Méditations sur la Genèse

XLVIII
Joseph, Type de Jésus-Christ

Genèse ch. 38 (Actes 7.9-14)

L’histoire de Joseph, depuis le jour où il fut vendu par ses frères jusqu’à celui où, devenu le premier personnage de l’Egypte, il fit venir sa famille auprès de lui, est émouvante entre toutes. Quelles profondeurs de souffrance, quelles délivrances merveilleuses et quelles pures joies réunies dans la vie d’un seul homme ! Mais cette histoire paraît plus étonnante encore, quand on la considère à la lumière du Nouveau Testament et qu’on la compare avec celle du Sauveur. A chaque pas éclate une ressemblance nouvelle entre Joseph et Jésus. Etienne, rendant témoignage devant le Sanhédrin, rappelle aux Juifs l’histoire de Joseph et leur fait remarquer comment lui aussi a été rejeté par ses propres frères, mais ensuite relevé par Dieu lui-même. Poursuivons sa pensée en envisageant Joseph comme type de notre Sauveur.

I

« Les patriarches, dit Etienne, jaloux de Joseph, le vendirent pour l’Egypte. » Ils étaient jaloux parce qu’il blâmait leur conduite, qu’il était le préféré de son père, et qu’il leur avait annoncé sa grandeur future. — Les Juifs aussi sont pleins d’envie et de haine contre Jésus. Pilate sait bien qu’ils le lui ont livré « par envie ». Leur inimitié a trois causes : il leur a dévoilé sans ménagements leurs fautes ; toute sa vie révèle en lui le Fils bien-aimé et préféré du Père céleste ; il leur a annoncé sa gloire future de Chef du royaume des cieux.

Les fils de Jacob en veulent à la vie de leur frère ; mais, n’osant le tuer, ils le vendent à des païens. — Les Juifs font de même avec Jésus. Ils cherchent à le faire mourir, mais ils n’exécutent pas eux-mêmes le meurtre. Comme Joseph, Jésus est vendu pour quelques pièces d’argent et livré aux païens par ses frères.

Joseph, innocent, est accusé et mis en prison par les païens. Nul ne prend sa défense, et il subit en silence le sort qui le frappe. Dans son abaissement, il se trouve entre deux condamnés, et il annonce à l’un sa libération, à l’autre sa mort. — Jésus, livré aux Gentils, injustement accusé, condamné par un juge païen, ne trouve point de défenseur, et souffre comme une brebis muette. Il a deux compagnons de supplice, et il promet à l’un le paradis, tandis qu’il laisse mourir l’autre dans son impénitence.

« Dieu fut avec Joseph, et il le délivra de toutes ses peines, » dit Etienne. Après trois ans, il est tiré de la prison et de l’oubli ; purifié par l’épreuve, il obtient des honneurs royaux ; Pharaon seul est plus que lui en Egypte. Il devient le sauveur de ce pays païen ; c’est à lui que le roi ordonne de s’adresser, et chacun doit plier le genou devant lui. — Christ, après trois jours passés dans l’obscurité de la mort, ressuscite, entre dans la lumière de la vie éternelle, est couronné de gloire et d’honneur ; Dieu l’établit Chef de l’Eglise et lui soumet toutes les créatures ; il trône à la droite du Père et ne cesse pas cependant, comme homme, de lui être subordonné. Il est, dit l’apôtre (1 Timothée 3.16), « prêché aux Gentils, cru dans le monde », reconnu parmi les païens pour le Rédempteur ; c’est à lui que Dieu adresse quiconque veut être sauvé, et le jour viendra où devant lui tous les genoux se ploieront et où toute langue confessera qu’il est le Seigneur à la gloire de Dieu le Père !

« Il survint une famine ; et la détresse était grande ». Poussés par la nécessité, les frères de Joseph se rendent en Egypte. Pendant un temps ils ne reconnaissent pas leur frère, maintenant si haut placé, tandis que lui les reconnaît. Enfin, il se fait connaître et leur pardonne leur crime. Il fait venir toute sa famille et lui assigne un fertile territoire en Goscen. — Ces derniers traits du type, sur lesquels Etienne insiste spécialement, nous font pressentir des événements qui appartiennent encore à l’avenir. Les frères de Joseph, les Juifs, souffrent déjà de la disette spirituelle ; mais il faut qu’elle devienne plus pressante encore ; la grande tribulation, annoncée par le Seigneur dans l’Evangile et dans l’Apocalypse, frappera tout particulièrement le peuple juif. C’est cette affliction qui les amènera à Jésus-Christ, qu’il méconnaissent encore. Quand leur détresse sera à son comble, il se révélera à eux ; et lorsqu’ils auront reconnu leur faute, il leur fera grâce et les assurera de son amour. Il n’aura pas honte des siens ; il les rétablira comme peuple de Dieu, les réunira autour de lui, et leur assignera l’héritage que Dieu a, de tout temps, promis à leurs pères.

II

En face de cette merveilleuse conformité de la vie de Joseph et de celle de Jésus, on peut affirmer que, s’il y a quelque part dans l’Ecriture un type de Christ, c’est bien ici. D’autres, sans doute, sont aussi des types du Sauveur : Adam, comme chef de l’humanité ; Abel, par l’acceptation de son sacrifice et l’effusion de son sang innocent ; Hénoc, par sa prophétie du jugement et par son enlèvement ; Noé, lorsqu’il bâtit l’arche — ce type de l’Eglise — pour sauver les siens ; Isaac, enfin, quand il porte lui-même le bois du sacrifice et se laisse lier et mettre à mort, pour obéir à son père, mais le type ne ressort, en chacun d’eux, que sur un point ou sous un côté particulier. Dans la vie de Joseph, au contraire, ne se reflète pas seulement un côté de l’œuvre de Christ, mais d’abord l’état d’abaissement, puis l’état de gloire du Sauveur, dans leur ensemble et leurs détails. Comme l’Esprit de Christ a fait connaître à l’avance, par les paroles qu’il inspirait aux prophètes, les souffrances du Christ et la gloire dont elles seraient suivies, Dieu a voulu aussi, dans la vie de ce Joseph sur qui reposait son Esprit, annoncer par les faits les souffrances que le véritable Oint de Dieu devait traverser pour entrer dans sa gloire.

Chercher dans les écrits de l’ancienne alliance des types du Sauveur, n’est pas un simple jeu d’esprit. Comme le dit l’épître aux Hébreux (Hébreux 2.10-12), il y a au-dessus de tous un même Dieu et Père ; la même divine sagesse qui a fait du Fils unique notre parfait Sacrificateur et Roi, a conduit par des expériences toutes pareilles aux siennes et par là purifié et préparé pour une activité bénie les hommes de Dieu aux siècles passés. C’est la trace de cette éternelle sagesse que nous recherchons dans l’Ancien Testament. Chez les hommes de Dieu — Joseph, Moïse, David, Elie et tant d’autres — nous reconnaissons des précurseurs de Jésus-Christ, comme nous vénérons également dans les saints de la nouvelle alliance ses successeurs et ses imitateurs. Jésus est l’Oint par excellence, mais d’autres ont été oints avant lui. Son nom de « Christ » le signale comme celui en qui sont accomplis les types apparus dans les prophètes, les sacrificateurs et les rois. Nous aimons à le retrouver dans ces types ; et quand nous le rencontrons dans l’Ancien Testament, nous nous écrions comme l’épouse du Cantique : « J’ai trouvé celui qu’aime mon âme ! » (Cantique des cantiques 3.4).

Jésus enfant, grandissant à Nazareth ou assis aux pieds des docteurs, trouvait l’aliment et la joie de son âme dans les récits de l’Ancien Testament. Peu à peu se révéla à lui la volonté du Père et la nécessité pour lui de souffrir, et l’Esprit de Dieu rattacha cette révélation aux prophéties et aux types de l’Ecriture. Jésus se laissa rejeter des siens, livrer aux méchants ; il prit la coupe que le Père lui tendait, « afin que l’Ecriture fut accomplie ». La Parole de Dieu le fortifia dans son agonie ; il puisa dans ses œuvres anciennes et aussi dans l’exemple de Joseph le courage et la force d’offrir le grand sacrifice. Dans la souffrance de Joseph, il reconnut sa propre souffrance, et dans son élévation, qui fit de lui le bienfaiteur des païens et de toute la maison d’Israël, l’image de la position glorieuse que le Père lui réservait en récompense.

III

Etienne présente les souffrances et l’élévation de Joseph comme un témoignage contre les Juifs. Et quel événement de l’histoire sainte serait plus propre en effet à leur ouvrir les yeux sur ce qu’ils ont dans leur aveuglement fait à leur Sauveur et à leur Roi ! Jusqu’à ce jour ils se heurtent au scandale de la croix ; ils ne peuvent comprendre un Messie souffrant et abandonné de Dieu. Mais Joseph n’a-t-il pas passé par là ? Il était cependant l’élu de Dieu, le futur sauveur des siens ; c’est devant sa gerbe que celles de ses frères devaient un jour s’incliner, devant lui que le soleil, la lune et les étoiles devaient se prosterner.

L’une des principales pierres d’achoppement, pour les Juifs, c’est que l’Evangile abolit leurs privilèges en ouvrant aux Gentils les portes du royaume de Dieu. Mais qu’ils considèrent Joseph, sauvant d’abord un peuple païen, pendant que ses frères sont encore dans la peine, ne savent même pas ce qu’il est devenu, et le disent mort alors qu’il est vivant. Il en est de même à cette heure des Juifs ; ils ne savent pas où Jésus est allé ; ils le prétendent mort, et il est ressuscité, et il vit à la droite de Dieu ! Les frères de Joseph étaient tout près de lui et ne le reconnaissaient pas ; Jésus n’est pas loin des Juifs ; il se présente à eux dans l’Ecriture, mais ils ne le reconnaissent pas. Lui les connaît et les considère ; son cœur les aime comme ses frères, et le temps viendra où il le leur montrera.

IV

L’histoire prophétique de Joseph est aussi un témoignage contre la chrétienté. En jouissant des bienfaits du Christ, nous avons oublié qu’il ne nous appartient pas à nous seuls, et que l’alliance de Dieu avec Israël n’est pas abolie pour toujours. Mais Joseph n’a pas renié ses frères. Bien qu’ils le méconnaissent, il éprouve pour eux une compassion particulière. Il les traite sévèrement, il ne répond pas à leurs prières, mais il a pitié d’eux. Christ a pour les Juifs les mêmes sentiments que saint Paul (Romains 11.28). Il n’a pas désespéré d’eux au moment où ils le rejetaient, et il leur réserve un meilleur avenir. Il les conserve miraculeusement, comme Joseph faisait vivre ses frères, qui recevaient de lui le blé dans la disette, sans savoir qui il était. Christ n’a pas oublié ce que Dieu a promis à leurs pères, qu’ils seraient une bénédiction pour toute la terre, un peuple saint, un royaume de prêtres. Ils posséderont Canaan et Jérusalem à toujours. Quand ils seraient dispersés aux bouts de la terre, la main de Dieu les en ramènera (Deutéronome 30.1-10). Tout cela est en rapport avec le retour de Christ. Ses dernières paroles au Sanhédrin ont été : « Vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de Dieu et venant sur les nuées du ciel. » En quittant le temple, il avait dit aux Juifs : « Vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Matthieu 26.64 ; 23.39). Il parlait du grand jour où, le voyant dans sa gloire, ils le reconnaîtrai et le salueront comme leur Roi-Messie.

Auparavant, il faut qu’ils passent par la tribulation. Elles commencé pour eux avec la ruine de Jérusalem, mais elle n’atteindra son apogée que dans les derniers temps ; l’Antéchrist ne persécutera pas seulement les chrétiensa, mais aussi les Juifs fidèles, qui refuseront d’abandonner le Dieu de leurs pères et de se prosterner devant l’homme de péché. Mais au comble de leur détresse, Jésus-Christ se fera connaître à eux et interviendra pour les sauver par sa puissance glorieuse. C’est là le grand événement prédit par le prophète Zacharie (Zacharie 12.10 ; 13.1). Ce mystère est préfiguré dans la reconnaissance de Joseph et de ses frères, à laquelle nul étranger n’assista ; ce n’est que de loin que les gens de Pharaon furent témoins de ce qui se passait. Heureux, s’il nous est accordé de contempler, même de loin, ce qui se passera alors entre Christ et les Israélites. « Alors, dit Etienne, Pharaon sut quelle était l’origine de Joseph. » Les chrétiens de la gentilité, témoins de ce miracle d’amour, reconnaîtront — ce qu’ils ont si longtemps oublié, en paroles et en actes — que les Juifs sont dans un sens tout spécial le peuple de Dieu et les membres de la famille de Jésus-Christ.

a – On notera derechef que, quoique membre de l’église néo-apostolique, issue elle-même de l’église irvingienne, Thiersch n’enseigne pas que les chrétiens échapperont à la grande persécution organisée par le dernier antéchrist. (ThéoTEX)

Joseph assigne à sa famille d’agréables demeures en Goscen. Les Juifs convertis à Christ resteront en possession de la Terre-Sainte. Elle redeviendra un pays béni, où couleront le lait et le miel. La ville du grand roi et le temple de l’Eternel seront rebâtis, et de ce lieu les Juifs s’en iront accomplir leur mission et répandre, pendant le règne de mille ans, le salut de Dieu chez les peuples païens qui resteront encore sur la terre.

Mais notre patrie, ce n’est pas la Jérusalem terrestre, c’est la Jérusalem de là-haut. Là est le séjour que Jésus prépare à ceux qui dès maintenant le reconnaissent, croient en lui, vivent pour lui et aiment son avènement.

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