Vie - Flavius Josèphe

CHAPITRE LXXVI

Après que Titus eut mis ordre aux affaires de la Judée et que tout le pays fut tranquille, voyant que les terres que j'avais aux environs de Jérusalem me seraient inutiles à cause des troupes romaines que l'on était obligé de laisser pour la garde de son pays, il m'en donna d'autres en des lieux plus éloignés : et lors qu'il s'en retourna à Rome il me fit l'honneur de me faire monter sur son vaisseau. Quand nous fûmes arrivés, Vespasien me traita de la manière la plus favorable ; car il me fit loger dans le palais qu'il habitait avant d'être empereur, me fit recevoir au nombre des citoyens romains, et me donna une pension, sans qu'il ait jamais rien diminué de ses bienfaits envers moi ce qui m'attira une si grande jalousie de ceux de ma nation qu'elle me mit en grand péril. Un Juif nomme Jonathas ayant ému une sédition à Cyrène et assemblé deux mille homme qui furent tous chèrement châtiés, fut envoyé pieds et mains liés à l'empereur, et il m'accusa faussement de lui avoir fait fournir des armes et de l'argent : mais Vespasien n'ajouta point foi a son imposture, et lui fit trancher la tête. Dieu me délivra encore de plusieurs autres fausses accusations de mes ennemis, et Vespasien me donna en Judée une terre de grande étendue. En ce même temps, les mœurs de ma femme m'étant devenues insupportables, je la répudiai, quoi que j'en eusse trois enfants, dont deux sont morts, et il ne me reste que Hircan. J'en épousai une autre qui est de Crète et Juive de nation, née de parents très nobles et qui est très vertueuse. J'ai eu d'elle deux enfants, Justus et Simon surnommé Agrippa. Voilà l'état de mes affaires domestiques. A quoi je dois ajouter que j'ai toujours continué à être honoré de la bienveillance des empereurs ; car Tite ne m'en a pas moins témoigné que Vespasien, son père, et n'a jamais écouté les accusations qu'on lui a faites contre moi. L'empereur Domitien qui leur a succédé a encore ajouté de nouvelles grâces à celles que j'avais déjà reçues, a fait trancher la tète à des Juifs qui m'avaient calomnié, et a fait punir un esclave eunuque, précepteur de mon fils, qui avait été de ce nombre. Ce prince a joint à tant de faveurs une marque d'honneur très avantageuse, qui est d'affranchir toutes les terres que je possède dans la Judée ; et l'impératrice Domitia a toujours aussi pris plaisir à m'obliger. On pourra par cet abrégé de la suite de ma vie juger quel je suis. Et quant à vous, ô très vertueux Épaphrodite, après vous avoir dédié la continuation de mes Antiquités je ne vous en dirai pas davantage.

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