Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE VII

CHAPITRE XV
David, malade, donne ses dernières recommandations à Salomon ; mort de David, sépulture à Jérusalem.

Recommandations de David à Salomon.

1.[1] Peu de temps après, David tomba malade de vieillesse et, sentant sa fin prochaine, appela son fils Salomon et lui parla en ces termes : « Mon enfant, je vais à ma destinée et m’apprête à rejoindre mes pères, prenant ainsi le chemin commun à tous les êtres présents et futurs, chemin d’où l’on ne peut revenir pour savoir ce qui se passe parmi les vivants. C’est pourquoi, avec ce qui me reste de vie et parvenu près de ma fin, je te rappelle une fois de plus ce que, déjà auparavant, j’avais pris soin de te recommander, à savoir d’être juste envers tes sujets et pieux envers Dieu qui t’a donné la royauté et d’observer ses ordres et ses lois, qu’il nous a envoyés par Moïse ; garde-toi de les négliger, en cédant soit à la faveur, soit à la flatterie, ou au désir, ou à quelque autre passion. Car tu perdras la bienveillance que la divinité te témoigne si tu transgresses ses commandements et en toutes choses tu t’alièneras sa bienveillante sollicitude. En revanche, si tu te montres tel que tu le dois et tel que je t’y exhorte, tu maintiendras la royauté dans notre famille ; aucune autre maison ne règnera sur les Hébreux, mais nous seuls à travers les Ages. Souviens-toi aussi de l’iniquité de mon capitaine Joab, qui a tué par jalousie deux chefs justes et honnêtes, Abner, fils de Ner, et Amessas, fils de Yéthranos ; tu vengeras leur mort comme il te plaira, car Joab, plus fort et plus puissant que moi-même, a jusque maintenant échappé au châtiment. Je te recommande d’autre part les fils de Berzéléos le Galadite, que tu tiendras en grand honneur et sollicitude, pour l’amour de moi : nous ne leur faisons pas, en effet, une faveur en les traitant bien, nous payons seulement la dette de reconnaissance contractée envers leur père pour le dévouement qu’il m’a témoigné dans ma fuite. Quant à Séméi, fils de Géras, de la tribu de Benjamin, qui, après m’avoir accablé de malédictions à cette occasion, lorsque je m’en allais vers les Retranchements, est venu vers moi sur le Jourdain et a reçu alors des assurances d’impunité, tu chercheras maintenant un motif plausible pour le châtier. »

[1] I Rois, II, 1.

Éloge de David.

2.[2] Après avoir fait ces recommandations à son fils concernant le gouvernement, ses amis et ceux qu’il savait mériter un châtiment, David mourut âgé de soixante-dix ans, ayant régné sept ans et six mois à Hébron sur la tribu de Juda, et trente trois ans à Jérusalem sur tout le pays. Ce fut un homme excellent[3] et doué de toutes les vertus que devait posséder un roi de qui dépendait le salut de tant de peuples. Il fut brave, en effet, comme nul autre ; dans les combats livrés pour ses sujets il s’élançait le premier au danger, encourageant ses soldats dans les mêlées en partageant leur peine et leur effort, plutôt qu’en leur commandant comme un maître ; très habile à saisir une situation, à pourvoir à l’avenir et aux difficultés du moment, prudent, doux, bon pour les affligés, juste, humain, qui sont toutes vertus dignes des plus grands princes, enfin, malgré un si haut degré de puissance, n’ayant jamais abusé de son autorité si ce n’est au sujet de la femme d’Urie. Il laissait des richesses comme nul autre roi des Hébreux ou des autres nations.

[2] I Rois, II, 10. Au lieu de 7 ans et 6 mois le texte biblique a ici 7 ans (dans II Samuel, V, 5 : 7 ans et un tiers).

[3] Tout le portrait qui suit est de Josèphe seul.

Sépulture de David ; richesses qu’elle contenait.

3. Son fils Salomon l’ensevelit avec dignité à Jérusalem, observant tout le cérémonial en usage pour des funérailles royales ; et il ensevelit encore avec lui des trésors considérables dont le fait suivant peut donner une idée. En effet, après une durée de treize cents ans[4], le grand-prêtre Hyrcan, assiégé par Antiochus surnommé Eusèbe, fils de Démétrius, voulut, à prix d’argent, faire lever le siège et emmener l’armée. Or, n’en trouvant pas ailleurs, il ouvrit une des chambres du sépulcre de David, en tira trois mille talents, dont il donna une partie à Antiochus, et fit ainsi lever le siège, comme nous l’avons raconté ailleurs[5]. Bien des années après cet événement, à son tour le roi Hérode, ayant ouvert une autre chambre, en enleva beaucoup de richesses[6]. Toutefois aucun de ces princes ne parvint jusqu’aux sarcophages des rois ; ceux-ci étaient, en effet, enfouis sous terre, avec tant d’art qu’ils demeuraient invisibles aux violateurs du sépulcre[7]. Mais là-dessus qu’il me suffise d’avoir donné ces indications.

[4] Le siège de Jérusalem sous Hyrcan se plaçant vers 134 av. J.-C. Cet intervalle de 1300 ans conduirait pour la mort de David à l’an 1434 av. J.-C., date beaucoup trop reculée. (T. R.)

[5] Cf. Antiquités, VIII, VIII, 4, § 249 (Les trois mille talents eurent, d’après ce texte, une autre destination). Mais Josèphe ne peut guère faire allusion en ces termes à un passage ultérieur des Antiquités. La référence est donc à un autre ouvrage (perdu ?).

[6] Antiquités, XVI, VII, 1.

[7] Il faut donc se figurer la sépulture des anciens rois disposée d’une manière analogue au labyrinthe de puits et de caveaux murés qui constituent, par exemple, le tombeau de Tabnit à Sidon (Cf. Hamdy Bey et Th. Reinach, Une nécropole royale à Sidon, pl. XLIII). (T. R.).

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