Théologie de l’Ancien Testament

§ 88. Suite. Sens religieux de la circoncision dans l’A. T.

Remarquons d’abord qu’elle fut instituée avant la naissance d’Isaac, le fils de la promesse. Evidemment il y a là l’indication d’une souillure qui s’attache à l’existence naturelle, et de laquelle doivent être délivrés ceux qui sont appelés à faire partie de l’assemblée de l’Éternel. Ewald l’a appelée avec raison « le sacrifice du corps, » mais c’est, un sacrifice qui est de nature à montrer dans la propagation de la race élue, une affaire sainte. Nulle part dans l’A. T. ne se trouve l’idée que le sang qui coule lors de cette cérémonie ait une valeur expiatoire. Cette pensée ne se trouve ni dans Genèse 18.14, où l’extermination des incirconcis est présentée uniquement comme la punition de ceux qui ne voudront pas se soumettre à l’ordre que Dieu vient de donner v. 10 ; — ni dans Exode 4.24 et sq. Mais ce dernier passage mérite de nous arrêter plus longtemps.

« Il arriva, comme Moïse retournait en Egypte, que l’Éternel le rencontra pour le tuerw ; alors Séphora coupa le prépuce de son fils et en touchax les pieds de Moïse en disant : Tu m’es un époux de sang ! Et l’Éternel le quitta. Elle avait dit : Epoux de sang, à cause de la circoncision. » — Il paraît que Moïse avait négligé de circoncire son fils, probablement l’aîné, parce que Séphora s’opposait à cette opération critique. Moïse méritait d’être repris, car, ainsi que le remarque Knobel, celui qui devait bientôt forcer Pharaon à faire son devoir à l’égard du premier-né de l’Éternel, devait commencer par faire lui-même le sien à l’égard de son premier-né, qui appartenait spécialement à l’Éternel. Pour sauver son mari, Séphora consent à la circoncision de son fils et elle l’accomplit elle-même ; mais, lui déclare-t-elle en même temps, je vois que l’union que j’ai contractée avec toi est de telle nature que nos enfants doivent être rachetés au prix de leur sang. Telle est notre interprétation de ce passage difficile.

w – Probablement une maladie subite et grave.

xEn toucha, et non pas : le jeta aux pieds de Moïse.

[Si le sang qui coule à la circoncision est destiné à montrer que la nature humaine est originellement corrompue, ce n’est jamais là qu’un sens secondaire de cette cérémonie. — Encore plus secondaire est l’utilité hygiénique de la circoncision, qui, d’après Hérodote, 2.37, doit se faire καθαριοτητος εἴνεκεν, et qui, d’après Philon, est une excellente prophylaxie contre le charbon et augmente la fécondité des mariages.]

Les rabbins l’expliquent tout autrement : c’est son fils, et non pas Moïse, que Séphora appellerait un époux de sang après sa circoncision ; en effet, en Arabe, le même mot signifie à la fois époux et homme circoncis. Alors la circoncision serait en quelque sorte les fiançailles du fils de Moïse avec l’Éternel. — Mais cette explication a contre elle le fait que dans l’A. T. l’Éternel n’est jamais appelé l’époux que du peuple en général, et non pas des Israélites individuellement. Il y a entre la circoncision et le baptême cette différence essentielle, que celui-ci agit comme moyen de grâce individuelle et qu’il vous met avec Dieu dans une relation personnelle, intime et immédiate, tandis que pour être circoncis, il suffit de descendre d’Abraham selon la chair, ou, pour les païens, de se rattacher extérieurement au peuple d’Israël. La circoncision est un opus operatum ; elle ne communique point une force de sanctification, elle assure seulement à l’individu une part aux bénédictions qui sont l’apanage du peuple de l’alliance tout entier.

Mais celui qui a une fois reçu en son corps ce signe extérieur de l’alliance est tenu à obéir à son Dieu et à marcher devant sa face en toute intégrité (Genèse 17.1). De cette manière, la circoncision devient le symbole du renouvellement et de la purification du cœur. Le cœur fermé à toutes les impressions saintes est appelé un cœur incirconcis (Lévitique 26.41 ; Jérémie 9.25 ; Ézéchiel 44.7) ; la circoncision du cœur au contraire rend capable d’aimer la volonté de Dieu et de l’accomplir (Deutéronome 10.16 ; 30.6 ; Jérémie 4.4). C’était lorsque l’on circoncisait les enfants, qu’on leur donnait leur nom. La chose n’est dite en autant de mots que dans Luc 1.59 ; 2.21 ; mais elle résulte déjà clairement de Genèse 17.5 ; 21.3. Cette coïncidence est significative : le nom indique la position qu’est destiné à prendre un jour dans l’assemblée de l’Éternel l’enfant qui vient d’y être admis.

[Les prosélytes prenaient des noms nouveaux quand ils embrassaient le judaïsme. — Aucun peuple de l’antiquité ne fournit autant de noms d’hommes ayant un sens religieux, que ne le fait le peuple juif. Matth. Hiller (Onomasticum sacrum, 1706) en cite une centaine. Voyez aussi Jérôme, De nominibus hebraïcis, et Simon, Onomasticon V. T.. p. 393 et s. Pour les femmes, il n’en est pas tout a fait ainsi. Il y en a une foule qui portent les noms de tel arbre ou de tel animal gracieux. — Dans les plus anciens temps, ce qui domine parmi les noms à étymologie religieuse, c’est le mot El. Shaddaï et Tsour sont plus rares (§ 47). A partir de David, Jéhovah, Jah. devient très fréquent ; on y joint un mot rappelant tel ou tel attribut de l’Éternel, sa puissance, sa justice, sa grâce, ou exprimant la reconnaissance, l’espérance, etc. Tel nom est à lui seul toute une prière : Eljoënaï : vers l’Éternel (sont dirigés) mes yeux (1 Chroniques 3.24 ; 4.36 ; 7.8), Hodawjahu : remerciez l’Éternel (1 Chroniques 3.24 ; 5.24), Hatzelponi : donne-moi de l’ombre, toi qui tournes vers moi ta face (1 Chroniques 4.3). Pour les Israélites, le sens des noms était parfaitement clair ; c’étaient presque des adjectifs. Souvent on ne pensait guères à ce sens. Achab et Jésabel font entrer Jéhovah dans les noms de leurs fils Achazia et Joram. Mais souvent aussi le nom était un acte de foi de la part des parents et de la mère en particulier (Genèse 29.32 ; 1 Samuel 1.20 ; 4.21). — Pour les filles, il n’y avait rien qui correspondît à la circoncision ; aucune consécration à l’Éternel : ce qui s’explique par la position dépendante de la femme chez les Juifs et en général chez les Anciens ; la femme n’acquérait quelque, importance dans la vie nationale qu’en qualité de compagne de l’homme, d’épouse et de mère. C’était lorsqu’on les sevrait qu’on leur donnait leur nom.]

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