Contre Apion - Flavius Josèphe

LIVRE II

CHAPITRE III

Il voudrait faire croire que les Juifs sont de race égyptienne.

(28) Voilà sur Moïse et les Juifs chassés d'Égypte les nouveautés imaginées par l'Égyptien Apion, en contradiction avec les autres auteurs. Faut-il d'ailleurs s'étonner qu'il mente sur nos aïeux et dise qu'ils étaient Égyptiens de race ? (29) Car lui-même a fait sur son propre compte le mensonge inverse : né dans l'oasis d'Égypte, et plus Égyptien qu'aucun autre[1], pourrait-on dire, il a renié sa vraie patrie et sa race, et, quand il se donne faussement comme Alexandrin, il avoue l'ignominie de sa race. (30) Il est donc naturel qu'il appelle Égyptiens les gens qu'il déteste et veut insulter. En effet, s'il n'avait pas eu le plus grand mépris pour les Égyptiens, il ne se serait pas évadé lui-même de cette race : les hommes fiers de leur patrie se flattent d'en être appelés citoyens et attaquent ceux qui s'arrogent sans droit ce titre. (31) A notre égard les Égyptiens ont l'un de ces deux sentiments : ou ils imaginent une parenté avec nous pour en tirer gloire, ou ils nous attirent à eux pour nous faire partager leur mauvaise réputation. (32) Quant au noble Apion, il semble vouloir par ses calomnies contre nous payer aux Alexandrins le droit de cité qu'il a reçu d'eux, et, connaissant leur haine pour les Juifs qui habitent Alexandrie avec eux, il s'est proposé d'injurier ceux-là, et d'envelopper dans ses invectives tous les autres Juifs, mentant avec impudence sur les uns et les autres[2].

[1] Willrich (Juden und Griechen vor der makkabaïchen Erhebung, p. 176) signale une contradiction entre ce texte et le § 48 où il serait question des ancêtres Macédoniens d'Apion&nsp;; mais dans ce dernier §, le mot [grec] est probablement interpolé (Naber).

[2] Il n'y a aucune raison de mettre on doute l'assertion de Josèphe suivant laquelle Apion serait né dans l'oasis d'Égypte, c'est-à-dire dans une des deux grandes oasis qui formaient des nomes particuliers (Ptol., IV, 5, 61). Mais il n'en résulte pas nécessairement, comme le veut Josèphe, qu'il fût de race égyptienne, ni même, comme celui-ci l'insinue plus loin (§§ 32 et 41), qu'Apion ne dût la qualité d'Alexandrin qu'à la naturalisation personnelle. Nous savons par les papyrus que beaucoup de Grecs habitant les nomes de province jouissaient du droit de cité alexandrine, soit qu'ils fussent d'origine alexandrine, soit que leurs ancêtres eussent été naturalisés alexandrins. Sur cette question voir, outre le livre cité de Willrich, Isidore Lévy, Rev. Et. juives, XLI (1900), p. 188 suiv. ; Wilcken, Grundzüge, p. 46 ; Schubart, Archiv f. Papyruskunde, V, 105 ; Jouguet, Vie municipale, p. 10, 95.

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