Théologie de l’Ancien Testament

§ 185. Jéhojachim et Jéhojachin.

Pour comble de malheur, ce roi vassal surpassa en méchanceté ses pires prédécesseurs. Par ses folles dépenses, il épuisa complètement les ressources d’un peuple déjà ruiné (Jérémie 22.13-19). Il permit à l’idolâtrie de se montrer de nouveau partout le front haut. L’œuvre réformatrice de Josias fut presque entièrement annulée. Ce furent des années bien terribles pour Jérémie. Sous Josias, il avait déjà eu à souffrir, spécialement de la part de sa propre famille ; toutefois, il n’avait jamais été entravé dans l’exercice public de son ministère. Sous Jéhojachim, après avoir commencé par être absous du crime qu’on lui avait imputé, il se vit accablé d’opprobres et exposé à de continuelles persécutions.

[On l’avait accusé de blasphème, parce que, dans un discours tenu dans le temple, il avait annoncé la ruine prochaine de cet édifice. Mais il avait été déclaré innocent, tandis que l’on oblint l’extradition du prophète Urie qui avait fui en Egypte pour se soustraire à la colère du roi, et qu’on le fit mourir par l’épée (Jérémie ch. 26).]

Mais il ne se laissa point intimider ; il n’en continua pas moins à s’élever contre l’idolâtrie, contre la corruption, contre les violences des grands, contre les mauvais prêtres et contre les faux prophètes, qui s’efforçaient par leur écrasante majorité d’annuler l’influence des vrais envoyés de Dieu.

Après la ruine de Ninive en 606g, les Chaldéens, fort peu désireux de voir les Egyptiens prendre pied en Asie, entreprirent de les en chasser. En 605, Nébukadnézar, le fils de Nabopolassar, les battit complètement à Karkémis (Jérémie 46.1-12).

g – Ainsi s’accomplirent les menaces de Nahum. Nahum est probablement un contemporain d’Esaïe, ou du moins de la seconde partie du ministère d’Esaïe.

[Forteresse sur l’Euphrate, Circésium chez les Grecs. —Jérémie éclate en un chant de joie à l’ouïe de la défaite de l’ennemi héréditaire : « C’est le jour du Seigneur, un jour de vengeance pour l’Éternel des armées ! Il y a un sacrifice pour lui au pays de l’aquilon, auprès du fleuve d’Euphrate. Monte en Galaad, prends du baume, vierge fille d’Egypte ; c’est en vain que tu multiplies les remèdes, il n’y a point de guérison pour toi ! Les nations ont appris ta honte et ton cri a rempli la terre. » — Au reste il est impossible d’accorder les données chronologiques de Daniel 1.1-2, avec la date que Jérémie 46.2 assigne à la bataille de Karkémis. Voyez Bertheau à propos de 2 Chroniques 36.6, Zundel, Recherches critiques sur le livre de Daniel, 1801, page 19, et M. de Niebuhr, Histoire d’Assur et de Babel, p. 375. — Il ne résulte point absolument de Jérémie que Nébukadnézar eut eu affaire avec Jérusalem dans cette campagne-là. Jérémie 35.11, comparé à v. 1, peut bien se rapporter à cette même guerre ; mais il n’y est question que de la présence de Nébukadnézar dans le pays. Le jour de jeûne de Jérémie 36.9, la 5e année de Jéhojachim, montre que Jérusalem courut alors un grand danger. Dans Dan. ch. 1, au contraire, Nébukadnézar s’est emparé de Jérusalem, il a emporté une partie des vases sacrés, ce qui nous est confirmé par 2 Chroniques 36.7 ; il a emmené à Babel plusieurs jeunes gens de bonnes familles, ce qui concorde fort bien avec Bérose, cité par Josèphe, Ant. 10.2.1. Mais d’après Daniel, cela aurait eu lieu la 3e année de Jéhojachim, et par conséquent avant Karkémis.]

Cette victoire rendit les Chaldéens maîtres de toute l’Asie antérieure jusqu’à Péluse (2 Rois 24.7, comparé à Jérémie 47.6-7). C’est alors que Jérémie annonça quelles vues l’Éternel avait sur Babylone, quel parti Il comptait en tirer, quelle durée lui était assignée (soixante-et-dix ans, Jérémie 25.11). Le prophète tend à tous les peuples d’alentour la coupe d’étourdissement, mais à la fin Sçésçach y devra boire aussi, v. 26.

[Sçésçach est le nom mystique de Babel. Nous avons ici la figure connue sous le nom d’Athbasch, qui consiste h employer la première lettre de l’alphabet à la place de la dernière, la seconde à la place de l’avant-dernière, etc. Les deux Schin de Sçésçach remplacent les deux Beth de Babel, et le Caph en remplace le Lamed.]

Nébukadnézar était sur le point de pénétrer en Egypte quand la mort de son père le rappela à Babylone. Il s’y rendit en toute hâte avec une escorte peu nombreuseh. Son armée le suivit et, en passant, fit en Judée un certain nombre de prisonniers. C’est la première déportation. D’après 2 Chroniques 26.6i, le roi lui-même fut pris et il allait être emmené, quand il obtint, d’être laissé à Jérusalem comme vassal de Nébukadnézar. Trois ans après (2 Rois 24.1) Jéhojachim se révolta et il mourut, paraît-il, dans la guerre qu’occasionna sa rébellion, en 599 ou 598. Son fils Jéhojachin lui succéda, mais au bout de trois mois à peine il fut détrôné par Nébukadnézar, et emmené à Babylone avec toute sa noblesse, ses soldats et ses prêtres. C’est la seconde déportation. La meilleure partie du peuple se trouvait maintenant sur la terre étrangère. Voyez, Jér. ch. 24 : le panier rempli de bonnes figues représente les Israélites qui ont été transportés à Babylone ; celui qui est rempli de mauvaises figues représente le reste du peuple. Au nombre des premiers se trouvait le prêtre Ezéchiel, qui, cinq après sa déportation, commença à exercer son ministère prophétique parmi ses compatriotes établis sur les bords du fleuve Kédar.

h – C’est Bérose qui rapporte ceci (Josèphe, Ant.10.11.1).

i – Si du moins ce passage se rapporte à la même guerre que celle dont parle Bérose.

Nébukadnézar mit sur le trône, à la place de Jéhojachin, un de ses oncles, un fils de Josias, qui s’appelait Mattanja, mais auquel il donna le nom de Sédécias (2 Rois 24.8-17 ; 2 Chroniques 36.9 ; Jérémie 22.24-30).

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