Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE IX

CHAPITRE VII
Athalie, la fille d'Achab, massacre la famille royale de Juda, seul Joas en réchappe, il a alors un an ; la royauté en Juda passe d'Athalie à Joas ; mort d'Athalie ; règne de Joas à l'âge de sept ans.

Athalie se défait de la famille royale de Juda ; Joas seul échappe au massacre.

1.[1] Quand Athalie, la fille d’Achab, apprit la mort de son frère Joram et de son fils Ochozias et la destruction de la famille des rois, elle s’efforça de ne laisser survivre personne de la famille de David et d’en exterminer toute la race, pour qu’il n’y eût plus à l’avenir un seul roi issu de lui. Elle accomplit son dessein comme elle l’avait conçu ; cependant il survécut un fils d’Ochozias. Voici de quelle façon il échappa à la mort. Ochozias avait une sœur consanguine, qui s’appelait Josabeth(é)[2] ; elle était mariée au grand-prêtre Joad (Jodaos)[3]. Ayant pénétré dans le palais royal, et trouvant, au milieu des victimes égorgées, Joas, — tel était le nom de l’enfant, — âgé d’un an, caché avec sa nourrice, elle l’emporta avec elle et les enferma dans le grenier aux lits[4] ; puis, en secret, elle et son mari Joad les nourrirent dans le sanctuaire pendant les six ans qu’Athalie régna sur Jérusalem et sur les deux tribus.

[1] II Rois, XI, 1 ; II Chroniques, XXII, 10.

[2] Hébreu : Ychoschéba (LXX : Ίωσαβέε) ; Chroniques, Yeboschabath (LXX : Ίωσαβέεθ).

[3] Hébreu : Ychoyada (LXX : Ίωδαέ).

[4] Josèphe a les mêmes termes que la LXX pour traduire l’hébreu.

Complot de Joad contre Athalie ; proclamation de la royauté de Joas dans le Temple.

2[5]. La septième année, Joad, ayant mis dans le secret quelques centurions, au nombre de cinq[6], les persuada de s’associer à une tentative qui serait faite contre Athalie, afin de revendiquer le trône pour l’enfant. Après avoir reçu les serments par lesquels des conjurés se donnent mutuelle assurance, il s’enhardit dès lors dans ses espérances contre Athalie. Les hommes que le prêtre Joad avait mis dans sa confidence parcoururent tout le pays, en réunirent les prêtres, les Lévites[7] et les chefs des tribus et les amenèrent à Jérusalem chez le grand-prêtre. Celui-ci exigea d’eux le serment de bien garder le secret qu’ils apprendraient de lui et qui réclamait à la fois le silence et une action commune. Le serment prêté, il put parler en sécurité ; alors, ayant fait approcher le descendant de la race de David, qui il élevait : « Voici votre roi, dit-il, issu de cette maison à qui, vous le savez, Dieu a prophétisé qu’elle règnerait sur vous à perpétuité. Je recommande que la troisième section d’entre vous veille sur lui dans le sanctuaire, que la quatrième[8] garde toutes les portes du Temple[9], que la suivante surveille la porte qui s’ouvre et donne dans le palais royal, que le reste de la multitude se tienne sans armes dans le sanctuaire ; n’y laissez pénétrer aucun homme en armes, si ce n’est un prêtre[10]. » Il ordonna, en outre, qu’une partie des prêtres et les Lévites se tinssent autour du roi lui-même comme gardes du corps, l’épée nue, pour faire périr quiconque oserait entrer en armes dans le sanctuaire, et que, sans rien craindre, ils demeurassent pour protéger le roi. Eux, dociles au conseil que leur donnait le grand-prêtre, manifestèrent leurs sentiments par leurs actes. Joad, ayant ouvert le dépôt d’armes que David avait établi dans le sanctuaire, distribua aux centurions, ainsi qu’aux prêtres et aux lévites, tout ce qu’il y trouva de lances, de carquois et de toutes autres sortes d’armes ; une fois armés, il les posta en cercle autour du Temple, se tenant par la main les uns les autres, de manière à en défendre l’accès à ceux qui ne devaient pas entrer. Puis, avant fait avancer l’enfant, ils posèrent sur lui la couronne royale[11], et Joad, l’ayant oint de l’huile sacrée, le proclama roi. Et tout le peuple, plein de joie, frappa des mains en criant : « Vive le roi ! »

[5] II Rois, XI, 4 ; II Chroniques, XXIII, 1.

[6] Dans Chroniques, les cinq sont énumérés.

[7] D’après Chroniques, V, 2.

[8] Josèphe transpose à sa façon le texte biblique, d’ailleurs obscur, où il est question simplement de trois divisions de la garde du temple ; les LXX ont partout τό τρέτον. Si on lit avec les mss. RO τρέτην au lieu de τετάρτην, le sens sera : « que le tiers (des hommes armés) veille sur le roi, un autre tiers sur les portes du Temple, le troisième tiers sur celle du palais, et le reste des conjurés sans armes se tienne dans le sanctuaire ». Quoi que l’on fasse, le premier tiers fait double emploi avec la garde mentionnée plus bas. Le changement de garde s’opérait le jour du sabbat, qui fut choisi pour le coup d’état.

[9] La porte Sour d’après Rois (v. 6), Yesod d’après Chroniques (v. 5). (LXX Rois : έν τή πύλη τών όδών ; Chroniques : έν τή πύλη τή μέση.)

[10] II Chroniques, XXIII, 6.

[11] Bible : la couronne et le témoignage (τό μαρτύριον. LXX).

Arrivée d’Athalie au Temple ; sa mort.

3.[12] Athalie, avant entendu ce tumulte et ces acclamations inattendus ; l’esprit tout bouleversé, bondit hors du palais royal avec sa propre garde. Parvenue au sanctuaire, elle y est admise par les prêtres ; quant aux hommes d’armes qui la suivaient, l’entrée leur fut interdite par les gens rangés en cercle qui en avaient reçu l’ordre du grand-prêtre. Quand Athalie aperçut l’enfant debout sur l’estrade[13], la tête ceinte du bandeau royal, elle déchira ses vêtements et poussa de grands cris, ordonnant de tuer celui qui avait préparé ce guet-apens et cherché à lui arracher le pouvoir. Mais Joad, ayant appelé les centurions, leur donna l’ordre de traîner Athalie dans la vallée du Cédron[14] et de l’y mettre à mort : car il ne voulait pas souiller le sanctuaire en y châtiant la criminelle. Il commanda, en outre, si quelqu’un s’avançait pour lui porter secours, qu’on l’immolât également. Les hommes chargés d’exécuter Athalie mirent les mains sur elle, la conduisirent à la porte des mules[15] du roi et l’y tirent périr.

[12] II Rois, XI, 13 ; II Chroniques, XXII, 12.

[13] La Bible ne parle point d’estrade : Joas se tient debout devant « la colonne ».

[14] N’est pas dans la Bible.

[15] Des chevaux d’après le texte biblique.

Destruction du temple de Baal ; réorganisation du culte.

4.[16] Après qu’on se fut défait d’Athalie par ce stratagème, Joad convoqua dans le sanctuaire le peuple et les hommes d’armes, et leur fit jurer d’être fidèles au roi et de veiller sur sa sécurité et l’accroissement de son empire. Ensuite. il obligea le roi lui-même à lui donner l’assurance qu’il honorerait Dieu et ne transgresserait pas les lois de Moïse. Après cela, avant fait irruption dans le temple de Baal qu’Athalie et son mari Joram avaient construit, en offense au Dieu de ses pères et en l’honneur d’Achab, ils le démolirent et tuèrent Mathan, qui en avait le sacerdoce. Le soin et la garde du sanctuaire, Joad les confia aux prêtres et aux Lévites, selon la règle du roi David, en leur prescrivant d’offrir deux fois par jour les sacrifices d’holocaustes légaux et de faire les fumigations conformément à la loi. Il désigna aussi certains Lévites comme portiers pour la garde de l’enceinte du Temple, afin que nul impur ne put s’y glisser à la dérobée.

[16] II Rois, XI, 17 ; II Chroniques, XXIII, 16.

Règne de Joas.

5.[17] Ayant réglé tout ce détail, accompagné des centurions, des commandants et de tout le peuple, il prend Joas dans le sanctuaire pour le conduire au palais. Quand celui-ci se fut assis sur le trône royal, la foule l’acclama, puis ils commencèrent à se réjouir et restèrent en fête plusieurs jours. Quant à la ville, après la mort d’Athalie, elle demeura en repos. Joas[18], quand il prit le pouvoir royal, était âgé de sept ans ; sa mère s’appelait Sabia[19] et était native de Bersabée. Il observa fidèlement les lois et montra beaucoup de zèle pour le culte de Dieu pendant tout le temps que Joad vécut. Quand il fut d’âge, il épousa deux femmes, que le grand-prêtre lui donna et dont il eut des enfants des deux sexes. Telle est la relation de ce qui concerne le roi Joas, comment il échappa aux embûches d’Athalie et reçut la royauté.

[17] II Rois, XI, 19 ; II Chroniques, XXIII, 20.

[18] II Rois, XII, 1 ; II Chroniques, XXIV, 1.

[19] Comme LXX ; hébreu : Cibia.

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