Théologie de l’Ancien Testament

§ 206. Ce qui rentre absolument dans la notion de prophète.

Tout vrai prophète sait qu’il n’est devenu un organe de la révélation qu’en vertu d’un appel positif que Dieu lui a adressé. Que Dieu lui a adressé, disons-nous, et il n’a pas pu en douter, car cet appel a été accompagné d’une démonstration de puissance et d’effets intérieurs tels que Dieu seul peut en produire. L’Esprit saint est venu à un moment donné l’éclairer, le sanctifier, le fortifier comme l’Esprit de Dieu peut seul éclairer, sanctifier et fortifier ; ce que cet Esprit lui révèle ne saurait donc être autre chose que la parole de Dieu.

1° Les prophètes ne racontent jamais qu’un certain, jour ils ont résolu d’embrasser la carrière prophétique ; mais bien qu’un certain jour Dieu les y a appelés, quelquefois contre leur gré et en dépit de leur timidité ou de leur paresse naturelles. Amos a recours à une comparaison frappante pour faire comprendre l’effet irrésistible que produit sur l’âme l’appel du Seigneur : Quand l’Éternel l’a pris de derrière son troupeau et lui a dit d’aller prophétiser à son peuple (Amos 7.15), cela l’a rempli, de l’effroi que cause au berger solitaire le rugissement du lion : « Le lion rugit, qui ne craindrait ? L’Éternel parle, qui ne prophétiserait ? » (Amos 3.8) Ésaïe (ch. 6) et Ézéchiel (ch. 1), font dater leur vocation prophétique de tel et tel jour bien connu d’eux, où Dieu leur a fait voir sa gloire, et c’est à plus d’une reprise que Jérémie parle de la certitude qu’il possède de n’être devenu prophète qu’en vertu d’un appel divin. L’Éternel lui déclare que dès avant sa naissance Il l’a consacré et établi prophète des nations (Jérémie 1.5) ; mais loin que cette déclaration l’engage à se lancer lui-même dans la carrière prophétique, il cherche au contraire à échapper : « Ah ! Seigneur Éternel ! je ne suis qu’un enfant ! » (v. 6.) « O Éternel, tu m’as attiré et j’ai été attiré, dit-il Jérémie 20.7, tu as été plus fort que moi et tu as prévalu. » Et il poursuit sa plainte, et il avoue que sous le poids des moqueries que lui a values sa vocation de prophète, il a souvent été tenté de refouler au fond de son cœur les impulsions divines, mais qu’il n’y a pas réussi. Voici comment dans Jérémie 17.16, il résume ses luttes et sa fidélité : « D’une part, je ne me suis point soustrait à l’obligation de Te suivre, et de l’autre, je n’ai point désiré le jour du malheur (que je devais annoncer), Tu le sais. Ce qui est sorti de mes lèvres est découvert à tes regards. » Il appartenait à un homme aussi sûr de sa vocation divine que l’était Jérémie, de juger les prétentions des faux prophètes comme il le fait aux chapitres 23, 28 et Jérémie 29.24-32.

De même qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de se faire prophète, de même il n’est point au pouvoir du prophète de se faire adresser la parole de l’Éternel. Il y a des temps fâcheux, des temps de jugement, où Dieu n’accorde plus de révélations nouvelles à son peuple ; 1 Samuel 3.1 ; Amos 8.12 : « Ils courront depuis une mer jusqu’à l’autre et ils iront de tous côtés… pour rechercher la parole de l’Éternel, et ils ne la trouveront point. » ; Ézéchiel 7.26 : « On demande des visions aux prophètes, mais c’est en vain, Dieu ne leur en accorde plus » ; Lamentations 2.9 : « La loi n’est plus et ses prophètes n’ont reçu aucune vision de l’Éternel. » ; Psaumes 74.9 : « Il n’y a plus de prophète. — Nous n’avons plus personne qui sache jusques à quand. »

2° La main de l’Éternel fut sur moi, — s’abattit sur moi, — fut forte sur moi, — telles sont les expressions par lesquelles les prophètes cherchent à rendre ce qu’ils éprouvent quand Dieu se révèle à eux (Ésaïe 8.11 ; Jérémie 15.17 ; Ézéchiel 1.3 ; 3.14,22 ; 8.1 et sq.). Mais cette main, ce moyen d’action, n’est autre que l’Esprit de Dieu (Zacharie 7.12 : « Ils ont rendu leur cœur dur comme du diamant, pour ne point écouter la loi et les paroles que l’Éternel leur Dieu leur adressait par son esprit, par les prophètes qui ont été ci-devant ». )

Cet Esprit vient de Dieu : s’il venait d’ailleurs, il n’éclairerait pas comme il le fait ; Jérémie demande aux faux prophètes s’ils se sont donc trouvés au conseil secret de l’Éternel, qu’ils semblent ainsi avoir va Dieu lui-même et avoir entendu sa parole (Jérémie 23.18) ; mais Amos, parlant des vrais prophètes, dit au contraire que l’Éternel ne fait rien sans leur communiquer ses desseins (Amos 3.7). Le prophète est un homme qui a l’œil ouvert (Nombres 24.4), et la parole de l’Éternel est quelque chose de caché qui a été découvert, dévoilé (Daniel 10.1) ; c’est quelque chose de réel qui existe objectivement et qui est donné, communiqué au prophète, qui est mis dans sa bouche (Ézéchiel 2.8 ; 3.3 ; Deutéronome 18.18 ; Jérémie 1.9). Cependant, il ne suffit pas encore d’avoir reçu une révélation pour être un vrai prophète, voyez Balaam et Caïphe ; l’Esprit de Dieu, tout en éclairant, tend à sanctifier et à fortifier en Dieu ceux auxquels il est communiqué. Dans le Psaumes 50.16, Dieu demande aux impies si c’est bien à eux de réciter ses statuts et de parler de son alliance, puisqu’ils haïssent la correction et qu’ils jettent ses paroles derrière eux, et dans Michée 2.11 ; 3.5, nous voyons que les faux prophètes se font remarquer par leur complaisance pour les mauvais penchants du peuple ; le vrai serviteur de l’Éternel au contraire est rempli par l’Esprit de l’Éternel, de vertu, de justice et de force, afin de déclarer à Jacob son crime et à Israël son péché (Michée 3.8).

[Nous avons déjà remarqué dans le § 161, à propos de 1 Samuel 10.6,9, la manière en laquelle l’esprit prophétique transforme l’homme sur lequel il descend.]

3° Comment, après avoir éprouvé en soi-même tous les effets salutaires que nous venons de signaler, le prophète pourrait-il conserver quelque doute sur la valeur des paroles qui lui sont mises dans la bouche par l’Éternel ? Ah ! elles sont accompagnées de la force de Dieu même et elles sauront le prouver. Elles sont tout autant de grains de blé, tandis que celles des prophètes de mensonge sont de la balle. Elles ont une force irrésistible, elles sont un feu ; elles sont un marteau capable de briser les rochers (Jérémie 23.28). Elles ne retournent point à l’Éternel sans avoir produit l’effet pour lequel elles ont été envoyées (Ésaïe 55.11), et c’est ce qui fait des prophètes des hommes d’action, des hommes qui, par cela même qu’ils sont les porteurs de la parole de Dieu, arrachent et démolissent, ruinent et détruisent, bâtissent et plantent (Jérémie 1.10 ; 25.15).

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