Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 1
Depuis le soulèvement des Macchabées jusqu'à la mort d'Hérode (167–4 av. J.-C)

CHAPITRE 14
Hérode, repoussé par le roi des Arabes Malichos, traverse l'Égypte et Rhodes et se rend à Rome. Antoine fait déclarer Hérode roi des Juifs par le Sénat.

1.[1] Cependant Hérode hâtait sa marche vers l'Arabie, croyant son frère encore vivant et pressé d'obtenir de l'argent du roi, seul moyen de sauver Phasaël en flattant la cupidité des Barbares. Au cas ou l'Arabe, oubliant l'amitié qui l'unissait au père d'Hérode, lui refuserait par avarice un présent, il comptait du moins se faire payer le prix de la rançon, en laissant comme otage le fils du prisonnier ; car il emmenait avec lui son neveu, enfant de sept ans. Il était d'ailleurs prêt à donner jusqu'à trois cents talents, en invoquant la caution des Tyriens qui s'offraient. Mais la destinée prévint son zèle, et la mort de Phasaël rendit vaine l'affection fraternelle d'Hérode. Au reste, il ne trouva pas chez les Arabes d'amitié durable. Leur roi Malichos envoya au plus vite des messagers pour lui enjoindre de quitter son territoire, sous prétexte que les Parthes lui avaient mandé par héraut d'expulser Hérode de l'Arabie : en fait, il préférait ne pas s'acquitter des obligations qu'il avait contractées envers Antipater et se refusait décidément à fournir, en échange de tant de bienfaits, la moindre somme à ses fils malheureux. Ceux qui lui conseillèrent cette impudente conduite voulaient également détourner les dépôts confiés à eux par Antipater, et c'étaient les personnages les plus considérables de sa cour.

[1] Sections 1-4 Ant., XIV, 14, 1-5.

2. Hérode, trouvant les Arabes hostiles pour les raisons mêmes qui lui avaient fait espérer leur dévouement, donna aux envoyés la réponse que lui dicta sa colère et se détourna vers l'Égypte. Le premier soir, il campa dans un temple indigène, où il rallia ceux de ses compagnons qu'il avait laissés en arrière ; le lendemain, il parvint à Rhinocouroura et y reçut la nouvelle de la mort de son frère. Il accorda le temps nécessaire à sa douleur, puis, secouant ses préoccupations[2], reprit sa marche. Le roi des Arabes, se repentant un peu tard, envoya en hâte des messagers pour rappeler celui qu'il avait offensé. Mais Hérode, les devançant, était déjà arrivé à Péluse. Là il se vit refuser le trajet par les navires qui stationnaient dans le port. Il alla donc trouver les commandants de la place, qui, en considération de sa renommée et de sa valeur, l'accompagnèrent jusqu'à Alexandrie. Arrivé dans cette ville, Cléopâtre le reçut avec éclat, espérant lui confier le commandement d'une expédition qu'elle préparait : mais il éluda les offres de la reine et, sans considérer la rigueur de l'hiver ni les troubles d'Italie. il s'embarqua pour Rome.

[2] Texte altéré.

3. Il faillit faire naufrage sur les côtes de Pamphylie ; à grand'peine, après avoir jeté la plus grande partie de la cargaison, il put trouver un refuge dans l'île de Rhodes, fortement éprouvée par la guerre contre Cassius. Accueilli par ses amis Ptolémée et Sapphinias, il se fit construire[3], malgré son dénuement, une très grande trirème. C'est sur ce bâtiment qu'il se rendit avec ses amis à Brindes, d'où il se hâta vers Rome. Il alla d'abord voir Antoine, confiant dans l'amitié qui l'unissait à son propre père ; il lui raconta ses malheurs et ceux de sa famille, et comment il avait laissé ses plus chers amis assiégés dans une citadelle, pour traverser la mer en plein hiver et venir se jeter à ses pieds.

[3] Ou plutôt équiper (Ant., § 378).

Antoine fait déclarer Hérode roi des Juifs par le Sénat.

4. Antoine fut touché de compassion au récit de ces vicissitudes ; le souvenir de la généreuse hospitalité d'Antipater, et, en général, le mérite du suppliant lui-même lui inspirèrent la résolution d'établir roi des Juifs celui qu'il avait auparavant lui-même fait tétrarque. Autant que son estime pour Hérode, il écouta sa haine contre Antigone, qu'il considérait comme un fauteur de troubles et un ennemi de Rome. Il trouva César encore mieux disposé que lui ; ce dernier rappelait à sa mémoire les campagnes d'Egypte, dont Antipater avait partagé les fatigues avec son père, l'hospitalité et les continuelles marques d'amitié que celui-ci en avait reçues ; il considérait aussi le caractère entreprenant d'Hérode. Il[4] rassembla donc le Sénat, auquel Messala et après lui Atratinus présentèrent Hérode : ils exposèrent les services rendus par son père, la bienveillance du fils envers les Romains et dénoncèrent l'hostilité d'Antigone ; elle s'était déjà montrée à la promptitude avec laquelle il leur avait cherché querelle, mais plus encore à ce moment même, quand il prenait le pouvoir avec l'appui des Parthes, au mépris du nom romain. A ces paroles, le Sénat s'émut, et quand Antoine s'avança pour dire qu'en vue même de la guerre contre les Parthes, il était avantageux qu'Hérode fût roi, tous votèrent dans ce sens. Le Sénat se sépara, et Antoine et César sortirent ayant Hérode entre eux ; les consuls et les autres magistrats les précédèrent au Capitole pour sacrifier et y consacrer le sénatus-consulte. Le premier jour du règne d'Hérode, Antoine lui offrit à dîner[5].

[4] On ne voit pas bien quel est le sujet du verbe Antoine ou César Octavien. Dans Ant., § 383, c'est Messala et Atratinus qui convoquent le Sénat, on ne sait à quel titre.

[5] Fin 40 av. J.-C.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant