Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XIII

CHAPITRE V
Jonathan envoie des renforts à Démétrius ; le peuple d'Antioche s'insurge contre Démétrius, la révolte est matée grâce aux soldats Juifs ; par la suite, Tryphon, un ancien général d'Alexandre, défait Démétrius ; le jeune Antiochus Dionysos prend le pouvoir et s'allie à Jonathan ; Jonathan fait amitié avec les habitants de Gaza après un siège de leur ville ; il vainc les généraux de Démétrius à Asor ; il renouvelle l'amitié avec Rome et Sparte ; nouvelle victoire sur les généraux de Démétrius ; prise de Jopé ; il forme le projet de restaurer les murailles de Jérusalem, de reconstruire la partie détruite de l'enceinte du Temple et de construire un autre mur au milieu de la ville.

Complot de Tryphon.

1.[1] Ces mauvaises dispositions des soldats contre Démétrius furent aperçues par un ancien général d'Alexandre, Diodotos, d'Apamée, surnommé Tryphon. Il se rendit auprès de l'Arabe Malchos[2], qui élevait le fils d'Alexandre, Antiochus, révéla à ce chef le mécontentement de l'armée à l'égard de Démétrius, et le pressa de lui confier Antiochus, voulant, disait-il, le faire roi et lui rendre le trône de son père. Malchos résista d’abord, par défiance ; beaucoup plus tard, sur les insistances prolongées de Tryphon, il se laissa convaincre et amener à ce que celui-ci lui demandait. Tels étaient les mouvements de ce côté.

[1] I Maccabées, 11, 39.40. Mais ce récit est plus abrégé que celui de Josèphe : il omet le vrai nom et la patrie de Tryphon, les hésitations de Malchos, etc.

[2] En réalité [hébreu], Iamblique, comme l'appelle Diodore (Εἰμαλκουαί Maccabées).

Jonathan aide Démétrius à réprimer la révolte d'Antioche. Défaite de Démétrius par Tryphon.

2.[3] Cependant le grand-prêtre Jonathas, désireux d'expulser les soldats établis dans la citadelle de Jérusalem avec les Juifs transfuges et apostats, et de chasser toutes les garnisons du pays, envoya à Démétrius des ambassadeurs chargés de présents pour lui demander de retirer les troupes des places fortes de Judée. Démétrius lui promit non seulement ce retrait des troupes, mais de bien plus importantes faveurs encore, une fois terminée la guerre où il était engagé[4] ; car celle-ci absorbait en ce moment ses loisirs. Il lui demanda, en outre, de lui envoyer du renfort, lui révélant la défection de ses soldats ; et Jonathas lui envoya trois mille hommes de choix.

[3] I Maccabées, 11, 41-44.

[4] Quelle guerre ? La défection des soldats de Démétrius (Maccabées, 11, 43) ne peut pas être qualifiée ainsi, et ni la révolte d'Antioche, ni celle de Tryphon n'avaient encore éclaté.

3.[5] Les habitants d'Antioche, qui détestaient Démétrius pour tout ce qu'ils avaient souffert de sa part, et lui en voulaient, de plus, de toutes les injustices commises à leur égard par son père Démétrius, guettaient l'occasion de l'attaquer. A la nouvelle de l'arrivée des renforts que lui envoyait Jonathas, ils comprirent que le roi allait réunir une armée considérable s'ils ne se hâtaient de le prévenir ; ils prirent donc les armes, cernèrent son palais comme dans un siège, et, maîtres des issues, cherchèrent à s'emparer de sa personne. Démétrius, voyant le peuple d'Antioche insurgé contre lui et sous les armes, rassembla ses mercenaires et les Juifs envoyés par Jonathas et attaqua les habitants ; mais il fut accablé par le nombre — il y en avait plusieurs myriades — et vaincu. Quand les Juifs virent que les habitants d'Antioche l'emportaient, ils montèrent sur les toits du palais, d'où ils tirèrent sur eux ; hors d'atteinte eux-mêmes en raison de leur position, ils firent beaucoup de mal à leurs adversaires, qu'ils attaquaient d'en haut, et les repoussèrent des maisons voisines. Aussitôt ils mirent le feu à celles-ci, et la flamme s'étendant sur toute la ville, où les maisons étaient très serrées et pour la plupart bâties en bois, la ravagea tout entière. Les habitants d'Antioche, ne pouvant organiser des secours ni se rendre maîtres du feu, prirent la fuite. Les Juifs en sautant de maison en maison les poursuivirent de la façon la plus singulière. Le roi, quand il vit les habitants occupés à sauver leurs enfants et leurs femmes et pour cette raison rompant le combat, les rejoignit par d'autres ruelles, les attaqua, en tua un grand nombre et finit par les obliger à jeter leurs armes et à se rendre. Puis leur ayant pardonné leur audacieuse agression, il arrêta la révolte. Après avoir récompensé les Juifs avec le produit du butin et les avoir remerciés comme les principaux auteurs de sa victoire, il les renvoya vers Jonathas, à Jérusalem, avec ses remerciements pour l'aide reçue. Plus tard cependant il se montra fourbe à l'égard du grand-prêtre, manqua à ses promesses et le menaça de la guerre s'il ne s'acquittait de tous les tributs que le peuple juif payait aux premiers rois. Et il aurait accompli sa menace si Tryphon ne l'en avait empêché en l'obligeant de consacrer à sa propre sûreté les préparatifs faits contre Jonathas. Revenu, en effet, d'Arabie en Syrie avec le jeune Antiochus, qui était encore un enfant, il lui fit ceindre le diadème. Toutes les troupes qui avaient abandonné Démétrius, parce qu'il ne payait pas de solde, se rallièrent à Tryphon ; il fit la guerre à Démétrius, l'attaqua, le vainquit en bataille rangée et s'empara de ses éléphants ainsi que de la ville d'Antioche.

[5] I Maccabées, 11, 45-56. Ici encore le récit de Josèphe est plus développé : la manœuvre des toits, la réclamation des tributs juifs manquent dans Maccabées.

Jonathan s'allie avec Antiochus Dionysos.

4.[6] Démétrius battu se retira en Cilicie[7]. Le jeune Antiochus envoya à Jonathas des ambassadeurs avec une lettre, en fit son ami et son allié, lui confirma la grande-prêtrise et évacua quatre districts[8] qui avaient été réunis au territoire des Juifs. Il envoya encore à Jonathas, en lui permettant de s'en servir, des vases d'or, des coupes, un vêtement de pourpre, lui fit présent d'une agrafe d'or et l'autorisa à se compter parmi ses premiers amis, Il nomma Simon, frère de Jonathas, gouverneur de la côte depuis l'échelle des Tyriens[9] jusqu'à l’Égypte. Jonathas, heureux des avances que lui faisait Antiochus, lui envoya, ainsi qu'à Tryphon, des ambassadeurs, se déclara son ami et son allié, prêt à combattre avec lui contre Démétrius ; il rappela que celui-ci ne lui avait pas su gré de tous les services qu'il avait reçus de lui dans le besoin, et n'avait répondu que par l'injustice aux bienfaits.

[6] I Maccabées, 11, 57-59.

[7] Renseignement spécial à Josèphe.

[8] Nous n'en avons vu mentionner que trois, plus haut dans la lettre du roi Démétrius à son père. Josèphe parait avoir mal compris Maccabées, 11, 57 : καθίστημί σε ἐπὶ τῶν τεσσάρων νομῶν, où la Judée est sans doute comprise dans le chiffre de 4.

[9] Cap situé entre Tyr et Ptolémaïs.

Il soumet Gaza et s'empare de Bethsoura.

5.[10] Antiochus l'ayant autorisé à lever une armée considérable en Syrie et en Phénicie pour combattre les généraux de Démétrius, Jonathas marcha sans tarder sur les villes de ces provinces. Elles le reçurent magnifiquement, mais ne lui donnèrent pas de troupes[11]. De là, il se rendit à Ascalon, et les habitants étant venus à sa rencontre avec des démonstrations d’amitié et des présents, il les exhorta, ainsi que chacune des villes de Cœlé-Syrie, à quitter Démétrius pour se rallier à Antiochus et combattre avec lui afin d'essayer de se venger sur Démétrius des injustices qu'il leur avait faites ; car elles avaient bien des raisons pour prendre ce parti. Après avoir décidé les villes[12] à convenir de s'allier à Antiochus, il se rendit à Gaza pour gagner aussi les habitants à la cause d’Antiochus. Mais il les trouva beaucoup plus hostiles qu'il ne s'y attendait : ils lui fermèrent leurs portes, et, tout en abandonnant Démétrius, refusèrent de se rallier à Antiochus. Cette attitude détermina Jonathas à faire le siège de la ville et à ravager le territoire ayant donc établi une partie de ses troupes autour de Gaza, il alla lui-même avec le reste dévaster et incendier la campagne. Les habitants de Gaza voyant les maux dont ils souffraient sans qu'aucun secours leur vint de Démétrius, considérant d'ailleurs que les inconvénients de leur attitude étaient bien actuels tandis que le profit en était fort éloigné et incertain, jugèrent sage de renoncer au rêve pour remédier à la réalité. Ils envoyèrent donc assurer Jonathas de leur amitié et de leur alliance ; car les hommes, avant d'avoir fait l'expérience du malheur, ne comprennent pas leur intérêt ; puis lorsqu'ils se trouvent dans une mauvaise situation, changeant d'avis, ils prennent, une fois éprouvés, le parti auquel ils auraient pu, sans ressentir le moindre dommage, s'arrêter d'abord. Jonathas fit donc amitié avec les habitants de Gaza et prit des otages qu'il envoya à Jérusalem ; lui-même s'enfonça dans le pays jusqu'à Damas.

[10] I Maccabées, 11, 60-62. Le récit de Josèphe, plus délayé, ne renferme guère de faits précis nouveaux.

[11] Rien de pareil dans Maccabées.

[12] Si Jonathan a gagné « les villes », la résistance de Gaza devient inexplicable.

6.[13] Il apprit bientôt que les généraux de Démétrius s'avançaient avec une nombreuse armée vers Kédasa, ville située entre le territoire de Tyr et la Galilée[14] ; ils pensaient, en effet, l'attirer de Syrie en Galilée pour secourir cette province, persuadés qu'il ne resterait pas indifférent à une attaque contre les Galiléens qui dépendaient de lui[15]. Il marcha à leur rencontre, laissant en Judée son frère Simon. Celui-ci leva aussi dans le pays une armée aussi forte que possible et alla mettre le siège devant Bethsoura, place très forte de Judée qu'occupait une garnison de Démétrius, comme nous l'avons dit plus haut[16]. Simon éleva des terrassements, dressa des machines, et mena si énergiquement les préparatifs du siège de Bethsoura que la garnison craignant, si le bourg était enlevé de force, d'être passée au fil de l'épée, lui fit proposer, moyennant le serment de ne pas être inquiétée, d'abandonner la place et de se retirer auprès de Démétrius. Simon leur donna l'assurance demandée, les fit sortir de la ville et y plaça lui-même une garnison.

[13] I Maccabées, 11, 63-68. Ici encore Josèphe enjolive.

[14] Kédès, dans la tribu de Nephtali, au N. O. du lac de Mérom.

[15] Anachronisme.

[16] Supra, § 42.

Sa victoire sur les généraux de Démétrius à Asor.

7.[17] Jonathas, parti de Galilée, des bords du lac dit de Génésara, où il campait alors, s'avança jusqu'à la plaine nommée Asôr[18], ignorant que les ennemis s'y trouvaient. Informés, un jour à l'avance, que Jonathas allait marcher de leur côté, les généraux de Démétrius placèrent une embuscade dans la montagne, et eux-mêmes avec leur armée vinrent à sa rencontre dans la plaine. Jonathan les voyant prêts au combat prépara, comme il put, ses propres soldats à la bataille. Mais les troupes postées en embuscade par les généraux de Démétrius survinrent sur les derrières des Juifs, et ceux-ci, dans la crainte de périr enveloppés, prirent la fuite. Presque tous abandonnèrent Jonathas ; quelques-uns seulement, au nombre d'environ cinquante[19], restèrent, avec Mattathias, fils d'Absalomos, et Judas, fils de Chapsaios[20], qui étaient les chefs de toute l'armée ; avec l'intrépidité et l'audace du désespoir, ils s'élancèrent sur les ennemis, les effrayèrent par leur hardiesse, et par leur vigueur les mirent en fuite. Lorsque les soldats de Jonathas qui avaient fait retraite virent l'ennemi en déroute, ils se rallièrent, se mirent à sa poursuite et poussèrent ainsi jusqu'à Kédasa, où se trouvait le camp des ennemis. Jonathas, après cette brillante victoire où il tua deux mille[21] ennemis, revint à Jérusalem.

[17] I Maccabées, 11, 67-74.

[18] Ou Hazor, Juges, IV, 2, etc., à l'O. du lac de Mérom et tout près de Kédès.

[19] Maccabées, 11, 70, dit qu'il ne resta que les deux chefs, pas un de plus. Josèphe rationalise et, chose plus curieuse, supprime la prière caractéristique de Jonathan.

[20] Χαλφί dans Maccabées.

[21] Trois mille d'après Maccabées.

Renouvellement de l’alliance avec Rome et Sparte.

8.[22] Voyant que, par la providence divine, tout lui réussissait, il envoya des ambassadeurs aux Romains pour renouveler l'amitié que son peuple avait faite auparavant avec eux. Il ordonna à ces mêmes ambassadeurs, en revenant de Rome, de se rendre auprès des Spartiates et de leur rappeler l'amitié et la parenté qui les liaient aux Juifs. Les ambassadeurs, arrivés à Rome, se présentèrent devant le Sénat et déclarèrent qu'ils venaient de la part du grand-prêtre Jonathas, pour resserrer l'alliance ancienne ; le Sénat confirma ses décisions précédentes relatives à l'amitié avec les Juifs, et leur donna des lettres pour tous les rois d'Asie et d'Europe et pour les magistrats des villes, qui devaient leur servir de sauf-conduit jusqu'à leur patrie. Ils repartirent donc et allèrent à Sparte, où ils remirent la lettre que leur avait donnée Jonathas. En voici la copie : « Jonathas, grand-prêtre du peuple des Juifs, l'assemblée des anciens et la communauté juive[23], aux éphores, à la gérousie et au peuple des Lacédémoniens, leurs frères, salut. Si vous êtes en bonne santé, si vos affaires publiques et privées vont à votre gré, c'est tout ce que nous souhaitons ; nous-mêmes nous allons bien. Jadis, quand Démotélès apporta à notre grand-prêtre Onias de la part de votre roi Areios une lettre sur la parenté qui nous unit à vous, — lettre dont la copie se trouve ci-dessous[24] — nous l'avons reçue avec joie et avons témoigné nos bonnes dispositions à Démotélès et à Areios ; nous n'avions cependant pas besoin de cette démonstration, car le fait nous était appris par nos livres saints[25]. Nous n'avons pas voulu prendre l'initiative de cette reconnaissance, pour ne pas paraître courir après la gloire que nous recevrions de vous. Bien des années se sont écoulées depuis le jour où fut proclamée à nouveau (?) la parenté qui nous unit dès l'origine[26], et toujours, dans nos fêtes sacrées et nos anniversaires, en offrant à Dieu des sacrifices, nous le prions pour qu'il vous donne la sécurité et la victoire. Nous avons eu à soutenir bien des guerres nées de la convoitise de nos voisins ; mais nous n’avons voulu être un embarras ni pour vous ni pour aucun de nos parents. Cependant après avoir battu nos ennemis, comme nous envoyions aux Romains Nouménios, fils d'Antiochus, et Antipater, fils de Jason, qui sont des hommes honorés appartenant à notre Sénat, nous leur avons aussi donné des lettres pour vous, afin de renouveler l'amitié qui nous unit ensemble. Vous ferez donc bien de nous écrire de votre côté et de nous mander ce que vous pourriez désirer, assurés que nous sommes prêts à agir conformément à vos souhaits. » Les Lacédémoniens firent un cordial accueil aux envoyés, rendirent un décret d'alliance et d'amitié, et l'envoyèrent aux Juifs[27].

[22] I Maccabées, 12, 1-18 (les versets 19-23 renferment le texte de l'ancienne lettre d'Areios = Josèphe, livre XII, iv, 10).

[23] La plupart des mss. ont ἱερέων, « le corps des prêtres ». Dans Maccabées, 12, 8, figurent à la fois les prêtres et le reste du peuple.

[24] Voir livre XII, IV, 10.

[25] Josèphe a mal compris Maccabées, 12, 9, où il est dit simplement que les Juifs n'ont pas besoin de l'alliance des Spartiates parce qu'ils trouvent une consolation suffisante (παράκλησιν) dans leurs livres saints.

[26] Texte altéré (ni ἀναποληθείσης ni ἀναπληρωθείσης ne donnent un sens satisfaisant). Maccabées, 12, 10, dit simplement : « beaucoup d'années se sont passées depuis que vous avez député vers nous ».

[27] Ceci est ajouté par Josèphe.

Sectes juives.

9.[28] A cette époque, il y avait parmi les Juifs trois sectes qui professaient chacune une doctrine différente sur les affaires humaines : l'une était celle des Pharisiens, l'autre celle des Sadducéens, la troisième celle des Esséniens. Les Pharisiens disent que certaines choses, mais non pas toutes, sont fixées par le destin et que l'accomplissement ou le non accomplissement de certaines autres dépend de notre propre volonté. Les Esséniens déclarent que le destin est maître de tout et que rien n'arrive aux hommes qui n'ait été décrété par lui. Les Sadducéens mettent de côté le destin, estimant qu'il n'existe pas et qu'il ne joue aucun rôle dans les affaires humaines, que tout dépend de nous-mêmes, en sorte que nous sommes la cause du bien qui nous arrive, et que, pour les maux, notre seule imprudence nous les attire. Mais sur ce sujet j'ai donné d'assez exacts éclaircissements dans le second livre de mon histoire judaïque[29].

[28] On ne comprend pas ce que vient faire ici ce hors-d'œuvre que Josèphe a tiré de son cru. Ici comme ailleurs il transforme en écoles philosophiques à la grecque les sectes religieuses des Juifs, qui avaient un tout autre caractère.

[29] Guerre, II, VIII. Remarquer l'expression Ἰουδαικὴ πραγματεία pour désigner cet ouvrage.

Nouvelle victoire de Jonathan. Prise de Jopé.

10.[30] Les généraux de Démétrius, voulant prendre leur revanche de leur défaite, rassemblèrent une armée plus considérable que la première et marchèrent contre Jonathas. Lorsque celui-ci apprit leur approche, il se porta rapidement à leur rencontre dans le pays d'Hamath[31] ; il ne voulait pas en effet leur laisser le temps d'envahir la Judée. Il campa à cinquante stades des ennemis, et envoya des éclaireurs pour reconnaître leur situation et comment ils étaient campés. Ces éclaireurs lui donnèrent tous les renseignements et firent des prisonniers qui avouèrent que l'ennemi devait pendant la nuit[32] attaquer les Juifs. Jonathas prévenu se tint sur ses gardes, mit des avant-postes hors du camp et tint tous ses soldats sous les armes pendant la nuit entière ; il les exhorta à se montrer courageux et à se tenir prêts à combattre au besoin de nuit, afin que le projet de l'ennemi ne les surprit pas. Les généraux de Démétrius, ayant su que Jonathas connaissait leur dessein, perdirent leur assurance, et furent troublés à la pensée qu'ils avaient été déjoués par l'ennemi ; il n'y avait plus à espérer de pouvoir le vaincre d'une autre manière, leur ruse ayant échoué ; car en bataille rangée, ils ne croyaient pas être de force à lutter contre Jonathas. Ils résolurent donc de s'enfuir, et, après avoir allumé de nombreux feux, dont la vue persuaderait à l'ennemi qu'ils étaient toujours là, ils battirent en retraite. Jonathas vers le matin, s'étant approché de leur camp et le trouvant désert, comprit qu'ils fuyaient et se mit à leur poursuite. Mais il ne put les atteindre, car ils avaient déjà traversé le fleuve Eleuthéros[33] et se trouvaient en sûreté. Il revint donc sur ses pas jusqu'en Arabie, guerroya contre les Nabatéens[34], fit sur eux un butin considérable et des prisonniers, et alla à Damas où il vendit tout[35]. Pendant ce temps, son frère Simon parcourut toute la Judée et la Palestine[36] jusqu'à Ascalon, assurant la défense des places qu'il renforça par des travaux et l'établissement de postes ; il marcha ensuite sur Jopé, l'occupa et y plaça une forte garnison ; il avait appris, en effet, que les habitants voulaient livrer la ville aux généraux de Démétrius.

[30] I Maccabées, 12, 24-34.

[31] Ramath (Épiphanie), sur le haut Oronte. Il n'est pas probable que Jonathan se fût avancé si loin.

[32] Le mot νυκτός doit être déplacé.

[33] Le Nahr el Kebir.

[34] Ζαβεδαίους Maccabées. Peut-être Βαταναίους ?

[35] Singulier détail, ajouté par Josèphe.

[36] C'est-à-dire le pays des Philistins.

Restauration des murs de Jérusalem. Captivité de Démétrius.

11.[37] Après ces opérations, Simon et Jonathas revinrent à Jérusalem. Jonathas réunit tout le peuple dans le Temple, et mit en délibération le projet de restaurer les murailles de Jérusalem, de reconstruire la partie détruite de l'enceinte du Temple, et d'en défendre les abords par des tours élevées ; de plus, il proposa de construire un autre mur au milieu de la ville, pour couper les arrivages à la garnison de la citadelle, et l'empêcher ainsi de se ravitailler ; enfin, de fortifier les postes du pays et de les rendre beaucoup plus sûrs encore qu’ils ne l'étaient. Le peuple approuva ces plans ; Jonathas s'occupa alors lui-même des constructions dans la ville, et envoya Simon pour fortifier les places de la campagne. Démétrius cependant, ayant traversé (l'Euphrate), vint en Mésopotamie avec l'intention de s'en emparer ainsi que de Babylone, et, une fois maître des satrapies de l'intérieur, de partir de là pour recouvrer tout son royaume. En effet, les Grecs et les Macédoniens qui habitaient ces contrées lui envoyaient constamment des ambassades, promettant, s'il venait chez eux, de lui faire leur soumission, et de combattre avec lui Arsace, roi des Parthes. Exalté par ces espérances, il se dirigea de leur côté, dans l'intention, s'il battait les Parthes et réunissait des forces suffisantes, de s'attaquer à Tryphon et de le chasser de Syrie. Reçu avec empressement par les habitants du pays, il réunit des troupes et attaqua Arsace ; mais il perdit toute son armée et fut lui-même pris vivant, comme on l'a raconté ailleurs[38].

[37] I Maccabées, 12, 35-38. Les passages, relatifs à la campagne de Démétrius contre les Parthes, proviennent d'une autre source.

[38] Pas dans cet ouvrage.

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