Théologie de l’Ancien Testament

1) Création et conservation du monde.

§ 50. Création par la parole.

C’est à la fois par sa parole et par son Esprit que Dieu a créé le monde. Disons d’abord quelque chose du rôle de la parole dans la création.

C’est sous la forme de la parole que s’est manifestée la volonté créatrice de Dieu. Dieu parle ; il dit que les choses soient, et elles sont. La parole étant la manifestation d’un mouvement libre et spontané, d’une volonté consciente d’elle-même, le monde, créé par la parole de Dieu, n’existe que parce que Dieu l’a voulu. En Psaumes 33.9 « Il a commandé répond à Il a parlé ». Voyez encore Psaumes 148.5 ; Ésaïe 48.13 ; Psaumes 135.6 : « Tout ce qu’il a voulu, l’Éternel l’a fait dans les cieux et sur la terre. »

Ainsi se trouvent condamnés d’emblée deux systèmes également erronés : celui des émanations, qui fait de l’acte créateur une nécessité de la nature divine, et en vertu duquel Dieu est soumis, comme le monde, à la loi du développement ; et celui de l’éternité de la matière, qui change le Créateur en un simple organisateur du monde. Pour ce qui est d’abord des émanations, des cosmogonies orientales, on a voulu les retrouver dans le récit de Moïse ; v. 2, voilà la substance éternelle encore plongée dans le désordre et les ténèbres : v. 3, voilà Dieu qui apparaît ; il est porteur des germes des êtres divers qu’il va laisser sortir de lui. — Mais on fait ainsi complètement abstraction du v. 1er et l’on ne s’inquiète absolument pas du sens du mot créer. On s’appuie sur Psaumes 90.2, où il est question de la formation de la terre. Mais voyez Deutéronome 32.18 ; Proverbes 25.23, où le même mot hébreu a décidément le sens de produire (le vent du nord amène la pluie, la produit). Dans Job 38.28, engendrer est pris dans le sens de créer, ce qui est une figure poétique et ce qui ne prouve nullement que la création soit un engendrement. — Non, la création, d’après lu Bible, est si loin d’être le produit nécessaire du travail intérieur et involontaire de la matière primitive, que bien plutôt c’est un acte libre et joyeux comme pas un autre.

On pourrait plutôt se demander si le récit de Moïse ne favorise pas jusqu’à un certain point l’idée de l’éternité de la matière : « Ta main toute-puissante a créé le monde d’une matière sans forme » (Sapience 11.17). Alors le Créateur n’est plus qu’un organisateur, un démiurge, et voici comment on traduit le commencement de la Genèse : « Au commencement, quand Dieu créa les cieux et la terre (or la terre était informe et vide), Dieu dit : Que la lumière soit ! » Mais cette phrase compliquée serait la seule de son espèce dans tout ce chapitre. D’ailleurs, cela ne trancherait point encore la question de savoir si le chaos est éternel ou si c’est Dieu qui l’a créé. — Selon une autre interprétation, le v. 1er serait en quelque sorte l’argument de tout le chapitre. Mais, même alors, le vrai commencement de tout le récit ne serait pas le v. 2 avec son chaos, mais bel et bien le fait d’une création des cieux et de la terre. — Reste une troisième explication, la plus simple de toutes. Le v. 1er n’est pas le titre du chapitre ; il indique seulement une chose fort importante, à savoir que la création des cieux et de la terre a précédé l’œuvre dont le récit commence à partir du v. 2. C’est ainsi aussi que, dans Job 38.4-7, les étoiles du matin et les enfants de Dieu existaient déjà lors de la création de la terre. Ces deux mots : « Au commencement » sont là, et on ne peut pas les effacer ; ils sont là, et ils montrent que le vrai commencement a été un acte créateur de Dieu, et non pas une matière éternelle que Dieu est venu façonner à un certain moment de l’éternité ; ils sont là, donc il n’y a éternité que pour le Créateur : pour les cieux et la terre, il y a temps (Psaumes 90.2 ; 102.26). Le verbe ברא créer, pourrait, il est vrai, venant d’une racine qui signifie : partager, diviser, mettre à part, — favoriser l’opinion qui veut ne lui faire signifier que façonner. Mais Génésius lui-même reconnaît dans son dictionnaire que ce mot n’a jamais ce sens dans l’A. T. Bara se dit toujours de quelque chose de nouveau, qui n’existait pas encore. C’est un mot qui peut, dans Psaumes 104.30, soutenir le parallélisme du mot חדש, renouveler. C’est ce qui explique comment il se fait que Bara ne se dit jamais d’une activité humaine, et ne se construit jamais avec l’accusatif de la matière dont quelque chose est fait, comme c’est le cas pour d’autres mots signifiant former et faire (Comparez Genèse 1.27 ; 2.7).

Il résulte de ce que nous venons de dire que ce seul verset : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre », élève la religion de Moïse au-dessus de toutes les religions naturelles. C’est parce qu’il a commencé par les créer, qu’il est dit que Jéhovah a fait les cieux et la terre (Psaumes 121.2), qu’il les a formés (Ésaïe 45.18), qu’il en est le possesseur (Genèse 14.22)a. La création de rien est clairement proclamée par Moïse, et l’on ne conçoit pas comment Ewald peut se croire fondé à dire que cette doctrine date du temps d’Amosb. Ce que l’on a fait après Moïse, cela a été de réfléchir à son récit, de chercher à le comprendre toujours mieux ; mais Moïse avait tout dit. Le Psaumes  104 n’est rien d’autre qu’un commentaire du 1er chapitre de la Genèse.

aקנה Il y a deux notions dans ce mot de possesseur : celle de formation (Deutéronome 32.6 ; Psaumes 139.13) et celle de possession.

bAmos 4.13.

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