Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XX

CHAPITRE I
Cuspius Fadus procurateur de Judée ; il purge la Judée des brigands ; il veut récupérer les vêtements du grand-prêtre et les mettre dans la tour Antonia ; les Juifs en appellent à l'empereur Claude et obtiennent gain de cause pour garder les vêtements sacerdotaux ; Hérode, frère d'Agrippa, destitue Canthéras de la grande-prêtrise au profit de Joseph.

Le procurateur Cuspius Fadus rétablit l'ordre en Judée. Affaire des vêtements du grand-prêtre.

1. Quand le roi Agrippa fut mort, comme nous l'avons raconté dans le livre précédent, l'empereur Claude envoya Cassius Longinus[1] pour succéder à Marsus, rendant ainsi un hommage à la mémoire du roi, qui, de son vivant, lui avait demandé, par de nombreuses lettres, que Marsus ne présidât plus aux affaires de Syrie. Fadus, arrivé comme procurateur en Judée, trouva les Juifs de Pérée en lutte contre les Philadelphiens au sujet des limites d'un bourg appelé Zia[2] qui était plein de gens belliqueux. Les gens de Pérée avaient pris les armes contre l'avis de leurs chefs et avaient tué de nombreux Philadelphiens[3]. En apprenant cela Fadus fut très irrité qu'ils ne lui eussent pas laissé le soin de décider s'ils étaient lésés par les Philadelphiens et qu'ils n'eussent pas craint de courir aux armes. Il s'empara donc de trois de leurs notables qui étaient aussi responsables de la révolte et les fit enchaîner. Ensuite il fit tuer l'un d'eux, nommé Annibal, et punit de l'exil les deux autres, Amaram et Eléaziar. Il fit aussi périr Tholomaios, chef de brigands qui, peu après lui fut amené enchaîné et qui avait causé les plus plus grands maux à l'Idumée et aux Arabes. A partir de ce moment la Judée fut entièrement purgée de brigands, grâce au zèle et à la prudence de Fadus. Celui-ci fit alors venir les grands-pontifes et les premiers de Jérusalem et les invita à déposer dans la tour Antonia les vêtements sacrés et la robe pontificale que la coutume permettait au seul grand-prêtre de revêtir, pour qu'ils y fussent comme auparavant[4] au pouvoir des Romains. N'osant pas résister, ils supplièrent pourtant Fadus et Longinus : ce dernier était aussi venu à Jérusalem en amenant de grandes forces, parce qu'il craignait que les ordres de Fadus ne missent le peuple juif en humeur de se révolter. Ils leur demandèrent d'abord de leur permettre d'envoyer à l'empereur des délégués pour obtenir de garder la robe sacrée en leur pouvoir, ensuite d'attendre jusqu'à ce qu'ils connussent la décision prise par Claude à ce sujet. Les Romains répondirent qu'ils leur permettraient d'envoyer des délégués s'ils donnaient leurs enfants en otages. Les autres acceptèrent avec empressement et remirent les otages. Les délégués furent donc envoyés. A leur arrivée à Rome, Agrippa le Jeune, fils du roi défunt, qui se trouvait alors chez l'empereur Claude, comme nous l'avons dit précédemment, apprit la cause de leur venue : il pria l'empereur d'accorder aux Juifs ce qu'ils demandaient touchant les vêtements sacerdotaux et d'envoyer à Fadus des ordres à ce sujet.

[1] C. Cassius Longinus, célèbre jurisconsulte, fut consul suffect en 30, proconsul d'Asie en 40, gouverneur de Syrie de 45 à 50, exilé en Sardaigne sous Néron et mourut sous Vespasien.

[2] Zia (dans les mss. Mia) est à l'E. de Philadelphie (Schürer, I, p. 191).

[3] Philadelphie, l'ancienne Habbath-Ammon, à environ 50 kilomètres de la Mer Morte, aujourd'hui Amman, capitale de la Transjordanie.

[4] Cf. XVIII, 90-95.

Rescrit de Claude à Fadus.

2. Claude manda donc les délégués et leur dit qu'il le leur accordait, en les invitant, à en savoir gré à Agrippa, à la demande duquel il avait accédé. Outre cette réponse il leur donna la lettre suivante :

« Claude César Germanicus, investi de la puissance tribunitienne pour la cinquième fois, consul désigné pour la quatrième, salué imperator pour la dixième, père de la patrie, aux magistrats, au sénat, au peuple de Jérusalem et à toute la nation des Juifs, salut. Mon cher Agrippa, que j'ai moi-même élevé et que je garde avec moi en raison de sa piété, m'a présenté vos délégués qui m'ont remercié pour ma sollicitude envers votre peuple : comme ils m'ont demandé instamment et à l'envi de laisser les vêtements sacerdotaux et la couronne en votre possession, je vous l'accorde, selon les dispositions prises par Vitellius, homme éminent et très estimé de moi. Si j'ai déféré à votre désir, c'est d'abord à cause de ma piété et de mon désir de voir chacun observer ses rites nationaux, ensuite parce que je sais qu'en agissant ainsi je ferai grand plaisir également au roi Hérode et à Aristobule le Jeune dont je connais la piété envers moi et le zèle envers vous, et à l'égard de qui j'ai beaucoup de devoirs d'amitié, puisque ce sont des gens éminents que j'estime. J'ai écrit également à ce sujet à Cuspius Fadus, mon procurateur. Noms des porteurs de la lettre : Cornelius fils de Céron, Tryphon fils de Theudion, Dorothée fils de Nathanaiël, Jean fils de Jean. Écrit, le quatrième jour avant les calendes de juillet, sous le consulat de Rufus et de Pornpeius Silanus. »[5]

[5] 28 juin 45 (Rufus et Pompeius Silanus, consules suffecti).

3. Hérode, frère du feu roi Agrippa, à qui était confié à ce moment le gouvernement de Chalcis, demanda aussi à d'empereur Claude la libre disposition du Temple, du trésor sacré et le choix des grands pontifes, et il obtint tout cela. Désormais ce pouvoir appartint à tous ses descendants et leur resta jusqu'à la fin de la guerre. Alors Hérode destitua du grand-pontificat celui qu'on surnommait Canthéras et lui donna comme successeur dans cette dignité Joseph fils de Cami.

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