèrent ensemble ; ils arrachèrent à la tribu de Juda Ascalon et Accaron et beaucoup d'autres villes de la plaine ; ils forcèrent les Danites à se réfugier dans la montagne et ne leur laissèrent pas dans la plaine la moindre place où poser le pied. Ceux-ci[2], incapables de faire la guerre et n'ayant pas de territoire suffisant, envoient cinq hommes d'entre eux dans l'intérieur des terres à la découverte d'une région qu'ils puissent coloniser[3]. Les envoyés, parvenus non loin du mont Liban et de la plus petite des sources du Jourdain, dans la grande plaine, à une journée de marche de la ville de Sidon, et ayant reconnu une terre excellente et très fertile, en informent leurs frères. Ceux-ci, s'empressant d'y aller avec une armée, y fondent une ville Dan(a), ainsi appelée du nom du fils de Jacob, qui était aussi le nom de leur tribu.

[1] Juges, I, 34 ; Josué, XIX, 40.

[2] Ibid., XVIII, 1, 2, 7, 8-10, 29.

[3] Josèphe laisse tout à fait de côté l'histoire de Micha, qui est contée au ch. XVII des Juges et se mêle, dans le ch. XVIII, au récit de l'expédition des Danites.

Les Israélites sous la domination des Assyriens.

2.[4] Mais la situation des Israélites allait de mal en pis, parce qu'ils avaient perdu l'habitude de l'effort et négligeaient le culte de la divinité ; en effet, une fois éloignés de la discipline de leur constitution, ils se laissaient entraîner à vivre selon leur plaisir et leur fantaisie individuelle ; de sorte qu'ils s'abandonnèrent entièrement aux vices qui avaient cours chez les Chananéens. Aussi Dieu se courrouce-t-il contre eux, et toute la prospérité qu'ils s'étaient acquise au prix de mille labeurs, ils la perdirent par la volupté. En effet, Chousarsathos[5], roi des Assyriens[6], ayant fait une expédition contre eux, beaucoup périrent dans des batailles, et des sièges énergiques eurent raison de leurs villes[7]. Il y en eut qui, par crainte, se rendirent à lui spontanément ; ils furent obligés de payer des tributs au-dessus de leurs moyens et ils subirent toutes sortes d'injures durant huit ans. Mais ensuite ils furent délivrés de leurs maux de la façon suivante.

[4] Juges, III, 5.

[5] Hébreu : Kouschan-Rischathaïm.

[6] Roi d'Aram, selon la Bible.

[7] Juges, III, 9.

Keniaz les délivre.

3. Un homme de la tribu de Juda, du nom de Keniaz(os)[8], plein d'activité et de noblesse d'âme, averti par un oracle de ne pas regardez avec indifférence la détresse des Israélites, mais d'essayer de relever leur liberté, après avoir exhorté à s'associer à ses dangers quelques hommes — il ne s'en trouva qu'un petit nombre qui avaient honte de l'état de choses présent et aspiraient à en changer —, commence par massacrer la garnison de Chousarsathos qui était chez eux ; puis, comme un plus grand nombre de combattants se joignait à eux, parce que les débuts de l'entreprise n’avaient pas mal réussi, ils engagent le combat avec les Assyriens et, les ayant complètement repoussés, les obligent à repasser l'Euphrate. Keniaz, qui avait ainsi donné une preuve effective de sa vaillance, reçoit pour récompense le pouvoir de la part du peuple, afin de juger la nation. Et après un gouvernement de quarante ans, il meurt.

[8] Hébreu : Othniel. Othniel, d'après la Bible, est fils de Kenaz ; Josèphe a nommé le père au lieu du fils. Dans l'argument du livre V on lit même Kenaz, fils d'Athniel.

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