Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE VIII

CHAPITRE VII
Gloire de Salomon ; péchés de Salomon ; révolte de Jéroboam ; mort de Salomon.

Emploi des bois de pin.

1.[1] A la même époque on apporta au roi des pierres précieuses et des bois de pin de la contrée dite Terre d’or ; il employa les bois comme étais[2] pour le Temple et le palais royal et en fabriqua des instruments de musique, cithares et nébels, dont les Lévites s’accompagnaient pour chanter leurs hymnes à Dieu. Ces bois étaient les plus grands et les plus beaux de tous ceux qu’ont lui eût jamais apportés. Que personne ne s’imagine que ces bois de pin soient semblables à ceux qu’on appelle ainsi de nos jours : simple étiquette que leur donnent les marchands pour éblouir les acheteurs. Ceux-là, en effet, ressemblent pour l’aspect au bois de figuier, mais sont plus blancs et brillent davantage. Si nous donnons ces détails, c’est pour que nul n’ignore cette différence et la nature du pin véritable ; l’usage qu’en fit le roi nous a fourni l’occasion de ces indications qui ne paraîtront ni déplacées ni inutiles.

[1] I Rois, X, 11 ; II Chroniques, IX, 10. Josèphe, comme la Chronique, traduit par pin (ξύλα πεύxινα) le bois d’almuggim de la Bible. Les Septante (Rois) disent simplement : bois coupé à la hache (ξ. πελεκητά) (la suite du paragraphe à partir de « Que personne… » est du fait de Josèphe).

[2] ῾Ὑποστήριγμα. Josèphe emploie l’expression des LXX pour traduire l’hébreu de I Rois, X, 12 ; les Chroniques ont, dans le passage parallèle, l’hébreu que le grec traduit par ἀναβάσεις. Il s’agit peut-être d’une rampe.

Les boucliers d’or. Commerce maritime de Salomon.

2.[3] Le poids de l’or qu’on lui apporta[4] s’élevait à six cent soixante-six talents, sans compter celui qui fut acheté par les marchands[5], ni les dons que lui envoyèrent les chefs et les rois d’Arabie[6]. Il fondit cet or pour en fabriquer deux cents boucliers longs pesant chacun six cents sicles. Il fit aussi trois cents boucliers ronds, pesant chacun trois mines d’or[7]. Il les porta et les consacra dans la maison appelée Forêt du Liban. Toutefois il fit aussi fabriquer avec tout l’art possible des coupes en or et en pierreries pour servir aux festins et une profusion d’autres vases en or. Il ne se faisait, en effet, aucune transaction, vente ou achat, en argent. De nombreux vaisseaux avaient été lancés par le roi dans la mer dite Tarsique[8], chargés d’apporter aux nations de l’intérieur toutes sortes de marchandises : en échange de celles-ci on rapportait de l’argent et de l’or au roi, ainsi qu’une quantité d’ivoire, des Éthiopiens et des singes[9]. La navigation s’effectuait, aller et retour, en trois ans.

[3] I Rois, X, 14 ; II Chroniques, IX, 13.

[4] La Bible ajoute : « chaque année ».

[5] Josèphe omet le produit des impôts, indiqué d’abord dans la Bible.

[6] D’après le texte des Chroniques (heb. : [hébreu] LXX : Ἀραβίας). Le texte des Rois porte l’hébreu, traduit par ἐν τῷ πέραν dans les LXX.

[7] Les indications concernant les boucliers varient selon qu’on lit l’hébreu des Rois ou des Chroniques et le grec sur les deux passages. Josèphe est conforme à l’hébreu de I Rois, X, 16-17 (dans II Chron., IX, 16, il y a en hébreu 300 [hébreu] au lieu de trois mines [hébreu]), et pour les noms des boucliers (θυρεός, ἀσπίς) au grec des Chroniques. Au lieu de boucliers longs, la Septante (Rois) parle de lances ou de javelots (δόρατα).

[8] Bible : Tarschisch ; Septante : Θαρσίς. Josèphe a confondu Tarse et Tartessos.

[9] Αἰθίοπες, leçon bizarre née sans doute de l’obscurité de l’hébreu [hébreu] (I Rois, X, 22 ; II Chroniques, IX, 21) lu [hébreu] ou [hébreu] est rendu communément par paons. Pour les LXX (Chron.), le Vaticanus n’a pas la fin du verset ; l’Alexandrinus a : οδοντων ελεφαντινων και πιθηxων και ταωνων. La version lucienne des Chroniques transcrit purement et simplement τεχειμ.

Chars et cavalerie de Salomon.

3.[10] Une renommée si éclatante se répandait à travers tout le pays, célébrant la vertu et la sagesse de Salomon, que tous les rois d’alentour brillaient de venir en sa présence, ne pouvant ajouter foi à des louanges si excessives, et de lui témoigner leur zèle par des présents magnifiques. Ils lui envoyèrent, en effet, des vases d’or et d’argent, des habits de pourpre, de nombreuses sortes d’aromates, des chevaux, des chars et des mules de somme dignes de réjouir les yeux du roi par leur vigueur et leur beauté. Ces envois vinrent grossir le nombre de chars et de chevaux qu’il possédait auparavant. C’est ainsi qu’à ses 1.000 chariots s’en ajoutèrent 400[11] et à ses 20.000 chevaux, 2.000[12]. On dressait ces chevaux pour leur donner beauté et vitesse, si bien qu’il n’y en avait pas de plus élégants ni de plus rapides à leur comparer : leur beauté et leur célérité à la course étaient sans rivales. Un attrait de plus leur venait de leurs cavaliers, jeunes hommes dans la fleur la plus charmante de l’âge, attirant les regards par leur haute taille et dépassant de beaucoup tous les autres : ils avaient de longues chevelures qui pendaient et ils portaient des tuniques de pourpre tyrienne. Chaque jour ils saupoudraient leurs cheveux de poussière d’or, de sorte que leurs têtes scintillaient quand l’éclat de l’or se réfléchissait au soleil. C’est entouré de ces hommes en armes et munis de leurs arcs que le roi, monté lui-même sur un char et vêtu d’une robe blanche, avait coutume de sortir[13]. Il y avait un village à deux schènes de distance de Jérusalem, appelé Étan[14] auquel ses jardins et ses cours d’eau donnaient beaucoup d’agrément et de magnificence. C’est là qu’il faisait sa promenade en superbe équipage.

[10] I Rois, X, 23 ; II Chroniques, IX, 22.

[11] L’hébreu donne aussi le chiffre de 1400, mais sans le diviser en 1000 + 400. Les LXX ont 4.000 chevaux pour les chars (AL : 40.000).

[12] Bible : 12.000 cavaliers (heb. [hébreu] ; LXX : ἱππέων. Les paragraphes suivants (184-187) n’ont pas de parallèle dans l’Écriture.

[13] Πρµὸς αἰώραν inintelligible ; peut-être une glose de αἰωρούμενος à la fin de la phrase. (T. R.)

[14] Ἐτέν. Naber écrit à tort Ἡθαμ. Il est question d’une localité de ce nom dans Josué (XV, 59), mais dans les LXX seulement. Etan (heb. : [hébreu]) apparaît encore dans II Chron., XI, 6, citée comme une ville fortifiée par Roboam, ainsi que ses voisines Bethléem et Thécoa. Il est vraisemblable que c’est de la même localité que parle Josèphe ; et plus loin X, 1. La distance de deux « schoenes » équivaut à 60 stades, soit trois lieues environ. C’est à cette distance qu’on trouve au sud de Jérusalem l’Aïn Atan actuelle, la même qui est mentionnée sous le nom de Kefar Main dans la Mishna Yebamot, XII, 6, et sous le nom d’Aïn Etham dans Zebakim, 54 b, et Yoma, 31 a.

Travaux divers.

4. Salomon, qui montrait une sagacité et un zèle merveilleux en toutes choses, joints à son vif amour du beau, ne négligea pas non plus l’entretien des routes. Toutes celles qui menaient à Jérusalem — sa capitale — furent pavées de pierre noire, tant pour faciliter la marche que pour manifester la grandeur de sa fortune et de son pouvoir. D’autre part[15], il répartit ses chars de façon que chaque ville en eût un nombre déterminé, lui-même en gardant quelques-uns par devers lui ; ces villes il les appela « villes des Chars ». Le roi rendit l’argent[16] aussi abondant que les pierres à Jérusalem, et les bois de cèdres, que l’on n’y trouvait pas auparavant, devinrent aussi communs que les mûriers, qui foisonnaient dans les campagnes de Judée[17]. Il ordonna aussi aux marchands qui les faisaient venir d’Égypte[18] de lui vendre chaque char à deux chevaux pour six cents drachmes[19] d’argent, et il les envoya lui-même aux rois de Syrie et de la Transeuphratène[20].

[15] I Rois, X, 26 ; II Chroniques, IX, 25.

[16] Conforme à l’hébreu ; les LXX ont : l’or et l’argent.

[17] Συκαμίνων. Josèphe transcrit comme les LXX le [hébreu] biblique, communément traduit par sycomores.

[18] Comme dans les LXX ; hébreu : Mouçri (Arménie ?).

[19] Ἅρμά σὺν ἵπποις δυσὶν ἐξακοσίων δραχμῶν ἀργυρίον. L’hébreu de I Rois, X, 29 parle, d’une part, du prix d’un char, savoir 600 sicles, d’autre part, du prix d’un cheval : 150 sicles. D’après les LXX, un char valait 100 sicles, un cheval 50. Josèphe, combinant ces indications, parle de chars à deux chevaux. (La Vulgate traduit [hébreu] par quadriga.)

[20] Bible : on en exportait de même pour les rois des Hétéens et les rois d’Aram, par leur entremise ([hébreu]). Les LXX paraissent avoir lu ici [hébreu] (κατὰ θάλασσαν). Josèphe, qui fait de Salomon lui-même le fournisseur de chevaux, aurait-il lu [hébreu] « par son entremise » ? 600 drachmes, selon l’équivalence donnée par lui (Ant., III, § 194), font 150 sicles. Josèphe suivrait ainsi les LXX, tout en conservant le chiffre indiqué — mais pour les sicles — par l’hébreu.

Fautes commises par Salomon sous l’influence de ses femmes ; menaces du prophète.

5.[21] Devenu le plus illustre des rois et le plus cher à Dieu, l’emportant en sagesse et en richesse sur tous ceux qui avant lui avaient gouverné les Hébreux, il ne persévéra pas dans ces vertus jusqu’à la mort, mais, négligeant l’observance des mœurs nationales, il finit d’une manière bien éloignée de ce que nous avons précédemment rapporté de lui. Adonné avec frénésie aux femmes et aux excès de l’amour, il ne se contenta pas des femmes de son pays, mais en prit quantité d’autres issues de nations étrangères, Sidoniennes[22], Tyriennes, Ammanites, Iduméennes ; il transgressa ainsi, d’une part, les lois de Moïse, qui avaient prohibé de s’unir à des femmes d’un autre peuple[23] et, d’autre part, il commença d’adorer les dieux de ses épouses, par faiblesse pour elles et pour sa passion. Or, précisément ce que le législateur avait en vue en avertissant de ne point épouser de femmes d’autres pays, c’était d’éviter qu’en s’engouant des mœurs étrangères, les Hébreux ne trahissent les coutumes de leurs pères, et qu’en révérant les dieux de ces femmes, ils ne négligeassent d’honorer le leur. Mais Salomon, entraîné à des plaisirs sans raison, n’eut pas ces scrupules. Ayant pris pour femmes des filles de chefs et de notables, au nombre de sept cents, avec trois cents concubines, et, en outre, la fille du roi des Égyptiens, il tomba tout de suite en leur pouvoir, si bien qu’il imita ce qui se faisait chez elles, et il fut contraint, pour leur prouver son amitié et sa tendresse, de vivre selon les coutumes de leurs patries. Cependant, à mesure qu’il avançait en âge et que sa raison s’affaiblissait trop avec les années pour leur opposer le souvenir des institutions nationales, de plus en plus il délaissa son propre Dieu et rendit hommage aux intrus qu’avaient introduits ses mariages. Déjà, antérieurement, il lui était arrivé de pécher et de violer les prescriptions légales quand il avait dressé les simulacres de bœufs en airain qui se trouvaient sous le monument appelé Mer et ceux des lions[24] qui entouraient son propre trône : car un travail de ce genre n’était pas légitime. Il eut beau avoir un magnifique exemple domestique de vertu dans son père et la gloire que celui-ci laissa après lui pour sa piété envers Dieu, il ne l’imita point, bien que par deux fois Dieu lui fut apparu en songe et l’eût exhorté à imiter son père, et il mourut sans honneur. Voici que survint tout à coup le prophète, envoyé par Dieu : il lui déclara que ses infractions n’échappaient point à la divinité et l’avertit avec menaces qu’il ne se réjouirait pas longtemps de sa conduite. De son vivant, la royauté ne lui serait pas enlevée, puisque la divinité avait promis à son père David qu’il serait son héritier, mais, après sa mort voici comment serait traité son fils : sans détacher de lui tout le peuple, Dieu livrerait dix tribus à son esclave et en laisserait deux[25] seulement au petit-fils de David, en souvenir de ce dernier, parce qu’il avait aimé Dieu, et en faveur de la ville de Jérusalem, où il avait voulu avoir un temple.

[21] I Rois, XI, 1.

[22] Les Sidoniennes sont mentionnées dans l’hébreu [hébreu], non chez les LXX.

[23] Cf. Exode, XXXIV, 16 ; Deutéronome, VII, 3 ; ces textes ne visent que les peuplades cananéennes, mais l’extension est déjà faite implicitement dans le livre des Rois, dont le rédacteur se réfère lui-même, bien qu’en termes vagues, à la législation antérieure. Cf. l’opinion de R. Siméon b. Yohaï (IIe siècle) dans Aboda Zara, 36 b ; Philon, éd. Mangey, II, 304.

[24] Le reproche concernant les bœufs d’airain et les lions n’est pas dans la Bible. C’est une simple tradition fondée, d’ailleurs, sur la contradiction entre l’introduction de simulacres de bœufs dans le Temple et la prescription du Décalogue (Exode, XX, 4).

[25] Une tribu seulement d’après I Rois, XI, 13.

Menées d’Ader et de Raazar.

6.[26] A ces paroles, Salomon s’attrista et fut profondément remué, voyant que tous ses biens, qui lui attiraient l’envie, allaient ainsi tourner à mal. Il ne s’écoula pas un long temps après que le prophète lui eut annoncé les événements futurs, quand Dieu lui suscita un adversaire nommé Ader(os)[27], dont l’hostilité eut l’origine que voici : c’était un jeune homme de race Iduméenne, de souche royale. Quand Joab, le capitaine de David, eut soumis l’Idumée et exterminé en six mois tous les jeunes gens capables de porter les armes, seul il s’était enfui auprès de Pharaon, roi d’Égypte. Celui-ci le reçut avec bonne grâce, lui donna une maison et un territoire pour vivre, et quand il parvint à l’adolescence, le prit en si vive affection qu’il lui donna en mariage la sœur de sa propre femme, nommée Thaphiné[28] ; le fils[29] qui leur naquit fut élevé avec les enfants du roi. Quand il apprit en Égypte la mort de David et celle de Joab, il vint demander à Pharaon la permission de rentrer dans sa patrie. Mais le roi lui demanda quel besoin ou quel malheur le poussait à le quitter, et, malgré ses fréquentes instances et ses supplications, il ne lui donna pas congé à ce moment-là. Mais à l’époque où les affaires de Salomon commençaient à se gâter, à cause des transgressions dont j’ai parlé et du courroux que Dieu en ressentit, le Pharaon accorda enfin sa permission et Ader reparut dans l’Idumée[30]. Il ne réussit pas à la détacher de Salomon, car elle était occupée par de nombreuses garnisons qui rendaient toute nouveauté difficile et dangereuse. Il en partit donc pour aller en Syrie. Là il rencontra un certain Raazar(os)[31], qui s’était enfui[32] de chez le roi de Sophène Adraazar[33], son maître, et mettait la région au pillage ; il conclut alliance avec cet homme et, réunissant une troupe de bandits, monte vers le haut pays, occupe cette région de la Syrie[34], et s’en déclare roi ; puis, faisant des incursions en pays israélite, il le ravage et le met à mal, du vivant même de Salomon. Tels sont les maux qu’Ader fit endurer aux Hébreux.

[26] I Rois, XI, 14.

[27] Comme les LXX ; hébreu : Adad.

[28] Hébreu : Tahpenès ; LXX : Θεkεμίνας. Dans la Bible, c’est la reine et non la femme d’Adad qui s’appelle Tahpenès.

[29] Genoubath dans la Bible.

[30] N’est pas expressément dit dans la Bible, mais se trouve dans certains mss. de la Septante. (A : Καὶ ἀνέστρεψεν Ἄδερ... καὶ ἐβασίλευσαν ἐν γῇ Ἐδώμ).

[31] Bible : Rezôn, fils d’Elyada. Les LXX mentionnent le personnage plus haut, au v. 14, à la suite d’Ader, et l’appellent Ἐσρων.

[32] Conforme à l’hébreu [hébreu] de I Rois, XI, 23, mots mal compris par les LXX qui y ont vu un nom propre (τὸν ἐν Ῥαεμά ; L : Ραεμαθ, v. 14).

[33] Bible : hébreu Hadadézer, roi de Çoba ; LXX : Ἀδαδεζερ (L : Αδρααζαρ, c. Josèphe).

[34] La Bible parle spécialement de Damas.

Promesses d’Achias à Jéroboam.

7.[35] Ensuite Salomon vit se dresser contre lui un homme de son propre peuple, Jéroboam(os), fils de Nabatéos[36], à qui une prophétie jadis reçue par lui avait inspiré des ambitions. Tout enfant, il avait perdu son père et avait été élevé par sa mère. Salomon, lui voyant du courage et de la hardiesse, l’avait commis à la surveillance de la construction des murs de Jérusalem, lorsqu’il entoura cette ville d’une enceinte. Jéroboam présida aux travaux avec tant de mérite que Salomon le félicita et, pour récompense, lui donna le gouvernement de la tribu de Joseph. Or, comme Jéroboam quittait à ce moment-là Jérusalem, il fut rencontré par un prophète de la ville de Silo, nommé Achias. Celui-ci le salua et l’entraîna à quelque distance de la route en un endroit absolument désert. Là, partageant en douze morceaux le manteau dont il était lui-même enveloppé, il invita Jéroboam à en prendre dix, et lui dit : « Voici la volonté de Dieu : ayant divisé le pouvoir de Salomon, il accorde à son fils, à cause de la promesse faite à David, une tribu et celle qui lui est contiguë, tandis qu’il t’octroie les dix autres, parce que Salomon a péché envers lui et s’est abandonné à ses femmes et à leurs dieux. Sachant donc pourquoi Dieu a changé de sentiments à l’égard de Salomon, tâche d’être juste et d’observer les lois, puisque tu as devant toi, pour prix de ta piété et de ton culte à Dieu, la plus grande de toutes les récompenses : la promesse de devenir aussi grand que tu sais que David l’a été. »

[35] I Rois, XI, 26.

[36] Même transcription que LXX de l’hébreu Yarob’am ben Nebat.

Révolte et fuite de Jéroboam ; mort de Salomon.

8.[37] Ainsi exalté par les paroles du prophète, Jéroboam, jeune homme de tempérament ardent et aspirant à une grande fortune, ne demeura pas en repos. Ayant gagné son gouvernement et se souvenant des révélations d’Achias, tout de suite il entreprend de persuader au peuple de se détacher de Salomon, de se révolter et de lui conférer à lui-même le pouvoir[38]. Cependant, instruit de son dessein et de son complot, Salomon chercha à se saisir de lui pour le mettre à mort. Mais, prévenu à temps, Jéroboam s’enfuit auprès d’Isacos[39], roi des Égyptiens, demeura là jusqu’à la mort de Salomon, et eut ainsi le double avantage de se soustraire à la vengeance et de se réserver pour la royauté. Salomon meurt fort vieux, après avoir régné quatre-vingts ans[40] et vécu quatre-vingt-quatorze. Il fut enseveli à Jérusalem. Il avait dépassé tous les rois par sa prospérité, ses richesses et sa sagesse, sauf les infractions qu’il commit dans sa vieillesse, égaré par les femmes : sur ces fautes et les maux qu’elles valurent aux Hébreux, j’aurai bientôt l’occasion de m’expliquer.

[37] I Rois, XI, 40.

[38] Ces détails ne se lisent pas dans l’hébreu où, d’ailleurs, on les attendrait, car il semble bien qu’il y ait une lacune avant le verset 40 (Et Salomon voulut faire périr Jéroboam). Cette lacune est comblée dans un récit parallèle conservé par les LXX au chapitre suivant des Rois, après le verset 24. Le récit de Josèphe est fondé sur les données contenues dans cette relation, où l’on voit Jéroboam abuser du pouvoir que lui confie Salomon, fortifier la ville de Corèda, réunir trois cents chars et fomenter une révolte contre le roi.

[39] Hébreu : Schischak ; LXX : Σουσακείμ. La forme qu’emploie Josèphe Ἴσαxος provient de Σισακος. Le σ final du mot précédent προς a fait tomber le σ initial de ce nom. Au chapitre X, §§ 2, 3 et 4, où il est encore question du même roi, les mss. RO ont la forme Ισωxος ; les autres ont corrigé en Σουσαxο d’après les Septante. Il est vrai qu’on trouve déjà cette forme précédemment dans Ant., VII, § 105, selon tous les mss., mais c’est que là Josèphe a suivi un verset des LXX additionnel à l’hébreu. V. Rahlfs, op. cit., 3, p. 97-98, note.

[40] Bible (I Rois, XI, 42 ; II Chroniques, IX, 30) : 40 ans. Le chiffre de 80 que donne Josèphe ne saurait être corrigé, car ce n’est pas par inadvertance qu’il s’écarte ici de la Bible. Il faut qu’il ait lu ce chiffre dans la source qu’il a utilisée ou qu’il lui ait été imposé par le système chronologique qu’il suit. On peut, d’ailleurs, noter que le chiffre de 80 s’accorde mieux avec le verset I Rois, XI, 4, qui parle de la vieillesse de Salomon [hébreu].

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