Élisée fils de Saphat

4.
Le secours miraculeux

Quand le Seigneur nous dit dans Luc 21.28 : Lorsque ces choses commenceront d’arriver, regardez en haut et levez vos têtes parce que votre délivrance approche, il nous recommande pour l’affliction des derniers jours une tenue qui ressemble peu à celle de la plupart des chrétiens. Ce n’est point comme des vaincus, ce n’est point la tête baissée qu’il veut que nous marchions. Il veut que notre foi le glorifie, glorifie l’Evangile que nous possédons, glorifie les promesses qui nous sont données, glorifie l’adoption à laquelle nous sommes parvenus.

Le chrétien, quoi qu’il ne soit rien, possède en Christ une noblesse, une dignité qu’il doit défendre. Vous avez été affranchis, ne devenez point esclaves ; — Dieu a mis votre lot parmi les principaux, ne prenez point la contenance des Gabaonites. (Josué 9.1-27) Parle énergiquement de ton infirmité propre : tu parleras vrai. Mais fais-le sans oublier ta gloire et, du même souffle qui t’accuse, célèbre et proclame ta dignité royale.

Il est vrai, nous vivons dans des temps difficiles. La grande épreuve de l’Eglise semble s’approcher comme une tempête. Mais qu’est-ce à dire ? Ne sommes-nous pas sur un rocher qui s’appelle la grâce, la force, la fidélité de notre Dieu ? Levons donc la tête, car il ne permettra point que nous soyons rendus confus.

2 Rois 3.13-19

13 Mais Élisée dit au roi d’Israël : « Qu’y a-t-il entre moi et toi ? Va-t-en vers les prophètes de ton père et vers les prophètes de ta mère. » Et le roi d’Israël lui répondit : « Non, car l’Eternel a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab. » 14 Et Élisée dit : « l’Eternel des armées, devant lequel je me tiens, est vivant, que si je n’avais de la considération pour Josaphat, roi de Juda, je n’aurais aucun égard pour toi et je ne t’aurais pas même vu. 15 Mais maintenant amenez-moi un joueur d’instruments. » Et comme le joueur jouait des instruments, la main de l’Eternel fut sur Élisée, 16 et il dit : « Ainsi a dit l’Eternel : Qu’on coupe des fossés par toute cette vallée, 17 car ainsi a dit l’Eternel : Vous ne verrez ni vent, ni pluie, et néanmoins cette vallée sera remplie d’eau et vous boirez, vous et vos bêtes. 18 Encore cela est peu de chose pour l’Eternel ; car il livrera Moab entre vos mains 19 et vous détruirez toutes les villes fortes et toutes les villes principales, et vous abattrez tous les bons arbres, et vous boucherez toutes les fontaines d’eau et vous gâterez avec des pierres tous les meilleurs champs. »

Vous connaissez le théâtre où nous amène notre texte. Dans le désert où notre dernière méditation laissa les trois rois, une chaleur insupportable et le manque d’eau surprit leur armée et la mit à deux doigts de sa perte. Cette détresse inattendue brisa le courage du roi Joram. Le pieux Josaphat, au contraire, sans se troubler, demanda s’il n’y avait point quelque prophète dans le voisinage. On lui dit qu’il y avait Élisée, fils de Saphat. Les trois princes allèrent aussitôt le trouver en personne. Le discours du prophète aux rois alliés ;le joueur d’instruments ;le conseil du prophète  ; telles seront les trois instructions principales que nous fournira leur entretien.

I

Les trois souverains se tiennent dans l’attitude du respect devant le prophète. Celui que Dieu accompagne ne porte-t-il pas la couronne et le sceptre ? — Élisée, devinant le motif de cette condescendance, les prévient en leur adressant la parole. Nous ne pensons pas que ce manque d’étiquette ait blessé les rois, car les cœurs en proie à l’angoisse et à la souffrance ne s’offensent pas si aisément. Nous ne sommes point surpris non plus que notre ami d’Abel-Méhola se trouve si parfaitement à son aise en recevant cette visite. Un homme tel que lui contemple trop souvent la majesté de Dieu dans sa splendeur, pour qu’aucune grandeur humaine puisse l’étonner et l’humilier. L’habitude de marcher avec le Seigneur, de remplir sur la terre les fonctions de ses ministres et de ses dispensateurs, apprend peu à peu aux hommes de Dieu à envisager les choses comme leur divin Maître. Les grandeurs et les gloires de ce monde paraissent bien petites aux yeux des phalanges célestes, dont la vue n’est pas limitée comme la nôtre.

Élisée s’adresse en premier lieu à Joram. Ce prince méritait, à cause de sa faiblesse et de son inconséquence, Une réprimande publique. Jadis, il avait négligé l’Eternel et ses prophètes ; mais maintenant qu’il sent la colère du Tout-Puissant peser sur lui, il se soumet à lui demander humblement du secours, et ne trouve pas au-dessous de sa dignité de s’adresser dans ce but au paysan d’Abel-Méhola. Vous pensez peut-être qu’Élisée aurait dû se contenter de son humiliation naturelle ; mais le prophète savait bien que si Joram était ému et tremblant à cette heure, il l’était comme les démons ; que s’il implorait le secours d’En Haut, ce n’était que dans le but de satisfaire à ses besoins charnels, et que si Satan lui eût offert le sien, il l’aurait accepté aussi bien que celui de Jéhovah. Ce roi demandait de l’eau, et non point la grâce. Dans un moment de désespoir, il a songé à Dieu et à ses prophètes ; mais il compte bien les oublier, dès qu’il n’aura plus besoin d’eux. Vouloir faire servir Dieu, et un si grand Dieu, à ses intérêts terrestres, c’est une action criminelle. Recherchons d’abord le Seigneur lui-même, et ensuite ses bienfaits.

Lorsque Élisée eut fixé pendant quelques instants ses regards sur le monarque, sa bouche, d’ordinaire si bienveillante, prit un caractère d’extrême sévérité et proféra ces paroles acérées : Qu’y a-t-il entre toi et moi ? va-t-en vers les prophètes de ton père et de ta mère ! et l’orgueil du triomphe se peint sur les traits d’Élisée. Mais réjouissons-nous aussi, car ce n’est point là le triomphe de l’amour-propre humain ; c’est Jéhovah qui triomphe de Baal, c’est la victoire de la vérité sur le mensonge, c’est le paganisme qui apparaît dans son indigence et son néant ! Ce qui fait tressaillir de joie le cœur d’Élisée, c’est la gloire de son maître, c’est l’amour qu’il ressent pour son Dieu. Oui, lorsqu’arrive l’heure de l’angoisse et qu’elle environne l’homme de ses ténèbres, alors Jéhovah fait briller sa couronne de gloire et force ses ennemis même à confesser son nom ! Il est déchirant sans doute le spectacle d’un orgueilleux philosophe découvrant avec effroi que la sagesse tant vantée sur laquelle il s’appuyait, n’est qu’une frêle nacelle ballottée par les flots impétueux ; d’un incrédule se débattant dans l’angoisse, relevant ses mains vers le ciel et s’écriant dans l’amertume de son âme : « Ah ! celui-là seul qui pouvait me sauver, c’est lui que j’ai méprisé et renié ; » — d’un persécuteur du peuple de Dieu, obligé de reconnaître que les hommes, objets de ses insultes sont bienheureux et que le monde entier ne vaut pas une parcelle des riches consolations qu’ils possèdent ! Mais si, d’un côté, de pareils spectacles sont de nature à navrer le cœur, de l’autre, ils manifestent la grandeur de Jéhovah, et procurent de glorieuses victoires à l’Evangile de Christ. Ces malheureux élèvent leurs mains vers le Dieu qu’ils ont dédaigné ; et, frappés de coups semblables à ceux qui tombèrent sur Joram, ils cherchent sans le trouver un accès auprès du Tout-Puissant. Leur mépris est payé par le mépris, et ils entendent une voix tonnante prononcer ces paroles : « Qu’y a-t-il entre vous et moi ? Retournez à vos idoles et qu’elles vous secourent ! » C’est là ce qui arrive à ceux dont nous parle Jérémie et auxquels le Seigneur s’adresse en ces termes : Ils m’ont tourné le dos et non le visage, et ils diront au temps de leur affliction : « Lève-toi et nous délivre. Et où sont tes dieux que tu t’es faits ? Te délivreront-ils au temps de ta calamité ? » Oh ! puissions-nous n’être jamais repoussés de la sorte !

Si déjà le roi d’Israël tremblait en s’approchant d’Élisée, quel dut être son effroi à l’ouïe de cette réponse ! « Non, s’écrie-t-il, non pas les prophètes de mon père et de ma mère ! c’est à Jéhovah que nous devons nous adresser, car le Seigneur a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab. » Joram sait bien que Jéhovah est Dieu ; il en est convaincu, mais l’idée du Saint d’Israël lui est odieuse ; trop souvent elle l’a troublé dans ses coupables divertissements et dans ses débauches ; c’est pourquoi, il a voulu l’arracher de son âme pour y mettre à la place les idoles de Dan et de Béthel. Mais voilà que la mort le poursuit ; il sent qu’elle va l’atteindre, et il veut renoncer au veau d’or pour donner gloire à Jéhovah. Mais qu’y a-t-il de commun entre le Seigneur et les hypocrites ? Que lui importe l’hommage des égoïstes ? il les repousse, et l’homme qui ne recherche que son propre avantage, doit s’exiler de sa présence. Élisée, peu touché de la confession du monarque et rempli d’une sainte indignation, lui adresse encore ces paroles sévères : L’Eternel des armées est vivant, que si je n’avais de la considération pour Josaphat, roi de Juda, je n’aurais aucun égard pour toi, et je ne t’aurais pas même vu. Ces paroles en disent assez à Joram. Il sait maintenant que si le secours est accordé, ce n’est point en considération de lui, mais bien pour l’amour du pieux Josaphat. Ainsi l’impie reçoit la faveur de partager le pain qui se trouvait sur la table du juste, bien qu’il n’y eût point été placé pour lui. Quelle humiliation pour ce prince idolâtre !

Cependant son cœur n’en fut pas bien profondément atteint. Tout ce que désirait cette âme basse et intéressée, c’est que le secours fût donné ; pourvu qu’il y participât, peu lui importait par qui et pour qui la grâce était accordée. Mais remarquez que la conduite d’Élisée, dans cette occasion, se modèle sur celle du Seigneur ; combien de fois les choses ne se passent-elles pas dans le monde comme nous les voyons se passer au désert ? Là, c’est une armée qui triomphe, et l’on attribue ses victoires à la discipline des troupes, à l’habileté des généraux, tandis qu’elle est peut-être due à la présence d’un homme pieux, à peine connu dans les rangs où il est, mais que son Dieu a remarqué et pour l’amour duquel il a étendu sur toute l’armée une aile protectrice. Ici, un fléau menaçant a passé sans exercer ses ravages ; aussitôt on l’attribue à quelque circonstance favorable, à la prudence des magistrats, ou à telle autre cause, tandis que peut-être cette délivrance est due aux prières de quelque enfant de Dieu humble et ignoré. Que ceux donc qui sont comptés parmi les bien-aimés du Père, ne se lassent point de l’implorer au nom de Jésus. Le Seigneur n’a-t-il pas prononcé ces consolantes paroles : Je ne vous dis point que je prierai le Père, car mon Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé, et que vous avez cru que je suis venu de Dieu.

II

Après qu’Élisée se fut adressé à Joram, comme nous l’avons dit plus haut, il se passa une scène qu’on ne peut s’empêcher de trouver étrange avant d’avoir réfléchi à sa signification. Élisée, sans alléguer aucune raison, demande qu’on lui amène un joueur d’instruments. On lui obéit aussitôt, et le musicien, prenant la harpe, commence à jouer dans les solitudes du désert. Élisée et les rois écoutent en silence ces ravissants accords. Le premier s’élance sur les ailes de l’harmonie dans les régions supérieures, pendant que les rois attendent avec anxiété l’événement qui va suivre. L’Ecriture ne nous dit pas quel air joua le musicien, mais ce ne fut probablement ni une chanson profane ni une marche guerrière. La gravité des circonstances, la présence de l’homme de Dieu, sur lequel reposait l’espoir de toute l’armée, durent diriger son choix ; sans doute il fit entendre quelque mélodie sublime, peut-être un des nombreux Psaumes bien connus en Israël et qu’on chantait même à l’armée. La musique est un don de Dieu, quoiqu’elle ne puisse être rangée parmi les biens du premier ordre qui pourvoient à d’indispensables besoins, et au nombre desquels nous comptons la parole de Dieu, notre pain quotidien, etc. Mais elle appartient à la même classe que les fleurs odorantes et les fruits savoureux. Elle est un présent, sinon de la providence paternelle, du moins de la libérale bienveillance de Jéhovah ; un don destiné à glorifier son nom, à égayer et à embellir notre vie. C’est le cœur qui parle au cœur. La musique revêt d’une beauté céleste les émotions de l’âme, elle pare d’un vêtement aérien les sentiments dont la vie délicate serait étouffée sous la lourde enveloppe des mots ; entre le langage parlé et celui de la musique, il y a le même rapport qu’entre les corps d’argile et les corps glorifiés dont nous serons revêtus lorsque le son de la trompette réveillera les saints dans leurs tombes. Par son influence magique, elle pénètre jusqu’au plus profond des cœurs, et elle communique avec la rapidité de l’éclair les sensations variées qu’elle fait éprouver. Son souffle merveilleux développe les sentiments, comme les chaudes exhalaisons du printemps font éclore les fleurs. Elle éveille les passions qui sommeillent au dedans de nous, et les adoucit lorsqu’elles sont développées. Elle ouvre en un instant les sources cachées de nos larmes, et remplit nos cœurs d’une indicible mélancolie ; puis, le moment d’après, elle nous communique une joie délirante et nous emporte au ciel sur l’aile de l’enthousiasme. Aussi l’empire de cet art sur les cœurs en rend les séductions d’autant plus dangereuses dans le monde où il est consacré au service de la vanité et du péché. Il serait impossible de décrire les malheurs que la musique peut causer et de dire à quel point elle peut exciter et attiser la flamme impure des convoitises charnelles. Mais lorsque, revenant à sa destination première, elle est employée à magnifier le Seigneur par de pures et solennelles mélodies, à célébrer l’œuvre du Tout-Puissant et à exprimer les sentiments les plus nobles de l’âme humaine, elle peut orner et embellir la vie. Oh ! que de choses aimables et belles, que d’aspirations vers le ciel elle peut développer en nous ! « Oui, » dit Luther, l’ardent panégyriste de la musique instrumentale et vocale : « La musique est l’un des plus sublimes dons de Dieu ; par elle, bien des mauvaises pensées peuvent être dissipées. Elle chasse la tristesse, comme jadis elle rassérénait l’âme de Saül ; c’est un cordial qui rafraîchit la nôtre et la vivifie. C’est une espèce de discipline, une sorte de doux censeur qui rend l’homme plus bienveillant, plus modeste, plus raisonnable. « Quand vous êtes triste, » écrit encore Luther à une personne en proie à la mélancolie, « lorsque le poids de l’existence vous oppresse, dites : courage ! je veux jouer sur l’orgue une hymne à mon Seigneur Jésus-Christ, car l’Ecriture m’apprend qu’il aime à entendre un chant joyeux et le son des instruments. Hâtez-vous donc de mettre la main à votre clavier et chantez comme David et Élisée, jusqu’à ce que vos sombres pensées disparaissent. Le diable revient-il et souffle-t-il dans votre cœur quelque nouveau souci ? vite ! frappez-le au visage. Saisissez de nouveau votre instrument, allez chercher de bons compagnons, et chantez, jusqu’à ce que vous ayez appris à vous rire de lui ; car le diable est triste, et rend les gens tristes comme lui, c’est pourquoi il ne peut souffrir la musique et les chants. Mais Dieu n’est pas un Dieu de mélancolie, il est au contraire un Dieu de consolation et de joie. »

On sait que les prophètes cultivaient soigneusement la musique ; ainsi Saül rencontre, près de Gibéah, un grand nombre des disciples des prophètes avec des psaltérions, des cymbales et des harpes, au son desquels ils chantaient leurs cantiques inspirés. Ici la musique remplissait son vrai rôle ; elle était la servante du sanctuaire. L’amour de Dieu était son âme ; l’Esprit saint l’inspirait, la louange et la gloire de Dieu étaient son but. Venue des hauts lieux et y retournant, elle répandait la paix et la sérénité ici bas, elle chassait au loin les soucis rongeurs et les tristes pensées, elle éveillait le sentiment de l’éternité et ouvrait le chemin des cœurs aux influences de la grâce. Est-il nécessaire de parler ici des merveilleux effets qu’opérait sur Saül la harpe de David, pour apprendre que bien souvent la grâce donne de la puissance à l’harmonie afin de mieux toucher les cœurs ? N’avons-nous pas fait souvent nous-mêmes cette expérience, lorsqu’après nous être rassemblés, nous nous trouvions froids, secs, divisés d’opinion et de sentiment, remplis d’une secrète humeur et d’un esprit de contention ? Alors, si quelqu’un d’entre nous s’écriait : « Chantons un verset de cantique ! » l’hymne harmonieuse semblait s’élever au ciel pour redescendre sur nos âmes en rosée de bénédiction. La gêne cessait, le cœur se dilatait, tout en nous respirait la douceur et la paix.

Élisée connaissait aussi le pouvoir de l’harmonie ; agité, hors de lui-même par suite de l’indignation qu’il ressentait de la conduite de Joram, il avait besoin de recueillement. L’Esprit de Dieu (pour employer le langage humain) ne pouvait se faire entendre au milieu de ce tumulte intérieur ; il fallait d’abord que la sainte colère et le zèle ardent qui bouillonnaient au dedans de lui se calmassent. Le prophète, convaincu déjà par plusieurs expériences du pouvoir de la musique, demande un joueur d’instruments. Le musicien s’approche, fait entendre quelques accords, et ces sons mélodieux produisent l’effet attendu. Les rois prennent une attitude plus solennelle ; ils paraissent disposés à la dévotion. La tempête se calme dans le cœur du prophète, et emporté par l’harmonie dans les régions célestes, il va de nouveau se réfugier auprès de Jéhovah. Son âme est devenue un paisible sanctuaire, où se fait entendre le plus léger souffle de l’Esprit ; on dirait la limpide surface d’un beau lac, où viennent se refléter avec amour les étoiles du ciel. C’est alors que Jéhovah s’approche du prophète avec la voix de la révélation. Et comme le joueur jouait des instruments, la main de l’Eternel fut sur lui. L’Eternel parle à son serviteur ; le prophète reçoit les inspirations de l’Esprit.

III

La harpe se tait, et Élisée se prépare à annoncer de bonnes nouvelles. Les gratuités de Dieu sont en grand nombre ! Israël obtiendra de l’eau et subjuguera les rebelles. Ainsi a dit l’Eternel, dit Élisée, qu’on coupe des fossés par toute cette vallée ; vous ne verrez ni vent ni pluie, et néanmoins cette vallée sera remplie d’eau, et vous boirez, vous et vos bêtes. Encore cela est peu de chose pour l’Eternel ; car il livrera Moab entre vos mains, et vous détruirez toutes les villes principales, et vous abattrez tous les bons arbres, et vous boucherez toutes les fontaines d’eau, et vous gâterez avec des pierres tous les meilleurs champs.

A ces mots, toutes les physionomies s’illuminent de joie. On s’empresse d’exécuter le conseil du prophète : on coupe les fossés, les eaux jaillissent, et les légions dévorées par la soif accourent pour s’y désaltérer. L’armée est sauvée, et ces corps affaiblis reprennent de nouvelles forces. Voyez, mes frères, quel plan sage et profond le Seigneur a conçu pour venir en aide à Israël. Rien ne l’empêchait de secourir son peuple d’une manière toute simple, en diminuant l’ardeur du soleil qui avait tari les sources et les ruisseaux. Mais s’il l’eût fait ainsi, Joram aurait maintenu les veaux d’or, Josaphat n’aurait pas fait cette expérience humiliante pour lui de la fidélité de son Dieu, et l’armée aurait pensé : « Nous sommes le peuple élu ; à nous la victoire. » De cette manière, l’homme se serait exalté et aurait considéré Jéhovah comme un être faible et sans importance ! Mais ici le secours n’arriva, que lorsque tout bras de chair eut été brisé, Jéhovah fut glorifié par son peuple, sa puissance et sa fidélité triomphèrent. Les apostats furent humiliés, les orgueilleux abaissés, les croyants affermis, et l’eau n’en parut que plus précieuse encore, car elle attestait la bonté de Dieu. Souvenez-vous de ces choses, ô enfants de Dieu ! et ne vous laissez point abattre dans le désert ; si le jour de votre prospérité a cessé de luire, c’est seulement pour que vous puissiez mieux contempler l’étoile de l’amour, et si tout appui humain vient à vous manquer, c’est que la puissance et la fidélité de Jéhovah veulent s’ériger à elles-mêmes un trône de gloire.

Mais le secours divin n’était pas épuisé par cet acte. Un second miracle eut lieu le lendemain :

Il arriva donc le matin, qu’on vit venir des eaux du chemin de l’Idumée, de sorte que ce lieu fut rempli d’eau. Or, tous les Moabites ayant appris que ces rois-là étaient montés pour leur faire la guerre, s’étaient assemblés à cri public, tous ceux qui étaient en âge de porter les armes et au-dessus, et ils se tinrent sur la frontière. Et le lendemain, ils se levèrent de bon matin et comme le soleil se fut levé sur les eaux, les Moabites virent vis-à-vis d’eux les eaux rouges comme du sang. Et ils dirent : c’est du sang ! certainement ces rois-là se sont entre-tués, et chacun a frappé son compagnon, et maintenant donc courage,ô Moabites, au butin !

Aussitôt transportés de joie par cette illusion qui les attire, comme ces feux errants dont la trompeuse lueur séduit et égare le voyageur dans l’obscurité de la nuit, ils se précipitent vers le lieu où campe Israël. Mais comment peindre leur effroi lorsque les escadrons ennemis tombent sur eux l’épée nue à la main ! En un instant les rebelles sont culbutés et mis en fuite, les alliés poursuivent les fugitifs et portent leurs bannières victorieuses sur les frontières de Moab. Ils détruisent les villes fortifiées, couvrent les champs de pierres, selon l’ordre de Jéhovah, et abattent tous les arbres fruitiers. Ils ne laissent que des pierres à Kir-Hareseth, capitale de la contrée, que les frondeurs entourent et détruisent de fond en comble.

Le roi des Moabites, ayant réuni les débris de son armée, s’était retiré dans cette place ; mais voyant qu’il ne pouvait y soutenir un siège, il forma le dessein de s’ouvrir un passage au travers de l’ennemi. Il fit donc une sortie l’épée à la main afin de percer jusqu’au roi de l’Idumée, mais il ne put y parvenir ; alors suivit une horrible scène. Le roi, exaspéré par sa défaite, parut avec son fils premier né sur les murs de la ville ; il y éleva un autel sur lequel il coucha l’enfant, et l’offrit en holocauste afin de se rendre les dieux propices. Les Israélites furent saisis d’horreur, et la pensée d’avoir poussé cet homme à une action aussi atroce remplit leurs âmes de tristesse. Ne pouvant supporter un pareil spectacle, ils levèrent aussitôt le siège et partirent en silence, laissant l’infortuné monarque chercher, avec le reste de son armée, son salut dans la fuite. Le but de la campagne était atteint, la puissance de Moab détruite, les rebelles subjugués et la contrée replacée sous le sceptre du roi d’Israël.

Le Seigneur est un guerrier puissant dans le combat ; heureux sommes-nous lorsque nous nous trouvons de son côté et qu’il est du nôtre. Nous marchons alors de victoire en victoire, et nous brisons les armées comme des vases d’argile. Nos ennemis ne peuvent nous nuire ; mais nous entrons dans leurs places fortes.

Dieu permet souvent que son peuple atteigne au rivage sur les débris d’un vaisseau naufragé. Il nous prive de nos citernes, afin que nous étanchions notre soif aux eaux vives. Il nous arrache nos soutiens, non pour nous faire tomber, mais pour que nous nous appuyions sur Lui. Les dangers de son peuple ne servent qu’à faire triompher sa puissance, sa fidélité et sa gratuité. Un philosophe païen disait à l’un de ses amis. « Ne te plains pas de ton infortune aussi longtemps que César est ton ami. » — Que dirons-nous donc à ceux que le roi des rois de la terre appelle ses fils et ses frères ? Je ne te laisserai point, je ne t’abandonnerai point ! Cette parole ne doit-elle pas détruire à jamais nos soucis et nos craintes ? L’homme qui possède dans son cœur le Maître de l’univers entier, possède aussi toutes choses. L’affliction est une épine avec laquelle Dieu transperce notre orgueil ; quelques arbres croissent mieux à l’ombre qu’au soleil. Oh ! si Dieu est avec nous, la fournaise se transformera en feu de réjouissance, la prison en palais, et la verge de la colère portera, comme celle d’Aaron, des fleurs et des fruits, ou, comme le bâton de Jonathan, distillera le miel le plus doux.

Quel indomptable orgueil montre l’homme naturel lorsque, comme le roi de Moab, il croit tout perdu et se livre au désespoir parce que ses forces sont épuisées ! il fait de lui-même son Dieu et ne veut entendre parler d’aucun autre, ou du moins n’en veut point implorer d’autre. O fol orgueil des fils déchus d’Adam ! ne sentez-vous pas que c’est une juste rétribution pour ceux qui s’abandonnent au désespoir, que de leur assigner une place dans l’étang ardent de feu et de soufre ? — Israël a Dieu pour consolateur. L’union avec Dieu rend superflue la possession d’une fortune propre. C’est la pauvreté intérieure qui fait la véritable richesse, et lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant