Théologie de l’Ancien Testament

I. La nature humaine dans ses traits fondamentaux et immuables.

§ 68 L’idée de l’homme.

Qu’est-ce que l’homme ? Genèse 1.26, nous répond : Un être créé à l’image de Dieu. Cette image passe avec la vie, du premier homme à ses descendants (Genèse 5.1,3 ; 9.6) ; elle est donc indissolublement liée à la nature humaine.

Mais qu’est-ce que l’image de Dieu ? Faut-il insister séparément sur l’image, צלם, εἰκών, et sur la ressemblance, דמות, ὁμοίωσις, comme le font Justin Martyr et Irénée, qui rapportent l’image à la taille, à la forme du corps, et la ressemblance aux facultés de l’âme ; comme le font encore les Alexandrins, qui voient dans l’image les facultés de l’âme, et dans la ressemblance, la perfectibilité de l’homme, la possibilité où il se trouve de se développer librement ? Nous n’en croyons rien. Le second terme ne sert qu’à renforcer le premier : l’homme est une copie fidèle, ressemblante, — tel est le sens de Genèse 1.26g. On pourrait penser que l’absence du mot « ressemblance » dans Genèse 9.6, a pour but d’indiquer que dans les temps qui précédèrent le déluge, l’homme était trop corrompu pour ressembler encore véritablement à son modèle. Mais il est plus naturel de voir dans ce passage une allusion à Genèse 1.27, où il n’est question que de l’image de Dieu dans l’homme. Dieu n’ayant point de forme, on ne peut pas regarder le corps de l’homme comme une reproduction de la forme de Dieu. Ce qu’on pourrait dire plutôt, c’est que le corps de l’homme devait être tel que Dieu pût s’en servir pour se montrer, et l’on pourrait citer à l’appui de cette opinion Ézéchiel 1.26 ; Psaumes 94.8-10, ainsi que le fait que la forme d’aucun animal ne sert jamais dans l’A. T. à représenter Dieu, si ce n’est dans le culte du veau d’or, qui était un culte idolâtre. Ce qu’il y a de noble dans la structure du corps humain fait sans doute partie de l’image de Dieu dans l’homme, mais ce serait une erreur manifeste que de ne parler de cette ressemblance qu’à propos du corps. Les Sociniens pensent que la domination sur les animaux constitue toute l’image de Dieu dans l’homme. C’est une autre erreur. La domination sur les animaux en fait bien partie, mais comme un point secondaire, car elle en est la conséquence. Voyez Genèse 1.26 ; 9.2. — Non ! l’image de Dieu, c’est cette gloire et cet honneur dont le Psalmiste dit que Dieu a couronné l’homme (Psaumes 8.6), et qui établit entre l’homme et l’animal une distinction si profonde ; c’est cette liberté dont jouissent les personnalités humaines, si l’on compare leur existence à celle de la nature ; c’est cette communion avec Dieu qui permet à l’homme d’être en quelque sorte le représentant de Dieu sur la terre et le vice-roi de la création.

g – Umbreit pense au contraire que les mots : « d’après sa ressemblance » affaiblissent le sens de ceux qui précèdent immédiatement : « à son image. » Cela voudrait dire que l’homme n’est qu’une image affaiblie de Dieu. — Mais la répétition intentionnée du mot image, au v. 27, s’oppose à cette opinion, qui réclamerait bien plutôt la répétition du mot ressemblance.

Il y a donc un coté négatif dans l’image de Dieu : c’est la grande distance qui sépare l’homme de l’animal, telle qu’elle résulte de tant de passages et en particulier de ces trois faits : 1° Les animaux ont bien une âme, mais la création de l’homme et son animation sont le fait d’une action toute directe de Dieu (Genèse 1.26 ; 2.7). 2° L’homme ne trouve parmi les animaux aucune société qui le satisfasse (Genèse 2.20). 3° L’homme ose tuer toute sorte d’animaux, mais son semblable, jamais, et cela à cause de l’image de Dieu qui est dans l’homme (Genèse 9.2, voyez § 108). C’est en vertu de cette dignité exceptionnelle de l’homme que toute compagnie de l’homme avec l’animal est considérée comme une abomination digne de mort (Exode 22.18 ; Lévitique 18.23 ; 20.15). Le paganisme n’éprouvait point une pareille horreur pour ces péchés contre nature, car de même qu’il ne s’était pas élevé jusqu’à la notion de la sainteté divine, de même il lui manquait l’idée de la dignité de l’homme. A ces deux points de vue éclate également la supériorité de l’A. T. sur les religions naturelles.

Le côté positif de l’image de Dieu ne résulte pas seulement de Genèse 1.26, mais de tout le contenu des deux chapitres suivants. L’homme est là à la tête de la création ; il est établi dominateur sur les œuvres du Très-Haut ; Dieu communique avec lui comme avec un être qui en est digne ; il est appelé à la liberté ; il va y parvenir d’une manière déplorable, mais il y était appelé pourtant (Genèse 3.22, 5) ; il donne des noms aux animaux, donc sa domination sur eux est spirituelle ; il n’est qu’un peu inférieur à Elohim (Psaumes 8.6), à une divinité. [Les Septante et bien d’autres après eux ont traduit ceci par : un peu inférieur aux anges, car on ne saurait traduire : un peu inférieur à Toi, ni : un peu inférieur à Jéhovah. Elohim est pris ici dans son sens le plus indéterminé, c’est une divinité, un être divin, et c’est ainsi que la traduction des Septante n’est pas aussi erronée qu’on pourrait le croire d’abord. La Sapience renferme (18.3-6) une définition assez juste de l’image de Dieu dans l’homme, — domination sur les animaux, libre volonté, langage, intelligence ; mais elle laisse de côté un point capital : en vertu de sa ressemblance avec Dieu l’homme est appelé à vivre en communion avec son Créateurh.

h – Lutz remarque à propos de ceci que dans l’A. T., chose extrêmement importante, ce qui constitue la supériorité de l’esprit sur la nature, ce n’est pas tant la puissance de l’intelligence que bien plutôt la pureté morale.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant