Guerre des Juifs - Flavius Josèphe

LIVRE 2
Depuis la mort d'Hérode jusqu'au début de l'insurrection (4 av. J.-C. – 66 ap. J.-C.)

CHAPITRE 18
Massacre des Juifs à Césarée et autres lieux. Représailles des Juifs. Perfidie des Scythopolitains. Mort héroïque de Simon fils de Saül. Autres tueries. Guet-apens de Varus, régent du royaume d'Agrippa. Prise de Cypros et de Machérous. Émeute d'Alexandrie. Entrée en campagne de Cestius Gallus. Prise de Chaboulôn et de Joppé ; occupation de la Galilée.

Massacre des Juifs à Césarée et autres lieux. Représailles des Juifs.

1. Le même jour et à la même heure[1], comme par un décret de la Providence, les habitants de Césarée massacrèrent les Juifs qui vivaient parmi eux : en une heure plus de vingt mille furent égorgés, et Césarée tout entière fut vidée de Juif ; car ceux qui s'enfuyaient furent, par ordre de Florus, saisis et conduits, enchaînés, aux arsenaux maritimes. A la nouvelle du désastre de Césarée, toute la nation entra en fureur : partagés en plusieurs bandes, les Juifs saccagèrent les villages des Syriens et le territoire des cités voisines[2], Philadelphie, Hesbon, Gerasa, Poila et Scythopolis. Ils se ruèrent ensuite contre Gadara Hippos et la Gaulanitide, détruisant ou incendiant tout sur leur passage, et s'avancèrent jusqu'à Kedasa, bourgade tyrienne[3], Ptolémaïs, Gaba et Césarée. Ni Sébaste, ni Ascalon ne résistèrent à leur élan ; ils brûlèrent ces villes[4], puis rasèrent Anthédon et Gaza. Sur le territoire de chacune de ces cités, force villages furent pillés, une quantité prodigieuse d'hommes pris et égorgés.

[1] C'est-à-dire probablement le 17 Gorpiéos 66 (voir la note du chapitre précédent).

[2] L'énumération qui suit décrit un cercle autour de Sébaste. Les expéditions partirent les unes de la Pérée, les autres de la Galilée et de la Judée.

[3] Kedesch, au N.-O. du lac Mérom. Cf. Guerre, IV, 105.

[4] Ou plutôt les villages de leur banlieue. De toutes les villes énumérées, il semble que les Juifs n'aient réellement pris que Gaza et Anthédon.

2. Les Syriens de lotir côté ne tuaient pas moins de Juifs : eux aussi, ils égorgeaient ceux qu'ils prenaient dans les villes, non plus seulement, comme auparavant, par haine, mais pour provenir le péril qui les menaçait eux-mêmes. La Syrie entière fut en proie à un affreux désordre ; toutes les villes étaient divisées en deux camps ; le salut pour les nus était de prévenir les autres. On passait les jours dans le sang, les nuits dans une terreur plus affreuse encore. Se croyait-on débarrassé des Juifs, restaient les judaïsants dont on se méfiait ; on reculait devant l'horreur d'exterminer les éléments équivoques, et pourtant on redoutait ces sang-mêlé autant que des étrangers avérés. Des hommes réputés de longue date pour leur douceur se laissaient entraîner par la cupidité à se défaire de leurs adversaires ; car on pillait impunément les biens des victimes, on transportait chez soi comme d'un champ de bataille les dépouilles des morts, et celui qui gagnait le plus se couvrait de gloire, parce qu'il avait été le plus grand meurtrier. On voyait les villes remplies de cadavres sans sépulture, des vieillards morts étendus avec des enfants, des femmes à qui on avait enlevé même le dernier voile de la pudeur ; toute la province pleine de calamités inouïes ; et, plus terrible encore que les forfaits réels, la menace de l'avenir qui tenait les esprits en suspens.

Perfidie des Scythopolitains. Mort héroïque de Simon fils de Saül.

3. Jusque-là les Juifs n'avaient eu à faire qu'à des étrangers, mais quand ils envahirent le territoire de Scythopolis ils trouvèrent pour ennemis leurs propres coreligionnaires : les Juifs de ce pays se rangèrent, en effet, à côté des Scythopolitains, et, faisant passer la parenté après leur propre sécurité, combattirent en masse contre leurs frères. Cependant leur extrême ardeur parut suspecte : les gens de Scythopolis craignirent que la population juive ne s'emparât de la ville pendant la nuit et n'y semât le carnage pour se faire pardonner par ses frères sa défection. Ils ordonnèrent donc à ces Juifs, s'ils voulaient confirmer leurs sentiments de concorde et montrer leur fidélité à un peuple de race étrangère, de se transporter avec leurs familles dans le bois sacré de la ville. Les Juifs obéirent sans défiance à cette invitation. Pendant deux jours, les Scythopolitains se tinrent en repos, pour mieux endormir leur confiance, mais la troisième nuit, épiant le moment où les uns étaient sans défense, les autres endormis, ils les égorgèrent tous au nombre de plus de treize mille et pillèrent tous leurs biens[5].

[5] Voir aussi, sur cet épisode de Scythopolis. Vita, c. 6, § 26.

4. Je ne veux pas omettre ici la triste destinée de Simon, fils d'un certain Saül, assez notable citoyen. Doué d'une force et d'une audace supérieures, il avait abusé de l'une et de l'autre au détriment de ses coreligionnaires. Tous les jours on l'avait vu marcher au combat et tuer un grand nombre des Juifs qui attaquaient Scythopolis ; souvent même, on le voyait à lui seul mettre en fuite toute leur troupe, et supporter tout le poids du combat. Mais il subit le juste châtiment de ses fratricides. Lorsque les Scythopolitains eurent cerné le bois sacré et criblaient les Juifs de leurs traits, Simon mit l'épée à la main puis, au lieu de courir aux ennemis, dont le nombre dépassait toute mesure, il s'écria sur le ton le plus émouvant : « Scythopolitains, je suis justement puni par vous[6] de mes forfaits, moi et ceux qui, en tuant un si grand nombre de leurs frères, vous ont donné des gages de leur fidélité. Eh bien donc ! nous qui éprouvons, comme de juste, la perfidie des étrangers, nous qui avons poussé jusqu'à l'extrême l'impiété envers les nôtres, mourrons comme des maudits de nos propres mains, car il ne sied point que nous périssions sous le bras de nos ennemis. Ce sera à la fois le juste prix de mon crime et l'honneur de ma bravoure : aucun de mes ennemis ne pourra se glorifier de ma mort ni insulter mon cadavre ». A ces mots, il promène sur sa famille un regard de pitié et de colère : il avait là sa femme, ses enfants, ses vieux parents. D'abord saisissant son père par ses cheveux blancs, il le traverse de son épée ; après lui, il tue sa mère, qui n'offre aucune résistance, puis sa femme et ses enfants, qui tous s'offrent presque à son fer, dans leur hâte de prévenir les ennemis. Lui-même, après avoir tué toute sa famille, il se tint debout en évidence au-dessus des cadavres, étendit sa main droite pour attirer tous les regards, et s'enfonçant dans le corps son épée jusqu'à la garde, la baigna de son sang. Ainsi périt ce jeune homme digne de pitié par la vigueur de son corps et la fermeté de son âme, mais qui expia, comme de raison, son trop de foi dans les étrangers.

[6] Nous traduisons comme s'il y avait παρ' ὑμῶν (conjecture de Hudson, au lieu de καθ' ὑμῶν des mss.). Plus loin, au lieu de αὐτούςn nous lisons également avec Husdon, ὑμᾶς.

Autres tueries. Guet-apens de Varus, régent du royaume d'Agrippa. Prise de Cypros et de Machérous.

5. Après la boucherie de Scythopolis, les autres cités se soulevèrent chacune contre les Juifs de leur territoire. Les habitants d'Ascalon en tuèrent 2.500, ceux de Ptolémaïs 2.000, sans compter ceux qu'ils mirent aux fers. Les Tyriens en égorgèrent bon nombre, mais enchaînèrent et mirent en prison la plupart ; de même Hippos et Gadara se débarrassèrent des fortes tètes, et mirent sous bonne garde les plus craintifs. Les autres villes de Syrie agirent suivant la haine ou la crainte qu'elles ressentaient à l'égard des Juifs. Seules, Antioche, Sidon et Apamée épargnèrent leurs métèques juifs, et ne permirent ni de tuer ni d'emprisonner aucun d'entre eux ; peut-être ces cités très peuplées dédaignaient-elles les soulèvements éventuels des Juifs, mais ce qui les guidait surtout, je pense, c'était leur pitié pour des hommes qui ne manifestaient aucune velléité sérieuse. Quant aux gens de Gerasa, non seulement ils ne maltraitèrent point les Juifs qui restèrent chez eux, mais ils escortèrent jusqu'à leurs frontières ceux qui voulurent émigrer.

6. Même dans le royaume d'Agrippa, on complota contre les Juifs. Le roi s'était rendu de sa personne à Antioche, auprès de Cestius Gallus, laissant pour gouverner ses affaires un de ses amis, nommé Varus[7], apparenté au roi Sohémos[8]. A ce moment vint de la Batanée[9] une ambassade de soixante-dix citoyens, les plus éminents par la naissance et l'intelligence, qui demandaient au roi un corps de troupes afin que, en cas de troubles, ils fussent en force pour réprimer le mouvement. Varus envoya de nuit quelques réguliers du roi qui massacrèrent toute cette députation : il osa accomplir ce forfait sans prendre l'avis d'Agrippa ; poussé par sa cupidité sans bornes il se souilla du sang des gens de sa race, au grand dommage du royaume. Il continua à exercer une tyrannie cruelle jusqu'à ce que Agrippa, informé de sa conduite, mais n'osant pas, à cause de Sohémos, le faire périr, le révoquât de sa régence[10]. Vers le même temps les insurgés surprirent la forteresse de Cypros, qui domine Jéricho[11], massacrèrent la garnison et démantelèrent la place. Un autre jour la populace juive de Machérous décida la garnison romaine à évacuer cette forteresse et à la lui livrer. Les soldats, craignant d'être réduits de vive force, convinrent de sortir aux termes d'une capitulation et, après avoir reçu des gages, livrèrent le fort, que les gens de Machérous occupèrent et garnirent de troupes.

[7] Les mss. l'appellent ici Νόαρος, mais c'est bien le même personnage qui est appelé plus haut Οὔαρος dans le chapitre XIII, 8, de ce même livre. C'est aussi cette forme que donne Vita, § 49 suiv.

[8] Evidemment le roi Sohémos d'Emèse, que nous retrouverons plus loin. S'autre part, d'après Vita, § 52, Varus était ἔγγονος Σοέμου τοῦ περὶ τὸν Αἴβανον τετραρχοῦντος. Il faut en conclure que le roi d'Emèse était de la même famille qu’un ancien tétrarque ou « roi » d'Iturée qui régna de 38 à 49 (Dion, 59, 12 Tac., XII. 23). Varus n'était certainement pas le fils (comme le veut Schürer), mais plutôt le petit-fils (ἔγγονος) de ce tétrarque.

[9] Entendez : des Juifs de Batanée (cf. Vita, § 56).

[10] D'après le récit détaillé de la Vita (§ 49 suiv.), Varus aurait médité de supplanter Agrippa. Dans cette pensée il intercepta les messagers entre Philippe, général du roi, et Agrippa, et, pour se gagner un parti, persécuta les Juifs. L'ambassade de soixante-dix notables de Batanée (c'étaient des Juifs d'origine babylonienne, établis à Ecbatane) avait été provoquée par lui ; après les avoir massacrés sur leur chemin vers Césarée (Neronias), il attaqua les Juifs de Batanée qui s'enfermèrent dans Gamala avec Philippe, puis voulut exterminer les Juifs de Césarée. C'est alors qu'Agrippa le destitua et le remplaça par Aequus Modius (§ 61).

[11] Cf. Guerre, liv. I, XXI, 4.

Émeute d'Alexandrie.

7. A Alexandrie la discorde n'avait cessé de régner entre la population indigène et les Juifs, depuis le temps où Alexandre le Grand, ayant trouvé chez les Juifs un concours très empressé contre les Égyptiens, leur avait accordé, en récompense de leur aide, le droit d'habiter la ville avec des droits égaux à ceux des Grecs. Ses successeurs leur confirmèrent ce privilège et leur assignèrent même un quartier particulier[12], afin qu'ils puissent observer plus sévèrement leur régime en se mêlant moins aux étrangers ; ils les autorisèrent aussi à prendre le titre de Macédoniens. Quand les Romains acquirent l'Égypte, ni le premier César ni aucun de ses successeurs ne permirent qu'on diminuât les honneurs des Juifs d'Alexandrie. Mais ils se battirent continuellement avec les Grecs, et les châtiments nombreux infligés tous les jours par des gouverneurs aux factieux des deux partis ne faisaient qu'exaspérer la sédition. Maintenant que le désordre régnait partout, la lutte redoubla d'ardeur à Alexandrie. Un jour que les Alexandrins tenaient une assemblée au sujet d'une ambassade qu'ils voulaient envoyer à Néron, un grand nombre de Juifs pénétrèrent dans l'amphithéâtre en même temps que les Grecs : leurs adversaires, dès qu'ils les aperçurent, leur jetèrent les noms d'ennemis et d'espions, puis se ruèrent sur eux et en vinrent aux mains. La masse des Juifs prit la fuite et se dispersa, mais les Alexandrins en retinrent trois, qu'ils entraînèrent pour les brûler vifs. Là-dessus tout le peuple juif s'arma à la rescousse : ils lancèrent d'abord des pierres contre les Grecs, ensuite, saisissant des torches, coururent à l'amphithéâtre, menaçant d'y exterminer dans les flammes la population jusqu'au dernier homme. Et ils auraient exécuté leur menace si le préfet[13] Tibère Alexandre ne se fût hâté d'arrêter leur fureur. Au début il ne recourut pas aux armes pour ramener l'ordre& ; il leur envoya les principaux citoyens, les invitant à se calmer et ne pas exciter contre eux l'armée romaine. Mais les émeutiers accueillirent avec des éclats de rire ses exhortations et chargèrent le préfet d'invectives.

[12] D'après le C. Apion, II, 4, § 35, ce quartier leur aurait déjà été assigné par Alexandre.

[13] Et non, comme dit Josèphe, « le gouverneur de la ville » ὁ τῆς πόλεως ἡγεμών. Tibère Alexandre était préfet (vice-roi) d'Égypte.

8. Comprenant alors que les révoltés ne s'arrêteraient pas si on ne leur infligeait une sévère leçon, il envoie contre eux les deux légions romaines stationnées dans la ville et leur adjoint deux mille soldats[14] arrivés par hasard de Libye pour la perte des Juifs ; il leur permit non seulement de tuer les rebelles, mais encore de piller leurs biens et d'incendier leurs maisons. Les soldats, se ruant sur le quartier « Delta[15] » où la population juive était concentrée, exécutèrent ces ordres, non sans effusion de sang : car les Juifs, se massant en ordre serré, mirent au premier rang les mieux armés d'entre eux, et opposèrent une résistance prolongée ; mais quand une fois ils furent enfoncés, les aspects : les uns étaient saisis dans la plaine, les autres refoulés dans leurs maisons, que les Romains brûlèrent après les avoir vidées de leur contenu ; nulle pitié pour les enfants, nul respect pour les vieillards : ils s'attaquaient à tous les âges et tuaient avec une telle rage que tout le quartier fut inondé de sang et cinquante mille cadavres amoncelés : le reste même n'eût pas échappé, s'il n'avait eu recours aux supplications. Tibère Alexandre, pris enfin de pitié, ordonna aux Romains de se retirer. Ceux-ci, rompus à l'obéissance, cessèrent le massacre au premier signal ; mais la populace d'Alexandrie dans l'excès de sa haine était difficile à ramener, et c'est à grand'peine qu'on l'arracha aux cadavres.

[14] Plusieurs mss. ont cinq mille.

[15] Les quartiers d'Alexandrie étaient désignés d'après les premières lettres de l'alphabet grec (Philon, In Flaccum, 8).

Entrée en campagne de Cestius Gallus. Prise de Chaboulôn et de Joppé ; occupation de la Galilée.

9. Telle fut la catastrophe qui fondit sur les Juifs d'Alexandrie. Cestius, voyant que de tous cotés on faisait la guerre aux Juifs, ne voulut pas l'ester inactif pour son compte. Il partit donc d'Antioche, emmenant avec lui la 12e légion au complet et, de chacune des autres, deux mille hommes choisis[16] ; en outre, six cohortes d'infanterie et quatre escadrons de cavalerie. Il y adjoignit les contingents des rois : Antiochus[17] fournit deux mille cavaliers et trois mille fantassins, tous archers ; Agrippa le même nombre de fantassins et un peu moins de deux mille chevaux ; Sohémos[18] quatre mille hommes, dont le tiers était des cavaliers, et la plupart archers. A la tête de ces forces il se dirigea vers Ptolémaïs. Il leva aussi dans les cités un très grand nombre d'auxiliaires, inférieurs aux soldats de métier par l'expérience, mais suppléant par leur ardeur et leur haine des Juifs au défaut de connaissances militaires. Agrippa l'assistait en personne, pour guider l'armée et pourvoir à son ravitaillement. Cestius, prenant une partie des troupes marcha contre Chaboulôn, ville forte de Galilée[19], sur la frontière de Ptolémaïs et du territoire juif. Il trouva la localité vide d'hommes — car le peuple avait fui dans les montagnes —, mais pleine de ressources de tout genre, qu'il livra on pillage aux soldats ; quant à la ville, quoiqu'il l'admirait pour sa beauté et qu'elle eut des maisons construites comme celles de Tyr, de Sidon et de Béryte, il l'incendia. Ensuite il parcourut le plat pays, saccageant tout sur son passage et brûlant les villages aux alentours, puis se replia vers Ptolémaïs. Mais tandis que les Syriens et surtout ceux de Béryte étaient encore occupés au pillage, les Juifs, informés du départ de Cestius, reprirent courage et, tombant à l'improviste sur les soldats qu'il avait laissés en arrière, en tuèrent environ deux mille.

[16] Il y avait quatre légions en Syrie (Tacite, Ann., IV, 5) : Cestius avait donc tiré des trois autres légions 2.000 × 3 = 6.000 hommes et non 2.000, comme l'écrit Schürer, I3, 604.

[17] Antiochus IV Epiphane, roi de Comagène depuis 38 ap. J.-C.

[18] Roi d'Emèse depuis l'an 54.

[19] Suivent les mots (suspects) ἡ καλεῖται ἀνδρῶν « surnommée la ville des hommes ». L'emplacement de cette ville est aujourd'hui occupé par le village de Kaboul.

10. Cestius, parti de Ptolémaïs, se transporta lui-même à Césarée, mais détacha vers Joppé une partie de son armée, avec ordre d'y mettre garnison, si on pouvait la surprendre, mais, au cas où les habitants seraient sur leurs gardes, de l'attendre, lui et le reste de ses forces. Cette avant-garde, procédant à marches forcées par terre et par mer, emporta facilement la ville en l'attaquant des deux côtés ; les habitants n'eurent pas le temps de fuir ni, à plus forte raison, de préparer la résistance, et les Romains, faisant irruption dans la place, les tuèrent tous avec leurs familles, puis pillèrent la ville et y mirent le feu ; le nombre des victimes s'éleva à huit mille quatre cents. De la même manière Cestius envoya un gros corps de cavaliers dans la toparchie de la Nabatène, limitrophe de Césarée : ils ravagèrent le territoire, tuèrent une multitude d'habitants, pillèrent leurs biens et brûlèrent leurs villages.

11. En Galilée il détacha Césennius Gallus, légat de la douzième légion, avec des forces qui lui semblaient suffisantes pour réduire cette province. La plus forte ville de Galilée, Sepphoris, reçut Gallus à bras ouverts et, suivant le sage conseil de cette cité, les autres se tinrent en repos. Mais tout ce qu'il y avait de factieux et de brigands s'enfuit vers la montagne la plus centrale de Galilée, située en face de Sepphoris, et qu'on appelle Asamon[20]. Gallus conduisit contre eux ses troupes. Les ennemis, tant qu'ils occupèrent des positions dominantes, repoussèrent facilement les attaques des Romains et en tuèrent près de deux cents ; mais quand les Romains les eurent tournés et gagnèrent les hauteurs, ils furent promptement mis en déroute armés à la légère, ils ne pouvaient supporter le choc des légionnaires complètement équipés ou, dans la fuite, échapper aux cavaliers ; seuls quelques-uns réussirent à se cacher dans des lieux accidentés, et il en périt plus de deux mille.

[20] Probablement le Djebel Daidaba, au Nord de la plaine d'Asochis.

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