Vie - Flavius Josèphe

CHAPITRE XXXI

Ainsi par ma résolution et par mon adresse, j'évitai ce second péril. Quelques autres d'entre les séditieux continuaient encore à émouvoir le peuple en lui disant qu'il fallait tuer ces deux seigneurs qui s'étaient réfugiés auprès de moi, puisqu'ils refusaient de se soumettre aux lois d'un pays où ils venaient chercher leur sûreté, et que c'étaient des empoisonneurs qui favorisaient le parti des Romains. Lorsque je vis que le peuple se laissait tromper par ce discours, je leur dis qu'il était injuste de persécuter ainsi des gens qui étaient venus chercher un asile parmi eux ; que ces empoisonnements dont on leur parlait n'étaient qu'une imagination et une chimère, puisque les Romains n'auraient pas besoin d'entretenir un si grand nombre de légions, s'ils pouvaient par un tel moyen se défaire de leurs ennemis. Ces paroles les adoucirent ; mais les artifices de ces mutins les irritèrent de nouveau, et ils allèrent en armes assiéger les maisons de ces deux seigneurs avec dessein de les tuer. J'en fus averti, et dans la crainte que j'eus que, s'ils commettaient un si grand crime, personne ne voulût plus se retirer parmi nous, je résolus d'aller à l'heure même, accompagné de quelques-uns des miens chez ces étrangers. Je fis aussitôt fermer les portes de leur logis, et avant fait creuser un fossé jusqu'au lac qui en était proche, je montai avec eux en bateau et les conduisis jusque sur la frontière des Ipéniens. Là je leur payai le prix de leurs chevaux qu'ils n'avaient pu emmener, et en leur disant adieu, je les exhortai à supporter avec constance le malheur qui leur était arrivé. Mais en vérité j'avais le cœur percé de douleur d'être ainsi contraint d'exposer encore une fois dans un pays ennemi des personnes qui étaient venues chercher leur sûreté près de moi. Je crus néanmoins qu'il valait mieux les mettre en hasard de mourir par la main des Romains, que de les voir assassinés devant mes yeux dans une province où je commandais. Mais ils évitèrent le malheur que j'appréhendais pour eux ; car le roi Agrippa s'adoucit et leur pardonna.

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