Théologie de l’Ancien Testament

§ 124. Sacrifices non sanglants. Du sel dans les sacrifices.

Les offrandes consistaient d’après Lévitique 2.14 en épis rôtis au feu, (Caremel כרמל, épis frais et encore en sève) ; en fleur de farine de fromentl, v. 1 ; et en gâteaux ou pain sans levain, faits avec de la fleur de farine de trois manières différentes, cuits au four, v. 4 ; sur une plaque, v. 5, ou dans une poêle, v. 7. C’étaient donc des fruits de la terre et de ceux qui constituent l’alimentation la plus ordinaire de l’homme ; mais en même temps c’étaient des produits de l’agriculture. Les amandes, les grenades qui croissent sans que l’homme soit obligé de s’en occuper, ne sont jamais employées comme offrandes. Peut-être cela venait-il aussi de ce qu’il ne devait point en être des sacrifices israélites comme des sacrifices païens, où la gourmandise trouvait si souvent son compte. « Les enfants d’Israël s’adressent aux dieux étrangers et aiment les gâteaux de raisins. » (Osée 3.1)

l – La fleur de farine d’orge ne figure que dans les sacrifices de jalousie, Nombres 5.15. — La fleur de farine et les épis rôtis sont accompagnés d’huile d’olive et d’encens. L’encens n’était pas répandu sur la farine ou sur les grains ; il formait une offrande à part.

Ni levain, ni miel (Lévitique 2.4,11), ne doivent entrer dans la composition de ces offrandes. Cela était défendu d’une manière aussi absolue que de choisir comme victimes des animaux mal faits ; ces deux prohibitions ont quelque chose de correspondant. Il y avait sans doute du levain dans les pains des prémices (Lévitique 2.12 ; 23.17), ainsi que dans ceux des sacrifices de prospérité (Lévitique 7.13). Mais cela vient de ce que ni les uns, ni les autres ne paraissaient à l’autel et de ce qu’ils étaient mangés soit par les prêtres, soit par la famille qui offrait le sacrifice de prospérité. Remarquez en outre que les pains des prémices devaient être des échantillons du pain dont se nourrissait le peuple.

[C’est ainsi que, dans 2 Chroniques 31.5, nous trouvons mentionnés des prémices de miel. Au reste, pour ce qui est du miel, on ne sait pas au juste s’il faut y voir uniquement ce que nous appelons ainsi (c’est l’opinion de Philon qui, dans son traité De vict. off. § 6, prétend que le miel est exclu des offrandes, parce que les abeilles elles-mêmes étaient considérées comme impures ; et c’est aussi, l’opinion de la plupart des modernes) ; ou bien s’il faut prendre ce mot dans un sens plus large et y voir toute espèce de sirop et de gelées de fruits et particulièrement de dattes et de raisin. (C’est ainsi que les rabbins envisageaient la chose.) Théophraste avait écrit sur le culte des Juifs un livre intitulé : περὶ εὐσεβείας. Cet ouvrage est perdu, mais Porphyre, dans son traité sur l’abstinence, en a conservé des fragments importants que Bernays a publiés en 1866 et où il est dit, — entre autres choses dont on se demande qui a pu fournir à Théophraste des renseignements aussi erronés, — que les Juifs faisaient couler du miel sur la chair de leurs sacrifices.]

Si le levain était prohibé, comme il l’était du reste aussi chez les Grecs et les Romains, bien qu’il ne fût pas impur en lui-même, cela vient sans doute de ce que la fermentation qu’il produit dans la pâte était considérée comme un commencement de décomposition. Voyez Plutarque, Quæst. rom., 109 et Luc 12.1 ; 1 Corinthiens 5.6-8. — Le miel a un effet à peu près semblable. Voyez Pline, hist. nat., 11.15. Aussi dans le langage des Rabbins trouvons-nous un dérivé du mot דבש davasch (miel), signifiant fermenter et se corrompre.

D’autres pensent que le levain et le miel sont exclus de toute offrande, parce qu’ils communiquent aux aliments auxquels on les mélange un goût agréable qui flatte les sens ; d’autres encore, parce qu’ils font lever la pâte, ce qui en fait le symbole de la hauteur d’esprit.

Le sel occupe une place importante dans tous les sacrifices non sanglants (Lévitique 2.13)m. En fallait-il aussi pour les sacrifices sanglants ? Cela ne résulte pas nécessairement des derniers mots de Lévitique 2.13 : « Tu offriras du sel avec toutes tes oblations, car oblation, corban, ne signifie pas sacrifice dans ce contexte. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que, dans la pratique, on salait toutes les victimes aussi bien que toutes les offrandes (Marc 9.49. Pour les holocaustes, voyez Ézéchiel 43.24, Jos. Ant. 3.9, 1)n, sauf peut-être dans les sacrifices pour le péché et pour le délito. Le sel ne servait pas à donner du goût aux offrandes ; il est le symbole de la purification, de la conservation, de la perpétuité, et c’est ce qui explique plusieurs expressions frappantes, entre autres Lévitique 2.13 : « le sel de l’alliance de ton Dieu, » ce qui doit montrer que cette alliance est immuable ; Nombres 18.19 : « c’est un pacte fait à perpétuité avec le sel, » et 2 Chroniques 13.5, « un pacte solennisé avec le sel. » Dans Marc 9.49, ce n’est pas tant l’idée de la perpétuité, que bien plutôt celle de la purification qui domine, puisque dans ce passage le sel est mis en parallèle avec le feu.

m – Si les Septante ont le vrai texte de Lévitique 24.7, les pains de proposition ne devaient pas non plus en manquer.

n – La Mischna Sebachim ne parle de sel qu’à propos des sacrifices de volatiles, 6.5, mais elle remarque, § 6, que si le sel faisait défaut, le sacrifice ne perdait pas pour cela de sa valeur.

o – Cela explique pourquoi il fallait tant de sel et pourquoi il y avait dans le parvis du temple, d’après la Mischna Middott, 5.2, un grenier à sel. Voyez encore Esdras 6.9 ; 7.22, ainsi que Jos. Ant. 12.3, 3. Il paraît qu’on tannait avec ce sel les peaux des victimes.

Le vin était seul employé pour les libations qui accompagnaient les offrandes. 1 Samuel 7.6, parle d’eau, mais c’est là une ablution, telle que nous en retrouverons au § 156 dans la fête des Tabernacles.

[La Bible ne prescrit rien touchant le vin des libations, si ce n’est la quantité qui devait y être consacrée. La Mischna Menachoth 8.6, 7, en revanche, entre dans de grands détails sur la qualité et sur l’âge du vin sacré, ainsi que sur la manière de le garder et de cultiver les vignes qui devaient le produire.]

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