Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE X

CHAPITRE II
Maladie d'Ézéchias ; il fait appel au prophète Isaïe ; Dieu accomplit un miracle et lui accorde quinze années de vie supplémentaires ; Ézéchias montre ses trésors au roi des Babyloniens ; à cause de cela, Isaïe prophétise l'assujettissement des rois de Juda au roi de Babylone, et la fin de sa dynastie.

Maladie d’Ézéchias ; Dieu accorde à ses prières de survivre quinze ans ; miracle à l’appui de cette promesse.

1.[1] Cependant le roi Ézéchias, délivré de ses craintes contre toute attente, offrit avec tout son peuple des sacrifices d’actions de grâce à Dieu : car quel autre secours que celui de Dieu avait pu exterminer une partie de ses ennemis et chasser les autres de Jérusalem par crainte d’une fin semblable ? Peu de temps après ce témoignage de piété parfaite et de zèle empressé envers Dieu[2], il tomba gravement malade et fut condamné par ses médecins ; ses amis eux-mêmes s’attendaient au pire. A la maladie s’ajoutait un profond découragement, car le roi songeait qu’il n’avait point d’enfants et qu’il allait mourir laissant sa maison et son trône sans successeur légitime[3]. Torturé par ce souci, il gémissait et suppliait Dieu de lui accorder encore un peu de vie jusqu’à ce qu’il eut procréé des enfants et de ne pas permettre qu’il rendit l’âme avant d’être devenu père. Dieu eut pitié du roi et exauça son souhait, parce que, si celui-ci s’affligeait au pressentiment de sa mort et implorait la faveur d’un délai, ce n’était pas chagrin d’être bientôt privé des délices de la royauté, mais désir d’avoir des enfants qui hériteraient de son pouvoir : il ordonna donc au prophète Isaïe d’aller lui dire qu’il relèverait de maladie au bout de trois jours, qu’il vivrait encore quinze ans, et qu’il verrait naître des enfants de lui. Tel fut le message que le prophète remplit par ordre de Dieu. Cependant le roi, que la violence de sa maladie et l’invraisemblance de cette promesse rendaient incrédule, pria Isaïe de produire quelque signe miraculeux, quelque prodige qui lui inspirât confiance en ses paroles et en sa mission divine : car les choses extraordinaires et qui passent l’espérance s’attestent par des faits de même ordre. Comme Isaïe lui demandait quel signe il désirait voir apparaître, il le pria de faire en sorte que le soleil qui, déjà incliné de dix degrés[4], avait répandu l’ombre dans la maison, rétrogradât à son point de départ de manière à (y ramener la lumière ?)[5]. Alors le prophète pria Dieu de montrer ce signe au roi, et celui-ci, ayant vu ce qu’il avait désiré, et guéri soudain de son mal, monta au Temple, se prosterna devant Dieu et lui adressa des prières[6].

[1] II Rois, XX, 1 ; II Chroniques, XXXII, 23-24 ; Isaïe, XXXVIII, 1.

[2] D’après la Bible (Rois, XX, 6), il semble que cet épisode se place avant et non après l’invasion de Sennachérib.

[3] Ce souci d’Ézéchias, inconnu à la Bible, est l’écho d’une tradition que connaît également le Talmud (Berakkot, 10 a) : Ézéchias est condamné à mort, d’après II Rois, XX, 1, pour n’avoir pas accompli le précepte de la procréation.

[4] Degrés non d’un cadran solaire, mais, semble-t-il, d’un escalier (« degrés d’Achaz », dit le texte de Rois).

[5] Texte corrompu.

[6] Josèphe supprime le remède du gâteau de figues.

Ambassade du roi de Babylone à Ézéchias ; celui-ci lui montre ses trésors ; Isaïe prophétise la ruine de la dynastie de Juda.

2.[7] Sur ces entrefaites, il advint que l’empire des assyriens fut ruiné par les Mèdes, événement dont je traiterai ailleurs[8]. Cependant le roi des Babyloniens, Baladas[9], envoya à Ézéchias des ambassadeurs chargés de présents pour solliciter son alliance et son amitié. Le roi, après avoir bien reçu et traité les envoyés, leur montra ses trésors, ses magasins d’armes et toutes ses richesses en pierres précieuses et en or ; il leur confia des présents pour Baladas[10], et les renvoya chez celui-ci. Alors le prophète Isaïe vint le trouver et s’informa d’où venaient ces visiteurs ; le roi répondit qu’ils étaient venus de Babylone, au nom de leur maître, et qu’il leur avait tout montré afin que, ayant vu sa richesse, et, d’après cela, conjecturé sa puissance, ils pussent en faire rapport au roi. Mais le prophète lui répliqua : « Sache que, dans peu de temps, toute cette richesse qui est à toi sera transférée à Babylone, que tes descendants, faits eunuques et privés de leur virilité, serviront le roi de Babylone. » Car telle était, disait-il, la prédiction de Dieu. Consterné de ces paroles, Ézéchias déclara qu’il eut souhaité voir épargner de telles calamités à son peuple, mais, puisqu’il n’était pas possible de modifier les décrets de Dieu, il le priait du moins de lui accorder la paix tout le temps qu’il vivrait. Bérose mentionne aussi le roi des Babyloniens, Baladas[11]. Ce prophète étant reconnu de tous comme inspiré de Dieu et merveilleusement véridique, sûr de n’avoir jamais rien dit de mensonger, a laissé toutes ses prophéties consignées en des livres, afin que les générations ultérieures vissent comment les événements les avaient confirmées. Et il ne fut pas le seul à en user de la sorte ; d’autres, prophètes encore, au nombre de douze, ont fait de même, et tout ce qui nous advient d’heureux ou de fâcheux s’accomplit conformément à leur prophétie. Mais nous aurons à reparler de chacun d’eux en particulier.

[7] II Rois, XX, 12 ; Isaïe, XXXIX, 1.

[8] On ne voit pas où.

[9] Rois : Berodac-Baladan ; Isaïe : Mérodac-Baladan ; LXX : Μαροιδάχ Βαλαδάν.

[10] La Bible ne parle pas de présents.

[11] C’est le fr. 13 de Müller ; cf. fr. 12 (Polyhistor cité par Eusèbe), qu’on rapporte également à Bérose.

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