Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE VIII

CHAPITRE II
Sagesse, richesse et science universelle de Salomon ; collaboration avec Hiram — le roi des Tyriens —, pour les préparatifs à la construction du Temple.

Salomon demande la sagesse à Dieu.

1.[1] Après avoir affermi son trône et châtié ses ennemis, Salomon épouse la fille de Pharaon (Pharaôthès), roi des Égyptiens ; il munit Jérusalem de remparts plus grands et plus forts que précédemment et gouverne dès lors dans une paix profonde, sans que sa jeunesse l’empêche de pratiquer la justice, d’observer les lois et de se souvenir des recommandations de son père mourant ; au contraire, il montra en toute chose une parfaite exactitude de jugement, autant que des hommes avancés en âge et parvenus à la maturité de la raison. Il résolut d’aller à Gibron[2] pour y sacrifier à Dieu sur l’autel d’airain érigé par Moïse[3], et il y immola mille victimes en holocaustes. Cet acte témoignait de sa grande vénération pour Dieu. Aussi, Dieu lui apparut cette nuit-là pendant son sommeil et l’invita à lui demander le présent qu’il choisissait en récompense de sa piété. Salomon demanda à Dieu la chose la plus belle et la plus grande, ce que Dieu a le plus de plaisir à donner et l’homme le plus de profit à recevoir ; ce n’est pas l’or, ni l’argent, ni toute autre richesse, qu’il désirait, lui, un homme et un homme jeune, — bien que ce soient la, pour la plupart des gens, presque les seuls biens désirables et les seuls dons de Dieu, — mais : « Donne-moi, dit-il, Seigneur, un jugement sain et un sens droit, afin de juger le peuple selon la vérité, et la justice. » Cette prière réjouit Dieu ; tout ce que Salomon n’avait pas mentionné dans son choix, il promit de le lui accorder par surcroît : richesse, gloire, victoire sur ses ennemis, mais avant tout une intelligence et une sagesse telles que jamais il n’en échut de semblable à aucun homme, roi ou particulier. De plus, Dieu promit de conserver très longtemps la royauté à ses descendants, s’il persistait à rester juste, à lui obéir et à imiter son père dans ses vertus. Salomon, ayant entendu ces promesses de Dieu, sauta aussitôt de sa couche et se prosterna devant lui, puis il revint à Jérusalem et, après avoir immolé de nombreuses victimes devant le tabernacle, offrit un festin à tous les siens[4].

[1] I Rois, III, 1 ; II Chroniques, I, 1. Josèphe est conforme à l’hébreu de I Rois, III, 1 et commence son chapitre II par des mots qui répondent à la fin du verset 46 du ch. II. Les LXX ne connaissent pas les mots [hébreu] et, de plus, insèrent ici encore un long passage sans analogue dans l’hébreu ni dans la Vulgate. Josèphe témoigne en faveur d’un texte mentionnant le mariage de Salomon avec la fille de Pharaon immédiatement après l’exécution de Séméi.

[2] Hébreu : Gibeôn ; LXX : Γαβαών. La leçon des mss. R O M Γιβρώνα doit être préférée à Χεβρώνα adopté par Naber.

[3] D’après I Chroniques, I, 5 ; l’autel de cuivre est attribué à Beçalel (et Exode, XXXVIII, 1), mais Moïse est cité au verset 3 comme l’auteur de la tente d’Assignation (Ohel moed).

[4] L’hébreu dit : « à tous ses serviteurs ». On peut donc lire ίόίους (M S P) et non Ίουδαίους (Niese et Naber).

Jugement de Salomon.

2.[5] En ce temps-là, on lui apporta un procès épineux, dont il était malaisé de trouver la solution. Je crois devoir exposer le litige, afin que les lecteurs se rendent compte de la difficulté du cas et que, venant à se trouver dans de semblables conjonctures, ils puissent s’inspirer de la sagacité du roi pour trancher plus facilement les questions qui leur seront soumises. Deux femmes, courtisanes de leur métier, vinrent en sa présence : l'une d’elles, qui se disait victime d’une injustice, prit la parole la première : « Je demeure, ô roi, dit-elle, dans la même chambre que cette femme ; or, il nous est arrivé à toutes deux de mettre au monde le même jour, à la même heure, un enfant mâle[6]. Le surlendemain, cette femme, s’étant endormie sur son enfant, l’étouffe ; elle prend alors le mien de mon sein, l’emporte, et pose le cadavre du sien dans mes bras durant mon sommeil. Au matin, voulant donner le sein à mon enfant, je ne le trouve point, et je m’aperçois que c’est le cadavre du sien qui est couché près de moi ; car je le reconnus après un examen attentif. Sur quoi je lui réclame mon fils, et, n’ayant pu l’obtenir, je me réfugie, seigneur, sous ta protection. Car du fait que nous étions seules et qu’elle n’appréhende point que nul témoin puisse la confondre, elle prend de l’assurance et s’obstine à nier de toute sa force. » Quand elle eut ainsi parlé, le roi demanda à l’autre femme ce qu’elle avait à répliquer. Celle-ci nia tout le fait et soutint que c’était son enfant qui vivait et celui de son adversaire qui était mort. Comme personne ne trouvait d’issue et qu’on restait là comme devant une énigme dont le mot échappait à des esprits aveuglés, seul le roi eut une idée. Il fait apporter l’enfant mort et le vivant, mande un de ses gardes du corps et lui ordonne de tirer son glaive et de couper en deux les corps des deux enfants afin que chacune des mères eut la moitié du vivant et la moitié du mort[7]. Là-dessus, tout le peuple de se moquer tout bas d’un roi aussi puéril. Mais voici que la plaignante, qui était la vraie mère, s’écria qu’il n’en fallait pas user de la sorte, mais qu’on livrât l’enfant à l’autre femme comme si c’était vraiment le sien : tout ce qu’elle demande, c’est qu’il vive et qu’elle puisse le voir, dût-il passer pour l’enfant d’une autre. L’autre femme, au contraire. se tenait prête à voir trancher l’enfant en deux et désirait en outre que sa rivale subit la torture[8]. Le roi, ayant reconnu que la parole de chacune d’elles révélait ses véritables sentiments, adjugea l’enfant à celle qui avait poussé le cri, — comme étant vraiment la mère, — et condamna la scélératesse de l’autre, qui non contente d’avoir tué son propre enfant, souhaitait de voir périr celui de sa compagne. Le peuple vit là une grande marque et un témoignage éclatant de la grandeur et de la sagesse du roi ; et de ce jour ils commencèrent à l’écouter comme s’il était rempli de l’esprit de Dieu.

[5] II Rois, III, 16.

[6] D’après la Bible, l’enfant de l’autre femme (la défenderesse) est né le troisième jour après celui de la plaignante.

[7] Ήμισυ τοϋ τε ζώντος xαί τοϋ τετελευτηκότος. La Bible ne parle de partager que l’enfant vivant. Cette singulière addition, de caractère aggadique, et qui semble due à une réminiscence de Exode, XXI, 35, se retrouve seulement dans la version lucienne des LXX (καὶ τὸ τεθνηκὸς ὁμοιως διέλετε καὶ δότε ἀμφοτέραις).

[8] Addition inepte de Josèphe.

Administration du royaume ; sa prospérité.

3.[9] Voici les généraux et les gouverneurs qu’il institua dans tout le pays. A la tête du district d’Éphraïm fut placé Ourès[10]. La toparchie de Bethsémès se trouvait sous Diocléros[11]. Celle de Dora et la région maritime obéissaient à Abinadab(os)[12], qui avait épousé la fille de Salomon[13] ; la grande Plaine à Banéas, fils d’Achilos[14], qui gouvernait aussi toute la région jusqu’au Jourdain. La Galaditide et la Gaulanitide jusqu’au mont Liban avaient pour gouverneur Gabarès[15], qui commandait à soixante villes grandes et très fortifiées. Achinadab(os) administrait la Galilée entière jusqu’à Sidon[16] ; il avait lui aussi pour femme une fille de Salomon, nommée Basima[17]. Banacatès[18] gouvernait le littoral autour d’Aké, Saphatès[19] le mont Itabyrion (Thabor), le Carmel et la Galilée inférieure jusqu’au fleuve Jourdain : au-dessus des deux gouverneurs un chef suprême fut placé (?)[20]. A Soubéès[21] fut confié le district de Benjamin, à Gabarès[22] la Transjordanie. Et au-dessus de ces chefs, de nouveau un seul gouverneur[23] fut préposé (?)[24]. Le peuple hébreu et la tribu de Juda prirent un prodigieux accroissement, grâce aux soins donnés à l’agriculture et à l’exploitation du sol ; jouissant de la paix, n’étant distrait par aucune guerre ni aucun tracas, savourant à longs traits la liberté tant désirée, chacun pouvait se consacrer à faire prospérer et croître de valeur son patrimoine.

[9] I Rois, IV, 7. Josèphe omet les premiers versets du chapitre, qui énumèrent les officiers de la cour.

[10] Hébreu : Ben-Hour ; LXX : Βεὲν ύ. Ὤρ (autres mss. Βαεωρ).

[11] Hébreu : Ben-Deker ; LXX : υἱὸς Δακάρ (BL : υἱὸς Ρηχαβ). Josèphe, qui suit pour les livres des Rois un texte proche de notre texte massorétique, a-t-il écrit Διόxληρος ? La leçon de la version latine Dochir semble refléter une meilleure leçon : Δοχηρος (?). Quant au nom de la ville, Bethléhem est la leçon de S P Lat. adoptée par Naber. Mais la Bible dit : Bethschémesch. Il faut donc préférer, avec Niese, la leçon de Βιθιέμες ; et la corriger avec Bosius en Βηθσέμες ou, avec Schotanus, en Βαιθσέμες.

[12] Comme l’hébreu : Ben Abinadab ; LXX : Άχιναδάβ. Josèphe omet le Ben Hésed de la Bible.

[13] Tafat dans la Bible.

[14] Hébreu : Baana, fils d’Ahiloud.

[15] Hébreu : Ben Géber.

[16] La Bible ne lui attribue que Mahanaïm.

[17] Basemath dans la Bible, mariée, non à Achinadab, mais à Achimaaç. le personnage suivant de la liste, omis par Josèphe.

[18] Bible : Baana ben Houschi.

[19] Bible : Josaphat ; il n’y a pas de raison décisive de corriger Saphatès en Josaphatès, comme fait Naber.

[20] χώραν έπὶ τούτων πᾶσαν (lat. : Basan) ἐπετέτραπτο, texte altéré.

[21] Σουβέης est la leçon des mss. S P M ; Niese préfère Σουμούις ; Naber Σεμεεί. LXX : Σεμεϊ, Σαμαα ; hébreu : Schim’i.

[22] Hébreu : Géber.

[23] Hébreu [hébreu], où les LXX ont vu un nom propre : Νασεφ. Josèphe est plus conforme à l’hébreu, qui est, d’ailleurs, corrompu.

[24] Pour les §§ 39-41, Josèphe suit I Rois, IV, 20 – V, 6 ; versets qu’on ne trouve pas dans les LXX à l’endroit correspondant, mais à la fin du ch. II.

Train de vie de Salomon.

4. Le roi avait encore d’autres gouverneurs préposés au pays des Syriens et des gens de race étrangère[25], qui va de l’Euphrate[26] à l’Égypte, et chargés de percevoir pour lui les impôts des peuples. Ils fournissaient journellement, pour la table et la chère du roi, trente cors[27] de fleur de farine, soixante de farine ordinaire, dix bœufs engraissés, vingt bœufs de pâture et cent agneaux gras. Tout cela sans compter les bues prises à la chasse, c’est-à-dire cerfs et buffles, les volailles et les poissons, était apporté journellement an roi par les peuples de race étrangère. Salomon avait une telle quantité de chars qu’il lui fallait quarante mille mangeoires[28] pour ses chevaux d’attelage. En outre, il avait douze mille cavaliers dont la moitié étaient stationnés près du roi à Jérusalem, tandis que les autres demeuraient dispersés dans les villages royaux. Le même intendant à qui était confiée la dépense du roi fournissait aussi le nécessaire aux chevaux et le dirigeait partout où se trouvait le roi.

[25] Καὶ τῶν ἀλλοφύλων, expression prise des LXX, qui traduisent habituellement ainsi l’hébreu [hébreu] « Philistins ».

[26] L’hébreu du livre des Rois (LXX : ἀπὸ ποταμοῦ γῆς ἀλλοφύλων à texte inintelligible si l’on n’y insère le mot [hébreu] « jusqu’à » d’après le passage parallèle II Chron., IX, 26. Josèphe a suivi les Chroniques ou un texte des Rois plus correct.

[27] Le Kor hébreu ou phénicien vaut à peu prés 3,6 hectolitres (Hultsch, Métrologie, p. 436).

[28] φατνών = [hébreu] de I Rois, V, 6. Les LXX ont une autre traduction τοκάδες ἵππῶν (II Chron., IX, 23 : θήλειαι ϊπποι) « juments »

Sa science, son savoir médical. Eléazar et les démons.

5.[29] Tels étaient le jugement et la sagesse dispensés par Dieu à Salomon qu’il surpassait les anciens[30], et qu’à le comparer même aux Égyptiens qu’on dit les plus intelligents du monde, non seulement sa supériorité n’était pas médiocre, mais on se convainquait qu’elle était éclatante. Il surpassa et vainquit en sagesse ceux qui en ce temps-là étaient réputés chez les Hébreux pour leur pénétration, et dont je ne veux pas omettre les noms. C’étaient Athan(os), Héman(os), Chalcéos et Dardanos, les fils de Hémaon[31]. Il composa aussi mille cinq livres[32] de poèmes et de chants, et trois mille livres de paraboles et de comparaisons. Sur chaque espèce d’arbre il fit une parabole depuis l’hysope jusqu’au cèdre, et de même sur les bêtes de somme et tous les animaux de la terre, de l’eau et de l’air. Il n’ignora rien, en effet, de leur histoire naturelle, ne laissa rien inexploré ; il sut raisonner sur tous et montra une science parfaite de leurs propriétés. Dieu lui accorda aussi l’art de combattre les démons[33] pour l’utilité et la guérison des hommes.

[29] I Rois, V, 9 ; cf. Sap. Sal., VII, 17-21.

[30] ἀρχείευς ἀνθρώπους ; même traduction que dans les LXX de l’hébreu [hébreu], qu’on traduit communément par les Orientaux.

[31] Hébreu : Ethau l’Ezrahite, Hêmau, Calcol et Dorda, fils de Mabol ; LXX : Ταιθάν, Αἴναν, Χαλxάδ, Δαράλα υἱοὺς Μάλ. Josèphe, ici encore, paraît plus près de l’hébreu, mais il ne résulte pas clairement de son texte que seuls les trois derniers sont fils d’Hémaon (Mahol).

[32] Comme l’hébreu ; LXX : 5.000 (πεντακισχίλιαι), mais Josèphe a transformé les morceaux en livres.

[33] Tradition extra biblique qui se retrouve dans le Midrash. Dans Tanhouma et la Pesikta sur I Rois, V, 10, on demande : quelle est cette sagesse qui surpassait celle de tous les Orientaux ? Réponse : c’est la science des sorts et de l’astrologie.

Comme il avait composé des incantations pour conjurer les maladies, il a laissé des formules d’exorcisme pour enchaîner et chasser les démons, de façon qu’ils ne reviennent plus. Et cette thérapeutique est encore très en vigueur jusqu’ici chez nous. C’est ainsi que j’ai vu un certain Eléazar[34] de ma race qui, en présence de Vespasien, de ses fils, des tribuns et du reste de l’armée, délivrait des gens possédés des démons. Le mode de guérison était celui-ci : il approchait du nez du démoniaque un anneau dont le chaton enfermait une des racines indiquées par Salomon[35], puis, le faisant respirer, il effrayait l’esprit démoniaque par les narines ; l’homme tombait aussitôt et Eléazar adjurait le démon de ne plus revenir en lui, en prononçant le nom de Salomon et les incantations composées par celui-ci. A l’effet de persuader et rendre plus manifeste aux assistants qu’il possédait bien ce pouvoir, Eléazar plaçait à proximité un gobelet plein d’eau ou un bain de pieds et il ordonnait au démon, une fois sorti de l’homme, de renverser ces récipients et de faire ainsi connaître aux spectateurs qu’il avait quitté l’homme. C’est ce qui arriva et ainsi s’affirmèrent l’intelligence et la sagesse de Salomon ; c’est à cause d’elles, pour que tout le monde sache la grandeur de son génie, et combien il fut cher à Dieu, et afin que personne sous le soleil n’ignore l’excellence du roi dans tous les genres de vertus, que nous avons été conduit à cette digression.

[34] Cet Éléazar était sans doute de la secte des Esséniens qui passaient pour avoir entre leurs mains certains ouvrages spéciaux, au nombre desquels ce livre de thérapeutique ([hébreu]) attribué au roi Salomon et mis de côté par Ézéchias dont il est question dans une Baraïta de Pesahim. Cf. le commentaire hébraïque de Senior Sachs dans l’édition du Séfer Tagin (liber coronularum) par Bargès, Paris, 1866, p. 33.

[35] Probablement la racine Baara, dont Josèphe décrit ailleurs longuement les vertus fabuleuses (Guerre, VII, 6, 3). (T. R.)

Lettre de Salomon à Hiram.

6.[36] Le roi des Tyriens, Hirôm(os)[37], ayant appris[38] que Salomon avait succédé à son père sur le trône, se réjouit fort, car il était l’ami de David, et il lui fit porter ses salutations et ses félicitations pour sa prospérité présente. Salomon lui répond par une lettre ainsi conçue : « Le roi Salomon au roi Hirôm. Sache que mon père, qui voulait édifier un Temple à Dieu, en a été empêché par ses guerres et ses expéditions continuelles. Il n’a pas cessé, en effet, de guerroyer contre ses ennemis jusqu’à les réduire tous à lui payer tribut. Pour moi, je rends grâce à Dieu de la paix présente, et dans les heureux loisirs qui en résultent, je désire bâtir cette maison à Dieu. Aussi bien, Dieu a prédit à mon père que cette maison serait faite par moi. Aussi je te prie d’envoyer des hommes avec les miens au mont Liban pour y couper du bois. Car, pour la coupe du bois, les Sidoniens sont plus experts que les nôtres. Quant au salaire, je donnerai aux bûcherons celui que tu fixeras toi-même. »

[36] I Rois, V, 15 (LXX : 7, 1) ; cf. Contre Apion, I. 17, § 111 et note. Les deux lettres sont données avec toute sorte de détails imaginaires par Eusèbe, Præp. evang., IX, 33.34, très probablement d’après Eupolémos.

[37] Bible : Hiram.

[38] Conforme à l’hébreu. Les LXX ont sauté quelques mots du texte, et il en est résulté cette absurdité : καὶί ἀπέστειλε Χιράμ... χρίσει τὸν Σαλωμών.

Réponse de Hiram.

7. Ayant lu la lettre et satisfait de cette proposition, Hirôm répond à Salomon : « Le roi Hirôm au roi Salomon. Il convient de louer Dieu d’avoir transmis la couronne de ton père à un homme sage comme toi et doué de toutes les vertus ; pour moi, j’en suis heureux et j’exécuterai tout ce que tu m’as demandé : je ferai couper une grande quantité de bois de cèdre et de cyprès[39] ; je la ferai diriger vers la mer par mes gens et je donnerai ordre aux miens d’en faire un radeau et de les déposer à tel endroit de la côte de ton pays que tu désireras. Ensuite, les tiens les transporteront à Jérusalem. Veille, en échange, de ton côté, à nous fournir du blé, dont nous sommes mal pourvus. nous qui habitons une île[40]. »

[39] Κυπαρίττου : héb. : [hébreu] (I Rois, V, 22) ; LXX : πεύκινα, pins.

[40] Ces derniers mots sont une addition de Josèphe.

Authenticité de leur correspondance.

8. Il subsiste encore aujourd’hui des copies de ces lettres, conservées non seulement dans nos livres, mais aussi chez les Tyriens, en sorte que si quelqu’un désirait savoir la chose en toute certitude, il n’aurait qu’à s’informer auprès des conservateurs des archives publiques de Tyr et trouverait leurs documents conformes à ce que nous avons dit[41]. Si je m’étends là-dessus, c’est pour que mes lecteurs sachent que nous n’avons rien à dire en dehors de la vérité ; comprenant l’histoire autrement que certaines gens qui, se contentant d’hypothèses plausibles, ne cherchent qu’à en imposer ou à plaire, nous ne prétendons pas échapper à la critique et ne tenons pas à être cru sur parole ; nous n’avons reçu aucune immunité qui nous permette de manquer à nos devoirs dans le traitement de notre sujet, et nous prions, au contraire, qu’on ne nous accorde aucune approbation à moins d’obtenir de nous une démonstration et des témoignages solides pour la manifestation de la vérité.

[41] Le renseignement sur les archives de Tyr est emprunté sans doute à Dios ou à Ménandre. Cf. C. Apion, I, 17-18.

Travaux préparatoires à la construction du Temple.

9.[42] Le roi Salomon, quand on lui eut apporté les lettres du roi des Tyriens, loua fort son empressement et sa bienveillance et lui accorda en retour ce qu’il avait sollicité : il lui envoya annuellement vingt mille cors de froment et autant de baths d’huile[43] : le bath contient soixante-douze setiers[44], et il lui fournit aussi même mesure de vin. L’amitié d’Hirôm et de Salomon ne fit que croître dans la suite, et ils se jurèrent une fidélité perpétuelle. Le roi imposa à tout le peuple un contingent de trente mille ouvriers, auxquels il rendit la tâche moins fatigante par une sage répartition. Il établit, en effet, que dix mille hommes couperaient du bois pendant un mois sur le mont Liban, puis se reposeraient deux mois dans leurs foyers, jusqu’à ce que, à leur tour, les vingt mille autres aient accompli leur besogne dans le temps fixé. Ensuite, ce serait aux premiers dix mille de revenir au travail le quatrième mois. Le surveillant de cette corvée fut Adoram(os)[45]. Parmi les métèques que David avait rassemblés, il y en avait 10.000 d’occupés à porter les pierres et autres matériaux, et 80.000 tailleurs de pierre, surveillés par 3.300 contremaîtres[46]. Il leur était prescrit de tailler de grandes pierres pour les fondements du Temple, et après les avoir assemblées et liées ensemble sur la montagne, de les transporter dans la ville. Ces travaux furent exécutés non seulement par les constructeurs indigènes, mais par les artisans que Hirôm envoya.

[42] I Rois, V, 25 ; II Chroniques, II, 2.

[43] Les données diffèrent des Rois aux Chroniques. D’après I Rois, V, 25, Salomon fournit à Hiram 20.000 cors de froment et 20 cors d’huile (LXX : 20.000). D’après II Chroniques, II, 9, 20.000 cors de froment, 20.000 cors d’orge, 20.000 baths de vin et 20.000 baths d’huile. Josèphe a ici comme source les Chroniques. Ce qui suit est d’après I&nbp;Rois, V, 26.

[44] Le bath vaut 1/10 de cor, soit environ 36 litres.

[45] L’hébreu l’appelle tantôt Adoniram, tantôt Adoram (II Samuel, XX, 24 ; I Rois, III, 18 ; II Chroniques, X, 18. Les LXX ont partout Adoniram, Josèphe toujours Adoram comme l’hébreu.

[46] LXX : 3.600, confirme, d’ailleurs, à II Chroniques, II, 1, 16, 17. A noter que la version lucienne a 3.700, l’Hexateuque 5.500, chiffre donné par Josèphe lui-même au livre précédent.

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