Théologie de l’Ancien Testament

§ 79. Suite.

Nulle part l’A. T. n’établit clairement une différence entre le sort des méchants et celui des bons dans l’intérieur du Schéol. D’après Job 3.17-19, il y règne plutôt une complète égalité entre tous, petits et grands, hommes impies et innocents petits enfants. Ésaïe 14.15 ; Ezéchiel 32.23, parlent bien d’un lieu plus profond réservé aux conquérants morts, en sorte qu’il y aurait divers cercles, différents degrés dans le Schéoli. Mais indépendamment de cela, nous voyons que les morts y sont parqués par races et familles, et non par justes et injustes. Samuel dit à Saül qu’il sera demain auprès de lui avec ses fils. Il n’y a pas de rétribution pour les morts (Ecclésiaste 9.5). Ils sont réduits à une vie si peu digne de ce nom, qu’il ne peut être question pour eux ni de félicité, lors même que Job fatigué de la vie soupire après le repos du Schéol ; ni de tourments positifs, car pour ceux que la mort enlève au milieu des plaisirs de la vie, elle n’est un châtiment que précisément en tant qu’elle vient mettre un terme à ces plaisirs (Nombres 16.30 ; Psaumes 55.16). Aux yeux de Moïse, c’est uniquement ici-bas que les comptes se règlent, ainsi que nous le verrons § 89. On a cru trouver dans le Pentateuque différentes traces de la croyance en une vie céleste de l’autre côté de la tombe ; le seul passage qu’on puisse sérieusement citer ici, c’est Genèse 5.24, et encore ne prouve-t-il rien pour une existence meilleure après la mort, puisqu’il nous apprend précisément que Hénoch ne mourut pas, qu’il n’y eut pas pour lui séparation de l’âme d’avec le corps. Il n’y est point dit que Hénoch mourut, mais seulement que Dieu le prit. Ce que montre bien plutôt l’enlèvement de Hénoch et d’Elie, c’est que ces hommes privilégiés ont été, même avant l’apparition du Rédempteur, affranchis et dispensés de la malédiction de la mort et du séjour dans le Schéol. Tout ce qu’on peut donc trouver dans ces deux récits, c’est la preuve indirecte que l’A. T. ne considérait point la mort comme quelque chose d’inhérent à la nature humaine. C’est également à tort qu’on a cité ici la mort de Moïse, dont nous avons déjà parlé § 31 ; et le vœu de Balaam : « Que je meure de la mort des justes. » On y a vu l’expression de la croyance en la vie éternelle. Tout ce que désire Balaam, c’est de ne pouvoir mourir qu’après une existence aussi pleine de bénédictions que l’est celle des Israélites pieux.

i – A peu près comme Josèphe parle d’un enfer spécialement ténébreux réservé aux malheureux qui se sont ôté la vie. Bell. jud. 3.8.5.

Mais ce que le Pentateuque enseigne clairement déjà, c’est que la mort est incapable de briser le lien qui unit les justes à l’Éternel. Le sang d’Abel crie à Dieu. Dieu s’appelle encore, longtemps après la mort des patriarches, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (Exode 3.6 ; Genèse 26.24 ; 28.13 ; Matthieu 22.32). Celui qui n’est pas mort aux yeux de Dieu et à la personne duquel Dieu ajoute une importance éternelle, — celui-là est assuré de vivre toujoursj.

j – Nous traiterons de la doctrine de la résurrection dans la deuxième partie, et des efforts de l’esprit Israélite pour résoudre le problème de la mort, dans la troisième partie de notre ouvrage.

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