Théologie de l’Ancien Testament

§ 39. Sens de Jéhovah.

Jéhovah signifie : Celui qui est, et même, d’après Exode 3.14 : Celui qui est ce qu’il est. Mais il y a plus d’une manière d’être, il y a l’existence immuable, toujours semblable à elle-même, et l’existence qui se développe ; il y a l’être et le devenir. C’est la seconde de ces idées qu’exprime le verbe hava ou haia, et comme c’est de l’imparfait de ce verbe que nous avons fait provenir le mot « Jéhovah », nous avons deux raisons pour une d’y voir la notion d’un Dieu qui se révèle, qui se manifeste dans l’histoire, et non pas d’un Dieu qui se repose, et qui se renferme en soi-même.

Jéhovah n’est pas le ὄντως ὄν, c’est le Dieu qui entre dans une relation historique avec l’humanité et tout d’abord avec son peuple, et qui, dans cette révélation, se manifeste comme celui qui est, et qui est ce qu’il est. Quelle différence à ce seul égard entre le Paganisme et le Judaïsme ! Celui-là n’a pour se sustenter que le souvenir de révélations passées, d’anciennes apparitions. Celui-ci possède un Dieu qui vit, qui continue de se manifester. Heureux le peuple dont l’Éternel est le Dieu ; il a l’avenir pour lui !

[Luther, au contraire comprend Jéhovah comme le ὄντως ὄν : « Dieu, dit-il dans son livre sur le Shem-ham phorasch. n’a reçu la vie de personne. Il n’a ni commencement ni lin. Il est de toute éternité en lui-même et par lui-même. Son nom est Etre et non pas avoir été ou devenir. C’est ainsi que le Seigneur parle de sa divinité : Avant qu’Abraham fut, je suis (Jean 8.58). Je suis, et non pas j’étais, comme si depuis lors il n’était plus. » Luther prend ce mot d’une manière trop abstraite. Il ne tient aucun compte des rapports dans lesquels Dieu est entré avec le monde et avec le temps, quand il s’est révélé dans l’histoire.]

A y regarder de plus près, il y a deux idées à distinguer dans le sens du nom de Jéhovah :

1° Dieu est ce qu’il est. C’est librement et de son propre mouvement qu’il se révèle. Il n’y est poussé par personne. Jéhovah est le Dieu libre, absolument indépendant. Sous ce rapport le nom de Jéhovah a une certaine analogie avec celui de El-Schaddaïa.

a – Nous n’allons pourtant pas aussi loin que Drechsler, qui paraphrase ainsi Exode 3.14 : « Je suis ce qu’il me plaît d’être et, je me révèle toujours comme il me plaît de me révéler. » Ceci touche au domaine de la libre grâce et des décrets insondables de la miséricorde divine.

2° En vertu de son absolue indépendance, Dieu dans toutes ses révélations se montre toujours le même, toujours semblable à soi. Voilà l’immutabilité, mais une immutabilité absolument libre, ne l’oublions pas. Dans ses paroles comme dans ses actes, Il demeure toujours conséquent avec soi-même. « Je fais grâce à qui je fais grâce », dit l’Éternel (Exode 33.19), c’est-à-dire : Je fais grâce à qui je veux, et je fais véritablement grâce à qui je fais grâce ; je reste d’accord avec moi-même, je ne me rétracte pas. On a raison de citer cette parole à l’appui de Exode 3.14. Les mêmes idées de liberté et d’immutabilité s’y retrouvent toutes deux.

L’immutabilité de Dieu est parfois mise eu relation avec l’élection divine et avec les promesses spéciales que Dieu fait à ceux qu’il a choisis ; ainsi Exode 3.13 ; 6.2-6 : « Je suis Jéhovah ; je vous retirerai de dessous les charges des Egyptiens. » Voici la fidélité de Dieu. Combien de fois n’en est-il pas question dans l’A. T. ! Combien de fois les prophètes n’exhortent-ils pas le peuple à avoir confiance en la fidélité de son Dieu. Voyez Deutéronome 7.9 ; Osée 12.6-7. Parce qu’Israël a un Dieu qui s’appelle Jéhovah, il peut se tourner vers Lui avec confiance, Ésaïe 26.4 : Confiez-vous en l’Éternel à perpétuité, car en Jéhovah vous avez un rocher éternel. Malachie 3.6 : L’immutabilité de Dieu, qu’exprime le nom de Jéhovah, est le gage du salut de son peuple et de sa durée éternelle. Lisez encore Ésaïe 41.4 ; 44.6, etc.b

b – En français, on a rendu le nom de Jéhovah par l’Éternel. Il n’y a pas, dans le nom d’Éternel, tout en qu’il y a dans celui de Jéhovah. Mais nous sommes tellement habitués à ce beau nom de l’Éternel, que nous nous en servirons quand même. Nous dirons tout-à-fait indifféremment Jéhovah et l’Éternel (N. du T.).

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