Révolté...? Résigné...? Vainqueur...?

Chapitre Premier

LES RÉVOLTÉS

Inopportune, la maladie a frappé un homme. Qu'elle soit la première grande épreuve de sa vie ou le complément d'une succession de peines, elle fait naître aujourd'hui dans son cœur un terrible conflit.

Dans les débuts, peut-être même s'était-il résigné, mais maintenant que l'épreuve se prolonge, il ne peut plus accepter. Une sourde colère prête à éclater au dehors, étreint sa gorge. En un moment le cours normal de sa vie est modifié totalement. Ses projets sont anéantis. Non seulement il doit rompre avec ses habitudes les plus chères, mais se séparer de ceux qu'il aime pour chercher au loin une guérison qu'il n'est plus même certain de trouver. S'il est jeune, encore aux études ou en apprentissage, il voit son avenir brisé, ou tout au moins gravement compromis. S'il est fiancé, un drame plus douloureux encore se passe dans son cœur. S'il est marié, père de famille, il ne peut accepter la charge si lourde qui tombe sur les épaules de celle qu'il aime ; ne plus pouvoir faire face à ses responsabilités, l'humilie et le désespère. Il ne peut plus admettre que lui soit atteint, arrêté, tandis que tant d'autres continuent leur chemin exempts, semble-t-il, de toute peine !

Ce qu'il y a de tragique dans cet état, c'est que tout semble fait pour l'exaspérer. La visite d'un bien portant trop souvent consolateur fâcheux, la joie bruyante d'un camarade sur le point de quitter la clinique, lui causent une secrète irritation. Tout paraît s'acharner contre lui et plus il se cabre et se raidit, plus il est malheureux. Il ne peut plus rien supporter et devient lui-même, pour son entourage, insupportable ! L'amertume dans laquelle est plongée son âme se manifeste par son attitude, ses actes et ses paroles. Le révolté est un être qui s'isole dans sa douleur, ne pouvant plus communier aux joies et aux souffrances d'autrui.

Mais au fond, contre quoi, contre qui est-il révolté ?

Si jusqu'alors il a fait profession d'athéisme, son attitude est pour le moins étrange. Lui qui ne s'est soucié ni de Dieu ni du diable, qui a nié la Providence divine au temps de sa prospérité, contre quoi, contre qui est-il révolté ? Serait-ce contre la Fatalité, la Malchance, un aveugle Hasard ou simplement contre le Néant que vient s'écraser sa rage impuissante et ses efforts inutiles ? Sa révolte ne serait elle pas plutôt un aveu, un premier pas vers la reconnaissance d'une puissance supérieure, invisible, infiniment plus sage et plus puissante que nous, de laquelle tout provient et dont nous dépendons nous-mêmes ? Car qu'est-ce que ces forces anonymes Hasard, Malchance, Fatalité, Néant ? Pourquoi ne pas jeter le masque et appeler par Son Nom le Maître du Destin et de nos circonstances, Celui que la Bible nomme simplement Dieu, et que notre orgueil, nos déceptions ou notre amour du péché nous ont empêchés de reconnaître, de craindre et d'aimer ?

Si au contraire, n'étant pas assez insensé pour nier l'existence du Créateur il a la foi en Dieu, sa révolte ne manifeste-t-elle pas une foi intellectuelle sans vie ? Pur déiste, sa raison n'a jamais pu admettre qu'un chronomètre existe sans horloger. Mais le Dieu auquel il croit est trop spirituel, trop éloigné du monde pour qu'il ait eu quelques relations intimes avec Lui. Aussi jusqu'à présent n'a-t-il jamais déposé ses offrandes ailleurs que sur l'autel du « Dieu Inconnu ». Si au contraire ; fervent panthéiste, ami des sports et de la nature, il a confondu Dieu avec le monde au point que pour lui tout était Dieu, objets d'adoration et lieux de cultes, maintenant que tout semble contre lui, il est désorienté et sans aucun secours, parce qu'il n'a jamais connu le Dieu vivant et personnel que nous révèlent les Écritures et Jésus-Christ.

Déiste ou panthéiste, pour lui aussi sa révolte est un aveu. Il a une croyance, il possède une certaine connaissance de la vérité, admet l'existence du Créateur voyant dans Ses œuvres Sa puissance éternelle et Sa divinité, mais dans sa vie passée, il ne le glorifia point comme Dieu ni ne lui rendit grâce. Aujourd'hui, il le maudit à voix basse. Si autrefois il le crut bon, maintenant il le voit méchant ; s'il le crut beau, il le voit prenant plaisir à la laideur, à la difformité, aux infirmités qu'apporte la maladie ; s'il le crut tout-puissant, il le voit incapable, dominé par le mal. Si ses lèvres gardent encore le silence, ses pensées accusent Dieu, et plus il s'en éloigne, plus il est malheureux.

Mais la révolte peut prendre une autre forme. Elle peut se revêtir du masque de l'indifférence ou même de l'insouciance. Le malade ne veut pas laisser voir son amertume, ses déceptions. Il n'accepte pas sa maladie et pour montrer qu'il la domine, plus que jamais il cherchera à jouir de la vie. A corps perdu, autant qu'il en a encore la possibilité, il s'adonnera à toutes les jouissances que ce monde peut encore lui offrir, quitte à brûler la chandelle par les deux bouts, à aggraver encore son état, car qu'importe : « Mangeons et buvons puisque demain nous mourrons ! » Et sous cette joie bruyante, sous ces propos frivoles, sous cette conduite relâchée, un pauvre cœur se meurt désespéré.

Pourtant, ne nous y trompons pas. La révolte peut se trouver aussi chez le chrétien. L'homme n'aime pas souffrir et ne choisit pas volontiers les chemins rocailleux. Cependant la révolte chez un disciple du Christ est plus triste à constater que partout ailleurs. Elle ruine un témoignage et manifeste une vie et une volonté propres non brisées. Elle est le signe d'un éloignement du Christ qui peut conduire aux pires reniements.

Révolte silencieuse, révolte ouverte, révolte masquée, où qu'elle se trouve et quelle que soit sa forme, elle est l'ennemie numéro un de la guérison.

O malade révolté ! ô déçu de la vie, de toi-même et de tous et de tout, arrête-toi un instant !

Si ta révolte t'apaise, te rend heureux, si elle change tes circonstances et améliore rapidement ton état, alors, je n'ai rien à te dire et ces lignes ne te concernent pas.

Si au contraire tu constates chaque jour son impuissance à améliorer ton sort, oh ! sois intelligent et rends-toi compte enfin qu'elle est ton ennemie, qu'elle te tue, faisant de toi un malheureux. Rongé comme tu l'es moralement, comment veux-tu qu'un bien quelconque s'opère en toi physiquement ?

Abandonne tes préjugés, cesse de te lamenter dans le secret de ton âme ou ouvertement auprès de ceux qui te visitent ou t'entourent, et quelles que soient tes croyances ou ton incroyance, va à Dieu sans détour pour lui vider ton cœur.

Jusqu'à présent, tu ne l'as peut-être jamais fait. Tu as eu des pensées contre Dieu, tu as blasphémé Son Nom aux oreilles de tes frères en maudissant ton jour, mais tu n'es pas allé trouver Celui contre qui gronde ta colère. Et voilà pourquoi tu ne vois aucun changement dans ton état.

Puisque au fond, c'est contre Dieu que tu es révolté, use donc de droiture et va le trouver. Crois-moi, Il n'est pas loin de toi que tu ne puisses l'atteindre, « car en Lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes ». Parle-Lui, Il ne t'écrasera pas. Aujourd'hui encore Il n'est pas en colère contre toi. Aujourd'hui Il fait grâce même au blasphémateur, à l'outrageux et à tous ceux qui, aveuglés, ont cru voir en Lui un Ennemi de leur bonheur. Lui se souviendra que « les paroles d'un désespéré ne sont faites que pour le vent ». Il saura comprendre que ta force n'est pas celle des pierres et que ta chair n'est pas d'airain. Il n'oubliera pas de quoi tu es formé et se rappellera que tu es poussière. Dis-lui sans tarder ta révolte, répands devant Lui ton cœur. Déclare-lui que tu ne comprends pas, que c'est trop, que tu n'en peux plus. Alors, déchargé, doucement, tendrement, irrésistiblement, dans Ses compassions infinies, Il t'attirera vers le Christ, Son Fils unique, ton Sauveur méconnu, qui prit sur Lui toute ta souffrance, tous tes péchés, toute ton iniquité. Sans bien comprendre ce qui se passe encore en toi tu te sentiras soulagé. Jésus, l'Homme de douleurs absorbera ta révolte et tes souffrances, te faisant la grâce de croire à son si grand amour qui te donne la vie éternelle.

Révolté, un salut pour vivre et non pas seulement pour mourir t'est offert gratuitement aujourd'hui ! Une vie merveilleuse est mise à ta portée. Saisis cette vie éternelle en répondant sans tarder à l'invitation suprême du Christ qui ne saurait mentir et qui dit :

Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau est léger. (Matthieu 11.28-30.)

Celui qui recherche premièrement le Royaume de Dieu et Sa justice, peut être certain de faire l'expérience que toutes les autres choses lui seront données par-dessus. (Matthieu 6.33.)

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant