Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE IX

CHAPITRE XII
Mort de Jotham, après un règne de douze ans ; son fils Achaz lui succède sur Juda ; crimes d'Achaz ; guerre et défaite face aux Syriens et aux Israélites ; les Israélites libèrent les prisonniers Judéens à Samarie ; Achaz s'allie au roi des Assyriens ; ce dernier s'empare de la Syrie et dévaste le pays d'Israël ; Achaz pille le Temple et les trésors royaux pour les offrir aux Assyriens ; impiété d'Achaz : il adore les dieux syriens ; il meurt après seize ans de règne.

Règne d’Achaz de Juda ; campagne du roi de Syrie et du roi d’Israël contre Achaz ; victoire des Israélites.

1.[1] Jotham mourut, après avoir vécu quarante et un ans et en avoir régné seize. Il fut enseveli dans les sépulcres des rois. La royauté échut à son fils Achaz(ès), qui, par son extrême impiété envers Dieu et ses infractions aux lois des ancêtres, imita les rois des Israélites, en érigeant des autels dans Jérusalem[2] et en y sacrifiant aux idoles ; il leur immola même en holocauste son propre fils selon les mœurs des Cananéens, et il accomplit d’autres crimes analogues. Pendant qu’il agissait ainsi en insensé, il vit marcher contre lui le roi des Syriens et des Damascéniens, Arasès[3], ainsi que Phakéas[4], roi des Israélites, — car ils étaient amis — ; ces rois, l’avant refoulé ensemble dans Jérusalem, l’assiégèrent longtemps sans faire aucun progrès à cause de la solidité des murailles. Cependant le roi des Syriens, s’étant emparé de la ville d’Elath près de la mer Érythrée et avant tué les habitants, y établit une colonie de Syriens[5] et anéantit également les Judéens dispersés dans les fortins et ceux de la région d’alentour ; il emporta beaucoup de butin à Damas, où il ramena son armée. Le roi de Jérusalem, apprenant que les Syriens étaient rentrés chez eux et croyant pouvoir se mesurer avec le roi des Israélites[6], fit sortir ses troupes contre lui et lui livra bataille ; mais il fut défait pour avoir excité le courroux de Dieu par ses impiétés si nombreuses et si graves. Ce jour-là cent vingt mille de ses hommes furent tués par les Israélites ; entre autres le général Zacharis[7] mit à mort dans la mêlée le fils du roi Achaz, nommé Amasias[8], ainsi que l’intendant de tout le royaume, Erican, et il emmena captif le chef de la tribu de Juda, Elcan[9]. Ils emmenèrent aussi des femmes et des enfants de la tribu de Benjamin, et, après avoir fait main basse sur un grand butin, s’en retournèrent à Samarie.

[1] II Rois, XV, 33, 38 ; XVI, 1 ; II Chroniques, XXVII, 8 ; XXVIII, 1.

[2] II Chroniques, XXVIII, 3 : « il fit fumer de l’encens dans la vallée de Ben-Hinnom. »

[3] Hébreu : Recin ; LXX : ‘Ραασσών.

[4] Hébreu : Pékah ; LXX : Φαxεέ.

[5] La Bible dit, au contraire, que les Édomites repeuplèrent la ville.

[6] Tout ce qui suit jusqu’à « ... si graves » est tiré de la Chronique.

[7] Hébreu (II Chroniques, XXVIII, 7) : Zikhri ; LXX : Ζεχρί.

[8] Hébreu : Maasséya ; LXX : Μαασίαν.

[9] Hébreu : Asrikam, Elkana ; LXX : Έζριxαν, Έλxανά. D’après la Chronique les trois personnages ont été tués.

Prophéties d’Oded à Samarie ; Barachias conseille de relâcher les prisonniers Judéens.

2.[10] Cependant un certain Oded(as), prophète en ce temps-là à Samarie, vint à la rencontre de l’armée devant les remparts et proclama à haute voix que leur victoire n’était pas due à leur propre force, mais à la colère de Dieu contre le roi Achaz. Et il les blâmait d’avoir, non contents du succès obtenu contre celui-ci, osé emmener prisonniers ceux de la tribu de Juda et de Benjamin, qui étaient leurs frères ; il leur donnait le conseil de les renvoyer sains et saufs dans leurs foyers ; car s’ils désobéissaient, Dieu en tirerait vengeance. Le peuple des Israélites, réuni en assemblée, délibéra à ce sujet. Alors un certain Barachias[11], homme des plus estimés dans l’État, se leva ainsi que trois autres personnages[12], et ils déclarèrent qu’ils ne permettraient point aux hommes d’armes d’amener ces captifs dans la ville « de crainte, dirent-ils, que nous ne périssions tous de la main de Dieu. C’est assez de nos premières offenses envers lui, comme disent les prophètes, sans que nous commettions encore de nouvelles impiétés ». En entendant ces paroles, les soldats leur permirent de faire ce qui leur semblait le meilleur. Alors les hommes dont nous venons de parler se saisirent des prisonniers, les délièrent, prirent soin de leurs personnes, leur fournirent des provisions de route et les renvoyèrent indemnes dans leur pays. Bien plus, quatre hommes les accompagnèrent jusqu’à Jéricho, non loin de Jérusalem, puis s’en retournèrent dans le pays de Samarie.

[10] II Chroniques, XXVIII, 9.

[11] Comme LXX (v. 12) ; Hébreu : Berekhyahou.

[12] La Bible les nomme (Azarias, Ezéchias et Amassa).

Achaz s’allie au roi d’Assyrie, qui s’empare de la Syrie et dévaste le pays d’Israël ; impiété extrême et mort d’Achaz.

3.[13] Le roi Achaz, après cet échec infligé par les Israélites, envoya un message au roi des Assyriens Teglaphalassar, pour lui demander son alliance dans la guerre contre les Israélites, les Syriens et les Damascéniens, promettant de lui donner beaucoup d’argent ; il lui envoya, en outre, des présents magnifiques. Celui-ci, après avoir reçu ces messagers, partit au secours d’Achaz et, dans une expédition contre les Syriens, ravagea leur pays, prit Damas de vive force et mit à mort le roi Arasés. Il transporta les Damascéniens dans la Médie supérieure et établit à leur place à Damas une colonie de peuplades assyriennes. Quant au pays des Israélites, il le ravagea et en emmena beaucoup de prisonniers. Après que l’Assyrien eut ainsi traité les Syriens, le roi Achaz prit tout l’or des trésors royaux, tout l’argent du Temple de Dieu et les plus belles offrandes votives ; et il porta le tout à Damas et le donna au roi des Assyriens conformément à leurs conventions, puis, l’avant assuré de toute sa reconnaissance, il revint à Jérusalem. Or, ce roi était si insensé, si incapable de comprendre son intérêt, que, même combattu par les Syriens, il ne cessa pas d’adorer leurs dieux, mais persista à les révérer comme s’ils devaient lui assurer la victoire[14]. Défait de nouveau, il se mit à honorer les dieux des Assyriens[15]. Bref, il semblait disposé à honorer tous les dieux étrangers plutôt que le Dieu de ses pères, le vrai Dieu, dont le courroux était la cause de sa défaite. Il en vint à ce point de dédain et de mépris qu’il ferma même complètement le Temple, défendit d’y offrir les sacrifices d’usage et le dépouilla des offrandes votives. Après ces offenses à Dieu, il mourut, avant vécu trente-six ans et régné seize ; il laissait son fils Ézékias pour héritier.

[13] II Rois, XVI, 7 ; II Chroniques, XXVIII, 16.

[14] Josèphe ne parle pas de l’autel qu’Achaz fit copier à Damas par Ourie (II Rois, XVI, 10-12).

[15] Rien de pareil dans la Bible. Ce qui suit, pris dans la Chronique, est en contradiction avec le récit des Rois.

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