Le jour éternel

III.
L’éternité des siècles à venir

L’Eternité ! C’est le mot qui est inscrit par la main de Dieu sur l’avenir des âmes sauvées et des âmes perdues. La honte des uns comme la gloire des autres est éternelle (Daniel 12.2-3), et de même que la justice répond à la honte, la grâce répond à la gloire. La réception de la bonne nouvelle touchant le Fils de Dieu est nécessairement accompagnée d’une récompense éternelle de joie, tout comme le refus de celle-là doit avoir pour conséquence la perdition éternelle de l’âme. Certes, si cette bonne nouvelle est réellement ce que l’on déclare qu’elle est, et s’il a fallu tant de dévouement pour produire les faits dont elle s’appuie, nous ne comprenons pas comment celui qui croit pourrait attendre moins qu’une bénédiction éternelle, et comment l’incrédulité ou la réjection d’une telle vérité pourrait avoir pour conséquence autre chose qu’un malheur éternel. Soit qu’elle témoigne pour nous ou qu’elle témoigne contre nous, selon que nous l’accepterons ou la repousserons, il nous est impossible de concevoir que cette vérité puisse être restreinte ou révocable dans ses conséquences.

L’on rencontre souvent dans l’Ecriture des mots et des figures qui, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, rendent témoignage à la vérité en ce qui regarde l’éternité bienheureuse des âges futurs. La foi reçoit ces expressions dans leur sens le plus simple, et ne saurait les admettre comme des exagérations. Si elle admet que la Bible contient les pensées de Dieu, c’est à la condition qu’elle contient aussi ses propres paroles. Dieu n’aurait jamais permis que ses pensées eussent été traduites par des paroles d’homme, en supposant même chez celui qui lui sert d’instrument une connaissance de tous les mystères. La foi reçoit donc comme vraies et comme étant divinement inspirées toutes les paroles de la Bible. Parmi ces paroles que la foi nous fait considérer comme vraies et certaines, il en est qui ont un caractère spécial comme ayant particulièrement rapport à la félicité éternelle, ou à « la consommation des siècles. » Dieu lui-même s’attribue une existence éternelle.

La foi nous le représente sous différents titres : « L’Eternel Dieu » (Deutéronome 33.27). « Le roi des siècles » (1 Timothée 1.17). « Il est le Dieu fort de siècle en siècle » (Psaumes 90.2). Il s’appelle « Jéhovah, je suis : » (Exode 3.14-15). « L’Eternel est roi à jamais et à perpétuité » (Psaumes 10.16). Il est d’âge en âge. Quant au Fils, il est dit qu’il est « le même ; hier, aujourd’hui et éternellement » (Hébreux 13.8) ; et c’est en parlant de lui que le Père dit : « O Dieu ! ton trône demeure au siècle des siècles » (Hébreux 1.8). L’Esprit est également appelé : « L’Esprit éternel » (Hébreux 9.14). Telle est la qualité que l’Ecriture attribue à Dieu, et en parlant ainsi de lui-même, il semble que Dieu ait voulu ajouter un degré de certitude à l’assurance que nous avons déjà touchant l’immutabilité et l’éternité des « siècles à venir. » L’esprit aime à s’entretenir de l’éternité de Dieu, à laquelle notre foi nous rattache. Un Dieu éternel suppose une éternité de bénédiction pour tous ceux qui lui appartiennent. Tous ces noms merveilleux ne signifient rien moins que cela. C’est dans cette précieuse confiance que l’homme croyant s’empare des paroles données au maître chantre, et que, considérant d’une part la fragile existence et la beauté éphémère des objets qui l’entourent, et de l’autre, la majesté des cieux ou l’infinie grandeur de l’Eternel, il peut s’écrier avec l’accent de l’allégresse : « Ils périront ; mais tu seras permanent, et eux tous vieilliront comme un vêtement : tu les changeras comme un habit et ils seront changés. Mais toi tu es toujours le même et tes ans ne seront jamais achevés (Psaumes 102.27-28).

La foi rappelle le souvenir d’une alliance éternelle (Ésaïe 55.3 ; Hébreux 13.20). Cette alliance nous renvoie bien loin dans les siècles passés, et nous fait pénétrer bien avant dans les siècles à venir. Elle parcourt en quelque sorte l’immense éternité, et y répand les bienfaits d’une grâce infinie. De même que l’atmosphère environne la terre et la fait produire, l’alliance environne l’Eglise, qu’elle protège et enrichit de sa bénédiction. Cette alliance, en proclamant la paix, nous a d’abord appris qu’il y avait pardon par devers Dieu, et nous avons vu comment elle répondait parfaitement aux besoins du pécheur. Nous avons reçu le témoignage de Dieu, et dès lors elle est devenue un lieu de repos pour nos esprits fatigués. Ayant ainsi pris pied sur la terre ferme, nous avons pu contempler autour de nous, si bien que notre ville de refuge nous est apparue dans sa plénitude. Nous nous sommes assurés de même qu’elle avait la grâce pour fondement. Nous avons compris que non seulement cette grâce parfaite et libre appartient à tous les enfants d’Adam, pourvu qu’ils veuillent la recevoir, mais qu’une grâce surabondante et souveraine s’exerce en faveur de ceux que le Père a donnés à Christ par un contrat éternel. Il a même fallu, pour qu’une telle grâce fût notre partage, qu’elle s’emparât elle-même de nos cœurs. Nous avons vu que le pardon, la paix et la joie sont autant de bienfaits que nous réalisons en vertu de cette alliance, non seulement dans cette vie, mais aussi dans la vie à venir. Nous avons vu que les termes de cette alliance ne pouvaient prendre fin ou être abrogés, car elle est éternelle. Nous avons vu qu’elle ne pouvait être révoquée, car elle est scellée par le sang et rendue ferme par la justice. Nous avons vu qu’elle était stable, réunissant toutes les conditions nécessaires pour nous faire participer, non seulement à la joie du matin, mais aussi a la gloire du jour éternel.

La foi nous montre le bras éternel (Deutéronome 33.27). Nous lisons Psaumes 89.13, que Dieu a « un bras puissant. » Il est parlé ailleurs du « bras de sa sainteté » (Psaumes 98.1), du « bras de sa gloire » (Ésaïe 63.12), de son « bras élevé « (Actes 13.17), de son « bras étendu » (Psaumes 136.12) ; or, ce qui paraît être spécialement le signe attributif de Dieu, c’est le « bras éternel, » ou bien encore les « bras éternels. » Tout en Lui est éternel. Ce bras divin qui se déploie sans cesse en notre faveur pour nous porter ou nous soutenir, pour nous délivrer ou nous embrasser, nous fera sentir ses douces étreintes pendant toute une éternité. C’est « sa main droite qui nous embrasse, et sa gauche est sous notre tête » (Cantique des cantiques 2.6). Se sentir ainsi dans les bras de l’éternel amour, c’est avoir tout ce que l’on peut désirer, c’est être pleinement assuré que dans les siècles à venir Dieu mettra le comble à notre bonheur. Qui est-ce qui nous séparera de l’amour du Père ? Qui est-ce qui nous ravira de ses mains ? Qui fut jamais capable de vaincre ou de lasser ce bras puissant qui nous entoure ? Déjà, lorsque nous commençons à goûter combien le Seigneur est doux, nous sentons la bonne main de Dieu se poser sur nous ; nous connaissons le prix de cet amour désintéressé dont la croix nous offre un si éclatant témoignage. C’est alors que la bienveillance divine rayonne autour de nous, et nous enceint comme une mère lorsqu’elle presse son enfant dans ses bras. C’est lorsque nous comprenons quel est le bon plaisir de Dieu en Christ, que nous sommes « environnés de bienveillance comme d’un bouclier » (Psaumes 5.12). Dès lors aussi, avec la force de Dieu, et appuyés sur sa grâce, nous pouvons vaincre notre propre incrédulité. « Pourquoi donc dirais-tu, ô Jacob, et pourquoi parlerais-tu ainsi, ô Israël : Mon état est caché à l’Eternel, et Dieu ne soutient plus mon droit ? Ne sais-tu pas, et n’as-tu pas entendu, que le Dieu d’éternité est l’Eternel, qui a créé les bornes de la terre ; il ne se lasse point et ne se travaille point, et il n’y a point de moyen de sonder son intelligence. » (Ésaïe 40.27-28)

La foi réalise l’Evangile éternel (Apocalypse 14.9). La foi nous fait voir « la bonne nouvelle » partout écrite dans la Parole de Dieu. Partout où il y a un message de la part de Dieu, il y a bonne nouvelle, car c’est l’expression de son amour, c’est comme une émanation de son cœur, qui est infiniment profond. Or, nous savons par expérience que l’âme qui se rend attentive à cette bonne nouvelle, ne peut qu’éprouver de la joie. L’Evangile est lui-même un flambeau qui éclaire notre sentier ici-bas, et chacune de ses promesses est comme un rayon lumineux répandu autour de nos tentes qui, autrement, seraient enveloppées de l’obscurité de la nuit. Mais cet Evangile que nous avons entendu n’est point limité au temps présent, car les choses excellentes dont il nous entretient, regardent l’éternité. Ce que nous avons ouï et cru n’est pas l’Evangile d’un siècle, mais de tous les siècles, « l’Evangile éternel ; » c’est l’Evangile des âges futurs, des siècles sans fin, aussi certainement que c’est l’Evangile des siècles passés.

Elle nous assure d’une « rédemption éternelle » (Hébreux 9.12). Par cette expression, Dieu nous donne l’assurance que nous n’aurons plus d’autre captivité à subir. L’Egypte et Babylone auront disparu pour toujours. Plus de maison de servitude, plus de terre d’exil ! Une seule rédemption nous suffit ; elle est complète, elle est éternelle, car elle est fondée sur un principe de justice. Elle n’a point perverti la justice ni éludé la loi. Elle a recherché les conditions de la justice, et y a satisfait. Elle a pourvu à toutes les exigences de la loi. Elle a donné vie pour vie, — la vie du juste pour la vie des injustes. C’est le Prince de la vie qui, par sa mort, nous a rachetés. Nous sommes rachetés par le sang, — le sang même de Dieu (Actes 20.28). La vie de Christ, sans sa mort, aurait été inutile au pécheur ! La conscience du coupable ne pouvait être nettoyée autrement que par le sang de Christ ; car tout péché demande une rançon, et la conscience du coupable ne peut trouver de repos qu’autant que cette rançon est payée. C’est donc par la mort et par le sang que nous sommes rachetés, et par ce moyen notre rédemption est assurée. C’est une restitution qui demeure ferme, ou un rachat dont les traits sont immortels et dont les joies rempliront l’éternité des cieux.

Elle a égard à un salut éternel (Hébreux 5.9). Dès le moment que nous consentons à ce que le Sauveur fasse son œuvre en nous, nous pouvons nous considérer comme sauvés. C’est lui qui nous a retirés de notre état de ruine et de perdition. « Il étendit sa main d’en haut, il m’enleva et me tira des grosses eaux » (Psaumes 18.16). En opérant une œuvre nouvelle en nous, Dieu a voulu qu’elle fût progressive et permanente. Par la manière même dont il l’accomplit, elle doit être stable et toujours efficace. Or, celui qui a commencé cette bonne œuvre en nous, daigne nous donner l’assurance qu’il « l’achèvera jusqu’à la journée de Jésus-Christ » (Philippiens 1.6). Il nous sauve donc d’un salut qui n’admet pas même la possibilité de le perdre. Ce n’est pas seulement que Dieu accomplit son œuvre jusqu’à la journée de Jésus-Christ, mais dans la suite des âges, et jusqu’aux siècles des siècles. L’œuvre du rocher est parfaite. Elle subsistera toujours. C’est bien ainsi d’ailleurs que nous devons prendre les paroles de l’Apôtre dans le passage précité ; car une fois arrivés sur les frontières du royaume, « en la journée de Jésus-Christ, » il est évident que nous sommes en sûreté pour un temps éternel. L’Esprit de Dieu nous assure intérieurement que nous sommes sauvés d’un « salut éternel ; » en sorte que, quels que soient les combats, les tristesses, les ennemis et les pièges qui se mettent en travers sur notre chemin, notre salut n’en est pas moins assuré pour l’éternité. Car « Il peut sauver pour toujours ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder pour eux » (Hébreux 7.25). Il est écrit dans les Prophètes : « Israël a été sauvé par l’Eternel d’un salut éternel ; vous ne serez point honteux, et vous ne serez point confus : à jamais » (Ésaïe 45.17). Avoir été « élus dès le commencement pour le salut » (2 Thessaloniciens 2.13), et être ainsi sauvés éternellement, n’est-ce pas le sujet d’une grande joie ? Quelle satisfaction, quel repos pour le cœur qui se pénètre de cette pensée ! Un tel espoir émousse l’aiguillon de l’épreuve, il allège notre fardeau. Comment pourrions-nous succomber sous le poids de l’affliction, ou perdre courage au jour de la détresse, nous qui « sommes rendus participants d’un salut éternel ? »

Elle nous montre le dessein que Dieu a formé de toute éternité (Éphésiens 3.11). Ce dessein du Dieu seul sage est cette chaîne des temps qui nous lie à Dieu d’une manière inséparable. Quel dessein que celui-là ! Ce que Dieu avait résolu dans son conseil éternel, il l’a aussi exécuté. Rien ne pouvait modifier ses intentions à notre égard. C’est encore ici le sujet d’une véritable consolation pour nous, qui sommes si inconstants et si changeants. Dès les siècles Dieu avait arrêté en Lui-même de nous sauver et de nous bénir. De tout temps il s’est occupé de nous, et il continuera à s’occuper de nous dans les siècles à venir. Ce n’est pas une faveur ordinaire que nous soyons ainsi les objets d’un tel dessein. « Nous ayant élus en Lui avant la fondation du monde » (Éphésiens 1.4), il ne lâchera pas prise sur nous dans les siècles à venir. « Le bon plaisir de sa volonté » est de nous aimer éternellement, et il se révèle à nous comme un arc-en-ciel rayonnant de beauté et de joie, ou comme le gage certain d’une félicité éternelle.

Elle nous rappelle le jugement éternel. (Hébreux 6.2) Ayant accepté Jésus-Christ comme notre substitut et notre avocat, nous avons confiance pour le jour du jugement où nous comparaîtrons devant le siège judicial de Christ. La foi étant une « représentation des choses que l’on espère, » rapproche de notre esprit les scènes de l’avenir, et nous fait compter d’avance sur l’acquittement de toutes nos dettes. Strictement parlant, le jugement ne sera définitif qu’à la journée de Jésus-Christ, d’où il suit que notre justification par la foi n’est qu’un jugement anticipé. La foi s’appuyant sur les paroles mêmes de Dieu, nous dit que nous serons justifiés par le juste Juge au jour de son apparition. Le terrain sur lequel nous sommes placés est si ferme, la déclaration en décharge pour tous ceux qui se confient en Dieu est si formelle, que nous sommes aussi certains de notre justification que si la sentence avait déjà eu son effet. Ainsi, bien que le fait de notre justification ne doive s’accomplir qu’en dehors des limites qui sont connues par le temps, cependant la foi nous apprend à dire actuellement : « Je suis justifié, » comme elle nous rend capables de dire : « Je suis sauvé. » Ce jugement que la foi nous fait contempler avec joie par l’assurance qu’elle nous donne auprès de Dieu (car il n’y a plus de condamnation pour ceux qui ont en Jésus-Christ), est un jugement final et irrévocable. Il est sans appel, c’est-à-dire que notre cause ne peut être portée devant une plus haute cour de justice. C’est donc un jugement éternel, et un jugement dont les décisions et ordonnances déterminent notre condition dans tous les âges à venir. Il y a une grande consolation dans la pensée du jugement éternel. Etre justifiés pour toujours ! Etre absous de toutes nos offenses et pour jamais ! Etre ainsi légalement acquittés, et rétablis dans la faveur du Juge d’une manière irrévocable, si bien que nous ne pourrons jamais être recherchés ou poursuivis ni par la loi ni par la justice ; — telle est l’assurance qu’Adam lui-même ne pouvait avoir avant sa chute. — Notre pleine justification sera une source de jouissances plus grandes que toutes celles que pourrait goûter une créature dans son état d’innocence. Ce « jugement, » étant « éternel, » sera effectif pour tous les âges, c’est-à-dire qu’il nous met à l’abri de toute condamnation.

Elle réalise la vérité éternelle (2 Jean 1.1-4). Ce sont de précieuses paroles que celles-ci : « A cause de la vérité qui demeure en nous, et qui sera avec nous à jamais. » On ne cherchera plus, on ne tâtonnera plus après la vérité, mais on la possédera dans toute sa plénitude. Si c’est une bonne chose que « d’avoir l’amour de la vérité, » il vaut encore mieux en avoir la possession, et cela pour toujours. La connaissance que nous avons de la vérité, tout imparfaite qu’elle est, nous rend déjà libres (Jean 8.32) ; un accroissement de liberté, tel qu’on ne peut le concevoir, sera le résultat de cette connaissance rendue parfaite. La vérité est toujours accompagnée dans l’âme de celui qui la reçoit d’une paix indicible. Or, de quelle paix inexprimablement profonde serons-nous inondés lorsque notre foi aura atteint la mesure de la vérité que nous posséderons. Ce sera la vérité complète, dégagée de toute erreur et de tout mensonge, ayant pour centre même Celui qui est la vérité. Etant enracinés dans la vérité, entourés par la vérité, et possédant cette vérité au dedans de nous, nous verrons toute la différence qu’il y a entre les progrès tant vantés de notre siècle actuel et la lumière de la parfaite vérité dans les siècles à venir.

10° Elle nous représente la justice éternelle (Psaumes 112.9 ; Daniel 9.24). L’âme s’appuie sur la justice comme sur un rocher ; elle s’en couvre comme d’un vêtement ; la justice lui sert de protection comme d’une cuirasse (Éphésiens 6.14). Il n’y a rien qui soit stable comme la justice. Il n’y a ni siècles, ni puissances qui puissent la changer ou l’affaiblir. La justice de Jéhovah est éternelle, parce qu’il ne peut cesser d’être « le Dieu juste qui aime la justice. » Cette justice éternelle devient notre partage à cause de la foi qui nous identifie avec Celui qui est appelé « l’Eternel notre justice. » Lorsque Dieu donne à Israël un témoignage assuré, un titre en vertu duquel ils doivent obtenir désormais l’héritage de telle sorte qu’ils ne pourront plus le perdre, il dit : « C’est ici l’héritage des serviteurs du Seigneur et leur justice de par moi, dit l’Eternel » (Ésaïe 54.17). Nous obtenons la justice seulement quand nous voulons l’accepter aux conditions que Dieu impose, c’est-à-dire sans aucun mérite de notre part ; et cette justice n’est pas garantie seulement pour nos personnes, mais aussi pour notre héritage pendant les siècles éternels. Dieu a fait un pacte avec nous ; sa justice étant la nôtre, il s’ensuit que notre union est indissoluble ; par la même raison nous sommes unis à l’héritage d’une manière inséparable. Tout ce qui peut être compris dans ce mot « héritage » devient ainsi notre portion à toujours, — la joie au dedans aussi bien que la gloire au dehors ; — car « la paix sera l’effet de la justice et le labourage de la justice sera le repos et la sûreté jusqu’à jamais » (Ésaïe 32.17).

11° Elle embrasse la miséricorde éternelle (Psaumes 103.17 ; 136.1). La miséricorde de Dieu, telle qu’elle a paru sur la croix, ne peut qu’être abondante ; et nous le reconnaissons aussi dans notre expérience de tous les jours. C’est « sa grande miséricorde » selon que s’exprime l’apôtre (1 Pierre 1.3). Le don de Dieu dans son Fils ne pouvait pas signifier moins que cela, et moins que cela eût été insuffisant pour notre salut. Mais nous avons besoin d’être assurés que cette grande miséricorde ne peut pas cesser de s’exercer en notre faveur. Non seulement il est nécessaire que nous puissions dire : « Louez l’Eternel, car il est bon ; » mais il faut bien pouvoir ajouter : « Car sa miséricorde dure éternellement. »

Elle est ce qu’elle continuera d’être, aussi abondante que le jour où nous avons été pris pour le Seigneur. Le cœur éprouve une bien grande satisfaction à la pensée que la miséricorde coule à pleins bords et que rien dans cette vie ni dans l’autre ne saurait l’épuiser. Toutes nos espérances, toutes nos joies, toutes nos consolations sont associées à cette miséricorde ; et s’il fallait penser que dans les siècles à venir elle pût être altérée ou remplacée par quelque autre chose, une telle supposition serait capable d’ébranler notre confiance et donnerait lieu à des conjectures pénibles touchant notre future existence. Mais l’assurance d’une miséricorde éternelle « écarte toutes les difficultés et dissipe toutes nos craintes à cet égard. » C’est avec le Dieu de miséricorde que nous avons à faire maintenant et éternellement. Le même Dieu, qui a eu compassion de nous lorsque nous étions dans nos péchés, tellement qu’il nous les a tous pardonnes, nous couvrira de son aile miséricordieuse pendant toute l’éternité. Nos cœurs furent d’abord attirés par les cordeaux de sa miséricorde, et nous avons compris que toutes les meilleures pensées que nous pouvons concevoir, tous les sentiments agréables que nous avons de lui, tandis que nous sommes encore ici-bas, nous sont inspirés par cette miséricorde infinie. Ainsi, dans les âges futurs, la miséricorde se déploiera aux regards de tous ceux qui en furent les objets, c’est-à-dire que le Roi des siècles éternels ne cessera pas de se manifester à nous comme le Dieu qui nous a retirés d’un profond abîme et « hors d’un bourbier fangeux. »

12° Elle nous démontre la sainteté éternelle. « Que celui qui est saint se sanctifie encore, » c’est-à-dire qu’il soit éternellement saint (Apocalypse 22.11). Eternellement saint ! Telle est l’assurance que nous donne Celui qui est fidèle et véritable. Ayant cru au témoignage que Dieu a rendu de son Fils, nous avons été aspergés du sang de la croix. Dès lors nous sommes devenus « saints, » nous avons été « sanctifiés » ou mis à part pour Dieu. Dans l’acte de consécration, Dieu a eu égard à ce précieux sang et non point à aucun mérite de notre part. Toutes les objections qui auraient pu s’élever contre nous sur la raison de notre démérite ou indignité, sont anéanties par cette éclatante démonstration de l’amour de Dieu. La croix, voilà ce que Dieu regarde après nous avoir considérés en nous-mêmes. De là, il nous consacre selon le dessein qu’il avait arrêté en lui-même par Jésus-Christ. Le sang a renversé tous les obstacles qui pouvaient se trouver du côté de Dieu, et la vue de ce même précieux sang a dissipé toutes nos difficultés et toutes nos craintes. Ces obstacles ne pourront jamais plus s’élever entre nous et Dieu ; ces craintes ne pourront jamais plus nous assaillir. Ce qui les a fait disparaître une fois, les a fait disparaître pour toujours. Notre consécration durera sans fin. Ce n’est pas seulement par un acte extérieur que nous avons été consacrés ou mis à part, mais nous sommes sanctifiés intérieurement ; car « Dieu nous avait élus en Christ avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant lui en charité (Éphésiens 1.4). « Le nouvel homme se renouvelle de jour en jour. » Toutes choses contribuent à cette œuvre de purification. « Toutes choses concourent ensemble à notre bien. » L’affliction, par exemple, tend à nous perfectionner ; c’est le moyen par lequel Dieu nous rend « participants de sa sainteté » (Hébreux 12.10) Mais lorsque, au matin de la résurrection, nous prendrons nos habits d’immortalité, ce sera la sainteté dans toute sa plénitude, au dedans et au dehors. Quoi qu’il en soit, nous sommes dès à présent des « Elus de Dieu, saints et bien-aimés » (Colossiens 3.12), « frères saints » (Hébreux 3.1). Nous porterons toujours cette marque de distinction ; car « bienheureux et saint celui qui a part à la première résurrection » (Apocalypse 20.6). « Dieu nous a appelés par une sainte vocation ; » car « comme, celui qui nous a appelés est saint, » il faut que nous soyons en odeur de sainteté (2 Timothée 1.9 ; 1 Pierre.1.15). Or, notre vocation ne perdra jamais ce caractère. Nous avons part à la « sainte alliance » (Luc 1.72), et nous savons que Dieu ne manquera jamais à son alliance ; « car l’Eternel aime ce qui est juste, et il n’abandonne point ses bien-aimés ; c’est pourquoi ils sont gardés à jamais » (Psaumes 37.28) ; la mort même de ses bien-aimés lui est précieuse (Psaumes 116.15). Aussi le jour où le Seigneur quittera le trône de son Père, « il viendra pour être glorifié dans ses saints et pour être rendu admirable dans tous ceux qui croient. » C’est en leur qualité de saints qu’ils posséderont « l’héritage qui ne se peut souiller, « ainsi qu’il est appelé encore : « l’héritage des saints dans la lumière » (1 Pierre 1.4 ; Colossiens 1.12). Ce sont « les saints du Souverain qui recevront le royaume et le posséderont jusqu’au siècle, et aux siècles des siècles » (Daniel 7.18). Ce sont les saints qui forment « la maison de Dieu, » le « tabernacle de Dieu en esprit » (1 Corinthiens 6.10 ; Éphésiens 2.19) ; or, « la sainteté a orné sa maison pour une longue durée » (Psaumes 93.5). Et il est certain que celui qui a déjà fait sa demeure en nous, ne songera pas à quitter l’habitation de son choix après l’avoir ainsi ornée.

Ainsi, tous ces différents point de vue que la foi réalise, sont des aspects de l’éternité. C’est là que se rapportent toutes les promesses de l’Evangile ; c’est là qu’aboutissent toutes les espérances chrétiennes. Sur chaque pardon que nous recevons est inscrit le mot d’éternité. Chacun des bienfaits de Dieu nous parle de l’éternité. Notre communion de tous les instants avec le Seigneur se rattache par son principe à une communion éternelle ; car le grand Dieu auquel nous avons à faire est éternel. Le Fils dont la justice nous met à couvert, est le même hier, aujourd’hui et éternellement. Le Saint-Esprit est « l’Esprit éternel. » Il n’est pas une parole, une pensée, une promesse, une espérance, une joie qui ne nous mette en relation avec l’éternité.

Nous sentant ainsi en présence de l’éternité, notre esprit s’élève au-dessus du monde visible. Nous avons honte de tout ce qui rabaisse la pensée en nous aussi bien que chez les autres qui sont participants de la même espérance. Une vue bornée par les intérêts ou les choses du présent ne peut nous satisfaire. Le cœur a besoin de sortir de cette prison étroite, et Dieu veut qu’il s’étende davantage dans le domaine de l’invisible pour le libre et plein développement de nos facultés spirituelles. Déjà, les abords de l’éternité le sortent de ses limites ordinaires, et au lieu de suivre languissamment les voies routinières de l’homme terrestre, il recherche d’autres intérêts qu’il sait être infiniment précieux, et également chers au cœur de Dieu, et des intérêts qui correspondent admirablement aux merveilles des siècles à venir. C’est ainsi encore que, s’oubliant lui-même dans sa joie et dans sa douleur, il apprend à s’occuper davantage de celles des autres.

Au reste, ce n’est pas seulement une éternité qui doit occuper nos pensées, mais des milliers d’autres comme la nôtre, car il y a autant d’éternités qu’il y a de rachetés. Quels sujets de profonde méditation, et qu’il est peu raisonnable de se préoccuper toujours de ses propres angoisses, de se décourager comme ceux qui sont sans Dieu et sans espérance dans ce monde ! Maintenant que le bandeau a été ôté de nos yeux, il faut que nous transportions nos regards sur ces hauteurs des siècles éternels. Laissons derrière nous tout ce qui est corruptible et passager pour ne plus voir que l’incorruptible, ou si nous devons regarder aux choses visibles et temporelles, que ce soit à la lumière des choses qui sont invisibles et éternelles !

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