Vie - Flavius Josèphe

CHAPITRE XI

J'ai à dire maintenant de quelle sorte ceux de Gamala demeurèrent fidèles aux Romains. Philippe, fils de Jacim lieutenant du roi Agrippa, s'étaient, contre toute sorte d'espérance, échappé du palais royal de Jérusalem lorsqu'il était assiégé ; mais il tomba dans un autre péril : car il courait le risque d'être tué par Manahem et les séditieux qu'il commandait, si quelques Babyloniens de ses parents qui étaient alors à Jérusalem, ne l'eussent sauvé. Il se déguisa quelques jours après et s'enfuit dans un village qui était à lui, proche du château de Gamala, où il assembla un assez bon nombre de ses sujets. Dieu permit qu'il fût arrêté par une fièvre, sans laquelle il était perdu ; car cet accident l'ayant empêché de continuer son voyage, il écrivit par un de ses affranchis au roi Agrippa et à la reine Bérénice, et pour leur faire tenir ses lettres, il les adressa à Varus, à qui ce prince et cette princesse avaient laissé la garde de leur palais lorsqu'ils étaient allés au devant de Gessius. Varus fut très fâché d'apprendre que Philippe était échappé, parce qu'il eut peur de diminuer de crédit dans l'esprit du roi et de la reine, et qu'ils n'eussent plus besoin de lui lorsque Philippe serait auprès d'eux. Ainsi il fit croire au peuple que cet affranchi était un traître qui leur apportait de fausses lettres, parce qu'il était certain que Philippe était à Jérusalem avec les juifs qui s'étaient révoltés contre les Romains ; et l'artifice fit mourir cet homme. Lorsque Philippe vit que son affranchi ne revenait point, ne sachant à quoi attribuer ce retard, en envoya un autre avec de nouvelles lettres et Varus employa pour le perdre les mêmes calomnies dont il avait usé contre le premier. Les Syriens qui demeuraient à Césarée lui avaient enflé le cœur et fait concevoir de grandes espérances en lui disant que les Romains feraient mourir Agrippa à cause de la rébellion des Juifs, et qu'il pourrait régner à sa place parce qu'il était de race royale, et descendu de Sohème, roi du Liban. Ce fût ce qui l'empêcha de faire rendre au roi les lettres de Philippe, et ce qui l'obligea à fermer tous les passages afin d'ôter à ce prince la connaissance de ce qui se passait. Il fit ensuite mourir plusieurs Juifs pour satisfaire les Syriens de Césarée, et résolut d'attaquer, avec l'aide des Trachonites qui étaient en Béthanie, les Juifs que l'on nommait Babyloniens et qui demeuraient à Ecbatane. Pour venir à bout de ce dessein, il commanda à douze des principaux d'entre les Juifs de Cérarée d'aller dire de sa part à ceux d'Ecbatane qu'on l'avait averti qu'ils étaient sur le point de se soulever contre le roi : mais qu'il n'avait pas voulu ajouter foi à cet avis ; et qu'ainsi il les envoyait vers eux pour les porter à quitter les armes, afin de témoigner par cette obéissance qu'ils avait eu raison de ne point croire ce qu'on lui avait dit à leur préjudice. A quoi il ajouta que pour faire encore mieux connaître leur innocence, il serait nécessaire qu'ils lui envoyassent soixante-dix des plus considérables d'entre eux. Ces douze députés étant arrivés à Ecbatane trouvèrent que ceux de leur nation ne pensaient à rien moins qu'à se révolter, et leur persuadèrent d'envoyer à Varus les soixante-dix hommes qu'il demandait. Lorsque ces députés furent tous ensemble près de Césarée, Varus qui s'était avancé sur leur chemin avec les troupes du roi les fit charger, et de ce grand nombre il ne s'en sauva qu'un seul. Varus marcha ensuite vers Ecbatane. Mais celui qui s'était échappé le prévint, et donna avis aux habitants de cette horrible perfidie. Ils prirent les armes, se retirèrent avec leurs femmes et leurs enfants dans le château de Gamala, et abandonnèrent leurs villages avec tous les biens et tous les bestiaux qu'ils y avaient en abondance. Philippe, ayant appris cette nouvelle se rendit aussitôt à Gamala. Les habitants ravis de son arrivée le prièrent de vouloir être leur chef et de les conduire contre Varus et les Syriens de Césarée ; car le bruit s'était répandu qu'ils avaient tué le roi. Philippe, pour réprimer leur impétuosité leur représenta les bienfaits dont ils étaient redevables à ce prince, leur fit connaître par de puissantes raisons que les forces de l'empire Romain étaient si redoutables qu'ils ne pouvaient entreprendre de lui faire la guerre sans s'exposer à un péril évident, et enfin il leur persuada de suivre le conseil qu'il leur donnait. Cependant le roi ayant appris que Varus voulait faire tuer en un même jour tous les Juifs de Césarée qui étaient en fort grand nombre, sans épargner même leurs femmes et leurs enfants, envoya Equus Médius pour lui succéder, comme on l'a pu voir ailleurs ; et Philippe retint dans l'obéissance des Romains Gamala et les pays d'alentour.

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