Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 1
Depuis le soulèvement des Macchabées jusqu'à la mort d'Hérode (167–4 av. J.-C)

CHAPITRE 20
Bataille d'Actium. Hérode confirmé dans son royaume par Octavien. Services rendus par Hérode à Octavien dans la campagne d'Égypte. Son territoire agrandi. Nouveaux agrandissements (Trachonitide, etc.)

Bataille d'Actium. Hérode confirmé dans son royaume par Octavien.

1.[1] A peine ce danger disparu, il trembla bientôt pour son existence même ; et cela à cause de son amitié pour Antoine, que César venait de vaincre à Actium[2]. Il eut cependant plus de crainte que de mal ; car tant qu'Hérode restait fidèle à Antoine, César ne jugeait pas celui-ci à sa merci[3]. Cependant le roi résolut d'aller au devant du péril ; il se rendit à Rhodes, où séjournait César, et se présenta devant lui sans diadème, dans le vêtement et l'attitude d'un simple particulier, mais gardant la fierté d'un roi ; car, sans rien altérer de la vérité, il lui dit en face : « Fait loi par Antoine, César, j'avoue qu'en toute occasion j'ai cherché à le servir : je ne te cacherai même pas, que ma reconnaissance l'aurait suivi jusque sur les champs de bataille, si les Arabes ne m'en avaient empêché ; cependant je lui ai envoyé des troupes dans la mesure de mes forces et des milliers de boisseaux de blé. Même après sa défaite d'Actium, je n'ai pas abandonné mon bienfaiteur ; ne pouvant plus être un allié utile, je fus pour lui le meilleur des conseillers. Je lui représentai qu'il n'y avait qu'un seul remède à ses désastres : la mort de Cléopâtre ; elle tuée, je lui promettais mes richesses, mes remparts pour sa sûreté, mes troupes et moi-même, pour l'aider dans la guerre qu'il te faisait. Mais les charmes de Cléopâtre et Dieu qui t'accorde l'empire ont bouché ses oreilles. J'ai été vaincu avec Antoine, et quand tomba sa fortune, j'ai déposé le diadème. Je suis venu vers toi, mettant dans mon innocence l'espérance de mon salut, et présumant qu'on examinera quel ami je fus et non pas de qui je l'ai été. »

[1] Sections 1-2 Ant., XV, 6, 1 et 6-7 jusqu'au § 196. A partir de cette époque, qui est celle de la consolidation définitive de la royauté d'Hérode, le récit de Guerre s'écarte de l'ordre chronologique suivi par les Antiquités, pour adopter un ordre méthodique. Il traite successivement : 1° des agrandissements territoriaux d'Hérode (ch. XX) ; 2° de ses constructions (ch. XXI) ; 3° de ses affaires de famille (ch. XXII-XXXI) ; 4° de sa fin (ch. XXXII-XXXIII). G. Hölscher (Quellen des Josephus etc., 1904, p. 27) a cherché à montrer que cet ordre méthodique reproduit la disposition de l'ouvrage de Nicolas de Damas.

[2] 2 septembre 31 av. J.-C.

[3] Forte exagération dont il n'y a pas trace dans les Antiquités.

2. A cela César répondit : « Eh bien ! sois donc pardonné, et règne désormais plus sûrement qu'autrefois. Car tu es digne de régner sur beaucoup d'hommes, toi qui respectes l'amitié à ce point. Tâche de garder la même fidélité à ceux qui sont plus heureux ; de mon côté, la grandeur d'âme me fait concevoir les plus brillantes espérances. Antoine a bien fait d'écouter les conseils de Cléopâtre plutôt que les tiens : c'est à sa folie que je dois le gain de ton alliance. Tu inaugures déjà tes services, puisque si j'en crois une lettre de Q. Didius[4], tu lui as envoyé des secours contre les gladiateurs. Maintenant je veux par un décret public confirmer ta royauté et je m'efforcerai à l'avenir de te faire encore du bien, pour que tu ne regrettes pas Antoine. »

[4] Correction de Hudson d'après Dion au lieu de Βεντίδιος.

Services rendus par Hérode à Octavien dans la campagne d'Égypte. Son territoire agrandi.

3.[5] Ayant ainsi témoigné sa bienveillance au roi et placé le diadème sur sa tête, il confirma ce don par un décret où il faisait longuement son éloge en termes magnifiques. Hérode, après l'avoir adouci par des présents, chercha à obtenir la grâce d'Alexas, un des amis d'Antoine, venu en suppliant ; mais le ressentiment de César fut le plus fort ; les nombreux et graves griefs qu'il avait contre Alexas firent repousser cette supplique. Quand ensuite César se dirigea vers l'Égypte à travers la Syrie, Hérode le reçut en déployant pour la première fois un faste royal, il l'accompagna à cheval dans la revue que César passa de ses troupes, près de Ptolémaïs ; il lui offrit un festin à lui et à tous ses amis ; au reste de l'armée il lit faire bonne chaire de toute façon. Puis, quand les troupes s'avancèrent jusqu'à Péluse à travers une région aride, il prit soin de leur fournir l'eau en abondance, et de même au retour ; par lui, en un mot, l'armée ne manqua jamais du nécessaire. César lui-même et les soldats estimaient que le royaume d'Hérode était bien étroit, en proportion des sacrifices qu'il faisait pour eux. Aussi, lorsque César parvint en Égypte après la mort de Cléopâtre et d'Antoine, non seulement il augmenta tous les honneurs d'Hérode, mais il agrandit encore son royaume en lui rendant le territoire que Cléopâtre s'était approprié ; il y ajouta Gadara, Hippos et Samarie ; en outre, sur le littoral, Gaza, Anthédon, Joppé et la Tour de Straton. Il lui donna, enfin, pour la garde de sa personne, quatre cents Gaulois qui avaient d'abord été les satellites de Cléopâtre. Rien n'excita d'ailleurs cette générosité comme la fierté de celui qui en était l'objet.

[5] Section 3 Ant., XV, 6, 7 (depuis § 196) et 8, 3 (§ 215-217).

Nouveaux agrandissements (Trachonitide, etc.)

4.[6] Après la première période Actiaque[7], l'empereur ajouta au royaume d'Hérode la contrée appelée Trachonitide et ses voisines, la Batanée et l'Auranitide. En voici l'occasion, Zénodore, qui avait loué le domaine de Lysanias, ne cessait d'envoyer les brigands de la Trachonitide contre les habitants de Damas. Ceux-ci vinrent se plaindre auprès de Varron, gouverneur de Syrie, et le prièrent d'exposer à César leurs souffrances quand l'empereur les apprit, il répondit par l'ordre d'exterminer ce nid de brigands. Varron se mit donc en campagne, nettoya le territoire de ces bandits et en déposséda Zénodore : c'est ce territoire que César donna ensuite à Hérode, pour empêcher que les brigands n'en fissent de nouveau leur place d'armes contre Damas. Il le nomma aussi procurateur de toute la Syrie, quand, dix ans après son premier voyage, il revint dans cette province[8] ; car il défendit que les procurateurs pussent prendre aucune décision sans son conseil. Quand enfin mourut Zénodore, il donna encore à Hérode tout le territoire situé entre la Trachonitide et la Galilée. Mais ce qu'Hérode appréciait au-dessus de ces avantages, c'est qu'il venait immédiatement après Agrippa dans l'affection de César, après César dans celle d'Agrippa. Grâce à cette faveur, sa prospérité s'éleva au plus haut degré : son esprit croissait dans la même mesure et presque toute son ambition se tourna vers des œuvres de piété.

[6] Section 4 Ant., XV, 10, 1 et 3.

[7] 28-24 av. J.-C. Ce comput était sans doute destiné à remplacer celui des Olympiades.

[8] 20 av. J.-C.

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